Discours du Président de la Républiqueà l'occasion du forum économique franco-sud-africain Pretoria, Afrique du Sud.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du forum économique franco-sud-africain.

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Prétoria, Afrique du Sud, le vendredi 26 juin 1998

Monsieur le Vice-Président,

Messieurs les Ministres,

" Distinguished Guests ",

Mes chers amis,

Un mot d'abord, Monsieur le Président, vous avez tout à l'heure évoqué l'équipe, la brillante équipe d'Afrique du Sud, et je voudrais profiter de cette occasion pour la féliciter, car elle s'est comportée avec beaucoup de qualité. C'est une belle équipe courageuse et dynamique, et je voudrais vous dire que j'ai discuté avec l'un des responsables de l'équipe d'Afrique du Sud qui m'a dit très gentiment : " vous savez Monsieur CHIRAC, nous savions que vous alliez faire votre premier voyage officiel en Afrique du Sud, alors nous n'avons pas voulu être désagréables avec vous, nous avons avons voulu agir avec élégance ", et voilà l'une des explications du résultat favorable de la France. En tous les cas, je vous demande de transmettre à cette équipe mes sentiments d'estime et d'amitié.

C'est avec beaucoup de plaisir, bien sûr, que je m'exprime devant vous, aujourd'hui, sur le thème d'un "nouveau partenariat franco-sud-africain".

Ce sujet me tient beaucoup à coeur. Nous l'avions déjà évoqué avec le Président MANDELA, à plusieurs reprises notamment, de façon approfondie, il y a deux ans, quand il était venu à Paris, et nous l’avons à nouveau abordé ce matin lors de nos entretiens. C'est un sujet que j'avais évoqué avec Monsieur le vice-Président MBEKI, à plusieurs reprises également, et encore tout récemment lorsqu'il s'est rendu à Paris, et je me réjouis que le dialogue entre nos deux pays se soit au fil des ans, au fil des mois, largement intensifié. Nous avons créé ensemble un "Forum de dialogue politique" -le ministre français des Affaires étrangères a signé l'accord avec son homologue sud-africain- il y a quelques mois, et là nos experts se rencontrent pour analyser des problèmes d'intérêt commun. Cette structure d'échange et de dialogue était tout à fait nécessaire, car il y a eu longtemps comme une sorte de méconnaissance entre la France et l'Afrique du Sud, méconnaissance qui a une origine historique naturellement et qui pourrait créer des malentendus qu'il fallait clarifier. C'est ce qui est engagé, et je voudrais que nous ayons un "Forum économique" régulier, comme nous avons un forum politique, et là encore, les débats entre les représentants de la communauté d'affaires de nos deux pays sont fructueux et répondent à un véritable besoin réciproque.

Vous avez bien voulu nous dire qu'elles étaient vos conclusions, mais nous n'en sommes qu'au début d'un processus et je suis convaincu, comme l'a évoqué M. PERIGOT, qu'il existe un très grand potentiel de développement pour ce partenariat, et cette conviction j'aimerais vous la faire partager autour de quelques questions : pourquoi la France peut elle constituer pour l'Afrique du Sud un partenaire économique privilégié ? Quel est l'intérêt que nous portons au continent africain en général et à l'Afrique du Sud en particulier ? Comment la France voit-elle l'avenir de votre pays et nos possibilités de coopération ?




Je voudrais tout d’abord vous parler de la France. D’une France encore, je le disais tous à l'heure, trop souvent méconnue en Afrique du Sud et d'ailleurs généralement en Afrique australe. D’une France qui sait se battre et qui sait gagner, et pas seulement sur un terrain de football. D’une France qui veut aussi prendre une part du développement de l'Afrique australe.

Mon pays souffre parfois d’un déficit d’image dans cette partie de l'Afrique. Sa modernité, sa force, ses savoir-faire ne sont pas toujours connus et les clichés, trop souvent véhiculés, ne donnent pas une image exacte de la France d’aujourd’hui.

