Discours du Président de la République lors de l'inauguration de l'Université technologique de Troyes.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de l'inauguration de l'Université technologique de Troyes.

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Troyes, Aube, le lundi 22 septembre 1997

Monsieur le Président du Conseil Général,

Monsieur le Ministre, Député-Maire de Troyes,

Monsieur le Président de l'Université technologique de Troyes,

Mesdames, Messieurs,

Je voudrais d'abord saluer les étudiantes et les étudiants qui travaillent ici, et à qui je souhaite bonne chance et bon vent. Je voudrais également saluer et remercier Philippe ADNOT qui a été à tous égards, je peux le témoigner, le porteur de ce beau projet, et qui peut être fier aujourd'hui de cette réalisation. Je voudrais saluer aussi Paul GAILLARD qui assume la conduite de cet établissement qui fait honneur au maire de Rosières que je salue également.

Je remercie chacune et chacun d'entre vous de vous être associés à cette inauguration. J'étais moi-même heureux d'y être invité. D'abord parce que je savais trouver ici un certain nombre de visages amis, de longue date, et ensuite parce que je savais venir dans une région dynamique et qui, quelles que soient ses difficultés, a réussi au fil des ans à surmonter ses handicaps et à valoriser son potentiel, et puis enfin, parce qu’une nouvelle université, quand elle est, comme celle-ci, résolument tournée vers l’avenir, c’est un laboratoire d’idées et de projets, riche d’enseignements pour l’ensemble du système éducatif. Je ne doute pas que cet exemple sera imité au plan national et permettra d'enrichir l'évolution et la réflexion sur l'éducation moderne. C'est ici sans aucun doute une nouvelle chance pour les jeunes. C’est un nouvel atout pour la France.




C’est en 1994, Philippe ADNOT l'a rappelé, Paul GAILLARD aussi, que l’université technologique de Troyes a été créée. Trois ans après, chacun peut constater qu’elle a su trouver sa place dans votre région, mais aussi dans le paysage universitaire français et je dirais peut-être surtout dans le monde de l'entreprise.

Les 141 étudiants accueillis en 1994 sont aujourd'hui près de 800. Ils viennent de toute la France, et parfois de l’étranger. Les diplômes qu’ils obtiennent à la fin de leurs études sont déjà devenus une référence sur le marché du travail.

En s'installant dans des locaux superbes et je félicite ceux qui les ont réalisés, architecte et entrepreneurs locaux également à sa mesure, au sein d'un pôle technologique en plein essor, votre université se donne les moyens de se développer encore.

Une si belle réussite n'est pas due au hasard. Elle doit être méritée. Elle est d'abord le fruit d'un enthousiasme et d'une obstination, les vôtres, Monsieur le Président du Conseil général. Je sais combien vous vous êtes engagé en faveur d'un projet que vous estimiez essentiel pour le département de l'Aube, vous avez été soutenu par l'ensemble des élus et responsables de ce département et le succès montre que vous aviez vu juste.

Cette réussite est aussi le résultat d’une synergie. A la source du projet, il y a une collaboration féconde entre l'Etat, les collectivités locales, la communauté universitaire, notamment l'université technologique de Compiègne, qui a montré et ouvert le chemin et les entreprises. Sans cette mobilisation, sans cette union des moyens et des volontés, ce projet n’aurait pu être mené à bien aussi vite et aussi efficacement.

Mais surtout, je crois, à la base du succès, il y a une démarche. Elle tient en quelques principes : identifier des besoins non satisfaits ou insuffisamment satisfaits par l'offre de formation dans notre pays. Répondre aux attentes des étudiants, futurs salariés, qui veulent trouver leur place dans notre société et à qui on doit donner les moyens modernes de trouver cette place. Répondre aux attentes des entreprises, qui sont leurs futurs employeurs. Faire le pari de la recherche et de l’innovation.


Identifier des besoins insuffisamment satisfaits, vous l’avez fait, Monsieur le Président, en centrant votre enseignement autour de trois pôles, qui sont indiscutablement des pôles d’avenir : le génie des systèmes industriels, le génie des systèmes d’information et le génie des systèmes mécaniques. Trois ensembles disciplinaires modernes, à la fois généralistes dans leur approche et porteurs de qualifications très pointues, trois secteurs en pleine expansion qui forment des ingénieurs recherchés dans tous les domaines de l’activité économique.

