Discours du Président de la République devant le Congrès de Bolivie.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant le Congrès de la République de Bolivie.

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La Paz, Bolivie, le samedi 15 mars 1997

Monsieur le Président de la République de Bolivie, Mon Cher Ami,

Monsieur le Président du Congrès, Vice-Président de la République,

Monsieur le Président de la Chambre des Députés,

Monsieur le Président du Sénat,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités de Bolivie

Mesdames, Messieurs, Mes Chers Amis,

Monsieur le Président du Congrès, je suis très heureux de vous rendre visite aujourd'hui, et je vous remercie de tout coeur, cher Victor Hugo CARDENAS, de vos paroles chaleureuses qui me sont allées droit au coeur. A travers moi, j'en ai bien conscience, c'est au peuple de France tout entier que vous avez souhaité cordialement la bienvenue.

Ce sont des amis chers qui se retrouvent aujourd'hui. Côte à côte, c'est vrai, vous l'avez évoqué, nous avons livré bataille pour que La Paz accueille les matchs éliminatoires de la Coupe du monde de football de 1998. C'est pourquoi je suis heureux aujourd'hui de la présence d'un très grand artiste du football, de Michel PLATINI, coprésident du Comité français d'organisation de la Coupe du monde, qui, tout à l'heure, donnera le coup d'envoi du match amical entre les jeunes espoirs de Bolivie et les jeunes espoirs de la France.

Je garde sur mon bureau, à Paris, en permanence, avec fierté la superbe médaille que la ville de La Paz m'a décernée en souvenir de notre succès commun. Et c'est avec la même fierté, cher Président, que je reçois aujourd'hui la médaille de votre Congrès, que votre Congrès a bien voulu m'offrir et qui restera pour moi un témoignage d'amitié auquel je serais très attaché.

Cette amitié s'explique par l'intérêt que, depuis toujours, les Français portent à votre beau pays. Le général de GAULLE ne disait rien d'autre lorsque, il y a trente trois ans, effectuant ici la première visite officielle d'un chef d'Etat français, il déclarait avec cette simplicité qui était la sienne : "il n'y a rien, dans notre rencontre, qui ne corresponde à l'ordre naturel des choses".

Il voulait dire par là, je crois, qu'il existe entre nous, pour bien des raisons et qui tiennent à une certaine vision du monde et de l'homme, malgré les distances, en dépit des différences, un lien exceptionnel.

Notre amitié puise dans l'Histoire, aux origines mêmes de votre pays. Déjà le glorieux empire des Incas faisait rêver Voltaire. C'est un Français, Alcide d'ORBIGNY, qui fit connaître au monde les inestimables richesses de votre pays. C'est en puisant aux idéaux de la Révolution française, vous l'avez rappelé, cher Président, que vos pères fondateurs, Simon BOLIVAR, qui donna son nom à votre pays, et Antonio SUCRE, engagèrent le mouvement pour la libération de l'Amérique du Sud et l'indépendance de la Bolivie.

L'originalité de nos relations tient d'abord à l'importance de nos liens scientifiques. A la suite d'Alcide d'ORBIGNY, père des études sur la Bolivie, l'ORSTOM conduit avec vous, depuis vingt-cinq ans, des programmes de recherche importants et ambitieux, importants pour nos deux pays, importants plus généralement pour le monde. Cette coopération s'incarne aussi dans les travaux de l'Institut bolivien de biologie d'altitude, créé en avril 1963 à l'initiative de votre Président d'alors, Paz ESTENSSORO, et de l'Ambassadeur Guy GEORGY, inlassable défenseur des intérêts de l'Amérique latine à Paris, grand ambassadeur de France en Bolivie et qui m'accompagne aujourd'hui.

Nos deux pays se rejoignent également dans le domaine culturel. Fiers de leurs civilisations, Boliviens et Français entendent lutter pour un monde divers, riche du dialogue de toutes les cultures, refusant l'uniformisation. Ils se sont retrouvés ensemble pour défendre dans bien des enceintes internationales, notamment l'ONU et l'UNESCO, la diversité culturelle du monde, diversité qui fait la richesse de l'humanité.

