Allocution du Président de la République lors de la réception de la communauté française de Mauritanie.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la réception de la communauté française de Mauritanie.

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Nouakchott, Mauritanie, le vendredi 5 septembre 1997

Mes Chers compatriotes,

Je voudrais d'abord saluer très cordialement chacune et chacun d'entre vous, représentants permanents, résidents permanents ou coopérants, et j'en suis sûr, tous attachés à cette terre assez fascinante sur laquelle vous êtes soit installés, soit de passage. Je voudrais vous remercier pour tout cela.

Je voudrais remercier notre Ambassadeur et Madame Taix qui nous reçoivent. Notre Ambassadeur a déjà, et son épouse également, succombé au charme de ce pays.

Je suis venu avec le Ministre des Affaires étrangères, Monsieur Hubert Védrine et son épouse, qui connaît bien et qui aime beaucoup ce pays et qui a eu le geste, trop discret d'ailleurs, d'apporter à l'hôpital de Nouakchott un certain nombre de matériels dont cet hôpital était démuni et dont il avait besoin.

Je voudrais vous dire ma joie d'avoir ici également, Pierre Messmer qui fut Commandant du Cercle d'Atar, il n'y a pas si longtemps, et ensuite Gouverneur de la Mauritanie et qui a conservé ici des racines profondes et un sentiment de solidarité fort.

J'ai souhaité également que soit présent le Ministre Camille Cabana qui a relancé ou relance l'action de l'Institut du Monde Arabe et, à ce titre, a une relation permanente avec tous les pays concernés, puis saluer les parlementaires et les personnalités qui m'ont accompagné, particulièrement le Ministre, Monsieur Sapin, au titre de l'association" Cités Unies France " et qui a une coopération active avec la Mauritanie, Monsieur Legendre, Sénateur, Président du Groupe d'amitié France-Afrique de l'Ouest au Sénat.

Je ne peux pas résister au plaisir de citer l'Association internationale des Maires francophones dont cinq Maires de Mauritanie font partie et saluer son Secrétaire général, Monsieur Figeac.

C'est mon cinquième voyage en Afrique depuis mon élection. Je suis heureux que ce soit en Mauritanie. Je disais tout à l'heure que c'était un pays fascinant que je connais très mal, je n'ai aucune prétention, mais j'ai observé que celles et ceux qui y avaient vécu et qui s'y étaient attachés, avaient été profondément marqués par cette terre et par ce peuple ou ces peuples. On cite toujours, naturellement, Psichari, Saint-Exupéry, mais, j'ai parlé avec Pierre Messmer je relisais récemment le livre du Général, qui n'était pas encore Général, Diego Brosset, qu'ils sont étonnants et bien d'autres aussi, sans parler de la forte personnalité de Théodore Monod, qui, incontestablement a marqué, lui aussi, à la fois ce pays et surtout en France l'image que l'on en a.

C'est d'ailleurs de Teilhard de Chardin qui disait : " qu'on se sentait ici fils de la terre et enfant du ciel", c'est joli. Je crois qu'il y a un peu de vrai.

Pour en revenir à nos relations, et notamment aux entretiens que je viens d'avoir avec le Président Ould Taya, la France est un partenaire privilégié pour la Mauritanie. Elle l'est sur le plan de la coopération, elle l'est sur le plan politique et elle l'est, naturellement sur le plan commercial. Elle est le premier partenaire commercial, elle est le premier donneur d'aide et, elle a l'intention, la volonté d'amplifier cette relation dans tous les domaines politique, économique, culturel -on me permettra de souligner la qualité exceptionnelle d'ouvrages qu'elle a publiés sur ce pays- avec lequel nous avons donc une relation qui se traduit notamment au travers d'une assistance technique forte, 40 ou 50 assistants techniques militaires, 140 environ assistants techniques civils, ce qui, pour le nombre d'habitants, représente de la part de la France un intérêt particulier.

Nous aurons dans les semaines qui viennent une commission financière tripartite qui va, sans aucun doute, nous permettre d'aborder la prochaine commission mixte en 1998 dans les meilleures conditions. Cette commission mixte sera particulièrement attentive aux problèmes de la petite et moyenne entreprise dont chacun sait sans en tirer toujours d'ailleurs les conséquences, qu'elle est un élément essentiel de l'implantation française dans le monde et en Mauritanie comme ailleurs. Cette commission mixte devrait avoir aussi comme priorité le développement des moyens de l'enseignement professionnel, technique et aussi supérieur, ainsi que l'aide permanente au renforcement de l'état de droit qui se poursuit dans ce pays et puis, naturellement, de mettre l'accent sur les problèmes des infrastructures et surtout de l'eau. Je n'ai pas besoin de dire l'importance que peut représenter l'eau dans un pays comme celui-ci, mais c'est un des grands combats du monde de demain. J'ai été heureux de pouvoir défendre cette thèse et recueillir un très large assentiment devant la dernière Assemblée générale des Nations Unies à New-York.

J'espère que le monde va prendre conscience et c'est un peu en pensant à un pays comme la Mauritanie que je l'ai fait prendre conscience du caractère essentiel d'initiatives très fortes pour permettre à chacun l'accès à l'eau, à l'eau propre et pour éviter à la fois des excès de pollution et les gaspillages dont l'eau est actuellement l'objet.

