Discours du Président de la République à l'occasion du cinquantenaire du Conseil supérieur de la magistrature.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du cinquantenaire du Conseil supérieur de la magistrature.

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Palais de l'Elysée, le jeudi 6 mars 1997

Monsieur le Garde des sceaux, Vice-Président du Conseil Supérieur de la Magistrature,

Madame et Messieurs les Membres du Conseil,

Nous sommes réunis aujourd'hui, c'est vrai, pour célébrer le cinquantième anniversaire du Conseil supérieur de la magistrature, qui, ainsi qu'il vient d'être rappelé, a vu le jour avec la promulgation de la Constitution du 27 octobre 1946.

J'ai plaisir à saluer tous ceux qui ont tenu à participer à cette célébration, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le Président du Sénat, Monsieur le Vice-Président du Conseil d'Etat, Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation et Monsieur le Procureur Général près cette Cour qui président les formations disciplinaires. Avec vous sont venus toutes celles et tous ceux qui animent la vie du Conseil : son personnel tout d'abord, mais aussi ses correspondants de la direction des Services judiciaires, et enfin des représentants de la jeune génération des juristes, auditeurs de justice ou étudiants des instituts d'études judiciaires que je salue amicalement en leur souhaitant bonne chance dans la vie. Je me réjouis de la présence de chacune et de chacun d'entre vous.

Monsieur le Professeur, vous avez, avec érudition et talent, retracé l'histoire du Conseil supérieur. Après que Monsieur l'Ambassadeur ait bien voulu me remettre son rapport, vous avez exposé comment il avait évolué depuis sa création, dans sa composition comme dans ses pouvoirs, en fonction des changements constitutionnels qu'a connus notre pays jusqu'à l'importante révision, c'est vrai, du 27 juillet 1993 prise sur la proposition et à l'initiative du Gouvernement de M. Edouard BALLADUR, révision qui a étendu ses pouvoirs aux magistrats du parquet et profondément renouvelé la désignation de ses membres.

Au terme de cette évolution chacun sait, je pense, quel est son rôle : au Président de la République, élu par la Nation au suffrage universel, revient la tâche de garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire. Et croyez-bien que j'attache une très grande importance à cette mission, et j'ai déjà eu l'occasion de dire ma détermination à l'exercer pleinement.

Au Gouvernement de déterminer et de conduire, dans le domaine de la justice comme dans les autres, la politique de la Nation.

Au Parlement représentant la souveraineté nationale de légiférer pour tout ce qui doit l'être et notamment pour tout ce qui touche aux principes et aux libertés.

Au Conseil supérieur de la magistrature, à vous-même, revient la tâche de m'assister dans les deux domaines essentiels que constituent les nominations de magistrats et leur discipline.

Pour ce qui concerne la nomination des magistrats, je voudrais dire ici combien la collaboration du Conseil m'est précieuse. Je suis heureux en effet de bénéficier, suivant les distinctions posées par la Constitution, des propositions ou des avis de personnalités éminentes reconnues au sein du monde judiciaire et qui me permettent d'exercer dans les meilleures conditions le pouvoir de nomination que je tiens de l'article 13 de la Constitution.

Quant aux procédures disciplinaires, pour lesquelles je cède, tout naturellement, la présidence de vos réunions aux chefs de la Cour de cassation, je voudrais, bien entendu, qu'elles soient les moins nombreuses possibles, tant il est vrai qu'on désirerait que les comportements déviants soient totalement absents chez les hommes et les femmes qui ont reçu le pouvoir de poursuivre ou de juger leurs semblables. Mais, dans une société qui demande à chacun des comptes, nul ne saurait échapper à ses responsabilités. Vous avez là une tâche difficile et essentielle. Les décisions que vous rendez en cette matière doivent tracer, petit à petit, les contours d'un véritable code de déontologie des magistrats.

Jour après jour, au prix d'un travail dont je connais d'autant mieux le poids que je sais qu'il s'ajoute aux tâches, notamment juridictionnelles, que vous avez voulu continuer à exercer, vous contribuez à donner vie au principe fondamental de l'indépendance de l'autorité judiciaire. Je voudrais aujourd'hui vous en manifester publiquement ma reconnaissance.