La France, c’est d’abord un pays moderne et dynamique dont la réussite économique repose sur ses entreprises petites, moyennes, grandes, ses sociétés de service, ses banques, ses compagnies d’assurance. Des entreprises qui sont innovantes et compétitives. Largement internationalisées, elles sont des partenaires fiables et solides. Leur nombreuse présence aujourd’hui parmi nous témoigne de leur vitalité et de leur désir de nouer avec vous, entrepreneurs sud-africains, une relation de confiance.

La force de la France c’est la qualité de ses infrastructures, la vigueur de sa technologie et de son éducation scientifique, l’importance de sa recherche et la densité de son réseau de télécommunications, l'un des premiers du monde.

Mais c’est aussi et d’abord la qualité de ses hommes et de ses femmes. Et c’est la principale richesse de la France. Une richesse qu’il nous faut encore faire croître dans un monde où l’intelligence et les savoir-faire sont plus que jamais les conditions du succès.

Il n’est donc pas étonnant que la France soit le troisième pays d’accueil des investissements internationaux après les Etats-Unis et la Chine. Les entreprises sud-africaines, en grand nombre, figurent dans la liste de ces investisseurs. De grandes sociétés comme Néthold ou Vendôme se sont installées dans mon pays à côté de petites ou de moyennes entreprises.

La France, c’est aussi une volonté, celle de s’ouvrir toujours davantage sur le monde. Le protectionnisme frileux est évidemment dépassé. La liberté des échanges bénéficie à nos peuples pour autant que soient respectées les règles agréées par tous au sein de l’Organisation mondiale du commerce.

Cette ouverture sur le monde se traduit clairement dans la réalité des chiffres. Quatrième exportateur mondial, et même second dans le secteur des services ou dans celui des produits agricoles et alimentaires, la France est aussi le quatrième importateur mondial. Il y a donc des chances à saisir pour vous, entrepreneurs sud-africains.

Mais aujourd’hui un pays, quel qu’il soit, ne peut plus se reposer sur ses acquis. Il doit être à l’écoute du monde. C’est parce que le monde bouge et se transforme que la France doit s’adapter, qu’elle doit se réformer en permanence pour garantir ses positions, réduire un chômage encore bien trop élevé, en un mot pour assurer son avenir.

Et telle est mon ambition : construire une France capable de conserver le meilleur d’elle-même tout en s’adaptant au nouveau rythme du monde.

Désormais, le destin économique de la France se construit, pour une très large part, dans l’Union européenne, première puissance économique du monde et l’un des marchés les plus dynamiques et le plus ouvert de la planète. La force de nos entreprises s’appuie sur un pays qui est désormais au coeur de l’euro, la nouvelle monnaie de l’Europe. Au coeur d’un grand marché de 350 millions d’habitants et demain avec l'élargissement à 500 millions de femmes et d'hommes.

Les entreprises françaises sont, je le sais, prêtes à contribuer au développement de votre pays, dans les domaines de la technologie, où leur compétence est reconnue, l’énergie, les transports, les infrastructures et les travaux publics, en particulier. Mais aussi dans le domaine de la gestion des services collectifs et de l’environnement, ou dans l’agriculture et l’industrie agro-alimentaire, pour ne donner que quelques exemples. L’offre française est diversifiée et globale.

Alors, oui, soyons partenaires. Partenaires pour développer nos échanges mais aussi partenaires au service d'une véritable coopération avec des pays amis.




J'en viens donc tout naturellement à l'Afrique. Vous et nous partageons un destin commun : le continent africain. Vous et nous sommes résolument tournés vers l'Afrique, en termes de développement comme en termes de commerce.

