Allocution du Président de la République à l'occasion de la remise de décoration à Monseigneur Desmond TUTU.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise des insignes de Grand Officier de la Légion d'honneur à Monseigneur Desmond TUTU.1

Le Cap, Afrique du Sud, le dimanche 28 juin 1998

Monseigneur,

Mesdames et Messieurs,

Mes Chers Amis,

Je suis heureux de me trouver parmi vous et de vous dire combien j'ai été sensible à l'accueil qui nous a été réservé, à ma délégation et à moi-même, à l'occasion de ce voyage dans votre beau pays.

J'ai aussi le plaisir et le grand honneur de saluer parmi vous la personnalité que je souhaite aujourd'hui honorer au nom de la France, Monseigneur Desmond TUTU.

Monseigneur, il est d'usage quand nous donnons une décoration de rappeler les titres et les mérites de celui qui la reçoit. Cette vie au service des Sud-Africains, vous l'avez commencée en 1955 dans l'enseignement, au lycée de Munsieville. Mais très vite, c’est l’appel de Dieu qui sera le plus fort et cette vie consacrée à l’Eglise, c’est aux plus humbles, aux plus faibles que vous l’avez offerte.

Vos études au collège théologique de Saint Peter vous amènent à être ordonné prêtre en 1961 et vos premiers fidèles sont ceux de la paroisse de Benoni. Puis les étapes s’enchaînent : vous enseignez la théologie dans l'Eastern Cape et au Lesotho avant votre nomination, en 1972, comme directeur associé du Fonds d'éducation théologique du Conseil mondial des églises. Doyen anglican de Johannesbourg en 1975, puis évêque du Lesotho, vous devenez Secrétaire général du Conseil sud-africain des églises à la fin des années 70.

Vos courageuses prises de position publiques contre l'apartheid font rapidement de vous l'une des très grandes figures de la lutte contre le régime. Elles vous attirent arrestations, comme lors de la marche organisée en mai 1980 contre la détention d'un prêtre, elles vous attirent des brimades en tous genres, en particulier la confiscation de votre passeport. Mais grâce à votre ténacité, vous parvenez pourtant à vous rendre à l'étranger pour plaider la cause du mouvement de libération auprès de l'opinion publique internationale et, en 1984, nous avons eu l'heureuse nouvelle qui a été appréciée et applaudie par le monde entier, le prix Nobel de la Paix vous est décerné.

L'année suivante, vos nouvelles fonctions vous amènent à devenir évêque anglican de Johannesburg. Dans le même temps, infatigable voyageur et messager de paix, vous multipliez les déplacements à l'étranger et vous appelez le monde à choisir la voie pacifique des sanctions, sanctions économiques, pour contraindre le régime d'apartheid au compromis. La violence vous fait en effet horreur et vous dénoncez en 1985 l'horrible supplice du "collier", les attentats à la bombe ainsi que les tensions qui se développent au sein des communautés noires, au point de menacer de quitter le pays si ces pratiques continuent. Vos appels à la négociation commencent à être entendus et vous rencontrez à plusieurs reprises en 1986 Monsieur BOTHA, ainsi que la direction en exil du Congrès national africain et du Congrès panafricain. Cette même année, vous êtes élu archevêque anglican du Cap.

Les temps qui précèdent la libération de Nelson MANDELA vous voient à Lusaka, appelant l'ANC à renoncer à la lutte armée, mais aussi en Europe, j'en ai le souvenir, pour plaider la rupture des relations diplomatiques avec l'Afrique du Sud et l'instauration de sanctions économiques et financières. Ils vous voient aussi en tête des marches de protestation pacifique qui vous valent d'être pris à partie par la police anti-émeutes devant une église de Gugulethu.

Votre action ne s'interrompt pas avec l'ouverture du processus de paix intérieure annoncée par le Président de KLERK le 10 février 1990. Ainsi, vous plaidez la réconciliation entre l'ANC et l'Inkatha. Et depuis décembre 1995, vous présidez avec tout votre talent et toute votre conviction la Commission pour la vérité et la réconciliation, institution sans précédent, à ma connaissance dans l'histoire de l'humanité et dont la mission est de faire la lumière sur toutes les horreurs commises, pendant cette période, de tous côtés, au temps de l'apartheid et d'accorder le pardon aux repentants. Cette commission achèvera bientôt ses travaux et vous remettrez alors au Président MANDELA votre rapport, oeuvre de mémoire, de pardon et d’espoir pour l’avenir de la nouvelle Afrique du Sud.

Monseigneur, je salue en vous un homme qui a porté très haut le message de l'évangile au coeur de l'action, un homme qui a été et qui reste la conscience et l'inspiration de l'Afrique du Sud, un homme de dignité. A travers moi, c'est la patrie des Droits de l'Homme et du citoyen qui tient à rendre un hommage solennel à ce que votre combat pour une Afrique du Sud réconciliée dans la démocratie a de profondément universel.

Voilà pourquoi, cher Monseigneur, je suis heureux de vous remettre maintenant cette plaque de Grand Officier de la Légion d'Honneur.

Monseigneur Desmond Mpilo TUTU, au nom de la République française, nous vous élevons à la dignité de Grand Officier de la Légion d’Honneur.





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