Discours du Président de la République à l'occasion du 30e anniversaire de la commissions des opérations de bourse.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du 30e anniversaire de la commissions des opérations de bourse (COB).

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Paris, le mardi 9 décembre 1997

Monsieur le Président de la COB

Mesdames et Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

C'est bien volontiers que j'ai accepté l'invitation du Président Michel PRADA à l'occasion de la célébration du 30ème anniversaire de la Commission des Opérations de Bourse. 30ème anniversaire, Monsieur le Président, le temps passe vite, je me souviens de sa création.

J'ai tenu ainsi à rendre hommage à tous ceux qui, depuis 1967, ont assuré le développement de nos marchés financiers, en y garantissant la transparence des opérations, la qualité de l'information et l'égalité des intervenants.

Vous avez souhaité, Monsieur le Président, vous tourner vers l'avenir en plaçant cette journée sous le signe de l'Europe et de la monnaie unique.

Le passage à l'euro constituera, en effet, une échéance historique majeure. Il va modifier en profondeur nos comportements économiques et aussi la vie de nos entreprises. Il sera le moteur de l'Union européenne, il renforcera la place de l'Europe dans le monde et nous devons bien entendu nous y préparer activement.





Depuis sa création, la Commission des Opérations de Bourse s'est acquittée de ses missions avec une efficacité et une compétence unanimement reconnues. Je voudrais dire à son Président, à son Collège et à l'ensemble de son personnel aussi, mon estime et ma reconnaissance pour le travail accompli.

L'ordonnance de 1967 assignait un objectif principal à la nouvelle institution : inciter l'épargne à long terme à s'investir en valeurs mobilières.

La Commission s'est consacrée avec succès à cette tâche essentielle pour notre économie. Elle a su favoriser et accompagner le développement de la place de Paris.

Un Français sur dix détient aujourd'hui des valeurs mobilières. Cela n'est pas suffisant, mais c'est un progrès qui mérite d'être souligné dans un pays profondément attaché, par tradition, au patrimoine foncier et immobilier.

Nos marchés financiers se sont ainsi adaptés à l'évolution du capitalisme contemporain : modernisation des instruments, décloisonnement des marchés, renouvellement des techniques financières, ouverture sur le monde : la place de Paris a accompli une véritable performance qui mérite d'être saluée.

Ces bons résultats doivent beaucoup au travail des professionnels intervenant sur les marchés. Ils reflètent la qualité et l'efficacité des divers opérateurs, banques, sociétés de bourse, sociétés d'investissement ou de gestion de l'épargne, entreprises de marché.

Pour que Paris soit en mesure de jouer le rôle qui lui revient sur les marchés unifiés de l'euro, il faut lui donner les moyens de rester attractif et de poursuivre son développement. Il faut éviter en particulier que les professionnels de la finance choisissent de s'installer à l'étranger pour des raisons essentiellement fiscales. Il est de la responsabilité de l'Etat d'y veiller. Une économie de premier rang mondial comme la nôtre doit pouvoir s'appuyer sur une place financière forte.





La COB a su s'imposer, en tant qu'autorité de régulation économique et financière, grâce à sa rigueur, sa technicité et son indépendance.

Les responsabilités qui lui incombent sont plus que jamais déterminantes : assurer une protection maximale à l'épargne ; veiller à la fiabilité et à la transparence de l'information dont disposent les investisseurs ; garantir l'honnêteté et la moralité des pratiques boursières ; sanctionner les abus, et en particulier les délits d'initiés.

Le Général de GAULLE avait compris que, dans le contexte de la construction européenne et de l'ouverture des frontières, le renforcement de nos entreprises supposait un appel élargi aux marchés financiers. Pour cela, il fallait susciter la confiance des épargnants. Il fallait garantir à leurs placements une protection efficace.

N'oublions jamais, telle était d'ailleurs la conviction du Premier Ministre de l'époque, M. Georges POMPIDOU, que la confiance des épargnants constitue un ressort essentiel de la croissance. Y porter atteinte, serait prendre un risque grave pour la cohésion économique et sociale de notre pays.

En encourageant le développement des marchés financiers, le général de GAULLE était également soucieux de moderniser les relations entre les équipes dirigeantes, les actionnaires et les salariés. Il entendait ainsi promouvoir la " participation à la française ", c'est-à-dire, jeter les bases d'un capitalisme qui permette aux salariés de recueillir les fruits du développement de leur entreprise. Cette exigence reste, à l'évidence, d'actualité.





Si les circonstances ont changé, les préoccupations qui ont justifié la création de la COB doivent continuer d'inspirer notre action à l'heure du passage à l'euro.

