Allocution du Président de la République à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la présentation des voeux aux Forces vives.

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Palais de l'Elysée, le jeudi 8 janvier 1998

Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs,

Entendre les Forces Vives, dans toute leur diversité telles que vous les représentez. Reconnaître que notre avenir repose sur leur capacité de créer, d'innover, d'entraîner. Souhaiter que leurs efforts convergent toujours plus dans l'intérêt de la Nation. Vouloir que des champs nouveaux soient ouverts au dialogue social, un dialogue libre et responsable.

C'est dans cet esprit, au nom d'une France qui doit être résolument tournée vers l'emploi, et l'actualité nous montre chaque jour combien l'emploi doit être une priorité, que je m'adresse aujourd'hui à toutes celles et à tous ceux qui créent l'activité : les entreprises et leurs salariés, les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les professions libérales, mais aussi les associations, si présentes et utilement présentes dans notre vie sociale, et puis l'ensemble des partenaires sociaux, organisations syndicales et professionnelles.

Les Forces Vives que vous représentez se battent tous les jours pour l'emploi. Et, quand il s'agit des entreprises, elles se battent pour un emploi porté par des activités qui ont à faire constamment la preuve de leur utilité et qui doivent aller aux devants de la demande, répondre à ses exigences, convaincre par l'innovation, la qualité et les prix.

L'emploi public a aussi naturellement toute sa place. Mais, qu'il s'agisse des tâches régaliennes ou du bon fonctionnement des services essentiels à la vie du pays, il faut veiller à ce que chaque franc dépensé soit réellement utile à la collectivité. C'est ainsi que pourront être réduites les dépenses excessives, et donc dégagés les crédits nécessaires à la satisfaction des besoins insuffisamment couverts. Je pense par exemple aux chômeurs en grande difficulté, aux personnes handicapées ou aux personnes très âgées.

Un devoir d'évaluation doit s'exercer à tous les échelons de l'État. C'est la traduction concrète de l'un des principes les plus anciens de notre organisation sociale. Le droit de la société de demander des comptes à l'administration est un droit inscrit dans nos textes depuis la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

Nous devons réfléchir à la place et au fonctionnement de l'État dans notre pays. De tous les pays occidentaux, nos concurrents, dans un monde de plus en plus ouvert, nous sommes celui où les créations d'emplois dans le secteur privé ont été les moins nombreuses au cours des vingt dernières années, et où l'emploi public a le plus progressé. L'Allemagne et l'Angleterre ont environ 15 % des personnes actives dans les administrations publiques, nous en avons 25 %. Un jour ou l'autre vient l'épreuve de vérité : comment financer, à un niveau si élevé, le fonctionnement de l'État et des collectivités publiques sans freiner le développement de l'activité et de l'emploi par des prélèvements excessifs ? Cette question n'est ni de gauche ni de droite, elle est d'intérêt national. Notre pays ne peut pas l'éluder.

Certes, à la différence de l'emploi public, l'emploi privé ne se décrète pas. Pour qu'il puisse se développer, il faut mettre l'État durablement à l'écoute de l'économie, des travailleurs et des entreprises. Assurer un environnement stable et favorable à la création d'activités ; diminuer les charges pesant sur les salaires ; réduire les formalités ; encourager, par les souplesses nécessaires, les formes modernes d'organisation du travail. Tout cela demande beaucoup de volonté, de ténacité, de constance.

Cela demande aussi beaucoup de dialogue. Le dialogue, ce n'est pas une mode, c'est une éthique; et ce n'est pas seulement une éthique, c'est une nécessité. L'entreprise et ses partenaires sociaux savent bien ce qui est bon pour l'activité et l'emploi.

Ce qui fait la force d'un grand pays moderne, c'est sa capacité à trouver des solutions qui recueillent l'assentiment le plus large du corps social. D'autres pays, proches de nous, de la même nature que le nôtre, y parviennent mieux que nous, par la négociation collective. L'État, comme les partenaires sociaux, chez nous, devraient davantage s'inspirer de leur exemple.

