Allocution du Président de la République à l'occasion de la remise de décoration à M. Carl BILDT.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la remise des insignes de commandeur de la Légion d'honneur à M. Carl BILDT.

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Palais de l'Elysée, le mercredi 11 juin 1997

Cher Carl BILDT,

Messieurs les Ambassadeurs,

Mon Général,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux, cher Carl BILDT, de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de vous accueillir avec un certain nombre de vos amis, et de vous rendre hommage au nom de la France, une France dont vous êtes l'ami depuis longtemps.

Votre engagement, très jeune dans la vie politique, est indissociable de l'intérêt particulier que vous avez toujours porté aux questions de politique étrangère. J'en garde le souvenir lointain lorsque vous étiez Premier ministre. Vous vous situez ainsi dans la ligne d'une grande tradition suédoise, celle qui conjugue le service de l'Etat et celui de la paix.

Elu à l'âge de trente ans député de Stockholm, nommé peu après sous-secrétaire d'Etat chargé de la Coordination gouvernementale, vous devenez surtout un membre actif et influent du Conseil consultatif de politique étrangère.

Après avoir accédé à la présidence du "parti modéré" - je trouve que c'est un très joli nom "parti modéré" - puis à la vice-présidence de l'Union démocratique internationale, que vous présidez aujourd'hui, vous devenez en octobre 1991, à quarante-deux ans, l'un des plus jeunes Premiers ministres qu'ait connus votre pays. Vous donnez alors une impulsion décisive aux négociations d'adhésion de la Suède à la Communauté européenne. Vous vous employez aussi à resserrer de façon très sensible les relations de votre pays avec la France, où vous êtes venu trois fois ès qualités comme Premier ministre. Je garde un souvenir d'ailleurs de l'un de ces passages, alors que j'étais maire de Paris, où vous aviez exprimé un grand mécontentement parce que la Commission de Bruxelles ne voulait pas admettre que la Constitution suédoise reconnaissait un monopole d'élevage du renne aux Inuits chez vous et considérait que ceci était contraire à la libéralisation des activités économiques Je crois que vous avez fini par obtenir satisfaction d'ailleurs.

Commence peu après, avec votre engagement en Bosnie, un chapitre important de votre vie au service de l'Europe et de la paix.

Nommé en juin 1995, avec Lord OWEN, co-président de la " Conférence internationale pour l'ex-Yougoslavie ", vous contribuez très efficacement, très activement aux négociations du Traité de paix qui sera signé, ici même, le 14 décembre 1995.

Désigné alors, à la demande de tous nos partenaires européens, comme haut représentant de la communauté internationale en Bosnie, vous devenez à ce titre le pivot de la mise en oeuvre du Traité de Paris, pour ce qui concerne notamment son volet civil.

Vous vous attelez à cette tâche avec un courage, une détermination, une efficacité qui est reconnue par tous, et qui vous valent un grand respect et une grande estime internationale.

Les progrès que vous avez obtenus durant ces dix-huit mois, malgré tous les obstacles qui se dressent, jour après jour, sur votre route, ne sont pas seulement le fruit de vos talents indiscutables de négociateur. Ils n'ont été possibles que parce que vous aviez dès l'origine une vision claire de l'objectif que vous vouliez obtenir : l'affirmation d'une Bosnie-Herzégovine unie, pluri-culturelle et démocratique, au sein d'une région stabilisée à laquelle l'Europe doit savoir tendre la main.

Alors que de plus en plus de voix s'élèvent pour accepter dans les faits un partage ethnique de la Bosnie, il nous faut sans cesse réaffirmer cet objectif qui est celui de la raison et de l'humanisme. Il trace, je crois, le seul chemin possible vers une paix durable et une paix conforme aux valeurs qui sont les nôtres.

Mais cet objectif ne peut être atteint que si la communauté internationale sait exercer - nous en parlions à l'instant - des pressions convergentes sur les parties pour les engager à assumer leurs propres responsabilités. Tel a été constamment le sens de vos efforts. La dernière réunion ministérielle du bureau directeur de la Conférence de mise en oeuvre des accords de paix, en adressant un avertissement ferme et unanime aux parties, nous montre la voie à suivre. Soyez assuré, cher Carl BILDT, de la volonté de la France de poursuivre tous ses efforts sur le chemin difficile qui reste à parcourir pour enraciner la paix.

Vous avez tiré du conflit bosniaque une conviction profonde, m'avez-vous dit un jour : " les Européens ne pèseront dans les affaires du monde que s'ils savent unir leurs efforts dans le cadre d'une politique étrangère et de sécurité commune qui soit cohérente et ambitieuse ". Telle est, vous le savez, l'une des priorités de la France et l'un des objectifs de la Conférence intergouvernementale.

Alors que vous vous apprêtez à quitter la Bosnie pour retrouver un rôle éminent dans la vie politique suédoise, je tenais, cher Carl BILDT, à vous exprimer la gratitude de la France, ma gratitude personnelle.

A travers vous, c'est aussi à l'ensemble de vos collaborateurs passés et présents, dont plusieurs sont venus de loin pour se joindre à nous aujourd'hui, je voudrais leur rendre également un chaleureux hommage, le général de La Presle étant un des premiers d'entre eux, un chaleureux hommage, et leur dire combien je suis heureux de les accueillir en cette circonstance à l'Elysée.

Carl BILDT, nous sommes des amis depuis déjà longtemps; c'est avec un plaisir personnel très grand que je vais vous remettre la cravate de commandeur de la Légion d'honneur, mais je voudrais aussi que vous y voyez la reconnaissance de la France pour un ami, pour surtout pour un grand serviteur de la paix.

Carl BILDT, au nom de la République française, nous vous faisons commandeur de la Légion d'honneur.





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