Répondre aux attentes des étudiants, vous vous y êtes attaché en leur donnant un enseignement de haut niveau, à la fois spécialisé et pluridisciplinaire. Vous vous adressez à des étudiants qui viennent d'horizons variés, et pas uniquement des classes préparatoires, mais qui ont en commun l’essentiel : l’énergie, la curiosité d'esprit, l’intérêt pour la branche qu'ils ont choisie et la volonté de s’y investir.

Ils bénéficient ici de conditions d'études excellentes. Ils peuvent s'appuyer sur une équipe enseignante de grande qualité. En retour, ils sont prêts à fournir l'effort nécessaire pour mener à bien leur cursus et obtenir ce diplôme d'ingénieur qui leur permet d'envisager sereinement leur entrée dans la vie active, ce qui aujourd'hui est une forme de privilège.

Répondre aux attentes des entreprises : vous avez fait de cet objectif le principal atout de l'université technologique de Troyes.

Depuis sa création, l'établissement a noué des contacts privilégiés avec de grandes sociétés, mais aussi avec des PME. Ces entreprises qui font le dynamisme et la richesse de notre pays, elles ont accompagné son essor. Le contenu de l'enseignement a été élaboré en tenant compte de leurs besoins, en tenant compte de l'évolution des métiers et des techniques.

A Troyes, la collaboration entre les professionnels des multiples secteurs d'activité concernés et le corps enseignant est une collaboration quotidienne. Quand on pense à ce qui s'est passé, il y a quinze ans, vingt-cinq ans, c'est là une véritable révolution culturelle dans le domaine de l'éducation nationale, et l'on ne peut que s'en réjouir. Cette collaboration est d'autant plus aisée que ces professionnels assurent eux-mêmes un certain nombre de cours.

Les résultats de cet effort sont tangibles : pour les étudiants de Troyes, la familiarité avec la culture de l'entreprise n'est pas un vain mot et comme chacun le sait, c'est aujourd'hui ce qui manque le plus à trop d'étudiants sur le plan de nos systèmes d'information.

Il ne s'agit pas pour ces étudiants d'un univers abstrait et mystérieux, l'entreprise, mais d'un monde qu'ils connaissent bien pour y avoir effectué, tout au long de leurs études, des stages de longue durée. Ces stages qui sont le complément indispensable de leur formation théorique et, le moment venu, ils représentent un avantage considérable pour trouver un emploi.

Enfin vous avez fait, Monsieur le Président, le pari de l’innovation et de la recherche. La recherche appliquée, dont notre pays si porté à l’abstraction a tant besoin, constitue l’un des points forts de votre établissement. J'ai noté avec beaucoup d'intérêt que les enseignants avaient tous une activité de recherche, en collaboration avec les entreprises partenaires de l'université. Tout est fait pour que leurs travaux se concrétisent rapidement sur le plan industriel. C’est une chance pour eux et pour toute l’économie locale.

Autour de l'université, en étroite liaison avec son équipe, se développe un pôle technologique, dont le Président ADNOT nous a parlé tout à l'heure. Profitant d'un environnement scientifique et technologique favorable, des activités nouvelles, des entreprises se créent.

Voilà le résultat de cette démarche originale et exigeante. L'université technologique de Troyes ne se contente pas d'être un lieu de formation pour de futurs ingénieurs. Elle est plus que cela. Elle irrigue le tissu économique local. Elle participe à son renouvellement et à son essor. Elle est ainsi, directement ou indirectement, créatrice d’emplois. Tels sont, je crois, les clés et les enjeux d’une réussite universitaire.




Cette expérience, Mesdames et Messieurs, appelle et je pense particulièrement aux jeunes, réflexions et résolutions.

Pour ma part, je me sens conforté, une fois de plus, dans trois convictions qui me paraissent aujourd'hui s'imposer et peut-être devoir être imposées.

La première, c’est que l’éducation est, plus que jamais notre horizon. De la formation que nous assurons aux jeunes étudiants, de la formation tout au long de leur vie que nous devons assurer à leurs aînés, dépend le développement harmonieux de notre pays, au-delà de notre civilisation, un pays capable, de qui doit être son ambition, de donner une place et un rôle à chacun.

