Toast du Président de la République à Nouakchott, Mauritanie.

Toast de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de son déplacement en Mauritanie.

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Nouakchott, Mauritanie, le vendredi 5 septembre 1997

Monsieur le Président de la République,

Compte tenu de nos relations anciennes et régulières, permettez-moi de dire Cher Ami,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames, Messieurs,

Mes Chers Amis,

Je tiens à vous dire, Monsieur le Président, combien je suis sensible, combien ma délégation est sensible à vos paroles de bienvenue, des paroles qui prolongent l'accueil extraordinaire, chaleureux qui nous est allé droit au coeur et que nous nous a réservé tout à l'heure, la population de Nouakchott et de Mauritanie.

Cet accueil m'a touché, parce que c'était en réalité un geste du coeur et de l'amitié. Une amitié fondée sur une histoire commune, sur une tradition très ancienne d'échanges humains, économiques et culturels. Nos deux peuples, qui ont un caractère marqué et qui sont, à juste titre, fiers de leur passé, se connaissent et se respectent.

De ces liens étroits et solides qui nous unissent, témoignent les images éblouissantes qu'ont rapportées de Mauritanie beaucoup de Français illustres, où l'on parle, bien sûr de Saint-Exupéry, mais je voudrais citer Théodore Monod qui a, en France, une image très importante et qui est entouré d'un très grand respect. Bien d'autres encore, tombés amoureux d'un pays dont la beauté les a subjugués,, où ils ont éprouvé, jusqu'au vertige, la sensation rare, inexprimable, de vivre, selon l'expression d'Ernest Psichari, " sur le rebord de l'éternité ". Comment, en effet, ne pas être fasciné par les charmes secrets du Sahara, les flots nourriciers du fleuve Sénégal, le prestige des anciennes cités de l'Adrar, l'érudition de ses savants et le talent de ses poètes dont nous avions tout à l'heure un exemple, dans un pays qui est connu dans le monde Arabe comme le pays aux millions de poètes ?

La Mauritanie est, par excellence, un lieu de rencontre. Elle constitue, par sa situation même, un trait d'union entre le Nord et le Sud, un carrefour d'échanges, le point de passage de cultures venues d'ailleurs. C'est aussi une nation de défricheurs et de bâtisseurs. Hier, les Almoravides, des confins du désert, partirent fonder, bien au-delà des rivages de la Méditerranée, des civilisations brillantes, à jamais inscrites dans la mémoire des hommes. Aujourd'hui, les Mauritaniens modernes font face aux nouveaux défis, avec le courage et la détermination des peuples qui savent que rien n'est jamais définitivement acquis. Défi humain d'abord, celui d'une lutte sans cesse renouvelée pour vivre dans un pays magnifique, mais dont la nature exige beaucoup de l'homme. Défi de l'accès à l'eau, source de vie, que vous gérez avec intelligence. Défi du progrès, pour apporter aux femmes et aux hommes de ce pays le mieux-être auquel tous les peuples aspirent et que vous évoquiez à l'instant, Monsieur le Président, comme objectif suprême de vos efforts et de vos réformes.

Depuis longtemps, la France chemine à vos côtés. Au moment des indépendances, elle a apporté tout le soutien que méritait un jeune Etat en devenir. Nos deux pays ont été naturellement conduits à mettre en oeuvre une coopération appelée à répondre aux priorités de votre développement : la santé, l'éducation, la formation des hommes, le renforcement des administrations, l'équipement et la modernisation du pays. Pierre Messmer, qui a été profondément marqué et qui reste profondément attaché à votre pays et que je suis heureux d'avoir à mes côtés ce soir, a fait beaucoup dans ce sens et poursuit son combat en faveur du développement de votre pays.

Mais ici, en Mauritanie, c'est l'eau qui reste une préoccupation majeure. Le maintien des populations rurales sur leurs territoires traditionnels atteints par la sécheresse, le développement des productions agricoles nécessaires pour parvenir à l'autosuffisance alimentaire, la couverture des besoins liés à une urbanisation croissante imposent, c'est vrai, nous en parlions tout à l'heure, Monsieur le Président, d'énormes efforts pour renforcer les ressources en eau.