La France ne doit pas perdre de temps. L'année 1998 est celle de nouvelles chances à saisir, avec l'entrée de notre pays parmi les premières puissances de l'euro. Nos politiques doivent préparer l'avenir et s'inscrire dans le moyen terme. Il faut une ambition économique et sociale fédératrice pour les Forces Vives de notre pays. Cette ambition doit être celle de la Nation tout entière.

Nous devons d'abord, je le répète, libérer les énergies créatrices pour pouvoir développer l'activité. Nous y parviendrons si les lignes directrices pour l'emploi arrêtées au Sommet extraordinaire de Luxembourg ne restent pas lettre-morte. S'il y a aujourd'hui un modèle pour la France, ce modèle ne peut être différent du nouveau modèle européen qu'elle a elle-même contribué à définir.

Nous devons ensuite veiller à garantir la sécurité de tous face aux événements et aux risques de la vie. La sécurité des personnes menacées par la violence, bien sûr, mais aussi la sécurité devant la maladie, le chômage, l'exclusion sociale, la vieillesse. La France doit rester une vraie communauté, sachant intégrer et soutenir tous ses membres. Et, devant les limites des solidarités collectives, elle doit fortifier la vie associative et la famille, car les solidarités fondées sur les liens de personne à personne demeureront toujours les plus actives. Tout ce qui affaiblit la famille affaiblit le lien social et contribue à nous désarmer face à l'avenir. Tout ce qui renforce la vie associative renforce ce lien social.

La Sécurité sociale, elle aussi, joue un grand rôle dans le maintien de notre cohésion sociale. Il faut donc à tout prix la préserver. C'est pourquoi il est si nécessaire, de mon point de vue, que la réforme engagée voici deux ans, avec d'ailleurs le soutien de beaucoup d'entre vous, soit poursuivie, activement, en étroite association avec les professions de santé, et avec le double souci de la qualité des soins et de l'accès de tous à la santé. Rien n'est définitivement acquis et nous devons rester très vigilants.

Nous devons également être plus attentifs que jamais à la lutte contre l'exclusion. Je souhaite que le projet de loi annoncé par le Gouvernement permette la mise en oeuvre des principes déjà approuvés par le Conseil économique et social. Ils ont fait l'objet d'une longue concertation avec le monde associatif. L'enjeu est notamment de transformer des revenus d'assistance en revenus d'activité en particulier par la création d'emplois d'utilité sociale.

Enfin, il faut recréer, pour l'avenir, les conditions de la confiance face à l'emploi, en permettant la promotion des hommes et des femmes et en leur donnant de nouveaux moyens d'évolution professionnelle. Pour cela, nous devons adapter profondément notre système d'enseignement, développer résolument les formations en alternance, à tous les niveaux de qualification, et créer un véritable droit à la formation tout au long de la vie. J'appelle dans ce domaine à une réforme qui doit être une réforme fondatrice.




Monsieur le Premier Ministre Mesdames et Messieurs,

J'ai voulu saisir aujourd'hui cette occasion que nous offre chaque année la tradition républicaine, dans une maison qui est celle de la République, pour dire mes attentes à l'égard de tous les responsables de notre vie économique et sociale. Ces attentes, j'en suis certain, ce sont aussi celles de tous les Français. Je forme le voeu que l'an prochain, lorsque nous nous retrouverons, nous puissions constater ensemble que de nouvelles étapes ont été franchies sur le chemin de l'activité, de l'emploi et du dialogue social. Et pour cela, beaucoup dépend de vous !

Je vous souhaite, ainsi qu'à vos familles et à tous ceux que vous représentez aujourd'hui, une très heureuse année. Et, puisque 1998 est l'année de l'organisation de la coupe du monde de football par la France, je voudrais aussi remercier tout particulièrement ceux qui représentent ici plus d'un million de bénévoles engagés dans le mouvement sportif, en formant le voeu que ce grand événement, ce très grand événement, soit aussi un très grand succès pour notre pays.





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