Allocution du Président de la République lors de la remise de la galette des rois.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la remise de la galette des rois par les artisans boulangers-pâtissiers.

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Palais de l'Elysée, le lundi 13 janvier 1997

Mon Cher Président,

D'abord, merci pour vos voeux. Acceptez chacune et chacun, ici, les miens les plus sincères, pour vous-même bien sûr, mais également pour tous ceux qui vous sont proches, pour tous ceux qui vous sont chers.

Permettez-moi, Mon Cher Président, de saluer nos hôtes : les membres de la Confédération nationale de la boulangerie, les maîtres d'apprentissage, nos jeunes lauréats du concours des meilleurs jeunes boulangers.

Ayant formulé des voeux, je formulerai particulièrement ceux que je souhaite pour leur succès professionnel à la nation surintendante et Mesdemoiselles de la Légion d'honneur qu'une tradition, déjà ancienne, associe à cette manifestation. Je trouve que c'est une heureuse idée. Je voudrais saluer toutes et tous ceux qui créent, ceux qui consomment, les jeunes, les meilleurs ouvriers et les jeunes filles qui assument actuellement leur formation, et je voudrais remercier ceux qui ont fabriqué ces deux superbes galettes dont je ne doute pas que nous allons nous réjouir tout à l'heure de les goûter.

Monsieur le Président, vous avez évoqué la boulangerie française. Je souscris tout à fait à tout ce que vous avez dit, sauf peut-être un terme, mais je l'attribue naturellement à votre modestie naturelle, vous avez dit : "un petit métier". Boulanger est tout ce que l'on veut mais sauf un petit métier ! C'est probablement l'un des plus vieux métiers du monde. C'est un métier qui s'est particulièrement épanoui dans notre pays, qui sans aucun doute - vous l'avez souligné à juste titre - touche dans ce domaine à l'excellence.

Le pain est un des grands charmes de notre civilisation, de notre art de vivre. Vous savez, je reçois beaucoup de monde ici, et notamment beaucoup d'étrangers, des chefs d'Etat, de gouvernement, leurs ministres, leurs collaborateurs, et nous déjeunons ensemble tout à l'heure, j'ai un déjeuner avec le Président de la République d'Azerbaïdjan. Je suis toujours très frappé de voir, quand le déjeuner se déroule, que tous nos hôtes étrangers mangent beaucoup de pain. Il m'est arrivé très souvent, il m'arrive presque chaque fois que mon voisin, qui est en général un ministre ou le chef d'Etat qui est en face de moi, me dise : "Pourrais-je avoir un peu plus de pain, s'il vous plaît ?"

Tout simplement, ce pain et notamment notre baguette traditionnelle est véritablement quelque chose qui force l'estime et l'admiration de nos hôtes étrangers en raison de sa qualité.

J'observe aussi. Vous savez que je vais de temps en temps au Japon, un pays que j'aime bien. J'ai fait aussi une observation. Quand vous voyez à Tokyo, à Osaka, ou ailleurs, une queue - ce qui est rare au Japon -, vous pourrez être assuré qu'elle se trouve devant une boulangerie française. Connaissant maintenant un certain nombre de boulangers qui se sont installés à partir de trois fois rien, dans ce pays ou dans d'autres pays, je suis frappé de voir, - je le dis aux jeunes en particulier -, qu'il s'agit des personnes âgées de 40, 50 ans à la tête d'une affaire importante et qui ont des revenus également importants.

C'est dire que la boulangerie est un grand métier, un grand métier français, qui a tout son avenir, naturellement chez nous, mais aussi chez les jeunes qui doivent en avoir conscience, à l'étranger. Tout simplement, parce que je le disais à l'instant, il s'agit d'un métier qui est pratiqué, ici, de façon excellente.

Alors, vous avez évoqué, Monsieur le Président, les soucis. Vous avez souligné l'importance qu'il y avait à faire reconnaître l'art de la boulangerie. Vous avez entièrement raison. Vous avez souligné qu'éventuellement il pourrait y avoir des recours, eh bien, qu'ils aient lieu. C'est la loi de la démocratie, et si d'aventure la procédure conduisait à une remise en cause des décisions, il serait très facile naturellement de faire valider notre volonté politique par un acte législatif. Donc, ceux qui s'imaginent qu'ils pourraient remettre en cause cette orientation générale sachent bien qu'il n'en est rien, et qu'ils dépenseront inutilement l'argent destiné à payer les procédures.