Cette question de l'eau, à laquelle vous êtes si justement attentifs, concerne désormais la planète tout entière. Lors de la session spéciale de l'ONU à New York sur l'environnement, en juin dernier, j'ai alerté la communauté internationale sur la raréfaction inquiétante de cet élément essentiel pour le devenir de l'humanité. Là réside en effet, nul ne doit l'ignorer, l'un des problèmes les plus urgents que nous ayons à résoudre.

La France, par l'intermédiaire de la Caisse Française de Développement, apporte, vous le savez, Monsieur le Président, un appui soutenu au combat que mène la Mauritanie pour ménager à tous l'accès à l'eau et gérer les ressources hydrauliques. A Nouakchott, et je suis heureux de vous le dire, c'est l'alimentation en eau potable des quartiers les plus défavorisés qui sera renforcée grâce à des concours nouveaux de la Caisse que nous venons de décider. Dans les Hodhs, à l'Est, les projets hydrauliques à vocation agricole seront poursuivis. Demain, lors de notre déplacement à Atar, nous visiterons, à Tayaret, l'une des retenues d'eau financées par notre coopération pour développer les cultures vivrières. Au Sud, il faut encore aménager les potentialités offertes par le fleuve Sénégal que gèrent en commun les Etats riverains. C'est ce que vise le projet de centrale électrique de forte capacité, alimentée par le barrage de Manantali, qui représente un investissement de 2,3 milliards de francs français. Douze bailleurs de fonds sont mobilisés. Pour sa part, la Caisse Française de Développement s'est engagée pour un concours de 500 millions de francs français, sous forme de subventions et de prêts à des conditions favorables. Ainsi, après le développement de l'agriculture, ce sont les autres activités qui pourront être stimulées par l'amélioration des capacités énergétiques.

L'homme n'a pas la maîtrise du climat : la sécheresse a affecté la campagne céréalière 1996-1997 et le déficit structurel de la Mauritanie s'est trouvé aggravé, avec des risques de pénurie pour les populations des zones les plus déshéritées. Vous m'en avez longuement parlé lors de nos dernières rencontres. La France a décidé, en conséquence, de reprendre son aide alimentaire. Des dispositions seront prises pour livrer très prochainement une nouvelle contribution pour 1997 de 3 000 tonnes de céréales et de produits lactés, dont l'utilisation se fera selon les règles internationales en vigueur.


Ma visite en Mauritanie Monsieur le Président, me permet d'apprécier l'importance de cette coopération et, comme vous le disiez tout à l'heure son caractère mutuellement bénéfique. Elle me permet aussi, de constater les grandes affinités qui existent entre nos deux peuples qui font de l'esprit de tolérance une vertu essentielle, et qui sont tous deux attachés à l'émergence d'un monde à la fois solidaire et pacifique.

Cette étroite relation d'amitié et d'estime, la France aspire à l'entretenir avec tous les pays d'Afrique qui le souhaitent, dans un esprit de partenariat. Car elle entend rester fidèle à l'Afrique, tout en adaptant son approche aux réalités d'aujourd'hui. Nous en avons longuement discuté, Monsieur le Président, et je crois que, une fois encore, nous nous sommes compris.

