Allocution du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. Ernesto ZEDILLO, Président du Mexique.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de M. Ernesto ZEDILLO, Président des Etats-Unis du Mexique.

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Palais de l'Élysée, le lundi 6 octobre 1997

Monsieur le Président des Etats-Unis du Mexique,

Madame,

Je vous souhaite, Monsieur le Président, et je vous souhaite Madame, la plus cordiale, la plus chaleureuse des bienvenues dans notre pays. Pour moi, pour ma femme, pour l'ensemble de mes compatriotes comme pour le gouvernement français, c'est un grand honneur et une grande joie de recevoir en visite d'Etat le Président des Etats-Unis du Mexique et son épouse.

Nous gardons tous en mémoire l'accueil exceptionnel réservé au Général de Gaulle par le peuple mexicain, en mars 1964. C'est au cours de ce voyage historique que, du haut du balcon du Palais présidentiel, il invitait nos deux peuples à marcher la main dans la main. Parce que, disait-il, " il n'existe aucune doctrine, aucun différend, aucun intérêt qui nous oppose. Au contraire. Nombreuses sont les raisons qui nous engagent à nous rapprocher ! "

Aujourd'hui, c'est Vous, Monsieur le Président, qui nous faites l'honneur d'une visite d'Etat. Quand, plus que jamais, le Mexique et la France doivent se sentir portés l'un vers l'autre.

Que de chemin parcouru par nos deux pays depuis cette visite du Général de Gaulle ! Que d'évolutions intervenues aussi depuis les conversations de Cancùn où le dialogue Nord-Sud prévalait ! Tandis que la France agissait pour une construction résolue, rapide, audacieuse de l'Europe, le Mexique, qui figure désormais parmi les tout premiers pays émergents, est entré dans l'ALENA. Il est devenu un acteur de premier plan dans le commerce mondial. Il a rejoint l'OCDE.

Laissez-moi vous dire, Monsieur le Président, mon admiration devant la tâche que vous avez accomplie à la tête de votre pays, en moins de trois ans. Dès le début de votre mandat, vous avez surmonté la crise du peso avant de travailler au redressement économique du Mexique. Le résultat est impressionnant : plus de 7 % de croissance cette année, près de 600 milliards de francs d'exportations dans lesquelles le pétrole n'entre plus que pour à peine 10 %. Au-delà, ce sont les profonds changements de la vie politique mexicaine à laquelle vous avez imprimé modernisation et transparence.

Dans un monde sans frontières, global, où les hommes, les produits, les capitaux, l'information circulent chaque jour plus librement, le Mexique et la France partagent la même ambition d'une mondialisation maîtrisée et au service de tous. Vous et nous voulons construire un monde multipolaire harmonieux.

Le Mexique montre la voie : il fait la preuve d'un dynamisme et d'une créativité qui se nourrissent d'une histoire et d'une culture riches et anciennes.

Votre pays peut s'enorgueillir des plus grands chefs-d'oeuvre du patrimoine culturel de l'humanité. Quiconque aura gravi les gradins des pyramides de la Lune ou du Soleil, fierté de l'ancienne Teotihuacán ; quiconque aura découvert les fresques de Diego Rivera ou de Alfaro Siqueiros ; quiconque sera entré dans l'univers de Carlos Fuentes ou d'Octavio Paz, ne manquera d'être frappé par la continuité et la grandeur du génie mexicain.

Le résultat force l'admiration. N'oublions pas tout ce que nos affinités communes doivent à la rencontre, brutale et douloureuse de ces civilisations premières et de l'Europe. Ce fut l'une des grandes tragédies de l'Histoire. L'Europe a pu y incarner le malheur et la désolation. Reconnaissons aujourd'hui nos erreurs. Reconnaissons la grandeur et la dignité des cultures des premières nations.

Je suis heureux, Monsieur le Président, que votre pays, si attaché, comme nous l'avons vu cet après-midi encore, à son patrimoine historique et culturel, ait su leur témoigner respect et admiration.

Fort de ce legs, comment le Mexique accepterait-il de mettre en cause son identité, de ne pas jouer pleinement son rôle avec ceux qui savent que l'Amérique, c'est aussi la latinité ?




