Discours du Président de la République devant les communautés d'affaires indiennes et françaises à Bombay, Inde.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant les communautés d'affaires indiennes et françaises.

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Bombay, Inde, le samedi 24 janvier 1998

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président de la Confédération de l’Industrie Indienne,

Monsieur le Président du Conseil National du Patronat Français,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers Amis,

Je viens d’arriver en Inde à l’invitation du Président et du Gouvernement indiens et c’est un honneur, un très grand honneur pour la France d’être conviée à prendre part à la Fête nationale de l’Inde, l’année du cinquantenaire de l'indépendance de la plus grande démocratie du monde, l'année également de la signature de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme à Paris en 1948, déclaration à laquelle la délégation indienne comme la délégation française avaient pris une part déterminante.

Cette invitation, c'est la marque de notre estime et de notre amitié réciproques. Et pour moi, c’est un moment d’émotion. Emotion ressentie chaque fois que je mets les pieds sur votre terre qui, depuis mon plus jeune âge, m'a tant séduit, avec son histoire éclose au premier temps des hommes, sa civilisation empreinte des valeurs universelles et son art fascinant et parfois déconcertant pour nous par sa multiplicité, sa hiérarchie, sa complexité.

Pour ma première intervention, j’ai choisi de m’exprimer devant les communautés d’affaires qui jouent un rôle majeur dans le rapprochement de nos deux pays. Et j’ai choisi de le faire ici, à Bombay, je crois qu'on dit Mumbay, cette porte de l’Inde sur le monde. Cette capitale économique d'un pays qui produit, qui investit, qui recherche, qui échange. Un pays dont la France peut et veut être un partenaire économique majeur.

Reconnaissons-le, jusqu’à maintenant, l’Inde et la France n’ont pas été les partenaires qu’elles doivent être. Or, Indiens et Français peuvent s’apporter beaucoup et dans tous les domaines. Aujourd’hui, les choses doivent changer et elles changent. Comme en témoigne notre rencontre.

Je tiens à remercier les organisateurs de ce forum et tout particulièrement la CII, et son président, le président Kumar que j'avais eu tant de plaisir à rencontrer lors de sa visite officielle à Paris en novembre dernier et qui avait clairement exprimé sa volonté de traduire en acte le dialogue ouvert, qui se poursuit aujourd'hui.

Je salue les responsables économiques et les entrepreneurs indiens dont beaucoup ont déjà noué, avec la France et ses entreprises, des relations solides. Et je salue bien sûr l’ensemble de la communauté d’affaires française en Inde et, à travers elle, toutes celles et tous ceux qui témoignent ici de la vitalité de la France et de son esprit de conquête.

Je remercie enfin les dirigeants des organisations patronales françaises et les hommes d’affaires représentant les plus grands noms de notre industrie et de notre finance. En m’accompagnant, ils manifestent l’engagement des entrepreneurs français aux côtés des entrepreneurs indiens.




Mes Chers Amis,

Je veux vous parler aujourd’hui de la France. D'une France qui est souvent méconnue en Inde, de cette France qui se bat et qui gagne. De cette France qui veut prendre toute sa part du développement de l’économie mondiale. De cette France que je suis venu vous présenter parce qu’elle souffre, je le répète, ici d’un déficit d’image. Sa modernité, sa force, son niveau scientifique et technologique, ses savoir-faire demeurent mal connus dans cette région du monde.

La France, c’est un rassemblement unique d’énergies, de ressources, de talents.

La France, c’est une vitalité. Et je veux vous faire partager ma confiance dans la France.

Quatrième économie du monde, quatrième importateur mondial, la France est aussi le quatrième exportateur, et même le second pour les services qui jouent un rôle croissant dans les échanges. Le second également pour les produits agricoles et alimentaires qui occuperont demain une place majeure dans le commerce pour satisfaire les formidables besoins dans ce domaine de l’humanité.

