Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert par le Président de l'Angola.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert par M. José Eduardo DOS SANTOS, Président de la République d'Angola.

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Luanda, Angola, le lundi 29 juin 1998

Monsieur le Président,

Un grand merci à vous. Votre accueil, vos paroles m’ont touché, nous ont touché. Nous ne les oublierons pas.

Comme je n'oublie pas, Monsieur le Président, nos entretiens et nos échanges amorcés depuis longtemps déjà.

Aussi, ce soir, chez vous Monsieur le Président, j'exprime le voeu que notre rencontre scelle une amitié et fonde une relation forte et durable entre nos deux pays.

En cet instant et après vous, Monsieur le Président, permettez moi de proposer que nous ayons en commun une pensée pour Maître Blondin BEYE, pour lequel à juste titre vous avez fait, ici, respecter une minute de silence.

Nous déplorons la tragique disparition du représentant spécial du Secrétaire général de l’ONU. Depuis cinq ans il avait mobilisé son énergie, ses talents de diplomate, sa foi dans la paix pour faire avancer le processus de réconciliation.

Il disparaît au moment même où il en appelait une fois encore à toutes les bonnes volontés, à l’engagement de tous dans l’indispensable processus de paix.

Monsieur le Président, la France a pleine confiance dans l'Angola. Elle sait la détermination et le courage de son peuple. Ici, c’est vrai, la guerre a laissé de profondes et douloureuses blessures. Elle a déplacé, séparé, tué, meurtri dans leur chair et dans leur âme vos compatriotes. Il faudra du temps, de la volonté, de la persévérance pour cicatriser toutes les plaies, pour se comprendre, travailler main dans la main, apaiser les tensions. Plus que d'autres, peut-être, la France mesure l'ampleur des défis que doit relever l'Angola. Elle a aussi connu, elle-même, ces périodes où, après les divisions, les destructions, les deuils, il faut rebâtir avec une volonté de tous les instants.

Le peuple angolais a, j'en suis sûr, cette volonté, celle de dépasser les conflits et d’aller de l’avant.

Certes, la paix est fragile. Il faut la protéger, il faut prendre sur soi, de tous côtés, pour qu'elle s'enracine. Demain, Monsieur le Président, je serai reçu par les députés de la nation angolaise. Je leur dirai : vous êtes sur le bon chemin, soyez audacieux, soyez forts ! Allez jusqu'au bout, le succès pour l’Angola est au terme de ce chemin !

Oui, nous, Français, croyons en l’avenir de l’Angola. Cette confiance, Monsieur le Président, nous l’avons exprimée en étant l’un des premiers pays à ouvrir ici son ambassade. Nous l’avons exprimée en vous aidant à panser vos plaies, en participant activement, à vos côtés, au déminage de l’Angola. Je saluerai demain le courage de ceux qui risquent leur vie pour que la vie reprenne.

Notre confiance, nous l’avons exprimée en soutenant dès 1995, lors de la réunion de Bruxelles, le redressement de votre pays. Nous l’avons prouvée par nos efforts au sein de l’Europe, à vos côtés, dans le cadre du Programme indicatif national signé ici même, à Luanda, en février dernier. Enfin, nous l’avons démontrée en accompagnant les premiers pas de l'Angola, du nouvel Angola, dans la voie de la reconstruction et du développement, en bâtissant avec vous de grands projets économiques et industriels.

A l’occasion de ma visite, nous chercherons, Monsieur le Président, à renforcer notre coopération dans les domaines vitaux pour l’avenir de votre pays. Pour développer l'économie rurale. Pour répondre aux besoins de formation, notamment celle des cadres nécessaires pour que l'Angola occupe toute sa place qui est importante dans l'économie du monde. Pour améliorer les conditions d'existence, dans tous les domaines, de vos compatriotes.

Mais la France entend aller au-delà de l’aide au développement. Elle souhaite devenir un partenaire économique majeur pour l'Angola. La géographie, l’histoire, le génie des hommes vous ont légué un pays magnifique, aux étendues immenses, et d’inestimables richesses. Le moment venu, les Angolais souhaiteront ardemment, j'en suis certain, les mettre en valeur. La France, si vous le souhaitez, met à votre disposition ses savoir-faire, la puissance de ses entreprises, la compétence de ses hommes.

Angolais et Français ne partent pas de rien. En témoigne la présence chez vous de beaucoup de mes compatriotes qui forment ici la deuxième communauté étrangère - j’aurais l’occasion, demain, de la saluer et de la remercier. En témoignent les investissements déjà réalisés par les entreprises françaises, à commencer par nos grandes compagnies pétrolières.