Cette latinité, Monsieur le Président, fonde notre ambition commune.

L'Amérique Latine, pôle économique de premier plan, et l'Europe doivent nouer une forte relation. Tout les y invite : l'Europe est déjà le plus grand marché du monde, le premier partenaire commercial de l'Amérique latine, le premier investisseur, le premier donneur d'aide au développement aux pays les plus pauvres de votre continent.

En accord avec nos partenaires européens, j'ai proposé, la tenue du premier Sommet de l'Histoire entre les chefs d'Etat et de gouvernement de nos deux régions. Je n'ai pas oublié votre soutien immédiat, soutien que vous m'avez renouvelé aujourd'hui.

D'ici à 1999, nous devons travailler ensemble, avec imagination et ambition, au programme de ce Sommet, afin de donner une impulsion décisive aux relations politiques, économiques et culturelles entre l'Amérique Latine et l'Europe. Il s'agit bien de lancer un partenariat majeur pour le siècle prochain.

La France y est déterminée. Elle appartient à l'Amérique par la Guyane et la Caraïbe. Elle est partie prenante au développement de votre région. Elle entend faire de notre rapprochement l'une des grandes priorités de son action dans le monde.

Ce Sommet permettra, je suis sûr, de le confirmer.

Soyez aussi assuré, Monsieur le Président, que la France ne ménagera, je vous l'ai dit, aucun effort pour que les conversations qui vont s'ouvrir entre le Mexique et l'Europe, dans le domaine commercial notamment, aboutissent très vite.




Forts de cette solidarité renforcée, nous serons mieux armés pour relever ensemble les grands défis de cette fin de siècle : la formation des hommes, la protection de l'environnement, la consolidation de l'Etat de droit, la lutte contre ces terribles fléaux que sont le terrorisme, les narcotrafics, le crime organisé, fléaux qui n'épargnent aucune société.

C'est dans cet esprit que notre commission mixte vient d'achever sa dernière session.

Mais nos relations, exemplaires dans les domaines politique, culturel, scientifique, ne sauraient cependant masquer l'insuffisance de nos relations économiques et commerciales.

La France, 4ème puissance commerciale de la planète, et le Mexique, dont le commerce extérieur atteint 1 200 milliards de francs, ne sauraient se satisfaire d'échanges encore limités à seulement 6 milliards de francs par an. Je forme le voeu que l'accord récemment négocié entre votre pays et l'Union européenne porte bientôt nos échanges à la hauteur des performances de nos économies respectives.

Les entreprises françaises ont confiance dans ce nouveau Mexique que vous construisez et que vous incarnez. Elles y ont déjà investi 3 milliards et demi de francs cette année et sont prêtes à poursuivre dans cette voie. Je suis convaincu, Monsieur le Président, que vous saurez leur offrir les conditions de leur épanouissement. Ainsi pourront-elles participer aux grands projets d'équipement et aux nouvelles privatisations en cours dans votre pays. J'invite nos banquiers, nos hommes d'affaires, à prendre plus nombreux le chemin du Mexique. Soyez certain que nous ne ménagerons pas nos efforts pour les y encourager.

Votre visite d'Etat en France marque une étape importante du renouveau du dialogue que la France et l'Europe souhaitent conduire avec le continent latino-américain.

J'adresse au Mexique et à son peuple mes voeux de prospérité et de progrès ainsi que l'estime et l'amitié de la France. L'an prochain, je répondrai avec joie à l'invitation que vous m'avez faite de me rendre à mon tour dans votre beau pays. Ainsi pourrons-nous poser un nouveau jalon sur ce long chemin de progrès et d'amitié qu'il y a plus de trente ans, le Général de Gaulle nous invitait à parcourir ensemble, la main dans la main.


Monsieur le Président des Etats-Unis du Mexique, je lève mon verre à cet avenir que nous allons partager et aux succès qui seront les nôtres. Je le lève en Votre honneur et en l'honneur de Madame ZEDILLO, à qui je présente mes très respectueux hommages. Je le lève en l'honneur du grand peuple mexicain, ami du peuple français. Je bois à notre amitié.





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