Cette richesse de votre culture, Paris vient d'en recevoir l'éclatant témoignage avec la remarquable exposition que j'ai eu le privilège et l'honneur d'inaugurer aux côtés de Mme SANCHEZ DE LOZADA à la Sorbonne. Cette exposition a connu en France un très grand succès. Elle a permis au public français et européen de découvrir les trésors d'un art mêlant les conceptions précolombiennes et les influences européennes. Dans le domaine de la musique et notamment de l'orgue, la France a contribué à révéler à un large public le génie des compositeurs des "réductions" jésuites.

Dans le même esprit de dialogue, je suis heureux que le français trouve sa place dans l'enseignement bolivien. Il est déjà la deuxième langue étrangère enseignée en Bolivie, comme d'ailleurs l'espagnol est la deuxième langue étrangère enseignée en France. Obligatoire dans vos établissements secondaires, le français occupe une place privilégiée au lycée franco-bolivien Alcide d'ORBIGNY, entièrement bilingue et qui forme des cadres pour la Bolivie de demain. Son dynamisme doit aussi beaucoup aux six alliances françaises de votre pays. Et c'est pourquoi Cochabamba accueillera, en novembre prochain, une grande réunion des professeurs de français venus de toute l'Amérique latine, et qui sera consacrée au pluralisme linguistique et à la diversité culturelle.




Cette densité, cette qualité, cette diversité de nos relations, nous obligent. Les réformes en cours chez vous nous encouragent à être, au sein de l'Union européenne, au sein du G7, du groupe des sept pays les plus industrialisés, au sein de toutes les institutions multilatérales, l'avocat de votre pays. J'entends avoir l'honneur d'être cet avocat.

Au lendemain d'années sombres, renouant avec les valeurs qui inspirèrent sa création, la Bolivie a participé au grand mouvement de démocratisation qui a heureusement soufflé sur l'Amérique du Sud. Elle a transformé son système politique. Elle a entrepris la réforme de sa justice. Rompant avec une longue période de repli sur lui-même, votre pays s'est ouvert et a réussi de spectaculaires mutations : modernisation de l'économie avec de courageuses privatisations, nouvelles lois sur les terres, reconnaissance des peuples premiers, décentralisation, réforme éducative, de grands chantiers difficiles mais qui sont poursuivis avec détermination. Autant de défis que vous relevez et qui ont accompagné le désenclavement de la Bolivie.

Aujourd'hui, à l'heure de l'intégration régionale, un phénomène qui s'impose sur tous les continents, pour tous les pays du monde, quels qu'ils soient, et à l'heure de votre rapprochement à ce titre, avec le MERCOSUR, il n'est pas un grand projet de développement ou d'infrastructure auquel votre pays, au coeur du continent latino-américain, ne soit partie prenante. Enrique IGLESIAS, Président de la Banque interaméricaine de développement, un homme qui est pour moi un ami et pour qui j'ai beaucoup d'estime, me le rappelait encore tout récemment à Paris, alors qu'ensemble nous parlions des problèmes et des ambitions de la Bolivie.

Oui, la Bolivie a pleine vocation à se rapprocher toujours davantage du MERCOSUR. Au moment où l'Union européenne, - les quinze pays de l'Europe qui d'ailleurs seront demain 25, c'est-à-dire l'ensemble du continent européen -, et le MERCOSUR, depuis la signature de l'accord du 15 décembre 1995, diversifient et renforcent considérablement leurs liens, la Bolivie peut compter, je vous le dis et j'en ai pris l'engagement, ici aujourd'hui, sur la France pour plaider ardemment sa cause au sein de l'Union européenne.

Vos efforts pour adapter votre économie produisent indiscutablement leurs effets. Ils démontrent qu'il n'y a pas de fatalité de la pauvreté, même si elle reste ici, et dans beaucoup de pays, une réalité parfois douloureuse, notamment en milieu rural, milieu auquel je suis particulièrement sensible parce que c'est mon milieu d'origine. La Bolivie s'est résolument engagée sur le bon chemin et la France se tient à ses côtés. Nos ministres signeront tout à l'heure un important protocole financier pour l'assainissement des eaux de Cochabamba et pour une meilleure régulation du trafic automobile à Santa Cruz.