Cette réussite, c'est d’abord celle de nos entreprises, grandes et petites, de nos sociétés de service, de nos banques, de nos compagnies d’assurance. Nos entreprises sont dynamiques et compétitives comme en témoigne l'excédent de notre balance des paiements. Ainsi, la France est-elle l’un des pays en Europe où naît, chaque année, le plus grand nombre d’entreprises.

La France, c’est une richesse, celle des hommes. La France a fait une priorité de l’éducation et de la formation. Priorité nécessaire dans notre monde où l'intelligence et les savoir-faire sont la condition essentielle du succès.

Aujourd’hui, la France est à la pointe de la science et de la technologie. Sa recherche est l’une des plus performantes du monde.

C’est vrai dans le domaine aéronautique et spatial, avec Ariane qui vient de fêter son centième lancement, avec Airbus, véritable fleuron de la coopération européenne. C’est vrai dans le domaine de l’énergie, avec une technologie nucléaire de pointe qui produit plus de 75 % de notre électricité. C’est vrai dans le domaine des transports ferroviaires, avec le Train à Grande Vitesse qui parcourt notre pays à 300 km/h. C’est vrai dans le secteur des infrastructures et des travaux publics, domaine d’excellence pour la France qui, là aussi, peut répondre aux besoins en coopération de l’Inde. C’est vrai dans le domaine de la gestion des services collectifs et de l’environnement. C’est vrai dans l’agriculture, c'est vrai dans l’industrie agro-alimentaire.

L’innovation est la clé du développement économique et de la croissance. C’est pourquoi nous voulons être toujours plus innovants. Pour que la France libère davantage encore ses énergies. Pour qu’elle mise davantage encore sur l’avenir. Et je sais que vous, Indiens, partagez la même préoccupation.

Vous qui, grâce à un formidable effort d’enseignement, vous êtes hissés au premier rang des puissances scientifiques et technologiques. Vos ingénieurs, vos chercheurs, vos mathématiciens, vos informaticiens sont parmi les meilleurs du monde.

La France, c’est aussi une volonté, celle de s’ouvrir toujours davantage sur le monde. Depuis longtemps, la France a fait, pour son économie, le choix de l’ouverture. Pas de protectionnisme frileux et dépassé, mais une intégration harmonieuse dans l’économie mondiale. Voilà pourquoi, aujourd’hui, la France plaide pour une saine liberté des échanges et pour le respect des règles agréées et respectées par tous au sein de l’Organisation mondiale du commerce. Vous-mêmes partagez ce sentiment et je me réjouis de l’accord que vous avez conclu récemment pour supprimer les restrictions quantitatives.

Parce que la croissance française et européenne, depuis le début de la décennie, n’a pas été à la hauteur de nos attentes, parce que trop de nos compatriotes demeurent sans emploi, parce que le monde bouge et se transforme, la France comme les autres pays doit s’adapter. Elle doit se moderniser, elle doit se réformer.

Ses efforts pour ramener ses déficits publics à 3 % du PIB ont porté leurs fruits, même s’il faut rester vigilant. Ils ont permis une baisse historique des taux d’intérêt qui se situent à leur niveau le plus bas depuis 1945. Conjugués au retour à des parités de change plus conformes aux réalités économiques, ils ne peuvent que favoriser la croissance.

Je suis comptable de la bonne insertion de mon pays dans l’économie mondiale, mondiale et mondialisée. Pour l’emploi. Pour nos entreprises. Pour garantir notre place et notre rang dans le monde.

Aujourd’hui, vous le savez, le destin de la France se construit dans l’Union européenne qui se renforce et s’organise, et qui est déjà, largement, la première puissance économique du monde.

Demain, l’Union européenne rassemblera 500 millions de femmes et d’hommes, parmi les mieux formés de la planète. L’Union européenne sera le plus vaste marché du monde, l’un des plus dynamiques et aussi le plus ouvert, ce qu'il est déjà.

