Discours du Président de la République à l'occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du 50e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme.

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Palais de Chaillot, Paris, le jeudi 10 décembre 1998

Monsieur le Secrétaire Général,

Nous sommes très heureux d'avoir pu entendre votre message d'engagement au service des Droits de l'Homme. Au nom de toutes celles et de tous ceux qui viennent de vous écouter, je vous en remercie. Et je vous adresse des voeux chaleureux et aussi l'expression de notre soutien dont l'action inlassable et efficace, qui est la vôtre, en faveur de la paix.

Mesdames, Messieurs,

Ici même, voici cinquante ans, l'Assemblée générale des Nations Unies adoptait la Déclaration universelle des Droits de l'Homme. Ce texte visionnaire est depuis lors la loi morale de l'humanité. Il inspira les traités et les constitutions. Il alimente l'espoir des peuples. Il fonde l'action de tous ceux qui, à travers le monde, luttent pour que soient respectées la dignité et la liberté inhérentes à chaque être humain.

Je suis heureux de vous rendre hommage, de vous saluer, toutes et vous tous qui êtes engagés dans la défense des Droits de l'Homme. Mieux que d'autres, vous mesurez le chemin que nous avons parcouru depuis 1948, malgré les obstacles. Plus que quiconque, vous avez conscience de celui qui reste à parcourir.

Je me réjouis que notre commémoration, à Paris, se tienne au moment même où l'Assemblée générale des Nations Unies, à New-York, manifeste l'attachement unanime des États à un texte unique au monde.

Quel symbole que cette communion, de part et d'autre de l'Atlantique, ici les citoyens engagés, là-bas les représentants de tous les États, affirmant d'une seule voix leur volonté de mener ensemble le combat pour les Droits de l'Homme ! Un combat difficile et exigeant. Un combat indispensable au progrès de la civilisation.

Rendons hommage aux auteurs de la Déclaration, dont les familles sont présentes dans cette salle. Avec elles, rappelons-nous la naissance de cet acte fondateur aux prolongements immenses. Sous la présidence d'Eleanor ROOSEVELT, le comité, composé de représentants de la Chine, du Moyen-Orient, des Amériques et d'Europe, a travaillé deux ans. Marqués par les deux guerres mondiales, avec leurs cortèges de morts, par les crimes du totalitarisme et par les horreurs de la Shoah. Marqués, aussi, par la révolte de peuples maintenus sous le joug communiste ou sous la férule coloniale. Marqués enfin par les crises économiques, la misère et les famines, les auteurs ont voulu affirmer l'universalité des droits, leur indivisibilité et leur interdépendance, qu'ils soient civils, politiques, économiques ou sociaux.

Parmi ces inspirateurs de la Déclaration universelle, permettez-moi de saluer la mémoire de René CASSIN, homme d'exception, s'il en fût, dont l'action inlassable en faveur des Droits de l'Homme et de l'état de droit mérite admiration, respect et reconnaissance.

À l'hommage que nous devons à celles et ceux qui ont porté la Déclaration universelle, je veux aussi associer toutes les femmes et tous les hommes qui ont choisi de défendre, parfois au péril de leur vie, la liberté et la dignité humaines. La plupart d'entre vous ont participé aux États généraux des Défenseurs des Droits de l'Homme. Pour vous tous, l'adoption, par l'Assemblée générale des Nations Unies, de la résolution pour la protection de ceux qui se consacrent à cette grande cause, revêt une importance extrême. Je sais toutes les difficultés que vous rencontrerez encore. Mais ce texte, pour lequel la France s'est longtemps battue, engage tous les États à respecter ceux qui luttent pour l'homme et pour ses droits.

Lundi, à l'Unesco, j'ai dit quels étaient les combats que la France entendait mener avec vous pour défendre la liberté et la dignité partout où elles étaient menacées.

Nombreuses sont les populations vulnérables qui requièrent une protection particulière. Minorités visées par le racisme, la xénophobie, l'intolérance. Femmes, victimes de statuts ou de traitements discriminatoires. Enfants, condamnés à des traitements inhumains ou dégradants dès leur plus jeune âge. Hommes, femmes, enfants soumis aux formes modernes de l'esclavage. Peuples premiers, souvent encore persécutés, menacés dans leur existence même. Oui, le chemin à parcourir reste immense.

Parce que l'oppression est si souvent liée à la misère, nous devons nous mobiliser, pour préserver une aide publique au développement indispensable au décollage des pays les plus pauvres.

Parce que le respect des droits dépend d'abord du comportement des États, la ratification universelle des pactes et des conventions dans le domaine des Droits de l'Homme doit être notre priorité. Chaque État doit approuver et appliquer ces textes.

En France même, le combat pour les Droits de l'Homme doit être mené sans faiblesse. Parce qu'il existe sur notre territoire des zones de non-droit où règne parfois la loi du plus fort et où la sécurité, première des libertés, n'est pas assurée. Parce que le chômage et l'exclusion sont d'abord des atteintes à la dignité personnelle, à l'idée qu'un homme se fait de lui-même. Parce que dans les pratiques et les mentalités, l'égalité n'est pas toujours garantie. Je pense par exemple à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes.

Sur notre territoire comme à l'extérieur de nos frontières, nous avons plus que jamais besoin de la vigilance, du courage, des convictions des militants des Droits de l'Homme.

Soyez attentifs aux évolutions actuelles. Elles nous ouvrent des perspectives prometteuses. Mais nous devons tous veiller à ce qu'elles ne conduisent pas à de nouveaux reculs.

Pour que la mondialisation se fasse au bénéfice de tous, nous devons jeter les bases d'un nouvel ordre juridique mondial. J'ai suggéré que le Secrétaire général des Nations Unies prenne l'initiative d'un Agenda pour la mondialisation, qui éclairerait les réflexions de l'Assemblée du Millénaire.

Pour que les nouvelles technologies de l'information ne soient pas affectées par des dérives criminelles, pour qu'elles respectent la vie privée et la liberté de chacun, l'heure est venue de fixer des règles du jeu au niveau international.

Pour la sauvegarde de notre environnement et la préservation de la planète, les Nations Unies doivent établir les principes généraux du droit à l'environnement et, plus largement, du droit des générations futures.

Pour que nous ne laissions pas les progrès de la science du vivant remettre en cause l'intégrité de l'homme, des citoyens, des professionnels, les États doivent définir rapidement les instruments conventionnels qui empêcheront, dans le monde entier, les dérives génétiques et eugéniques.

Mesdames, Messieurs,

Sur tous ces fronts, où se dessineront les contours de l'humanisme du XXIe siècle, je sais que nous trouverons les défenseurs des Droits de l'Homme prêts à prendre tous les risques pour faire vivre la Déclaration universelle et notamment son article premier: " Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. " Le programme reste immense. À nous toutes et à nous tous, ensemble, de le réaliser.

Je vous remercie.





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