Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert par le Président du Mozambique.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en son honneur par M. Joaquim Alberto CHISSANO, Président du Mozambique.

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Maputo, Mozambique , le dimanche 28 juin 1998

Monsieur le Président, cher Ami,

Tout d'abord, je vous présente mes excuses, excuses parce que je ne suis pas en mesure de m'exprimer chez vous dans votre langue. Je me souviens qu'à l'occasion de votre visite à Paris, il y a un an, vous nous aviez fait l'honneur de vous exprimer dans un français absolument parfait, et j'en avais été vivement impressionné. Je regrette de ne pas pouvoir en faire autant dans votre propre langue.

Je me rappelle très bien, Monsieur le Président, nos discussions où s'exprimaient votre sympathie pour la France et la convergence de nos vues sur beaucoup de questions concernant le monde. C'est pour continuer à approfondir ce dialogue et pour le traduire en projets de plus en plus concrets que vous avez bien voulu, Monsieur le Président, m'inviter chez vous. Je vous en remercie du fond du coeur.

Au soir de cette première journée, après nos entretiens, après les paroles que vous avez prononcées tout à l'heure et qui m'ont beaucoup touché, j'ai plus que jamais la conviction que le Mozambique et la France ont tout pour travailler ensemble et pour s'entendre.

Et d'ailleurs, ma visite est aussi celle d'un voisin. N'oublions pas qu'à quelques encablures, la France regarde vers les rivages du Mozambique, que la Réunion demeure toute proche. Que la France est d'Europe certes, mais qu'elle est également, par l'Histoire, et d'une certaine façon la géographie, d'Afrique et de l'Océan Indien. Que ce qui se passe dans cette région du monde l'intéresse, tout naturellement, au premier chef.

Voilà déjà, Monsieur le Président, bien des raisons de se parler, de se comprendre, de se connaître et, si vous le souhaitez, d'explorer ensemble l'avenir. Ce que vous bâtissez ici, la réconciliation nationale, la paix, la démocratie, l'Etat, le développement sont autant de questions qui, bien sûr, nous touchent aussi.

Je crois que je suis le premier chef d'Etat français à venir au Mozambique depuis l'indépendance de votre pays, il y a vingt-trois ans. Et j'en suis doublement heureux. C'est un honneur auquel je suis sensible. Mais c'est surtout le signe qu'au Mozambique, jeune nation trop longtemps déchirée, tout devient aujourd'hui possible.



Monsieur le Président, mon premier message est un message d'espoir et de confiance. L'histoire récente du Mozambique est une suite de défis et de succès dans la réalisation de l'unité nationale, l'édification de la démocratie et la reconstruction du pays.

Pourtant, beaucoup d'obstacles se dressaient ! Après des années de luttes pour l'indépendance, il a fallu faire taire la violence, surmonter les querelles, guérir les blessures, balayer la méfiance. Et le sentiment national l'a emporté sur les divisions fratricides, la sagesse sur les armes, le respect de l'autre sur l'esprit partisan ! Ainsi le Mozambique, jeune Etat mais riche d'une civilisation, d'une culture et d'une histoire anciennes, celles du lointain empire MWANE MUTAPA, s'accomplit en une nation par le dialogue, le rassemblement de tous et le libre jeu des institutions qu'il s'est donné.

Naturellement, la France, qui sait d'expérience combien la nation et la démocratie sont une construction patiente, difficile, se sent solidaire du Mozambique. Elle salue la clairvoyance et le courage de ses dirigeants et de tous ceux qui se sont engagés pour la paix. Elle salue la poursuite de l'idéal démocratique, la volonté de chacun, des citoyens aux responsables, d'en respecter les règles fondamentales sans lesquelles il ne peut y avoir de réconciliation durable ni de paix.

Et elle mesure les immenses efforts déployés par vos compatriotes pour relever leur pays, meurtri et appauvri par les luttes. Eh bien, leurs efforts portent aujourd'hui leurs fruits ! Les ambitieuses réformes entreprises, le redressement et la libéralisation de l'économie sont en bonne voie. Des résultats sont là : une croissance de 7 % ou 8 % l'année dernière, une inflation maîtrisée, et partout le pays au travail, partout les chantiers de l'avenir qui s'ouvrent, partout on dessine, comme ici à Maputo, le nouveau visage du Mozambique.

Vos efforts, la qualité de vos programmes, la communauté des nations les a reconnus en faisant du Mozambique l'un des tous premiers pays à bénéficier des initiatives d'allégement légitime de la dette.

Mais votre pays voit au-delà. Quoi de plus naturel pour vos compatriotes ? Ici, Monsieur le Président, et depuis toujours, la frontière c'est l'horizon. Ici plus qu'ailleurs on ressent l'appel du grand large. Ici, aussi loin que l'on porte le regard, c'est l'océan infini, sa promesse de rencontres, d'échanges, de richesses. Ici passent les grandes routes maritimes, celles qui relient les continents et les civilisations, qui conduisent d'Afrique vers l'Inde, l'Asie, l'Océanie, les terres australes. Ici, le maître-mot est plus que jamais l'ouverture.

