Allocution du Président de la République à l'occasion de la remise du prix Louise MICHEL à M. Abdou DIOUF, Président du Sénégal.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise du prix Louise MICHEL à M. Abdou DIOUF, Président de la République du Sénégal.

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Palais de l'Élysée, le mardi 24 février 1998

Monsieur le Président de la République du Sénégal,

Ma Chère Élisabeth,

Messieurs les Ministres Sénégalais et Français,

Monsieur le Premier Ministre,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux de vous accueillir aujourd'hui et je vous souhaite, Monsieur le Président de la République, la plus cordiale des bienvenues dans cette maison -que vous connaissez bien et qui est un peu la vôtre- et ceci à l'occasion de la remise du Prix Louise MICHEL.

Ce Prix décerné par le Centre d'Etudes Politiques et de Société doit beaucoup, je voudrais le souligner, à l'intelligence et au dynamisme de la Présidente de ce Centre, Madame Janette BRUTELLE-DUBA. Et je me suis réjoui, une fois de plus, du choix qui a été fait par le Centre d'attribuer ce prix à Monsieur Abdou DIOUF.

Depuis trente-cinq ans, Madame la Présidente, l'ardeur avec laquelle vous animez l'Association que vous avez fondée a fait de celle-ci un centre de réflexion où se rencontrent tous les dirigeants politiques, quelle que soit leur origine ou leur famille. Cette réussite, le CEPS le doit à cet esprit d'ouverture et de tolérance qui le caractérise et que vous entretenez avec talent, avec conviction. Je tenais aujourd'hui à le souligner et à vous remercier.

Le Prix Louise MICHEL, que j'ai eu moi-même le très grand le privilège de recevoir en 1986, distingue, depuis quinze ans, une personnalité politique dont l'action a marqué son temps et notamment l'année. En quinze ans, ce Prix a récompensé, c'est vrai vous l'avez rappelé tout à l'heure, Madame la Présidente, de très nombreuses hautes personnalités en France, en Europe, en Afrique ou au Proche-Orient. Il est décerné cette année au Président de la République du Sénégal, le Président Abdou DIOUF. Et j'éprouve, naturellement, un plaisir tout particulier à ce que cette cérémonie se déroule dans notre pays et en particulier au Palais de l'Elysée.

Je suis très heureux en effet de voir récompenser le Chef d'Etat d'un pays, dont les liens avec la France, il l'a souligné à l'instant, sont à la fois anciens, solides et privilégiés.

La présence de vos proches, cher Président Abdou DIOUF, de votre épouse, à laquelle je veux exprimer mes respectueux et affectueux hommages, et à qui je vais demander de bien vouloir transmettre aussi toute mon affection à ses enfants, et en particulier à la charmante et ravissante filleule que vous avez bien voulu me donner, Yacine, votre fille, dont je regrette simplement aujourd'hui l'absence mais qui j'en suis sûr est de tout coeur avec nous. De vos collaborateurs, Monsieur le Président, de vos amis, très nombreux, sénégalais et français ; la présence de hautes personnalités de votre pays, celle des membres du corps diplomatique africain, cette brillante assistance que je salue, sont un hommage à l'action exemplaire, rappelée tout à l'heure par notre Présidente, que vous menez depuis près de quarante ans en faveur du Sénégal, une action dont nous pouvons tous ici témoigner.

Enfant de Saint-Louis, effectivement sorti Major, comme le rappelait tout à l'heure Madame BRUTELLE-DUBA, de l'Ecole Nationale de la France d'Outre-Mer, l'année même où le Sénégal accède à l'indépendance, vous regagnez donc votre pays et vous entreprenez une brillante carrière administrative.

Dès 1965 -et vous avez tout juste trente ans- le Président Léopold Sédar SENGHOR, à qui je tiens à rendre également un hommage à la fois affectueux et respectueux, vous nomme Secrétaire Général du Gouvernement.

En 1968, vous êtes, on l'a dit tout à l'heure, ministre du Plan et de l'Industrie et puis après la réforme constitutionnelle, voulue par le Président SENGHOR, vous êtes nommé Premier ministre. A trente-cinq ans le grand commis de l'Etat que vous êtes va montrer qu'il possède aussi une vraie stature d'homme d'Etat.