Le 1er janvier 1999 constituera un temps fort pour l'Union européenne. Certes, nous ne disposerons pas encore des billets et des pièces libellés en euro, ils ne seront disponibles qu'en 2002, mais les marchés financiers fonctionneront déjà avec la nouvelle monnaie européenne. Pour nos concitoyens qui placent tout ou partie de leur épargne dans des actions, des obligations ou d'autres produits financiers, l'euro deviendra, dans à peine plus d'un an, la véritable référence.

Au-delà des enjeux techniques de l'euro - je sais que la place de Paris s'y prépare méthodiquement depuis de longs mois - l'essentiel est de susciter l'adhésion et d'emporter la confiance de nos concitoyens, des épargnants et des opérateurs internationaux.

Beaucoup a été fait dans les principaux pays de l'Union, notamment en France, pour faire de l'euro une monnaie solide et forte, une monnaie qui inspire confiance.

La première exigence, c'est la remise en ordre des finances publiques. Elle est indispensable, parce qu'un pays qui s'endette est un pays qui s'affaiblit et compromet son avenir. Il ne faut pas relâcher nos efforts dans ce domaine.

Mais pour que l'euro soit l'"affaire de tous", il faudra un effort toujours plus grand d'explication et de pédagogie.

L'euro ne doit pas être seulement la référence des techniciens, des financiers ou des hommes d'affaires. Il ne doit pas être une source de complexité supplémentaire pour nos concitoyens. Il doit devenir la monnaie de chacune et de chacun d'entre nous. Cela ne sera pas facile. Nos PME, qui accèdent plus difficilement à l'information que nos grandes entreprises, devront faire l'objet d'une attention particulière. Aux acteurs de la Place d'y veiller. Mais aussi aux administrations d'être exemplaires et d'être prêtes à temps.





La monnaie unique constitue également un enjeu économique pour l'Europe. Aboutissement de l'unification des marchés de biens et de services, elle élargit l'horizon de nos entreprises, de notre système financier et de nos épargnants à l'Union tout entière.

L'euro doit se faire au bénéfice, pour ce qui nous concerne, de la place financière de Paris. Elle dispose pour cela de nombreux atouts, mais compte aussi des points faibles. Pour soutenir le développement de nos entreprises, nous avons besoin d'un système bancaire et financier qui soit plus performant. Nous avons besoin de banques plus proches de leurs clients, capables de jouer un rôle éminent dans la compétition européenne. Il est temps d'effectuer les réformes qui s'imposent dans ce secteur et de favoriser les adaptations nécessaires. Je le dis à nouveau, il est temps de rompre définitivement avec l'économie administrée qui nous a valu tant de déboires. Il est temps de rendre à l'initiative privée la place qui lui revient.

Dans le domaine boursier, je me réjouis que Paris et Francfort aient entrepris d'approfondir leur coopération, leur collaboration. D'autres places financières viendront demain y joindre leurs forces.

Mais le changement de dimension de notre marché financier ne devra pas se faire au prix d'une moindre sécurité pour les épargnants.

Chaque pays a ses traditions et ses institutions de régulation. Il ne s'agit donc pas de créer de nouveaux organes de contrôle, mais de renforcer la collaboration entre les différentes institutions nationales. La présence, aujourd'hui, des Présidents des organismes de régulation financière européens et je tiens à les saluer amicalement, montre que cette coopération est bien engagée. Je suis heureux de la décision qui vient d'être prise d'organiser la coopération entre les " COB " européennes sur une base structurée et permanente dans le cadre du nouveau forum " FESCO ".





L'euro est aussi une chance pour la France.

Notre pays dispose de nombreux atouts dans la compétition internationale. Nos entreprises petites, moyennes ou grandes s'adaptent sans relâche pour aborder, en meilleure position, les nouveaux marchés à l'exportation. L'excédent croissant de notre commerce extérieur atteste de leur compétitivité et aussi de leur vitalité.

Demain, nos entreprises seront conduites à multiplier et à approfondir leurs alliances et leurs partenariats au-delà de nos frontières. Les mouvements auxquels nous assistons d'ores et déjà vont inévitablement s'accélérer.

Nous pouvons en tirer le meilleur parti à condition de ne pas laisser l'internationalisation des flux de capitaux fonctionner à sens unique. A condition de ne pas nous satisfaire d'un " capitalisme français sans capitaux ".

Les placements étrangers sur le sol français connaissent un développement spectaculaire. Il s'agit d'une marque de confiance pour nos entreprises et aussi d'une incitation permanente à leur bonne gestion. L'ouverture économique et financière constitue, de ce point de vue, un puissant aiguillon de la modernisation de notre pays.