Dans notre cas, deux points me paraissent devoir être soulignés :

- la France est le premier fournisseur du continent. Au cours des cinq dernières années, nous avons représenté environ 16 % des importations africaines, soit deux fois plus que la part de marché détenue par les Allemands ou par les Britanniques. C'est dire si notre position en Afrique du Sud est encore peu représentative de ce que nous pouvons apporter à votre pays.

- l'Afrique représente le deuxième marché de la France dans le monde hors OCDE, avec près de 5 % du total de nos ventes à l'étranger, derrière l'Asie, mais devant l'Europe de l'Est, le Moyen-Orient ou l'Amérique latine.

Mesdames et Messieurs, je crois que nous touchons là au coeur du sujet : la présence française en Afrique est incontestable, alors que la présence sud-africaine sur le continent s’amplifie. Pour ce qui est du rôle de l'Afrique du Sud en Afrique, je voudrais relever deux constatations :

- les échanges entre la République sud-africaine et le reste du continent ont été multipliés par deux depuis l'arrivée au pouvoir du Président MANDELA.

- votre pays est devenu le premier fournisseur et le premier investisseur dans pratiquement tous les pays d'Afrique australe.

J'entends déjà les analyses simplistes de certains observateurs : la France et l'Afrique du Sud deviennent concurrents en Afrique... Et bien non ! Je me permets tout de suite de vous livrer ma principale conclusion : nos deux pays ne sont pas concurrents, ils sont complémentaires sur le continent africain. D'abord parce que les secteurs d'excellence de la République sud-africaine en Afrique sont différents des nôtres : les domaines d'activité où nous sommes en compétition sont finalement relativement limités. Ensuite, parce que les zones concernées ne sont pas les mêmes : la présence française est surtout forte en Afrique du Nord et en Afrique de l'Ouest. L'Afrique du Sud est encore largement dirigée vers l'Afrique australe (qui représente les deux tiers de ses exportations vers l'Afrique), et dans une moindre mesure vers l'Afrique de l'Est. Enfin, parce que chacun peut apporter ses atouts : la France, sa compréhension de bon nombre de marchés et le dynamisme de ses entreprises. L'Afrique du Sud, sa compétitivité, son dynamisme, sa proximité et ses savoir-faire spécifiques.

Je souhaiterais, à cet égard, que nos entreprises et nos administrations prennent le temps de la réflexion. La prochaine commission mixte économique franco-sud-africaine doit se réunir ici avant la fin de l'année. Il me paraît indispensable que cette question soit au centre de l'ordre du jour : dresser un inventaire secteur par secteur des savoir-faire propres à chacun des pays, et identifier les différentes zones de complémentarité, mais aussi de concurrence ou d'indifférence.




Enfin, je voudrais souligner les raisons qui nous amènent à proposer ce nouveau partenariat économique franco-sud-africain. Elles sont au nombre de trois :

- La première est historique : nous avons soutenu la transition démocratique de votre pays. Nous l'avons fait avec coeur et avec foi. Nous souhaitons que ce processus, unique au monde, se poursuive avec le même succès. Nous sommes prêts à l'accompagner et nous avons confiance.

- La deuxième raison tient à la communauté de pensée entre nos deux pays. Le chemin que parcourt l'Afrique du Sud, une politique étrangère indépendante, une politique économique sérieuse, un souci de pragmatisme, un refus des idéologies, ce chemin est très proche du nôtre.

- Enfin, l'approche de la France en Afrique du Sud est empreinte de confiance et de respect mutuel :

- notre aide bilatérale, indépendamment de celle transitant par le canal de l'Union européenne, a atteint un demi-milliard de rands, soit un des niveaux les plus élevés de la communauté internationale.

- notre analyse du "risque-pays Afrique du Sud" est un des plus optimistes parmi les observateurs de la communauté internationale. Au sein du groupement des assureurs-crédit de l'Union de Berne, nous n'avons jamais hésité à plaider la cause de l'Afrique du Sud et à être parmi les plus "ouverts".