Vous assumerez vos difficiles fonctions pendant dix ans, sans interruption, dix ans au cours desquels le Sénégal va s'engager avec succès sur la voie du développement économique et assurer la stabilité de ses institutions en tenant compte à la fois de la montée de la jeunesse scolarisée et du poids des structures traditionnelles.

Aussi, lorsque le Président SENGHOR décide de se retirer de la vie publique, vous devenez, comme le voulait l'article 35 de votre Constitution, son successeur. Vous achevez son mandat et, en 1983, les électeurs sénégalais vous confirment dans vos fonctions. Ils vous rééliront à la Présidence de la République en 1988 et en 1993. Ainsi, depuis dix-sept ans, donnez-vous l'exemple d'une continuité politique rare, aussi bien, d'ailleurs, sur le continent africain que plus généralement dans le monde.

Au cours de ces vingt-sept dernières années où vous avez été en charge des plus hautes responsabilités, vous vous êtes efforcé, avec pragmatisme, avec obstination, avec générosité aussi, de mettre en oeuvre une bonne gestion économique et ceci malgré de très nombreuses difficultés ; pendant ces vingt-sept ans, vous vous êtes attaché à poursuivre une réelle libéralisation de la vie politique en vous appuyant sur la stabilité des institutions, une stabilité que vous avez eue à coeur et que vous avez su préserver.

Vous vous êtes consacré à ces tâches avec la ténacité du démocrate profondément attaché à ses convictions. Vous l'avez fait avec une compétence, un sens du devoir et des responsabilités, en un mot, un sens de l'Etat qu'aucune difficulté n'est parvenue à entamer.

Vous l'avez fait en manifestant, avec simplicité, une qualité d'écoute et une compréhension véritable à l'égard de vos concitoyens. Vous l'avez fait avec une fermeté et une pondération reconnues, avec une lucidité et un sens de l'honneur qui vous ont attiré, en Afrique comme ailleurs, l'estime et le respect. Vos pairs, sur le continent, vous en ont donné maints témoignages en vous confiant de hautes responsabilités dans l'exercice desquelles vous avez montré toute votre sagacité et aussi votre autorité morale.

Profondément engagé dans la défense de la démocratie, vous êtes aussi profondément engagé dans la défense des droits de l'homme.

Sous votre impulsion, votre pays -c'est vrai- a adopté une loi qui fait de la torture un crime de droit pénal. L'an dernier, vous avez apporté votre soutien, vous l'avez rappelé au projet de création, aux côtés de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, d'un organe juridictionnel, une Cour permanente des droits de l'homme en Afrique qui aurait, non pas un simple pouvoir de conciliation et de recommandation, mais un réel pouvoir de prendre des décisions, assorti des moyens de les faire respecter.

C'est le cheminement exemplaire d'un pays vers la consolidation de l'Etat de droit que le Sénégal offre ainsi aux yeux du monde. Il vous le doit, à vous qui êtes un humaniste sincère, un authentique démocrate et une personnalité écoutée, dont l'autorité morale renforce l'audience de votre pays dans les enceintes internationales.

Aussi suis-je heureux, cher Abdou, que ce Prix vous revienne, à vous qui vous êtes consacré à conduire le Sénégal vers l'avenir, avec intelligence, avec générosité et persévérance.

Votre attachement personnel à la France, celui de votre épouse Elisabeth, confèrent à cette cérémonie amicale un caractère particulier, que chacun, j'en suis sûr, ressent ici. Cette chaleur, cette amitié sont à l'image des relations qu'entretiennent nos gouvernements et nos peuples, on l'a vu encore récemment, à l'occasion de la visite du Premier ministre chez vous et des relations que nous entretenons, vous l'avez rappelé tout à l'heure, de longue date. Aussi est-ce du fond du coeur, Monsieur le Président, mon cher Abdou, cher et grand ami -comme on dit souvent dans une jolie formule africaine- que je vous adresse en mon nom, et au nom de la France, mes félicitations les plus vives et aussi ma fidèle amitié et toute mon affection.





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