Dans moins d’un an, l’Union européenne disposera de sa monnaie unique, l’Euro, qui deviendra l’autre grande devise mondiale.

La création de l’Euro est un événement historique pour l’ensemble de nos économies. L’Euro, cela signifie d’abord la fin des dévaluations compétitives en Europe, et chacun sait les perturbations qu’elles peuvent engendrer. Cela signifie une monnaie solide et forte. C’est un atout pour l’investissement, pour la croissance et donc pour l’emploi dans nos pays européens. L’Euro, c’est aussi une Europe qui exercera, face au dollar, une puissance monétaire à la mesure de son économie.

L’Euro va modifier profondément la vie de nos concitoyens et de nos entreprises. Il va définitivement unifier le grand marché européen.

Une Europe forte, dynamique, disposant d’une monnaie unique, c’est aussi un atout pour le monde. Vous, entrepreneurs indiens, devez saisir cette chance d’une Europe ouverte qui est tout le contraire d’une forteresse. D'une Europe qui est déjà votre premier partenaire économique. D’une Europe qui souhaite plus que jamais intensifier ses échanges et ses investissements avec les autres grandes parties du monde. D'une Europe qui est de très loin et qui restera le premier donneur d'aide publique au développement de notre planète.

Eh bien, au coeur de cette Europe nouvelle, il y a la France qui veut nouer une nouvelle relation économique, plus ambitieuse et plus large, avec votre grand pays. La France dont les entrepreneurs veulent être, dans le grand marché européen, vos partenaires privilégiés.

J’ai fait, vous le savez, du rapprochement de la France et de l’Europe avec l’Asie, et notamment avec l’Inde, l’une des priorités de notre politique étrangère. Une priorité qui ne saurait être remise en question par les turbulences financières que vient de connaître l’Asie du Sud-Est.

Je voudrais exprimer, ici, à nouveau, ma confiance dans les capacités de l’Asie à surmonter les déséquilibres et les turbulences actuels. Certes, ces déséquilibres étaient peut être plus profonds que ne le pensaient les experts. Certes, certains systèmes financiers étaient-ils trop fragiles. Mais, n’en doutons pas, l’Asie, qui fait face à une crise d’adaptation, l'Asie réunit toujours les conditions économiques du succès : le travail, l’épargne, l’investissement.

La crise en Asie du Sud-Est ne doit pas remettre en cause l’ouverture nécessaire des économies. Nous avons tous profité de l’ouverture commerciale de nos pays. Elle a été l’une des clés des succès de l’Asie et naturellement elle le demeure.




C’est ce chemin, celui de l’ouverture, que l’Inde emprunte aujourd’hui. L’Inde où la France n'est pas encore au niveau qui devrait être le sien.

Déjà, nos échanges s’intensifient. Ils ne cessent de s’élargir à de nouveaux secteurs, comme le montre la part croissante des produits non traditionnels dans les exportations indiennes vers la France.

Déjà, la France multiplie ses investissements dans votre pays. Entre 1991 et 1996, elle est devenue le septième investisseur en Inde. Les plus grands noms de l’industrie, des services et de la finance français sont désormais représentés ici. Et les entreprises françaises, en association avec les entreprises indiennes ou en investissements directs, sont désormais de grands employeurs de ce pays, on le sait pour Saint-Gobain, Gec Alsthom, Rhône-Poulenc, Alcatel et bien d'autres aussi.

Cet intérêt nouveau témoigne de la confiance, de la grande confiance que nous inspirent les réformes économiques engagées par l’Inde en 1991 et poursuivies depuis par tous ses gouvernements.

C’est une Inde nouvelle, moderne, inventive, créative, libérée dans ses initiatives et désireuse d’occuper toute sa place sur la scène économique mondiale, que ma délégation et moi-même rencontrons aujourd’hui. Un pays dont les performances impressionnent le monde. Selon la Banque mondiale, l’Inde sera, en 2020, c'est à dire demain, l’un des cinq pays qui auront le plus profité de la croissance des échanges dans le monde. L’Inde, puissance politique de premier plan, s’apprête à devenir l’un des principaux pôles économiques du XXIe siècle.

