Discours du Président de la République devant l'Assemblée nationale de l'Angola.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée nationale angolaise.

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Luanda, Angola, le mardi 30 juin 1998

Monsieur le Président de l’Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Députés,
et permettez-moi aussi de saluer les Parlementaires français qui m'accompagnent,
Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de tout coeur, Monsieur le Président, pour vos paroles d’estime et d’amitié pour moi-même et pour mon pays, j'y ai été très sensible.

Je suis le premier chef d'Etat français à rendre visite à l'Angola et c'était donc pour moi un honneur et une joie que de m'exprimer devant votre Assemblée, en ce Palais des Congrès, et je vous remercie d'avoir bien voulu convoquer une session extraordinaire, à ce titre. Cet honneur, à travers moi, s'étend à l'ensemble du peuple français.

En m’adressant à vous, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite apporter, à votre grande nation, à son peuple, à ses représentants éminents réunis ici le message amical de la France : notre espoir dans les progrès de la paix ; notre confiance dans l'édification de votre société ; notre solidarité dans le développement de votre pays.




Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je souhaite d'abord vous faire part de notre espoir.

Après des années de lutte et de souffrances, "la paix des braves" se dessine. Vous en êtes, tous ensemble, le symbole. Par le rassemblement de votre nation dans toutes ses composantes, vous construisez son unité.

Vous qui venez de tous les horizons politiques, vous qui préparez l'avenir au sein de cette Assemblée, vous incarnez cette volonté de s'entendre, de rompre avec la violence, d'explorer les voies du dialogue.

Je tiens ici à rendre hommage à ceux, hommes et femmes de bonne volonté attachés à leur patrie et à son devenir, qui ont permis au peuple angolais de se retrouver. Je salue le courage et le sens politique des responsables qui ont surmonté des positions partisanes. Et je rends hommage à ces artisans de la paix, la communauté internationale, les Etats, les organisations et celles et ceux qui ont milité pour une solution pacifique et négociée. Je pense enfin à tous ceux, Angolais ou non, qui sont tombés pour défendre leurs convictions. Et parmi eux Maître Blondin BEYE, représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, puisse son engagement, son action, son tragique destin servir la cause de la paix, d'une paix qu'il a si ardemment désirée.

Permettez-moi, Monsieur le Président, de vous demander de faire observer une minute de silence à leur intention.

Je vous remercie.

Aujourd’hui l’Angola, pays martyr, tourne la page terrible des luttes nées dans le combat pour l’indépendance.

Et si le processus engagé a connu et connaît encore des difficultés, des hésitations, c’est votre résolution à poursuivre dans cette voie qui commandera la stabilité, la solidarité de la communauté des nations et, donc, le progrès.




Nous avons confiance, Monsieur le Président, en l’avènement d'une société démocratique.

C'est bien la voie que vous suivez.

Comment préserver la paix civile, prévenir les désordres, désarmer la violence, barrer la voie à l'oppression, à l'arbitraire, à l'injustice, en un mot rompre un cycle infernal si ce n'est par la démocratie !

Oui, l'idéal démocratique qui répond, comme la lutte pour l'indépendance, à une aspiration profonde des hommes, celle de prendre en mains leur destin. La démocratie que vous mettez en place, avec ses piliers que sont la souveraineté nationale, des règles constitutionnelles, l'état de droit.

La souveraineté du peuple qui s’exprime librement par le suffrage universel. Sans élections libres, la représentation n’est plus nationale, elle devient partisane. Mesdames et Messieurs les Députés, la liberté de choix offerte aux électeurs angolais fonde votre légitimité et vous confère l’éminente responsabilité de faire les lois de votre pays.

Un cadre juridique qui règle la vie dans la cité. Son socle est la Constitution, charte de la Nation, clé de voûte de l’ordre républicain.

L’organisation des sociétés a toujours obéi à des pactes qui lient gouvernants et gouvernés. Des cités grecques aux anciennes sociétés africaines, des coutumes du droit anglo-saxon aux constitutions dûment scellées de la France, que de diversité ! Il n’y a pas, il ne peut y avoir de modèle unique, nous le savons, mais l’expérience a dégagé des principes qui eux, ont une valeur universelle.

Eclairées par votre sagesse, inspirées par votre attachement aux traditions de votre pays, répondant aux aspirations de vos compatriotes, vos délibérations donneront à l’Angola sa Constitution.

Le troisième pilier de la démocratie, c’est l’état de droit, un régime de libertés publiques et privées qui reconnaît les Droits de l’Homme, qui préserve la liberté d’opinion, qui protège contre l’arbitraire, qui respecte la minorité. Ces règles que vous inscrirez solennellement dans les lois de la République, vous aurez à coeur, je le sais, d’en dénoncer, avec la même force, les manquements.

Mais au-delà des règles politiques ou juridiques, il faut faire vivre la démocratie par un état d’esprit, par une pratique : la démocratie, c’est aussi la proximité, l’écoute, le dialogue, la tolérance.