Mais tant de besoins s’expriment. Nous pouvons faire ensemble bien davantage. L’agriculture, l’élevage, la pêche, l’industrie, le commerce, les services, l’exploitation minérale et minière, et bien sûr la construction des infrastructures nécessaires aux échanges, sont autant de domaines où l’expertise française est reconnue. Les visites en Angola de délégations d’entrepreneurs français, la présence à mes côtés de chefs d'entreprise, de grandes entreprises, de moyennes ou de petites entreprises, qui sont souvent extraordinairement innovantes témoignent de notre volonté de nous engager à vos côtés. Oui, soyez assuré, Monsieur le Président, que dans bien des domaines, dont certains n'ont pas encore été explorés, vous pouvez compter sur l'appui et la confiance de la France.




Mais notre relation doit aussi être aussi politique.

L'Angola monte en puissance et s'affirme chaque jour. Il veut maintenant, vous l’avez dit tout à l’heure parfaitement, faire rayonner la paix autour de lui. Il bâtit la démocratie. Il veut prendre sa part du progrès et le rendre accessible à tous. Avec ses partenaires lusophones et anglophones, il s’est engagé dans la grande entreprise de la SADC et de l’intégration régionale, conscient que c’est là la voie de l’avenir. Il soutient ardemment cette puissante dynamique communautaire, ce " grand virage de l’Afrique ", selon votre propre expression, Monsieur le Président, cetteère nouvelle d’échanges, de richesses, de solidarité et, demain, de paix. Bref, l'Angola est un pays avec lequel les nations d’aujourd’hui doivent compter.

Monsieur le Président, nous souhaitons approfondir notre dialogue avec votre pays, aborder avec lui les grandes questions de notre temps. La question de l'aide publique au développement, expression même de la solidarité nécessaire dans le monde globalisé que nous connaissons, dont la France est, vous le savez, le militant inlassable. La question de l'environnement qui engage l'avenir et qui est indissociable de celle du développement. La lutte contre la drogue, la maladie et les grandes endémies. Mais aussi, c’est vrai, la question cruciale de la paix et de la sécurité.

En Afrique centrale, où l'Angola a sa place naturelle, qui ne voit que votre pays peut jouer un rôle majeur pour favoriser une stabilisation nécessaire ! La région a connu de terribles épreuves qui l'ont profondément affectée et qu'elle subit encore. Ses peuples cherchent, eux aussi, la voie de l'apaisement, du renouveau, de la paix. L'Angola, puissant voisin, y prend toutes ses responsabilités pour construire la paix. La France comprend cette démarche, et, vous le savez, elle la soutient.




Monsieur le Président, j’achève chez vous mon premier voyage dans cette partie de l'Afrique. Demain, au terme d’une tournée qui m’a mené en Namibie, en Afrique du Sud, au Mozambique et ici, où j'ai le plaisir à me trouver ce soir, au moment de rentrer en France, j’emporterai mille impressions, mille images, mille attentes, mille regards où j’ai lu les promesses de l’avenir, où j’ai lu l’espérance, celle de la jeunesse et de l’immense force qu’elle dessine sur votre continent.

J’ai vu à l'oeuvre des nations responsables. Celles d’Afrique qui poseront les fondations du progrès : la liberté, le respect du droit, le souci du bien commun, la paix et la fraternité. Les nations d'Afrique qui relèvent courageusement le défi, qui se réveillent chaque matin un peu plus libres, un peu plus justes, un peu plus démocratiques et apaisées, chaque matin un peu plus solides. Les nations d'Afrique dont le succès, je n'en doute pas, est au bout du chemin. Et je suis plus que jamais convaincu de la responsabilité des nations les plus développées dont le devoir est d'épauler les peuples de ce continent dans les immenses efforts qu'ils déploient pour vivre et, certains, pour survivre. Je le répète, c’est ça la solidarité. Bref, la responsabilité de chacun dans la confiance mutuelle, dans le respect des engagements, dans la vision d'un monde solidaire.

La France, quant à elle, Monsieur le Président, a confirmé son parti. En venant ici, j'ai voulu d'abord développer le dialogue, développer la confiance, développer l’amitié avec des pays que la France souhaite mieux connaître et avec lesquels elle souhaite coopérer davantage.

J'ai voulu que mon voyage marque, au-delà d'une rencontre, un moment essentiel de nos relations, un moment de relance de celles-ci.

J’ai ce soir le sentiment que sur ces rivages qui leur sont moins familiers que d’autres en Afrique, les Français ne sont pas tout à fait des étrangers. J’ai la conviction qu’au-delà de l’estime que nous nous portions déjà, une amitié est née. Avec elle, la volonté d’entrer ensemble dans le prochain millénaire. C’est fort de cette volonté, confiant dans l’avenir de l’Angola et de ses succès, que je vais maintenant lever mon verre. Je le lève, Monsieur le Président, en votre honneur et en l’honneur des hautes personnalités angolaises, françaises ou étrangères qui nous font ce soir l’amitié de leur présence. Je le lève en l’honneur de l’Angola et en l’honneur de son peuple auquel je souhaite paix, bonheur et prospérité. Je bois, Monsieur le Président, à l’amitié et à la coopération entre l’Angola et la France.

Vive l’Angola !

Vive la France !

Et vive notre amitié !





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