La France se tient à votre disposition pour accompagner votre développement. Je vous l’ai dit, ses savoir-faire, ses technologies peuvent répondre aux besoins de votre pays.

Nous avons déjà de grands projets communs tels que l’unité de production d’électricité de Bhadrawati sur laquelle travaillent GEC-Alsthom et EDF. Pour la livraison de gaz naturel liquéfié par Total. Dans le domaine des transports, je souhaite que l’intérêt de vos compagnies aériennes pour Airbus aboutisse prochainement à un accord et je pourrais multiplier les exemples.

Mais je vous le dis, allons plus loin !

La coopération industrielle dans le domaine aérien entre l’Inde et la France est une réalité. Développons-la ! De même, dans le domaine des communications et de l’espace, et notamment des satellites où l’Inde est appelée à devenir à la fois un acteur et un utilisateur majeur. Dans le domaine de l’aménagement urbain, où les savoir-faire français sont les meilleurs du monde. Dans le domaine des services financiers, où nos banques jouent déjà un rôle important en Inde et sont prêtes à accroître leur présence chez vous. Mais aussi dans le domaine de l’assurance, secteur qui doit encore s’ouvrir en Inde, et où notre partenariat pourrait bénéficier à nos deux pays.

Mais, pour travailler ensemble, pour que s’instaure la confiance, pour bâtir une communauté d’intérêts, apprenons à nous connaître.

Convenons de nous rencontrer plus souvent. Multiplions les rendez-vous entre nos gouvernements, nos administrations, nos responsables locaux, nos organisations professionnelles, nos forces vives.

C’est précisément l’objet de ce grand colloque qui réunit aujourd'hui les plus grands noms de nos communautés d’affaires et que notre ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, M. Strauss-Kahn, animera avec vous cet après-midi. Et lui, ayant une grande culture, il pourra le faire en anglais

C’est l’une des missions essentielles du "Forum d’initiatives" que nos deux pays veulent créer et au sein duquel se retrouveront des responsables politiques et économiques, au plus haut niveau, indiens et français.

A l’occasion de ma visite, une grande exposition des technologies françaises en matière d’images virtuelles sera inaugurée à New Delhi. Je souhaite que d’autres manifestations d’envergure, en Inde mais aussi en France, permettent à nos entrepreneurs de se découvrir ou de mieux se connaître, de s’apprécier, de nouer des alliances. D'ailleurs, j'ai souhaité que la France organise l'année prochaine une grande exposition des entreprises françaises, "France 2000", qui réunira les plus grands noms de notre industrie et de nos PME.

Vous-mêmes, entrepreneurs indiens, êtes les bienvenus en France, les bienvenus. Mon pays vous ouvre les bras. Venez découvrir le marché français, nos savoir-faire. Venez explorer l’immense champ qui s’ouvre à notre coopération avec vos homologues français, au premier rang desquels le Président Seillière et le Président Périgot, qui prend le relais de mon ami François-Xavier Ortoli, qui a été l'inlassable acteur des relations économiques franco-indiennes, que je salue.




Mesdames et Messieurs,

Soyons ambitieux pour notre relation ! Depuis longtemps, l’Inde et la France ont noué, dans les domaines politique et culturel, un dialogue amical, confiant, respectueux de l’autre. Notre partenariat économique doit être à la hauteur de cette relation d’excellence dans les domaines politiques ou culturels.

Soyons audacieux ! Soyons imaginatifs ! Au-delà de nos relations bilatérales, élargissons le champ de notre coopération aux pays tiers, aux grands chantiers industriels, d’infrastructures, aux grands programmes de recherche dans lesquels l’Inde et la France peuvent travailler la main dans la main.