Mais c'est pour la solidarité dans le monde, c'est pour l'aide au développement des pays qui en ont besoin que la France se mobilise et continuera à se mobiliser.

Savez-vous que la France est aujourd'hui, en valeur absolue, le deuxième donneur d'aide au développement dans le monde après le Japon ? Savez-vous que, parmi les pays du G7, du groupe des sept nations les plus industrialisées, la France consacre, et de très loin, la part la plus importante de son produit national brut à l'aide au développement ?

Lorsqu'elle présidait le G7 l'année dernière, la France a obtenu, lors du Sommet de Lyon, non sans difficultés, et je le souligne grâce notamment à l'aide du Japon, le maintien de l'engagement des pays les plus riches, en soulignant leur devoir impérieux de solidarité à l'égard des pays qui en ont besoin.

Nous nous réjouissons des progrès obtenus dans le règlement des problèmes de la dette. Ainsi pour prendre ce cas, la Bolivie a-t-elle bénéficié au Club de Paris, en 1995, d'une réduction normale et légitime de plus des 2/3 de sa dette bilatérale. Beaucoup reste à faire et la France s'engage pour que la Bolivie bénéficie de l'initiative d'allégement de la dette multilatérale présentée par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ainsi que par le Club de Paris. Je m'en suis encore longuement entretenu récemment avec le directeur général du Fonds monétaire international, le Français, M. CAMDESSUS, et avec le Président de la Banque mondiale, l'Américain, M. WOLFENSOHN.

Dans le même esprit, la France entend travailler davantage avec la Banque interaméricaine de développement, nous en sommes convenus avec M. IGLESIAS. J'ai d'ailleurs invité la Banque interaméricaine à tenir à Paris, en 1999, son Assemblée annuelle. J'ai indiqué à son Président, comme à celui de la Banque mondiale, l'importance que j'attachais à un engagement accru de leurs institutions en Bolivie.

Malgré la tentation de se désengager financièrement de plusieurs pays parmi les plus riches du monde, la France demandera à la réunion du groupe des sept pays les plus industrialisés qui se tiendra cette année à Denver, en juin prochain, que l'aide au développement et la solidarité entre les différentes nations du monde restent au coeur des préoccupations des pays industrialisés. C'est un problème moral. J'ajoute que c'est également un problème d'intérêt mutuel. L'harmonie du monde, et donc la paix, suppose que toutes les nations, petit à petit, marchent du même pas.

Nous devons veiller à ce que la mondialisation ne laisse aucun pays à l'écart et profite à tous. Il nous faut développer un nouveau partenariat global, associant les pays en développement, les pays développés et les institutions multilatérales. Coordonnons nos efforts afin de parvenir à un développement durable, comme vous vous y attachez, ici, en Bolivie. Réduction de la pauvreté et des inégalités sociales ; protection de l'enfance ; respect de l'environnement ; dignité des hommes et des femmes au travail ; amélioration de la santé ; accès de tous à l'éducation : voilà quel doit être l'objet de notre partenaire, voilà quelle doit être notre ambition commune !

Je salue l'exemple donné par l'Amérique latine. Ici, en Bolivie, à Santa Cruz de la Sierra, une importante conférence s'est tenue en décembre 1996. Elle a permis l'adoption d'un ambitieux plan d'action. Elle a marqué une prise de conscience et la volonté des pays en développement de prendre en mains leur destin. Bien sûr, les pays développés ont le devoir de les aider. C'est à la fois, je le répète, une obligation morale et l'intérêt de tous.

La France, avec d'autres, a obtenu que l'Union européenne reste, et de très loin, le premier contributeur d'aide publique au développement dans le monde et notamment en Amérique latine. Elle poursuivra dans cette voie.

Savez-vous que sur l'ensemble de votre région, l'Amérique latine, au cours des cinq dernières années, l'aide de la seule Union européenne a représenté 14 milliards de dollars, soit plus des 2/3 de l'aide au développement totale à destination de l'Amérique latine ? Ce n'est que légitime.

Et savez-vous que la France contribue à plus de 20% à ces aides européennes ? La France veillera à ce que cet effort soit poursuivi. Oui, l'Europe et la France sont et seront vos grands partenaires pour le développement de votre superbe pays !