Vous savez, les entreprises françaises ont largement " voté " en faveur de votre pays et, pour l’illustrer, je ne citerai que deux chiffres :

+ 27 %, c'est l'accroissement pour 1997, en volume, des exportations françaises vers l'Afrique du Sud. Près de 3 000 sociétés françaises travaillent aujourd'hui de façon significative avec votre pays.

- Plus de 3 milliards de rands : c'est le montant des investissements français en Afrique du Sud depuis 1994. C'est le signe de l'intérêt que portent les entreprises françaises à votre pays, et leur confiance dans votre avenir. En d'autres termes, nous sommes côte à côte, de manière constante, dans votre oeuvre de reconstruction et de développement. J'ai d'ailleurs tenu à venir, ici, accompagné de chefs d’entreprise françaises, dont certaines ne sont pas encore présentes en Afrique du Sud, mais s'y intéressent de très près. Ceci confirme notre volonté de coopération. Un volonté politique cela va de soi mais nos relations dans ce domaine sont excellentes et une volonté économique qui s'exprime à partir de l'initiative des chefs d'entreprises.

Aussi, permettez-moi de faire une annonce : pour nous aider à cheminer ensemble sur la voie de cette coopération, j’ai demandé à M. DEHECQ, le Président de Sanofi, qui connaît bien votre pays, de devenir le " Monsieur Afrique du Sud " de la France sur le plan économique pour aider et accompagner nos entreprises dans les relations de confiance qu’elles veulent entretenir avec vous. Il est libre de formuler toutes propositions qui amélioreront encore ces relations et il est à votre écoute.

En conclusion, je souhaiterais vous indiquer à quel point nous sommes fascinés par les progrès accomplis par l’Afrique du Sud depuis quatre ans. Fasciné est le mot qui convient. On a su ici, en un temps record, et confronté à des difficultés exceptionnelles, s’adapter et faire preuve d'un pragmatisme et de choix stratégiques opportuns. Nous sommes à l'aube d'une nouvelle ère : celle de l'Afrique du Sud, héros de la "renaissance africaine". Cette expression a pris naissance ici. Elle est la vôtre, Monsieur le Président, et je tenais à dire aux entrepreneurs sud-africains que nous en comprenons parfaitement et pleinement la portée et que nous sommes prêts, avec eux, à en assumer une part de responsabilité. Permettez-moi de vous dire, Monsieur le Président, combien pour ma part et parce que j'aime l'Afrique, j'ai apprécié les propos que vous avez tenus à Tokyo pour définir ce qui dans votre esprit était la renaissance inévitable africaine.

A un moment où l’adhésion de l’Afrique du Sud à la convention de Lomé va renforcer votre rôle économique sur le continent, et où un accord de libre-échange avec l'Union européenne est sur le point d’être conclu, il le sera je n'en doute pas avant la fin de l'année, il m’est agréable de saluer les perspectives de coopération économique qui se présentent à nous. Et je ne doute pas que le développement de ces relations sera aussi facilité par le développement incessant de notre relation et de notre amitié politique. Cela ne date pas d'aujourd'hui : en 1994 mon prédécesseur le Président François MITTERRAND a été le premier chef d'Etat invité à venir saluer -je crois que c'était au mois de juillet- le Président MANDELA nouvellement arrivé au pouvoir. Et je suis aujourd'hui très sensible à l'honneur qui m'est fait et aux signes d'amitié qui me sont donnés à l'occasion de mon voyage. Les ministres français, qui ont travaillé avec leurs collègues, ministres des finances, le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Coopération, ont également été impressionnés par la qualité de la réflexion et l'ouverture d'esprit de leurs homologues et aussi par la volonté sud-africaine de s'associer à la France de vieille et forte nation pour défendre nos idéaux communs, notre humanisme commun, notre volonté de travailler pour la paix, la concorde entre les hommes, aussi par notre commune volonté de marcher la main dans la main.

Je vous remercie.





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