Votre Assemblée est, par excellence, le lieu du dialogue. Dialogue entre formations politiques qui, toutes, de quelque horizon qu’elles viennent, qu’elles forment la majorité ou qu’elles se rangent dans l’opposition, concourent à l’expression de la volonté nationale. Il ne s’agit pas de parvenir à un consensus, à l’unanimité qui serait de pure façade. Il ne s’agit pas davantage de contraindre au reniement. Il s’agit, à chaque étape, d’enrichir le débat, d’éclairer les choix et donc d’élaborer la meilleure décision.

Dialogue, aussi, entre le corps législatif et le gouvernement. Les échanges entre les parlementaires et les ministres ancrent la vie politique dans la réalité des choses. C’est ainsi qu’en charge de leurs responsabilités, les autorités gardent le contact avec les événements et les préoccupations quotidiennes de leurs concitoyens, préoccupations que vous avez pour mission d'exprimer ici-même.




Le retour de la paix civile, c'est enfin l'espoir d'un mieux-être, l'espoir du développement, du progrès. Il revient aux Etats, aux gouvernements, aux institutions, dont vous êtes, de répondre aux exigences légitimes des citoyens : sécurité, santé, éducation, justice sociale pour une équitable répartition des richesses. Il leur revient d'engager la nation dans la voie du progrès, de faire en sorte que personne n'en soit exclu.

Autant de responsabilités qui vous incombent et que vous exercez en débattant du budget de l'Etat, en déterminant la contribution la plus juste de chacun aux charges publiques, en veillant aux grands équilibres qui assurent la cohésion et l’avenir de la Nation.

Vos débats budgétaires, la qualité de votre arbitrage, toujours difficile, entre un excès de dépenses et une réponse insuffisante aux besoins de ceux que vous représentez, ont déjà montré la haute conscience que vous avez de votre mission et de ses enjeux.

Dans cette immense tâche qui vous attend, celle du redressement d'une nation meurtrie, vous n'êtes pas seuls !

L'Angola peut compter sur la France. Déjà mon pays vous aide à préparer l'avenir. A l'occasion de ma visite, Angolais et Français sont convenus de renforcer leur coopération dans les domaines de l'éducation, de la formation des cadres, de la santé, de la culture, du développement rural. Déjà, nous contribuons fortement au déminage de votre territoire. Nous avons décidé de nous concerter plus étroitement sur toutes les grandes questions d'intérêt commun. Et, pour que notre coopération porte tous ses fruits, j'invite, Monsieur le Président, nos deux Parlements à développer leur dialogue. M. MONORY, Président du Sénat français, est venu vous rendre visite. Il m'a dit la qualité de l'accueil que vous lui avez réservé. Et je me réjouis que des parlementaires français, vos collègues, m'accompagnent dans mon voyage.

Mais, et je l'ai indiqué aux autorités de votre pays qui m'accueillaient hier soir, la France, fervent avocat de l'aide publique au développement, veut aussi bâtir avec l'Angola un partenariat économique global. L'investissement privé, la progression des échanges doivent en être les moteurs. Voilà pourquoi j'ai souhaité qu'une importante délégation d'hommes d'affaires représentant nos plus grands groupes mais aussi nos petites et moyennes entreprises parmi les plus performantes, les plus innovantes m'accompagnent. Elle confirme notre intérêt pour l'Angola et notre volonté conjointe de développer une relation ambitieuse, confiante, solide, à l’épreuve du temps.




Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, vous qui êtes des hommes et des femmes de conviction, vous qui êtes sans cesse à l’écoute de votre peuple, vous êtes l’avant-garde d’une nation qui se construit et d’un pays qui s’affirme.

Vous êtes simplement conscients de votre rôle et vous l'assumez avec fierté. Le gouvernement de votre pays, le peuple que vous représentez dans sa diversité, vos amis dans le monde, et qui sont nombreux, attendent de vous, de vos débats, de vos votes la confirmation de cette paix si ardemment désirée, si longtemps attendue et aujourd'hui si méritée. Vous en êtes les artisans et les dépositaires. Protégez-la pour assurer l'avenir des enfants d'Angola. Je vous le redis, vous n'êtes pas seuls !

Monsieur le Président, le champ des possibles entre l’Angola et la France est immense. En répondant à votre invitation, j’ai souhaité vous porter ces messages d’espoir, d'amitié et de soutien.

D’espoir parce que nous, Français, croyons en l'avenir de votre pays. Comme vous, nous avons traversé de terribles épreuves. Comme vous, nous avons connu la division, les affrontements fratricides. Comme la vôtre, notre histoire est le long et souvent douloureux apprentissage de l’art de vivre ensemble. Et toujours, au moment le plus critique, notre pays s’est ressaisi, s’est rassemblé, s’est relevé.

Eh bien, c’est le chemin qu’emprunte l’Angola d'aujourd’hui, le chemin du rassemblement, de la paix, du progrès, ce chemin qui ouvre la voie de la dignité pour les hommes et de la prospérité. Et parce que ce chemin est difficile, semé d'embûches, parfois incertain, vous pouvez compter sur la solidarité et l'amitié de la France.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie.





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