C'est vrai qu'il n'est pas imaginable de comparer le pain tel qu'il sort d'une boulangerie qui déjà connaît des différences de qualité, bien entendu, selon la compétence du boulanger, avec "cette chose" qui sort de tels ou tels terminaux de cuisson, et qui ressemble à tout ce que l'on veut, sauf à du pain, et je dirais même, sauf à un aliment chrétien.

Donc, ma détermination à soutenir dans ce domaine votre action est tout à fait entière. Je me suis réjouis de la signature récente de la Charte de la boulangerie par vous-même, Monsieur le Président, et par le ministre, M. Raffarin. J'observais d'ailleurs que, sur le texte de la Charte, il y avait un mot qui n'était pas prévu et une signature qui n'était pas prévue non plus, le mot, c'était : "vive le pain Français" et la signature, c'était "Alain Juppé" ! Hommage légitime et auquel je souscris tout à fait.

Qu'avez-vous voulu faire au fond et qu'avons nous voulu faire ? Qu'est-ce que les pouvoirs publics et le pouvoir professionnel ont voulu faire ? Je crois que c'est, d'abord, mieux informer le consommateur, et cela c'est très important. Car, si le pain est quelque chose d'infiniment bien connu, il faut tout de même, aujourd'hui, dans un temps où, à juste titre, hélas ! les gens s'interrogent sur la façon dont est fabriqué ce qu'ils mangent, il est légitime et normal de les informer. Notamment s'agissant du pain, il faut qu'ils sachent que la meilleure garantie d'avoir un aliment qui est à la fois bon mais également sain, c'est évidemment de s'adresser à des professionnels qui ont fait leurs preuves depuis toujours, c'est-à-dire à des boulangers.

Deuxièmement, il faut protéger la boulangerie artisanale. Vous avez raison de le dire. Il faut protéger l'ensemble des artisans qui sont un peu le levain de notre société, si vous me permettez cette expression, et notamment parmi d'autres, d'ailleurs, la boulangerie artisanale. Comment ? Vous êtes en train d'y travailler. On envisage notamment des prêts qui soient bonifiés, également des recherches technologiques qui sont indispensables, notamment à l'Institut de Rouen, je crois et qu'il est important de continuer à développer. Il faut également protéger la boulangerie artisanale, ce que nous venons d'évoquer à l'instant. Car, il est évident que seuls peuvent répondre à l'exigence d'un pain de qualité ceux qui maîtrisent la totalité du processus de fabrication, depuis le choix des farines qui, naturellement, donne au pain une qualité particulière, jusqu'à la vente elle-même de ce pain. C'est tout à fait évident.

Il faut, et je suis heureux de saluer les maîtres d'apprentissage favoriser l'apprentissage. Vous l'avez souligné et vous avez raison. L'apprentissage artisanal est une belle voie pour donner à des jeunes un métier, une vocation et une chance dans l'avenir.

Enfin, vous avez évoqué la sympathique fête du pain qui a été un succès, une initiative de la profession. Il faut effectivement la continuer. Cela fait partie de ces fêtes dont nous avons besoin, et qu'une société, surtout une société un peu inquiète, a besoin pour retrouver les liens de la convivialité.

Alors, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je vous félicite et je me retourne vers les demoiselles de la Légion d'Honneur, que j'admire beaucoup, et que j'aime beaucoup, qui m'ont reçu gentiment chez elles, il y a peu de temps, pour leur dire : "eh bien voilà, vous pouvez manger du pain en étant tout à fait assurées de manger un bon aliment. Vous pouvez manger des gâteaux, puisque la pâtisserie est également un grand art de notre pays, complémentaire de la boulangerie, et qu'il ne faut jamais oublier, c'est aussi un art d'excellence. Donc, vous pouvez être tout à fait confiantes et assumer votre gourmandise sans aucune espèce de réserve. Vous travaillez pour une belle profession en en prenant les produits.

Je vous souhaite, à toutes et à tous, tous mes voeux de bonne et heureuse année avant que nous n'attaquions maintenant le corps du délit, c'est-à-dire nos galettes des rois.

Merci, Monsieur le Président.





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