Le continent a connu, ces derniers temps, des événements qui l'ont profondément marqué, meurtri, blessé. Pourtant, des évolutions favorables se dessinent, que l'on ne peut pas, que l'on ne doit pas ignorer. Dans de nombreux pays, l'état de droit progresse, la démocratie s'enracine, la croissance s'affirme et son taux dépasse aujourd'hui celui de la démographie. Comment ne pas souligner aussi les efforts consentis pour parvenir à une intégration régionale sans cesse plus poussée, pour développer une diplomatie préventive ou la recherche par les Africains eux-mêmes de solutions à leurs différends.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, face à ces grandes évolutions, la France prend sa part de responsabilités, en développant des relations dans la confiance et le respect scrupuleux des souverainetés. Elle veut continuer à accompagner fraternellement les progrès de l'Afrique : elle est, et restera, pour l'Afrique subsaharienne, le premier donneur d'aide. Elle milite pour que soient maintenus à un niveau suffisant les flux financiers d'aide publique et qu'un traitement définitif soit apporté à la dette des pays les plus pauvres. C'est au titre d'une certaine conception de la solidarité internationale que la France défend et continuera de défendre ces idées. Les réformes économiques et l'amélioration du cadre juridique et institutionnel dont les pays, comme le vôtre, ont compris la nécessité, lui permettent d'encourager les entreprises privées à y investir davantage.

Située à la conjonction du Maghreb et de l'Afrique de l'Ouest, la Mauritanie peut agir de son côté comme un canal naturel de communication entre ces deux mondes à la fois si différents et si proches.

Il faut aujourd'hui s'organiser pour dépasser les antagonismes. L'heure est à la création de zones de paix et de coopération. En Afrique de l'Ouest, l'intégration régionale progresse, les pays ont compris que leurs intérêts sont liés. Ainsi, à votre frontière Sud, Monsieur le Président, l'Organisation de mise en valeur du fleuve Sénégal est en voie de devenir, au-delà de ses missions techniques, un lieu de concertation entre les Etats riverains sur des questions vitales pour leurs populations. Je pense en particulier à la nécessité de ne pas distraire l'eau indispensable du fleuve sans qu'un accord global et techniquement bien étudié ne soit réalisé. Au Nord, il faut espérer une solution prochaine de la question, que vous avez évoquée, Monsieur le Président, du Sahara occidental dans le cadre, et nous sommes du même avis du plan de règlement des Nations Unies.

Je ne voudrais pas terminer sans évoquer le nécessaire dialogue euro-méditerranéen, après vous, dialogue auquel nos deux pays sont attachés. Un ensemble méditerranéen est en train d'émerger. L'enjeu est considérable. Il s'agit, pour les pays qui sont concernés, d'instaurer un partenariat nouveau et exemplaire, de faire de la Méditerranée non pas une ligne de partage, mais un trait d'union, de réaliser dans cette zone du monde, qui est à l'origine de tant de civilisations, un ensemble de développement, de paix, de prospérité et aussi de stabilité. Je suis heureux que la Mauritanie ait à coeur de participer activement aujourd'hui comme Etat associé et demain comme Etat à part entière dès que la situation politique de la Méditerranée et notamment la remise sur les rails, je l'espère, du processus de paix au Proche-Orient, permettra de faire de nos objectifs euro-méditerranéens une réalité plus concrète.




Nous venons de vivre une décennie de grands bouleversements qui ont fait entrer le monde dans une phase de mutation obligeant chacun à s'adapter. La Mauritanie a déjà éprouvé les douleurs des périodes tourmentées de l'histoire. Elle les a surmontées pour se tourner vers l'avenir, en suivant la voie de l'ouverture démocratique et de la modernité économique. Ce qui n'était pas facile, compte tenu de ses traditions encore si proches et d'ailleurs si nobles. C'est le choix que vous avez fait, Monsieur le Président, vous qui, chacun le sait, êtes un Sage, et je tiens à saluer cette volonté clairement affirmée et cette vision politique des intérêts à long terme de votre pays. Dans cette perspective, vous pouvez être assuré du soutien fraternel de la France.

Monsieur le Président, permettez-moi, avant de partager ce repas, et après vous, de demander à chacun de se lever en l'honneur du peuple mauritanien pour qui j'éprouve, avec mes compatriotes, estime, respect, amitié et aussi, Monsieur le Président, en votre honneur et pour le succès des efforts que vous avez entrepris et de la coopération qu'ensemble nous conduisons.





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