Allocution du Président de la République du Président de la Républiqueà l'occasion de la remise de décoration à M. Joao HAVELANGE.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de l'élévation de Grand Officier de la Légion d'honneur de M. Joao HAVELANGE.

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Palais de l'Elysée, le samedi 11 juillet 1998

Monsieur le Président de la Fédération Internationale de Football,

Mesdames et Messieurs,

Je suis heureux de vous recevoir, Monsieur le Président, au Palais de l'Elysée, je vous y souhaite une très cordiale bienvenue à vous-même et à votre épouse à laquelle je suis heureux de présenter mes très respectueux hommages.

En vous accueillant ici, Monsieur le Président, en présence des hautes personnalités de la FIFA, de la Fédération Française de Football et du Comité français d'organisation de la Coupe du Monde de football, je les salue, naturellement, très cordialement, je me fais auprès de vous, Monsieur le Président, l'interprète de tous les Français qui, depuis un mois, suivent avec passion le déroulement d'une compétition qui enthousiasme des milliards de téléspectateurs.

Au nom de mes compatriotes, au nom des dix villes françaises où se sont déroulés les matchs du Mondial, je veux vous remercier du privilège que vous nous avez donné d'organiser cette Coupe du Monde.

Je veux vous exprimer la fierté de la France d'avoir préparé cette extraordinaire fête des nations dont les drapeaux pavoisent, depuis un mois, toute la longueur des Champs-Elysées, mais aussi les stades, les rues, les avenues, partout dans notre pays.

Je veux vous dire l'immense bonheur d'un public qui jusque-là n'osait pas crier sa joie tant il était intimidé par le formidable enjeu : disputer la finale de la Coupe du Monde ; réaliser cet exploit pour la première fois et y parvenir sur le Stade de France ; se préparer à rencontrer à Saint-Denis l'étonnante, la magnifique Seleçao. Comment notre pays tout entier pourrait-il dès lors réprimer cette ferveur si particulière qui n'accompagne que les moments exceptionnels ?





Le Comité français d'organisation a réussi son pari, c'était un pari difficile, il a été gagné. Je voudrais exprimer toute notre reconnaissance, notre estime et nos félicitations à son Président, Michel PLATINI, qui a relevé ce défi avec tant d'élégance et aussi tant d'efficacité, sans oublier naturellement son Directeur Général, Jacques LAMBERT.

Mais tout le monde comprendra que je veuille avoir une pensée particulière, en votre nom à tous, pour le gendarme Daniel NIVEL et pour sa famille, dont la vie a basculé à Lens, ce 21 juin, par la folie de quelques-uns, des marginaux n'ayant rien à voir avec le monde du football, des brutes, des lâches.

Et comment ne pas évoquer aussi la tristesse que nous cause la disparition de Fernand SASTRE, qui fut l'un des principaux artisans de ce Mondial et qui s'en est allé, son oeuvre accomplie, dans les heures qui en ont suivi son ouverture ; Fernand SASTRE pour qui nous avons tous une pensée aujourd'hui, ainsi que pour son épouse à qui je voudrais exprimer à nouveau toute ma sympathie et toute notre amitié.

Parce qu'il ne laissait rien au hasard, Fernand SASTRE lui-même, Monsieur le Président, avait souhaité l'organisation, à l'Elysée, de ce déjeuner. Je ne peux m'empêcher d'y voir comme une sorte de prescience, car ce déjeuner préfigure le grand rendez-vous qui aura lieu demain au Stade de France où les deux équipes, celle du Brésil et celle de la France, se disputeront le titre de championne du monde.

Leurs mérites, chacun les connaît. Vous-même, Monsieur le Président, avez beaucoup plus de qualités que moi pour célébrer ceux de l'équipe brésilienne qui est qualifiée pour sa 6ème finale et qui a remporté déjà quatre fois la Coupe du Monde.





Pour ma part, je parlerai de notre superbe équipe tricolore, pour la première fois dans l'histoire du Mondial elle est en finale et met à notre portée un rêve que tous les Français attendaient et auxquels ils croient.

A toute l'Equipe de France, je veux dire :

Je suis avec vous, tous les Français sont avec vous. Que demain soir la Coupe du Monde soit la vôtre, que demain soir la Coupe du Monde soit française ! J'en ai la conviction.

Monsieur le Président, ce Mondial, cette finale qui promet dans tous les cas d'être fabuleuse et qui entrera de toutes les façons dans la légende du football, vous même y avez joué une part éminente. C'est ce rôle essentiel et l'oeuvre considérable que vous avez accomplie depuis vingt-quatre ans à la tête de la Fédération Internationale que je voudrais aujourd'hui saluer en vous élevant à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur.