Cette solidarité, cette aide, cet appui à vos réformes doivent permettre à nombre de vos paysans de limiter, je dis bien de limiter, la culture de la coca, même si celle-ci est parfois indispensable à leur mode de vie, ce que je comprends parfaitement.

Aujourd'hui, la drogue est devenue un fléau mondial qui n'épargne aucune nation. Chacun sait les ravages terribles qu'elle provoque dans nos sociétés et en particulier dans nos jeunesses. Chacun sait aussi les risques économiques et politiques encourus par les Etats face à la puissance des grands réseaux internationaux de trafic de drogue qui sont à l'origine de ce drame qu'est la corruption. Voilà pourquoi j'ai fait, pour ma part, de la lutte contre la drogue une priorité absolue en France, et aussi dans l'Union européenne qui a également bien des choses à se reprocher. Et voilà pourquoi je n'ai cessé d'appeler la communauté internationale à se mobiliser.

Je voudrais, ici, saluer la détermination des autorités boliviennes à agir le mieux possible contre les narcotrafics. Des programmes de développement de cultures alternatives ont été engagés ici, parfois d'ailleurs avec l'aide de l'Europe. Nous avons, dans ce domaine, une responsabilité partagée.

Je vous propose qu'ensemble nous prenions ce problème à bras le corps. Je vous propose qu'ensemble nous réfléchissions à de nouvelles initiatives pour éradiquer ce fléau sans pour autant créer de drames sociaux.

D'abord, nous devons reconnaître clairement et fortement le principe de la co- responsabilité. Naturellement, il y a des pays producteurs, mais ils produisent parce qu'il y a des pays consommateurs et qu'ils ne se sont pas avérés capable de maîtriser leur consommation. Naturellement, il y a des pays consommateurs parce qu'il y a une production dans d'autres pays. Il y a donc un intérêt commun et surtout une coresponsabilité qui ne permet à personne de donner des leçons à l'autre, mais qui doit conduire chacun, au nom de l'intérêt général, à se mobiliser pour trouver une solution à ces problèmes. La drogue est un phénomène mondial. Une réponse globale doit lui être apportée, à travers une coopération de la communauté internationale tout entière.

Nous devons mobiliser l'ensemble des institutions multilatérales, et en particulier, ici, l'Organisation des Nations unies qui, plus que toute autre, a la légitimité pour définir une stratégie internationale, et pour apporter les aides nécessaires, le cas échéant, pour envisager les sanctions lorsqu'elles s'imposent. Mais seule l'ONU peut revendiquer ce droit.

Nous devons faire un front commun dans une guerre sans merci contre les trafiquants. Nous devons veiller aussi à ce que les droits fondamentaux des personnes, les valeurs sur lesquelles se sont bâties nos civilisations, les traditions ancestrales qui existent dans bien des régions, soient respectés dans la lutte que nous menons.

Ces principes de coresponsabilité et de nécessité guident notre action. La France a soutenu activement l'adoption par l'Union européenne du nouveau schéma de préférences généralisées agricoles pour la période 1995-1999. A ce titre, les pays andins, et notamment la Bolivie, bénéficient d'une franchise de droits de douane pour l'entrée sur le marché européen des produits issus des cultures de substitution à la coca.

Je suis personnellement intervenu auprès du Président de la Commission de l'Union européenne pour étendre ce système, et pour que l'Europe vous apporte une aide spécifique, c'est ce que m'avait demandé le Président SANCHEZ de LOZADA lorsque j'avais eu le privilége de le rencontrer à Paris, qui fut d'ailleurs le Premier Président d'Amérique latine que j'ai tenu à rencontrer après mon élection. Je veillerai personnellement à ce que l'Union européenne reste à vos côtés pour assurer le succès de la politique courageuse que vous menez dans le cadre de la lutte contre la drogue.

Je salue la fermeté de votre gouvernement dans sa politique d'arrachage à grande échelle des plants de coca. L'an dernier, ce sont, je crois, plus de 7000 hectares qui ont été convertis à d'autres cultures. Cette politique, nécessaire, est aussi une réussite économique. Les succès de l'ananas, du thé, du coeur de palmier et de la banane, que la Bolivie commence à exporter, ont permis un net recul des surfaces cultivées en coca. C'est très encourageant. Il faut que la communauté internationale continue de soutenir votre effort.