Mesdames et Messieurs, j’ai confiance. J’ai confiance dans la France. Et j’espère vous avoir convaincus, vous entrepreneurs indiens, de la nécessité de nous rapprocher.

J’ai confiance en l’Inde. J’ai confiance dans ses réformes et dans sa volonté de s’ouvrir. Et j’ai confiance en notre partenariat. Qui ne voit tout ce que l’Inde et la France peuvent s’apporter ? Qui ne voit les succès qui peuvent être les nôtres si nous savons conjuguer nos savoir-faire et nos génies respectifs ? Cette confiance, cette volonté de progresser ensemble, je souhaite les avoir partagées avec vous.

L'Inde est la plus grande démocratie du monde. Bientôt des élections auront lieu en Inde. Puis-je vous dire que ma visite est elle aussi un vote, un vote de confiance.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.




QUESTION - Monsieur le Président, la technologie et les prouesses scientifiques françaises seront démontrées demain lors de l'inauguration de l'expostion des technologies françaises en matière d'images virtuelles à New-Delhi, prouvant le renforcement de la science et de la technologie française. Quelle sera l'accent qui sera mis en France dans le domaine de la science et de la technologie, comment la France pourra-t-elle être un modèle pour d'autres pays, comment la France peut-elle aider d'autres pays tels que l'Inde, pour également se développer dans ce domaine ?

LE PRÉSIDENT - Je disais tout à l'heure que la clef du développement, du succès, c'est l'innovation. C'est donc à la fois la capacité de prévoir une certaine vision de l'avenir, et le fait de se donner les moyens de cette innovation. Cela, c'est la recherche, la recherche fondamentale, la recherche appliquée.

La France comme l'Inde, fait un effort très important en matière de recherche, le monde de demain sera celui du savoir et de l'intelligence, ce qui impose deux priorités à toute société, l'éducation et la recherche. Et la France essaie de relever ce double défi. Aujourd'hui à Bombay, -mais il avait des réunions avec la communauté scientifique indienne-, notre ministre de l'Education et de la Recherche est venu porter ce message.

Alors dans quel domaine ? Je crois qu'il ne faut rien exclure, et que de grandes puissances, comme l'Inde, et aussi la France, ont vocation à ne laisser aucun domaine à l'écart, et notamment ont vocation à ne pas se laisser distancer dans la mise en oeuvre de toutes les technologies modernes, notamment dans le domaine de la communication. Et nous faisons, de ce point de vue, un effort important, le Gouvernement a prévu des moyens considérables pour doter l'ensemble de notre système éducatif des moyens nécessaires pour que tous les jeunes s'immiscient aux technologies de l'avenir.

Alors, vous dites : "la France, en quoi peut-elle être un modèle ?", la France n'a pas vocation à être un modèle, elle a vocation à être un acteur, un acteur dynamique dans ce domaine, mais un acteur coopérant. La France souhaite coopérer avec tous les pays qui veulent le faire, et je dirais que dans tous ces domaines de la recherche, j'en ai évoqués quelques uns dans mon propos, la France souhaite beaucoup coopérer activement avec l'Inde, qui est aujourd'hui, en matière de communauté scientifique, la troisième puissance du monde et dont les efforts de recherches ont été considérables. Alors voilà, c'est aussi l'un des domaines pour notre coopération.

QUESTION - Les médias ont beaucoup parlé du chômage, et du ralentissement de l'économie française, et comme vous le savez, en Inde, nous avons également un taux de chômage élevé, et même notre taux de croissance de 6% par an ne suffit pas à réduire notre chômage, nous souhaitons dépasser les 7%. Monsieur le Président pourriez-vous nous indiquer comment la France fait face à la croissance économique et la création d'emplois, je pense que ceci pourrait nous aider également ?

LE PRÉSIDENT - Hélas, je ne suis pas sûr que ce soit un domaine où la France puisse donner des leçons. Je dois dire, d'ailleurs, que ce n'est pas un problème français, c'est un problème européen.