Mesdames et Messieurs je voudrais aussi me tourner vers l'avenir. J'ai, vous le savez, le projet d'adapter la justice française à son temps. Projet ambitieux, mais nécessaire et, je le crois, réaliste.

Ambitieux parce qu'il ne s'agit pas seulement de mobiliser les moyens, mais de modifier des comportements, d'organiser autrement le service de la justice, de clarifier et de simplifier des procédures enracinées.

Nécessaire parce que notre justice telle qu'elle est, malgré la compétence et le dévouement de ses magistrats et de ses fonctionnaires, malgré l'effort d'adaptation qu'ils ont consenti, ne répond pas de manière satisfaisante aux attentes des Français. Ils lui reprochent d'être trop lente, trop chère, peu compréhensible, soumise aux pressions occultes des puissants. Tout cela est, naturellement, excessif, mais nous devons en tenir compte.

Réaliste, parce que cette crise de la justice a été décelée, depuis longtemps, que la réflexion s'est enrichie d'année en année sur les voies et moyens d'un renouveau, que les mentalités ont mûri, même si les oppositions doctrinales demeurent. Pour peu que l'esprit partisan soit tenu en lisière, je crois que nous pouvons nous retrouver sur un grand dessein, un dessein commun et sur les moyens de le mettre en oeuvre.

L'accueil qui a été réservé à mon initiative, tant par l'opinion que dans la classe politique, me renforce dans ma volonté d'aller de l'avant.

C'est dire l'importance que j'attache aux travaux et aux conclusions de la commission présidée par le Premier Président de la Cour de cassation, M. TRUCHE, que je suis heureux de saluer ici. Que cette commission agisse sans préjugés et sans tabous. Qu'elle pose les questions, toutes les questions, qui sont au coeur de la réforme de la justice et qu'elle leur apporte, en refusant tout esprit de système, des réponses modernes et cohérentes.

Mais il y a aussi, et cela n'est pas moins important, la justice ordinaire, la justice de tous les jours.

J'ai demandé au Gouvernement de mettre en oeuvre, à l'initiative du garde des sceaux, un plan d'action de 5 ans pour la justice.

Celui-ci ne se substituera pas aux programmes en cours d'application mais il devra les amplifier, et en diversifier les mesures.

Pour fixer les idées je voudrais qu'en priorité soient atteints cinq objectifs :

- la réduction des délais de jugement et du nombre des affaires restant à juger devant les cours d'appel,

- l'accélération du traitement des affaires familiales et sociales,

- la dissuasion de la délinquance et la réinsertion dans les grands ensembles urbains, notamment pour les mineurs,

- la simplification de l'accès au service public de la justice,

- l'extension des modes de règlement qui évitent de porter le litige devant un juge.

Les moyens nécessaires en supplément sont en cours d'évaluation, qu'il s'agisse d'emplois de magistrats, de fonctionnaires, d'assistants de justice ou de crédits de fonctionnement pour des juridictions qui sont souvent, c'est vrai, à court d'argent avant que l'année ne soit finie.

Ces moyens doivent être définis juridiction par juridiction après une étude précise du besoin.

Il faut également qu'un ensemble de mesures de fond soient prises pour valoriser les statuts et la formation des magistrats et fonctionnaires sur lesquels repose en définitive l'efficacité et l'effectivité de la modernisation ; et, aussi, améliorer les conditions d'exercice du service public, c'est-à-dire les conditions de travail des magistrats et fonctionnaires et l'accueil, naturellement, des justiciables.




Mesdames et Messieurs, la réforme de la justice exige une très forte volonté politique et nous l'avons. Elle ne se fera pas, ou elle se ferait mal, sans le concours du monde judiciaire, sans sa participation à la réflexion, sans une véritable adhésion de sa part aux objectifs fixés et aux solutions retenues.

Vous qui êtes, de par la Constitution, l'instance de régulation de la vie professionnelle des magistrats, vous avez une contribution essentielle à apporter, dans cette période de changement, par la qualité et par la sérénité de vos délibérations.

Nous entretenons, depuis presque deux ans maintenant, des rapports de travail où la confiance se nourrit de la franchise de nos échanges. Je suis persuadé qu'il en sera de même à l'avenir car nous sommes, vous et moi, conscients des enjeux de la justice et surtout au service de la République.

Je vous remercie.





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