Allocution du Président de la République à l'occasion du deuxième sommet du Conseil de l'Europe.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du deuxième sommet du Conseil de l'Europe.

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Strasbourg, Bas-Rhin, le vendredi 10 octobre 1997

Madame la Présidente, Monsieur le Secrétaire Général, Mesdames et Messieurs les Chefs d'Etat et de Gouvernement, Mesdames et Messieurs les Ministres, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et Messieurs,

C'est un grand honneur et une grande joie de vous accueillir à Strasbourg, capitale européenne si souvent meurtrie par l'histoire et qui incarne aujourd'hui notre volonté de construire une Europe en paix.

A Vienne, il y a quatre ans, notre organisation avait engagé son élargissement en s'ouvrant à ce qui était encore l'" autre Europe ". Depuis, huit nouveaux membres nous ont rejoints, notamment la Russie et l'Ukraine.

Depuis sa fondation, il y a près d'un demi-siècle, notre organisation est passée de 10 à 40 membres, représentant désormais 700 millions d'hommes et de femmes. D'autres nations européennes, qui nous font l'amitié de leur présence aujourd'hui, ont fait acte de candidature et pourront, je l'espère, adhérer prochainement.

J'adresse également un salut cordial à nos quatre observateurs.

Je n'oublie pas enfin tout ce que nos travaux doivent à notre assemblée parlementaire, aux représentants des pouvoirs régionaux et locaux ainsi qu'aux organisations non gouvernementales qui nous apportent à la fois leur compétence, leur dynamisme et leur générosité.


Ce deuxième Sommet témoigne d'abord du rôle accru du Conseil de l'Europe : symbole de l'unité retrouvée de notre continent, il est l'instrument essentiel de l'ancrage de la démocratie et de la promotion des Droits de l'homme dans toute l'Europe.

Désormais libérée des confrontations et des méfiances d'hier, notre famille européenne tout entière se rassemble autour de valeurs communes : le respect de la personne humaine, le caractère sacré et inviolable de sa dignité, la primauté du droit. Ces valeurs, le Conseil de l'Europe en a été l'inlassable promoteur. Dès le lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, il a jeté les fondements d'une Europe démocratique. Puis, développant et complétant son oeuvre maîtresse, la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'homme, le Conseil de l'Europe a élaboré 160 conventions et instruments de protection de la personne humaine qui sont autant de références.


Quels doivent être désormais, dans notre nouvelle Europe, les missions et les moyens du Conseil de l'Europe ?

Il faut d'abord enraciner la démocratie. Il y a quelques jours, à Saint-Pétersbourg, j'ai appelé les jeunes Russes, qui représentent la première génération de leur pays à arriver à l'âge adulte dans une société de liberté, et avec eux naturellement j'ai appelé tous les jeunes d'Europe, à sans cesse défendre et faire progresser la démocratie. A faire preuve de vigilance parce que rien n'est jamais acquis. A garder à l'esprit que la démocratie, comme l'a si bien écrit le Président Vaclav HAVEL, " n'est jamais une tâche accomplie, qu'elle est une route sans fin ". Bref, à être les gardiens de cette flamme fragile et si nécessaire.

C'est là l'une des missions essentielles de notre organisation : apprendre aux jeunes Européens la citoyenneté et la démocratie, leur donner l'amour de la justice et de la liberté, leur inculquer le respect de l'autre et aussi le sens des responsabilités. C'est par là, par l'éducation, que tout commence !

Il faut ensuite combattre l'exclusion, l'intolérance, le racisme, la xénophobie, l'antisémitisme. Le plan d'action adopté au Sommet de Vienne a porté ses fruits. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, dont nous avions décidé la création, est devenue l'instrument d'une action efficace et concertée à l'échelle de toute l'Europe. Nous devons renforcer encore ses pouvoirs et donner plus d'ampleur à ses initiatives.


Mais notre Sommet doit être l'occasion d'aller plus loin, de donner un nouveau souffle à notre organisation, de lui assigner de nouvelles ambitions.

Tel est l'objet des textes qui nous sont soumis. Et notamment du plan d'action. Il comporte 19 mesures concrètes que le Conseil de l'Europe devra mettre en oeuvre dans les prochaines années, et de préférence d'ici 1999, date du cinquantième anniversaire de sa création.

Je ne reviendrai pas sur ce programme, qui sera largement débattu pendant notre Sommet. Je souhaiterais cependant évoquer quelques points qui méritent une attention particulière.

- La nouvelle Cour des Droits de l'homme d'abord. Elle siégera de manière permanente et pourra être saisie directement par les citoyens de tous nos Etats. Renforçant considérablement le dispositif actuel, cette nouvelle Cour sera une instance sans équivalent dans le monde pour la protection internationale des Droits de l'homme.

- Les problèmes d'éthique scientifique ensuite. Le Conseil de l'Europe sera notamment chargé d'élaborer rapidement un texte interdisant le clonage humain.

- La dimension sociale, bien sûr, avec l'adhésion, lors de ce Sommet, d'un plus grand nombre d'Etats à notre Charte sociale rénovée qui consacre les droits sociaux fondamentaux et notamment la liberté syndicale. La protection de l'enfance sera après la réunion de Stockholm, une des priorités de notre action. L'emploi aussi, à travers les interventions du Fonds de développement social.

- La lutte, également, contre les fléaux de notre temps. La criminalité organisée, le terrorisme, la drogue, la corruption sapent les fondements mêmes de nos sociétés. C'est à l'échelle de tout notre continent que nous devrons ensemble, avec notre organisation, livrer ce combat.

- Enfin, les nouvelles techniques de l'information. Le Conseil devra veiller à ce que cette révolution des modes de communication ne porte pas atteinte à la dignité de la personne humaine, contribue à la promotion des Droits de l'homme et préserve notre diversité culturelle.

Par ailleurs, je souhaite, en terminant, évoquer un sujet qui me tient et qui tient à nous tous, particulièrement à coeur, le drame des mines antipersonnel, et j'appelle l'ensemble des Etats représentés dans cette enceinte à signer dès le mois de décembre à Ottawa, le traité d'interdiction totale des mines antipersonnel qui a été conclu le mois dernier à Oslo.


Voilà, Mesdames et Messieurs, quelles sont nos ambitions pour ce Sommet. Nous voulons une Europe où nos nations vivent en paix, et vivent unies autour des mêmes valeurs. Une Europe où la démocratie, la justice, la tolérance s'imposent partout. Une Europe que rassemble une même idée de l'homme, exigeante, généreuse, solidaire. Engageons-nous, Mesdames et Messieurs, au service de cette Europe-là !

Je vous remercie.





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