Je lis parfois que les diplômes n’ont pas d’importance, que la qualification n’empêche pas le chômage et qu'au fond, tout bien conclu, rien ne sert à rien. C’est évidemment une affirmation stupide. Tout indique que les jeunes bien formés, qui obtiennent un diplôme utile ou qui acquièrent une vraie qualification, trouvent un emploi beaucoup plus vite que les autres. Peut-être pas au lendemain de leur sortie de l’école, de l’IUT ou de l’université, mais beaucoup plus rapidement que s’ils n’avaient pas un bagage. C’est une vérité dont tous les jeunes Français doivent avoir conscience.

Dans cet esprit, il est de la responsabilité de l’Etat de tout faire, par une meilleure information, une meilleure orientation, par la réorganisation des premiers cycles universitaires, pour que chaque jeune trouve sa voie et puisse se doter de cette indispensable formation. C’est ce qui a été lancé, il y a deux ans, en concertation avec tous les acteurs du système éducatif.

En France, chacun le sait bien, il y a d’un côté quelques grandes écoles, très sélectives, et de l’autre l’Université, qui accueille aujourd’hui une grande partie de chaque classe d’âge, et qui recèle le meilleur comme le moins performant. Si nous voulons que la France accomplisse sa mue et devienne ce qu’elle a vocation à être, c'est-à-dire, une grande nation moderne, alors je crois que nous devons agir dans deux directions.

D’abord, développer et multiplier les établissements d’enseignement supérieur de haut niveau comme le vôtre, qui répondent à des attentes fortes et qui sont du côté de la réalité économique et de la modernité. Ce sont eux qui nous manquent le plus dans notre pays.

Ensuite, amener toutes les universités à se poser les questions qui ne peuvent être éludées plus longtemps dans un contexte de chômage important des jeunes : quelles formations pour quels débouchés ? Comment éviter les voies de garage où s’engouffrent justement les jeunes qui ne bénéficient, dans leurs familles, ni de conseils, ni de soutien ? Comment introduire une culture de l’évaluation, afin de mieux reconnaître les mérites des bonnes filières, des bons professeurs, qui sont des chercheurs, c’est notre fierté d'ailleurs, mais qui doivent être aussi des pédagogues ? Les universités sont comptables de l'avenir des étudiants qu'elles accueillent. Cette idée simple est de plus en plus incontournable.

Oui, l'éducation est le défi majeur de notre société. Le relever implique des changements culturels profonds.


Ma deuxième conviction, c’est que l’enseignement supérieur doit s’ouvrir davantage sur l’entreprise.

L’expérience menée à Troyes, comme à Compiègne ou à Sévenans, démontre que cette ouverture bénéficie à tous.

Aux équipes d'enseignement et de recherche, qui sont en prise directe avec les exigences du terrain et qui peuvent ainsi adapter le contenu de leur enseignement et de leurs travaux de recherche.

Aux entreprises qui trouvent ainsi les compétences dont elles ont besoin et qui tirent profit du travail scientifique de haut niveau qui s'effectue au sein des établissements universitaires.

Mais surtout et d’abord aux étudiantes et aux étudiants qui peuvent aborder leur avenir avec confiance. Chacun sait que la connaissance de l'entreprise, le travail qu'ils y ont effectué dans le cursus universitaire est un atout décisif au moment où l'on envoie les curriculum vitae. C'est dans cet esprit que, ce matin, j'ai soutenu les "Unités de première expérience professionnelle". Bien sûr, il y a des précautions à prendre, des garanties dont il faut s'entourer. Mais c'était, c'est toujours la voie de l'avenir, celle de la professionnalisation des diplômes et de l'ouverture de l'université sur l'entreprise.

Car c'est bien l'entreprise qui crée la richesse et l'emploi. Tout le reste est fallacieux.

C’est en permettant aux entreprises de créer ces emplois, c’est en jouant résolument la carte de la formation et de l’éducation que l’on résoudra vraiment le problème du chômage des jeunes. La solution est dans l’entreprise et ne peut être que là, et tout particulièrement aujourd'hui dans notre pays, dans les petites et moyennes entreprises. Comme le montre l'expérience de tous les autres pays industrialisés, c'est l'emploi privé qu'il faut développer si l'on veut faire reculer le chômage.