Il est dans la logique des choses que des entreprises étrangères, et tout particulièrement des entreprises européennes, prennent des positions en capital dans les entreprises françaises. Mais l'inverse est également vrai.

Si nous devons refuser la tentation du protectionnisme et rester " ouverts ", nous ne devons pas pour autant être " offerts " à nos concurrents. Il est légitime de conserver en France les centres de décision de nos grandes entreprises pour nous permettre de compter davantage en Europe et aussi dans le monde. Nous y parviendrons, non pas en durcissant la réglementation sur les offres publiques ou en nous refermant sur nous-mêmes, ce qui annoncerait un déclin irrémédiable, mais en donnant au capitalisme français les moyens financiers de son expansion.

Je l'ai déjà dit, à trop taxer les placements et les capitaux, à trop les détourner des investissements productifs pour financer ses déficits publics, la France affaiblirait son économie et rendrait ses entreprises vulnérables aux attaques étrangères. Elle prendrait le même risque en ne développant pas, je vais y venir, très rapidement, les fonds d'épargne-retraite.





Notre pays peut compter sur une épargne abondante. Il dispose d'outils de placements performants qui le situent, pour le volume des actifs gérés, au premier rang européen et au deuxième rang mondial. Pourtant, cette épargne ne contribue pas, comme elle le devrait, au développement de notre économie.

Les causes de ce paradoxe sont bien connues.

Les déficits accumulés et l'importance de la dette publique ont détourné une part croissante de l'épargne au détriment de l'investissement créateur de richesses.

Les modifications, par trop fréquentes, de la fiscalité, quelles que puissent en être la justification, ne créent pas, c'est le moins que l'on puisse dire, l'environnement stable dont les épargnants ont besoin. Le Sénat vient de recenser près de 80 mesures fiscales ayant affecté l'épargne au cours des quinze dernières années. Trop souvent, nos concitoyens ont le sentiment que l'Etat modifie unilatéralement le statut des placements et qu'il fait, de surcroît, peu de cas du principe de non-rétroactivité. Ainsi, il rompt, en quelque sorte même s'il en a le droit, le "contrat de confiance" qui conditionne l'engagement des épargnants.

De la même façon, le retard pris dans la mise en oeuvre des fonds d'épargne retraite prive nos entreprises d'une source essentielle de financement.

Le développement de mécanismes d'épargne retraite, non pas pour remplacer, on ne le dira jamais assez, mais pour compléter les régimes de répartition, est une nécessité, aussi bien sociale qu'économique.

L'épargne retraite permet d'abord d'assurer aux futurs retraités un complément de revenus. Les Français y sont favorables, car ils y voient une garantie supplémentaire pour leur avenir.

En orientant une part croissante de l'épargne des ménages vers les placements à long terme les plus rentables comme les actions, l'épargne retraite permettrait aussi de corriger l'une des faiblesses de notre système financier en augmentant les fonds propres de nos entreprises. Cette solution a été privilégiée dans tous les pays développés au bénéfice de la croissance et aussi de l'emploi. Il nous reste des progrès à accomplir en ce domaine pour être réellement compétitifs et ne pas risquer de perdre progressivement le contrôle de nos entreprises au bénéfice de grands groupes étrangers.





Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Le maintien de la confiance des épargnants français est au coeur des missions de la Commission des Opérations de Bourse. Elle s'en acquitte, j'allais dire, avec beaucoup d'efficacité et beaucoup de professionnalisme depuis 30 ans.

Dans la perspective de l'espace financier européen qui résultera du passage à la monnaie unique, cette confiance doit rester au centre de vos préoccupations. C'est elle, en effet, qui permettra de donner à nos entreprises les moyens financiers de leurs ambitions, tant en France qu'à l'étranger.

Demain l'Europe va se doter d'une monnaie qui deviendra, très vite, une devise de référence mondiale. Une monnaie qui donnera aux pays de l'Union européenne la place qui revient de droit à la première puissance économique du monde sur la scène internationale qu'est l'Union européenne.

Nous vivons désormais à l'ère de la mondialisation, c'est-à-dire d'une concurrence sans cesse renforcée. Tous les secteurs de l'économie seront concernés. De nouvelles activités, de nouvelles technologies, de nouveaux besoins apparaissent. C'est une chance pour la croissance de demain.

Mais le monde ne nous attendra pas. Il nous appartient de nous mettre en ordre de marche en garantissant à notre économie les moyens financiers de son développement.

Mon ambition pour la France est que nous entrions " forts et dynamiques " dans l'euro. Si je souhaite l'union de l'Europe, je souhaite aussi que la France puisse, demain comme hier, maîtriser son destin économique.

L'enjeu est de taille. Il y va de notre présence, de notre place dans le monde.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je vous remercie.





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