Avec vous, c'est un avocat reconnu, membre du Conseil d'administration de plusieurs sociétés très importantes de Rio, directeur de la compagnie nationale d'autobus au Brésil, ainsi que de grandes entreprises spécialisées dans le domaine des assurances ou de la chimie, qui est élu, en 1974, à la présidence de la Fédération Internationale de Football.

C'est aussi un francophone accompli : de vos origines belges, vous avez gardé votre goût pour notre langue, tout comme votre épouse, et vous portez une amitié profonde tous les deux à notre pays -je le sais- et vous vous y rendez fréquemment. Vous avez d'ailleurs été longtemps le " directeur " du lycée franco-brésilien de Rio de Janeiro.

En 1974, vous n'êtes pas seulement, si j'ose dire, le grand homme d'affaires qui, au terme d'un parcours sans faute, a accédé à cette lourde et prestigieuse responsabilité ; vous êtes aussi le sportif de haut niveau qui a été sélectionné à deux reprises pour participer aux Jeux Olympiques de natation à Berlin et de waterpolo à Melbourne en 1956. Vous êtes enfin le Président de l'importante Fédération brésilienne de football qui, pendant quinze ans, de 1958 à 1973, a accompagné l'équipe du Brésil dans toutes les grandes compétitions, notamment lors de ses trois premières victoires en Coupe du Monde en 1958, 1962 et 1970.

Lorsque vous êtes élu à la tête de la FIFA à l'occasion du Congrès de Francfort, c'est pour donner une nouvelle impulsion à un sport dont vous entreprenez la rénovation. Vous souhaitez en effet que le football sorte de l'Europe, son berceau, et de l'Amérique du Sud, où il a grandi dans la ferveur, pour conquérir le monde. Cette idée qui séduit va faire de vous le premier Président de la FIFA à n'être pas né sur le Vieux Continent.

Vingt-quatre ans plus tard, vous avez réalisé votre pari. Le football n'est plus seulement l'affaire de jeunes hommes issus de ces deux continents de prédilection. Vous l'avez ouvert dans toutes les directions. Vers les jeunes avec la création de championnats du monde juniors et des moins de vingt ans. Vers les femmes, qui, elles aussi, ont leur compétition internationale et qui ont participé, grâce à vous, en 1996, aux Jeux d'Atlanta. Vers la Chine qui est intégrée au sein de la FIFA en 1978. Vers les pays en voie de développement qui bénéficient d'une politique suivie de soutien à la pratique du football et dont les excellents résultats enregistrés par les équipes africaines prouvent que vos efforts portent leurs fruits.

Ainsi, grâce à cette politique d'expansion dont vous vous êtes fait l'avocat et l'ambassadeur infatigable au cours de vos voyages incessants autour du monde, le football épouse peu à peu la planète tout entière et la Coupe du Monde, qui en est la compétition reine, enregistre à chaque édition de nouveaux progrès. En 1982, à Séville, en Espagne, elle met en compétition non plus seize, mais vingt-quatre équipes. En 1994, vous tentez une greffe sur le seul territoire, les États-Unis, qui échappe encore à l'enthousiasme contagieux que génère le football. Et quatre ans plus tard, en 1998, ce sont trente-deux nations que la France reçoit pour la Coupe. Enfin, en 2002, ce sera l'Asie qui célébrera ses noces avec le football.

En vingt-quatre ans, grâce à vos qualités d'homme d'action, de fin négociateur et d'habile diplomate, vous avez conféré à la FIFA un rayonnement international jamais atteint. Vous aimez d'ailleurs rappeler qu'elle est devenue la première organisation mondiale devant l'Organisation des Nations Unies, grâce à l'expansion et à l'extraordinaire audience qu'elle a connues sous votre autorité. elle est devenue le symbole d'une politique qui a fait du football le premier sport du monde avec plus de 200 millions de licenciés. C'est un énorme succès qui vous doit beaucoup.

Aussi votre action vous vaut-elle, Monsieur le Président, le respect et la gratitude des footballeurs et de tous ceux qui, -si nombreux dans le monde-, s'intéressent à ce sport.

C'est sur ce bilan exceptionnel que vous avez décidé de quitter la présidence de la FIFA au soir de cette Coupe du Monde pour vous consacrer entièrement à votre groupe, que vous présidez depuis longtemps et à votre club, Fluminense, dont vous êtes le Président d'honneur.

De hautes distinctions sont naturellement venues couronner les innombrables services que vous avez rendus au football. En témoignage de mon amitié et de ma reconnaissance, en témoignage de la reconnaissance et de l'amitié du monde sportif mais aussi de tous les Français, au soir de cette coupe, je suis heureux, Monsieur le Président, en vous adressant mes très vives et très sincères félicitations, de vous élever à l'une des plus hautes dignités de la République Française.

Joao HAVELANGE,

Au nom de la République Française, nous vous élevons à la dignité de Grand Officier de la Légion d'Honneur.





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