Enfin, ma troisième conviction, c’est que les nouvelles technologies, qui sont au coeur de l’économie de demain, doivent être au coeur de notre système de formation.

J'ai dit, il y a quelques mois, l'importance que j'attachais à ce que notre pays réussisse son entrée dans l'ère des hautes technologies.

Il en va bien sûr de la place de la France sur la scène internationale, de sa puissance industrielle et technologique.

Mais il en va surtout de notre capacité à retrouver le chemin d'une croissance forte, seul chemin permettant de vaincre le chômage.

La France a déjà entamé depuis plusieurs années sa mutation vers la société de l’information et du savoir. Dans certains secteurs, notre pays a même acquis une avance considérable, grâce aux prouesses de sa technologie. Que l'on songe, par exemple, à tout ce que nous a apporté la carte à puce.

Certaines de nos entreprises ont développé, en matière de télécommunication ou de logiciels, une compétence reconnue et enviée à l'étranger.

Mais ce ne sont là que les prémisses d’un bouleversement d’une ampleur comparable à la révolution industrielle. Tous les secteurs de l'économie sont concernés. De nouvelles activités se créent. De nouveaux produits, de nouveaux services voient le jour. De nouvelles formes d’organisation du travail apparaissent. Tout cela constitue un formidable gisement d'emplois, pour peu qu'on veuille bien sortir d'un conservatisme qui trop souvent nous paralyse. Sait-on qu’aux Etats-Unis, par exemple, huit nouveaux emplois sur dix sont directement liés au secteur de l’information, et ceci à quelque niveau de qualification que ce soit ?

C’est le mérite de ceux qui ont conçu le projet de l’université technologique de Troyes que d'avoir perçu et en vérité, anticipé ce mouvement de fond. En décidant de placer les techniques d'information au coeur de l'enseignement dispensé à leurs étudiants, ils ont sans aucun doute, répondu aux attentes pressantes des entreprises.

Je souhaite que son exemple fasse école, dans l'enseignement supérieur, mais aussi dans l'enseignement secondaire.

Bien sûr, il ne s'agit pas de former tous les jeunes élèves ou étudiants à des techniques très élaborées et de faire d’eux de futurs ingénieurs. Il s'agit de leur permettre de s'approprier le plus tôt possible les technologies nouvelles qui formeront dans quelques années leur quotidien. Il s’agit de les préparer à affronter dans les meilleures conditions ce monde du XXIe siècle qui sera le leur et qui sera, pour une large part, un monde conditionné par la connaissance.

Les questions qui se posent, et auxquelles il faut répondre, c’est celle de la formation des maîtres et des professeurs, et c’est celle des contenus. Doter les établissements scolaires d’un équipement de qualité, leur permettre de se raccorder est évidemment indispensable, mais ce n’est qu’une étape. L’essentiel, ce sont les programmes, et c’est l’industrie des programmes qui appelle un investissement à la hauteur de l’enjeu. Dans ce domaine, le futur c'est déjà le présent.




Voilà, Mesdames et Messieurs, les quelques réflexions que m'inspire votre bel établissement.

Dans tous les domaines, nous sommes, comme très souvent dans l'histoire d'une civilisation à un tournant. L'an 2000 est là, et ce n'est pas une simple date. Ce sont de nouvelles façons d'étudier, en prise directe sur la vie et sur le monde. Ce sont de nouveaux métiers. De nouvelles façons de travailler, en particulier grâce aux réseaux. Ce sont des innovations, aujourd'hui expérimentales, et qui seront demain réalités quotidiennes. Ce sont de nouvelles façons de communiquer.

Face à ces évolutions si fortes, et si riches de possible quand on a le patrimoine culturel, scientifique, technologique que nous avons en France, avec les jeunes que vous représentez aujourd'hui, notre pays doit réussir son adaptation. Pour cela, il ne faut pas se tromper de priorité. La priorité, le premier défi, c'est l'éducation, c'est la formation. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont fait l'université technologique de Troyes de l'avoir compris à temps et à nouveau aux jeunes, qui s'y forme, je souhaite bonne chance et bon vent.





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