Puis, j'ai été frappé, ici ou là, par la réflexion de tels ou tels responsables, en Afrique, ailleurs qu'en Mauritanie, sur une crainte de désengagement de la France, à l'égard de l'Afrique. La France a des liens privilégiés avec l'Afrique, des liens historiques. La France est le premier donneur d'aide à l'Afrique, et de loin, le Japon n'arrivant que sensiblement derrière, pour ne pas parler des autres. Et la France a vocation à participer au renforcement de la solidarité qui s'impose aujourd'hui entre des peuples en voie d'exclusion, si l'on n'y prend pas garde, et ceux qui, au contraire, notamment par la mondialisation, accumulent les richesses. Donc je le dis très clairement, parce que des bruits ont couru, ici ou là, le gouvernement français et, je le dis bien sûr devant notre Ministre des Affaires étranges, la France, ne se désengageront pas du tout de l'Afrique. Elle ne se désengagera pas financièrement, et la France continuera à assumer ses responsabilités au niveau qui a été atteint, en ce qui concerne l'aide au développement. Elle continuera, au sein de l'Union européenne, à se battre pour que la solidarité continue à jouer, et au même niveau que celui que nous avons atteint avec le Fonds européen de développement, sans oublier d'ailleurs que la France paie à elle toute seule 25% de ce fonds. Elle le sera au sein des grandes instances internationales, je pense naturellement au G7, comme elle l'a été à Lyon, il y a un an, le défenseur systématique du maintien des flux financiers en direction des pays en développement, et notamment de l'Afrique, et le défenseur de la nécessité de régler les problèmes, et plus précisément les problèmes de la dette, et notamment des pays très endettés, ce qui intéresse entre autre la Mauritanie. Et de ce point de vue, la France ne changera pas. Elle restera au premier rang de ceux qui combattent pour que la solidarité entre l'Afrique et le reste du monde, et notamment les pays en développement, soit maintenue comme une priorité.

La France ne se désengagera pas non plus sur le plan militaire. La France a fait une réforme importante qui va la conduire à avoir une armée professionnelle. Alors naturellement, une armée professionnelle a moins d'hommes et de femmes qu'une armée de conscription par définition. Elle est aussi ou plus efficace, mais elle est moins nombreuse. Ce qui implique sur le territoire national qu'il y ait une diminution du nombre des soldats, puisqu'il n'y aura plus de conscription. Et c'est vrai aussi, là où nous avons des forces prépositionnées, ce qui ne veut pas dire que notre capacité militaire sera le moins du monde mise en cause. La France restera, à cet égard, présente au même niveau de puissance -si j'ose dire- ou d'efficacité qu'elle a atteint aujourd'hui. En revanche, notre politique doit s'adapter en permanence. La situation aujourd'hui sur le plan économique, social et surtout politique n'est pas celle que nous avons connue il y a dix ans, il y a vingt ans, il y a trente ans. Donc notre politique s'adaptera. Nous avons, d'ailleurs, un Secrétaire d'Etat chargé de la Coopération, Monsieur Josselin, délégué auprès du Ministre des Affaires étrangères, qui l'a clairement exprimé, en disant, notamment, que la France n'avait plus à s'ingérer dans les affaires intérieures des Etats. Ce qui est évident. D'ailleurs, nous n'accepterions pas, nous, une ingérence extérieure et je ne vois pas, au non de quoi, nous pourrions l'imposer. Cela relève de politiques qui ont eu leur justification, qu'il ne s'agit pas du tout de mettre en cause, cela va de soi, mais aujourd'hui ne sont plus d'actualité, et donc cette adaptation sera, bien entendu, poursuivie et développée.

Vous voyez que, par conséquent, la France n'a aucunement l'intention de ne pas conserver sa vocation africaine

Je ne voudrais pas être long, mais je voudrais vous dire pour terminer que j'éprouve, à l'égard de tous nos compatriotes, résidants, permanents ou coopérants, un sentiment de reconnaissance d'abord, d'estime et d'amitié ensuite. D'estime et d'amitié cela va de soi parce que nous ne pouvons avoir que du respect pour celles et ceux qui ont décidé de s'installer définitivement ou provisoirement dans un pays étranger. Parce qu'ils sont la France et qu'ils participent à la diffusion de notre culture, de notre génie propre, sans même s'en rendre compte souvent, simplement parce qu'ils existent, parce qu'ils parlent, parce qu'ils agissent, parce qu'ils travaillent, qu'ils se reposent. Par là même, ils sont la France et ils la représentent bien.

Et une reconnaissance, parce que nous voyons bien les difficultés auxquelles nous sommes confrontés depuis déjà un certain temps, notamment dans le domaine économique, social, c'est-à-dire, plus précisément dans le domaine de l'emploi, avec les conséquences que cela comportent ; j'évoquais tout à l'heure l'exclusion importante d'un certain nombre de pays. Nous subissons à l'intérieur de notre propre pays le même phénomène d'exclusion, dû à une certaine évolution qui fait que le chômage s'est développé avec toutes les conséquences que cela comporte. Cela suppose que nous allions chercher la croissance, là où elle se trouve, et notamment à l'extérieur de nos frontières, si l'on n'en a pas assez à l'intérieur. Alors il y a toutes sortes de pays, il y a des pays en développement et où l'on peut néanmoins travailler. Nous sommes, je le répète, le premier partenaire commercial de la Mauritanie, et par conséquent, nous aidons la Mauritanie, mais la Mauritanie nous aide aussi. Cela peut être dans des pays émergents, comme on dit aujourd'hui. Cela peut être dans des grands pays déjà industrialisés, mais ce qui est de plus en plus essentiel, c'est d'être présent dans le monde et comment être présent, mieux qu'en ayant des compatriotes qui travaillent, qui enseignent, qui ont de toutes sortes d'activités et de vocation. Et donc, nous devons être reconnaissants à tous nos compatriotes qui sont un peu partout dans le monde.

Alors, ce soir, j'ai le très grand privilège de rencontrer un certain nombre d'entre eux, ici, en Mauritanie, et je voudrais donc leur dire au nom du gouvernement et en mon nom personnel, et tout simplement, au nom de la France, mes sentiments d'estime, de reconnaissance et d'amitié.





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