Au-delà de la Bolivie, permettez-moi de vous présenter certaines initiatives que la France va développer au sein des instances internationales.

La France va d'abord plaider pour une réflexion renouvelée sur les moyens de rendre plus efficaces, plus rentables, plus attractives, les cultures alternatives, afin d'offrir aux habitants des campagnes des conditions de vie plus décentes. Le moment est venu de les développer aussi largement que possible, si l'on veut enrayer les progrès des cultures illicites.

De nouveaux mécanismes pourraient être étudiés. Je pense notamment, pour les pays les plus pauvres qui bénéficient d'un accord avec le Club de Paris intégrant des clauses de conversion, à des cessions de créances qui pourraient être affectées au développement des cultures alternatives.

La collecte d'informations est également essentielle. La France propose que les pays qui disposent des moyens d'observation satellitaires et aériens, les mettent à la disposition des Etats et de tous les acteurs de la lutte contre les drogues. La France compte participer avec ses satellites SPOT qui sont, je crois, parmi les meilleurs du monde, aux opérations pilotes de l'Organisation des Etats américains, et à celles du programme des Nations unies de Contrôle international des drogues.

Enfin, la coopération entre experts, policiers et magistrats, engagés dans la lutte contre les trafiquants doit être développée. Il faut pour cela tirer pleinement parti des instances compétentes, notamment INTERPOL et les organes spécialisés des Nations unies, pour échanger les informations, confronter les méthodes, identifier les meilleurs moyens de traquer les narco-trafiquants partout où ils sévissent, jusqu'au sein des réseaux bancaires et sur les autoroutes de l'information. Les narcotrafiquants ne doivent se sentir en sécurité nulle part.

Cette coopération doit s'étendre à la formation de spécialistes. C'est pourquoi la France compte renforcer les moyens et ouvrir davantage son Centre international de formation à la lutte antidrogue, installé à la Martinique, l'un des départements français d'Amérique dans la Caraïbe.

La lutte antidrogue doit être un objectif essentiel de la coopération bilatérale et multilatérale. Et je me félicite, Mesdames et Messieurs, de l'excellent climat dans lequel collaborent déjà les magistrats et les policiers boliviens et français. Je salue notre volonté commune d'intensifier encore nos échanges.

Dès maintenant, préparons ensemble cette étape décisive dans la lutte anti-drogue qui sera, en juin 1998, la session spéciale de l'Assemblée générale des Nations unies.

C'est en nous mobilisant tous, comme vous le faites, comme nous le faisons, dans tous les domaines et à tous les niveaux, en coordonnant nos efforts, en étant réaliste, en étant respectueux des autres, en étant conscient chacun de nos propres responsabilités, en travaillant en confiance, avec toute notre énergie, que nous tarirons l'offre et la demande, que nous ferons reculer les trafiquants. Ils ne doivent, je le répète, se sentir en sécurité, nulle part !




Il est un autre combat que nous devons mener ensemble : celui de la diversité culturelle face au risque d'uniformisation du monde qui conduirait à la mort de la culture de l'humanité. La reconnaissance de notre diversité impose une action politique déterminée.

La Bolivie, là encore, nous montre le chemin. Votre Constitution reconnaît le caractère pluriculturel et multiethnique de votre pays. C'est un immense progrès. La révolution de 1952 a marqué la première étape de l'intégration des populations amérindiennes, avec l'instauration du suffrage universel, la scolarité gratuite obligatoire, la décentralisation et les réformes agraires. Votre gouvernement a entrepris des réformes tout aussi ambitieuses, notamment sous votre impulsion, cher Victor Hugo CARDENAS, vous qui êtes, en Amérique latine, le premier représentant des peuples premiers à exercer une si haute responsabilité depuis Benito Juarez en 1858.

Dans votre pays, les langues premières sont désormais enseignées, retrouvant ainsi toute leur place, notamment dans l'enseignement primaire et sauvant une part importante de la culture des hommes et des femmes de notre planète.