L'Europe a connu depuis une dizaine d'années un taux de croissance, qui n'a pas été régulier -il y a eu des hauts et des bas-, mais insuffisant pour permettre le plein emploi, et elle se trouve dans une période d'adaptation. Beaucoup de moyens ont été utilisés, je dois reconnaître que leur efficacité n'a pas encore fait ces preuves et que nous continuons à chercher. Ce qui est sûr, c'est que la clef d'une amélioration des choses, et c'est un sentiment qui est partagé par tous en France, c'est de donner à l'ensemble de nos entreprises, plus de dynamisme, c'est-à-dire libérer les forces vives qui existent, nombreuses, dans l'esprit des Français et dans l'action des entreprises. Alors nous sommes engagés sur cette voie, mais je crois également qu'avec un taux qui hélas, n'est pas de 6,5% mais de l'ordre de 3% en Europe, nous aurons du mal et il faudra du temps avant que nous puissions régler ce problème, et par conséquent, je nous vois mal, pour tout dire, vous donner des leçons.

QUESTION - Cela concerne la mondialisation et l'identité nationale, vous avez accordé un nouveau sens à ce mot, l'identité nationale, pensez-vous qu'avec une plus grande mondialisation de nos économies, il faudrait également faire des efforts pour garder l'identité nationale, le partenariat peut-il également aller de pair avec ce genre d'identité nationale ?

LE PRÉSIDENT - La mondialisation est dans la nature des choses, elle est inévitable, c'est un fait, et par conséquent, il faut s'y adapter. Il serait tout à fait ridicule d'essayer de la nier. Le problème, c'est que la mondialisation, qui comporte des avantages considérables en terme de développement, de croissance, comporte également des dangers : le danger de laisser certains, des pays ou des individus, qui n'ont pas la capacité d'aller aussi vite que les autres. Donc la mondialisation est inéluctable, elle doit être encouragée, mais dans toute la mesure du possible, elle doit être maîtrisée. Alors ceci dépend naturellement des différents pays en Europe, nous essayons de maîtriser les effets de la mondialisation par l'affirmation et le renforcement d'un certain modèle social européen, qui est fondé sur quelques principes.

L'identité nationale est quelque chose de profondément ancrée dans l'âme des peuples et dans l'esprit des hommes, et on ne va pas renoncer à l'identité nationale, d'ailleurs cela serait impensable dans un pays comme l'Inde, et aussi dans un pays comme la France. Mais je ne crois pas qu'il y ait de contradiction claire entre l'affirmation d'une identité nationale, qui est un phénomène à la fois politique et culturel et le développement d'une mondialisation qui est essentiellement économique.

Néanmoins, il y a au moins un domaine, celui de la communication où ces deux secteurs se recoupent et où il faut faire attention. Nous évoluons à l'évidence vers un monde multipolaire, avec un certain nombre de grands ensembles qui se constituent et qui seront, demain, les puissances politiques, économiques, culturelles. Qu'il s'agisse de l'Amérique du Nord, de l'Amérique du Sud avec le MERCOSUR, de l'Asie avec l'Inde, la Chine, l'ASEAN, et demain je l'espère, l'Afrique, qui fait un effort d'intégration régionale et j'en oublie.

Nous voyons, par ailleurs, un développement des techniques de communication qui font courir au monde un risque d'uniformisation, d'uniformisation linguistique et par voie de conséquence d'uniformisation culturelle, dans laquelle réside un véritable danger, d'abord pour les identités nationales qui risquent de fondre, mais aussi pour l'ensemble des cultures, qui réunies, font la culture de l'humanité et qui auraient tout à perdre en disparaissant dans un grand magma uniforme, il faut donc y être attentif. La mondialisation existe, les identités culturelles doivent être sauvegardées, et il n'y a pas, à condition d'être prudent, de contradiction entre les deux.





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