Voilà pourquoi le Mozambique s'est résolument engagé dans la grande et belle aventure de la SADC. Par sa situation stratégique exceptionnelle, au débouché de quatre pays d'Afrique australe, en relation économique et humaine avec les autres puissances de la région, et en particulier l'Afrique du Sud avec laquelle vous intensifiez vos liens, le Mozambique s'affirme comme un acteur de premier plan de l'intégration régionale et de ses succès. Comme la France le fait dans l'Union européenne

Par sa position si singulière en Afrique, par son histoire et son appartenance au monde lusophone, par son voisinage avec tant de pays anglophones et son adhésion au Commonwealth, par sa proximité géographique et intellectuelle avec l'ensemble francophone, le Mozambique est tout naturellement un militant de la diversité culturelle, de ce monde pluriel et harmonieux en faveur duquel nous, Français également, et francophones, sommes mobilisés.



Oui, tout cela, Monsieur le Président, invite à la confiance et à la coopération. Et mon second message est un message de soutien et d'union.

Engagé dans son redressement, le Mozambique peut compter, s'il le souhaite, sur la France, ses hommes, ses entreprises, ses savoir-faire, et d'abord sur sa solidarité.

Il faut permettre aux populations démunies d'attraper normalement le train de la mondialisation et du progrès ! C'est tout le rôle, à nos yeux irremplaçable, de l'aide publique au développement. Et c'est le sens des batailles que mène la France dans toutes les enceintes internationales. La mondialisation est une bonne chose, est un facteur de progrès, mais à la condition qu'elle soit maîtrisée dans ses effets négatifs par la solidarité, comme cela se produit dans la famille, dans le village, dans le pays.

En 1997, nos pays ont précisé ensemble les orientations de leur coopération dans l'avenir. Désormais, notre priorité, c'est le développement social, c'est l'aide aux plus défavorisés, c'est le soutien notamment au développement de l'agriculture et de l'économie rurale.

La solidarité doit jouer aussi pour résoudre le problème de la dette que vous avez à juste titre évoqué. Croyez moi, la France s'y emploie au sein des institutions financières internationales, comme elle vient de le faire dans le cadre du Club de Paris. Votre pays, qui subit ce lourd fardeau, sait combien cette question est vitale. Et les résultats exemplaires, ici, dans votre pays, de cette solidarité montrent combien elle est nécessaire et combien elle doit se développer.

L'autre pilier du développement, l'autre moteur de la croissance, c'est évidemment l'investissement et le commerce. Nous, Français, l'avions parfaitement compris. Et quand d'autres se détournaient du continent africain, nous n'avons cessé de répéter notre confiance en l'Afrique.

Monsieur le Président, la France peut affirmer davantage sa présence à vos côtés. Elle le fera, je tiens à le souligner, sans prendre la place de personne, dans le respect des liens historiques noués par le Mozambique avec ses partenaires traditionnels, qui sont aussi les nôtres.

Déjà, de nombreuses entreprises françaises ont commencé à explorer avec vous le champ des possibles. Vous et nous avons de grands projets, à la mesure de nos ambitions. Je l'ai dit, le Mozambique voit loin. Et nos ambitions passent par la réalisation d'importants programmes d'infrastructures et d'équipements indispensables au développement du pays.

Ce sont, notamment, les " corridors de développement " qui donneront un nouveau souffle au commerce de votre pays mais aussi de la région tout entière. Nous avons ce grand projet, l'usine d'aluminium " Mozal " qui sera exemplaire par ses transferts de technologies, sa dimension régionale, le pôle de croissance qu'elle organisera chez vous.

Notre partenariat s'étend désormais à d'autres secteurs qui sont des secteurs d'excellence de la France : les télécommunications, les transports ferroviaires, l'énergie hydraulique, les équipements urbains et les services.

Mais nous pouvons aller plus loin ensemble. Voilà pourquoi j'ai souhaité que des entrepreneurs français m'accompagnent. Ils représentent les plus grands noms de notre industrie mais aussi nos petites et moyennes entreprises souvent si performantes et innovantes.

Ce sont là quelques exemples, Monsieur le Président, de ce que nous pouvons faire ensemble. D'autres questions nous appellent. La paix et la construction de la sécurité collective en Afrique où vous et nous sommes engagés. L'éducation et la formation pour donner à tous les chances d'une vie meilleure, pour que personne ne reste au bord du chemin, pour que votre pays prenne toute sa place dans l'économie mondiale. La santé pour faire reculer la maladie, la drogue, les grandes endémies qui frappent si durement l'Afrique et, en règle générale, le monde, hélas.

Toutes ces questions, nous les avons longuement évoquées parce qu'elles nous tiennent à coeur, Monsieur le Président. Déjà, nous avons des projets. Ce soir, mes espérances sont comblées. Elles vous doivent beaucoup. Et je vous en remercie.

C'est confiant dans le succès de notre dialogue que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève en l'honneur de son Excellence Joaquim CHISSANO, mon ami, Président du Mozambique, et en l'honneur des hautes personnalités mozambicaines et françaises qui nous donnent ce soir le plaisir de leur présence. Je lève mon verre en l'honneur du Mozambique. Je bois à la prospérité et au bonheur du peuple mozambicain, rassemblé et en paix. Je bois à notre amitié.

Vive le Mozambique !

Vive la France !

Et vive l'amitié entre nos deux pays !





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