Allocution du Président de la République à l'occasion de la visite au contingent français de Mostar, Bosnie-Herzégovine.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de sa visite au contingent français de Mostar.

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Mostar, Bosnie-Herzegovine, le mardi 7 avril 1998

Messieurs les Ministres,

Mon Général,

Officiers, sous-officiers, gendarmes, soldats et aviateurs,

J'ai voulu vous rencontrer parce que vous accomplissez ici une mission essentielle. Essentielle pour des populations qui, grâce à vous, retrouvent confiance et réapprennent à vivre ensemble. Essentielle pour la paix dans cette région des Balkans où s'est si souvent déchaînée la violence. Essentielle pour la sécurité de l'Europe tout entière. Essentielle aussi parce qu'elle traduit l'engagement de la Communauté Internationale.

Depuis l'éclatement de la Yougoslavie et les guerres qui l'ont cruellement déchirée, c'est-à-dire depuis bientôt sept ans, la France s'est toujours trouvée en première ligne, sur le terrain et dans la négociation, pour la recherche d'une solution politique au conflit.

Elle l'a été en vertu d'une certaine idée qu'elle se fait de l'ordre international, de la paix, du respect des peuples et de leur libre détermination. Elle l'a été parce que son souci premier est de répondre à la détresse des populations civiles, des femmes, des enfants qui sont victimes de la violence et de la barbarie. Elle l'a été en vertu de cette exigence morale qui l'anime et qui l'empêche de rester indifférente à ces doctrines d'un autre âge : l'intolérance, les haines ethniques, le racisme.

La France a engagé sa parole et déployé ses soldats pour donner tout leur poids aux résolutions de la Communauté Internationale. C'est la raison même de votre présence ici aujourd'hui. A chaque étape du processus de négociations, lorsqu'il a fallu soutenir les initiatives diplomatiques, et les soutenir avec toute la fermeté nécessaire, la France et ses armées étaient là.

Aux premières heures du conflit, nous avons immédiatement déployé des observateurs et des forces sur le terrain pour faire respecter les embargos décidés par la Communauté Internationale. Nous avons participé à la séparation des adversaires, en Croatie d'abord, puis en Bosnie, tout en ravitaillant Sarajevo dans des conditions particulièrement difficiles. Vous veillez aujourd'hui à la bonne application des Accords de paix, afin de permettre à chacun, après tant d'épreuves, de reprendre une vie normale, et contribuer ainsi au rapprochement des adversaires d'hier.

Dans toutes les circonstances, à chaque étape de l'action diplomatique, nos armées étaient là : d'abord dans le cadre de la force de paix des Nations Unies dont le contingent français a été longtemps le plus nombreux sur le terrain, puis dans celui de la force de l'OTAN chargée de veiller à la mise en oeuvre des accords de paix signés à Paris.

Nos compatriotes ne doivent pas oublier qu'au moment où nos militaires et ceux des autres contingents ont fait face à des provocations inacceptables, c'est la France qui fut la première à réagir. La reprise du pont de Verbania restera un symbole, celui de la dignité affirmée.

En liaison avec nos partenaires de l'Alliance Atlantique, nous avons pris des initiatives décisives. Le déploiement de la Force de Réaction Rapide sur le mont Igman a imposé les conditions d'un dialogue et a ouvert la voie aux accords de paix.

Certes, il reste beaucoup à faire pour enraciner la paix et c'est pour cela, qu'avec nos alliés, nous avons décidé de poursuivre notre effort en Bosnie et d'y maintenir une Force de Stabilisation au-delà de juin prochain. Cette décision est importante pour la Bosnie et pour la bonne application des Accords de paix ; elle l'est également pour toute la région.

C'est une tâche immense, difficile, souvent méconnue, qui vous est confiée. Vous vous en acquittez jour après jour avec ce sens du devoir et du dévouement, cette compétence et ce courage qui sont traditionnellement l'honneur de nos armées.

A ces qualités de combattant, vous ajoutez le sens du dialogue, la connaissance des êtres et des choses, ces talents indispensables à la réussite des délicates missions de maintien de la paix.

Vous dessinez ainsi le nouveau visage de l'armée française, du professionnel, soldat et conciliateur, auquel nous avons voulu confier la défense de notre pays et de ses intérêts dans le monde.




L'objectif que nous nous sommes fixés, pour rénover notre défense, est ambitieux ; nous devons conjuguer la professionnalisation et la modernisation des équipements. Les armées font preuve, pour relever ce défi, d'une vitalité et d'une capacité d'adaptation exceptionnelles.

La loi de programmation votée en 1996 a tenu compte des exigences nationales et de l'évolution du contexte stratégique. J'ai veillé et je veillerai à ce qu'elle soit maintenue. Sa cohérence et ses objectifs sont assurés et notre effort national sera conforté par les coopérations européennes dans le domaine de l'armement. Et, si les ressources budgétaires ont dû être ajustées pour tenir compte des contraintes, elles seront stabilisées dans les quatre années à venir comme l'a rappelé récemment, à ma demande, le Premier ministre.

Vous pouvez être confiants dans l'avenir ; l'effort du pays pour sa défense n'est pas remis en cause. Les Français savent qu'une défense forte et indépendante est le meilleur moyen de garantir leur sécurité mais aussi leurs intérêts en Europe et dans le monde.




Aujourd'hui, je voudrais avoir avec vous une pensée particulière pour ceux des nôtres qui sont tombés en Bosnie, nos 71 soldats disparus, nos 700 blessés.

Au long de toutes ces années, notre pays a payé le prix du sang pour que revienne la paix dans cette région meurtrie. Je tiens à vous rendre hommage à vous qui servez loin de chez vous, ainsi qu'à tous ceux qui vous ont précédés sur ce théâtre d'opérations. Vous accomplissez une oeuvre exceptionnelle. En servant la paix, en protégeant la vie, en lui permettant de reprendre son cours, vous assumez l'une de vos missions les plus difficiles et certainement aussi l'une des plus belles. Vous offrez une image magnifique de notre pays.

Vous le faites aussi, je le sais, avec tout votre coeur. Tout cela, mon Général, nous remplit, nos compatriotes et moi-même, d'une immense fierté. Je tenais à vous le dire et je vous demande de transmettre à tous les personnels français, militaires et civils, engagés en Bosnie, ma reconnaissance, mon estime et ma confiance.

Vive la République.

Vive la France.





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