La France qui est d'Amérique, par son histoire, mais aussi par ses départements d'outre-mer, en Guyane et dans la Caraïbe, a pris sa part dans cette reconnaissance qui ne met en rien en cause, à ses yeux, l'unité de la République. C'est pourquoi, dans le cadre de la décennie internationale des peuples premiers et sous le patronage de l'UNESCO, la France, à l'initiative du député français de la Guyane, Léon BERTRAND, présent d'ailleurs à mes côtés, a organisé une rencontre internationale des communautés amérindiennes. Ces travaux, placés sous la coprésidence, et je les en remercie encore, de Mme Rigoberta MENCHU, prix Nobel de la paix, et de vous-même, M. le Président CARDENAS, ont rassemblé pour la première fois, à Paris, tous les représentants de toutes les communautés amérindiennes.

Ensemble, au cours de débats qui ont été d'une rare qualité, ces représentants ont témoigné de leur histoire, de leur culture, de leur identité, de leur devenir, sans laisser à d'autres le soin de le faire à leur place. Cette réunion a connu un grand retentissement. Elle a marqué une nouvelle étape. Elle a affirmé la dignité des peuples premiers. Elle a confirmé tout ce qu'ils ont apporté au monde. Elle a contribué à la reconnaissance de leurs cultures mais aussi des traumatismes de l'histoire. Elle a rappelé le devoir collectif de mémoire à l'égard de ces peuples décimés.

La diversité et la grandeur des civilisations amérindiennes, leur apport considérables à l'histoire du monde, imposent qu'elles soient respectées, reconnues, expliquées, célébrées.

C'est pourquoi, j'ai décidé de créer à Paris, dans les sites prestigieux du musée du Louvre et du palais de Chaillot, un grand musée des Arts Premiers, qui rendra justice aux cultures des premières nations. La France leur rendra ainsi l'hommage qui leur est dû et qui est à l'égard des arts des plus grandes périodes des civilisations.

C'est aussi pourquoi la France encourage l'étude, dans ses grands établissements d'enseignement, des langues amérindiennes : le quechua, l'aymara et le guarani attirent un nombre croissant d'étudiants dans notre Ecole nationale des langues orientales.

C'est enfin pourquoi la France souhaite accompagner les efforts considérables de votre gouvernement et de votre pays en faveur de l'éducation et de la formation des Amérindiens, conditions de leur dignité et de leur pleine insertion dans la société bolivienne et dans la société moderne.

J'ai décidé que la France apporterait, dans un premier temps, 2 millions de dollars aux programmes de la Banque interaméricaine de développement. Cette contribution complète celle de l'Union européenne au fonds de développement des peuples autochtones d'Amérique latine et des Caraïbes, créé en 1992 à l'initiative de votre ancien Président de la République, le Président Paz ZAMORA, et dont La Paz accueille le siège.

Dans ce même domaine de la formation, j'ai souhaité qu'un très grand savant, qu'un très grand chercheur de renommée mondiale, le professeur Jean MALAURIE, qui m'accompagne aujourd'hui, étudie avec vous ce qui pourrait devenir le projet phare de la décennie des populations premières des Nations unies : la création en Bolivie, à La Paz ou ailleurs, là où vous le déciderez, d'une Académie andine rassemblant les forces créatives, les élites des peuples amérindiens. Elle pourrait s'inspirer de l'Académie Polaire créée à l'initiative du Professeur MALAURIE, à Saint Petersbourg, pour la formation des peuples arctiques et qui connaît un très vif succès pour la plus grande satisfaction des autorités russes.

Notre ambition est de proposer aux Nations unies, dans ce cadre notamment, la mise en place d'un véritable réseau des académies des peuples premiers.




Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Constatons ensemble l'ampleur et la diversité des questions qui nous rapprochent et qui nous mobilisent. Avec cette Bolivie démocratique, en développement, multiculturelle, respectueuse de l'identité de chacun, avec cette Bolivie au coeur du continent latino-américain, la France veut travailler.

A l'heure où la Bolivie prend courageusement en mains son avenir et donne au monde une leçon de tolérance, la France, son amie, se tient à ses côtés.

Vive la Bolivie !

Vive la France !

Vive l'amitié franco-bolivienne !





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