Allocution du Président de la République à l'occasion de la visite en Aveyron sous l'égide de la Fondation du Patrimoine.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de sa visite en Aveyron sous l'égide de la Fondation du Patrimoine.

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Millau, Aveyron, le jeudi 18 décembre 1997

Monsieur le Président de la Fondation du Patrimoine,

Monsieur le Délégué régional, Cher Pierre FABRE,

Messieurs les Présidents du Conseil Régional et du Conseil Général,

Monsieur le Député-Maire de Millau,

Mesdames et Messieurs,

C'est une belle aventure qui nous réunit aujourd'hui. Rendre aux Français tout leur patrimoine, celui dont on ne parle pas mais auquel on est profondément attaché, et qui donne à un village, à un bourg, à un quartier sa personnalité et son âme, telle a été, dès l'origine, l'ambition de la Fondation. Aujourd'hui, cette ambition est en train de se réaliser.

Je voudrais d’abord vous remercier, Monsieur le Président de Royère, pour la passion avec laquelle vous avez porté ce projet. Et, avec vous, tous ceux qui vous accompagnent dans cette aventure : toute votre équipe, et notamment Olivier de Rohan et notre ami Marcel Jullian, vos délégués régionaux et départementaux, et l’ensemble de vos partenaires, élus locaux, chefs d’entreprises, responsables d’associations, qui, comme vous, croient à la nécessité et au succès de la Fondation.

Le Président Pierre Fabre est de ceux-là puisqu'il s'est investi avec fougue et conviction dans ce projet.

D'ores et déjà, les actions qui sont lancées, les programmes qui sont en cours de réalisation montrent combien les attentes sont fortes.

La France compte d’innombrables sites plus remarquables les uns que les autres. Des bâtiments, moulins, granges, lavoirs, pigeonniers et autres, qui certes ne sont pas des hauts lieux de l'Histoire, mais qui portent en eux toute la magie du passé. Les Aveyronnais le savent bien, comme d’ailleurs les Corréziens.

Ce patrimoine unique fait de notre pays, l’un des plus beaux du monde. Or, très souvent, ces trésors inconnus n'étaient ni classés, ni protégés.

Pour sauvegarder les grands monuments, témoins de l’Histoire, les chefs-d’oeuvre d’art et d’architecture, il y a l’Etat dont c’est l’une des missions essentielles. Mais dans le domaine du patrimoine comme dans bien d’autres, l’Etat ne peut s’occuper de tout.

Fallait-il accepter que disparaisse ce patrimoine de proximité que nos parents et nos grands-parents ont bâti et qu’ils nous ont légué ? Non, bien sûr. La Fondation du Patrimoine, voulue et imaginée par Jacques Toubon, alors Ministre de la Culture, exprime ce refus.

Nous savons aujourd’hui que les Français sont prêts à se mobiliser massivement pour sauver ces lieux de mémoire qui sont une part essentielle d’eux-mêmes.

Il fallait donc inventer quelque chose, lancer une puissante dynamique de terrain, fédérer les énergies, associer les acteurs locaux de la protection du patrimoine. Il fallait créer, sur des bases décentralisées, une structure efficace parce que légère, souple, autonome, à l’écoute des attentes de nos concitoyens, et en mesure d’intervenir auprès des propriétaires tant privés que publics.

Il fallait surtout faire appel à la bonne volonté, à la générosité et à la passion qui, seules, rendent possibles les grandes choses.

Voilà comment est née la Fondation du Patrimoine.


Dès l’origine, j’ai cru à ce grand projet et je l’ai soutenu. Ce partenariat local, réunissant les représentants de l’administration, les associations de sauvegarde du patrimoine, les entrepreneurs, nous en avions l’exemple en Corrèze où nous avons ainsi sauvé beaucoup de sites et de villages. Le Président CEYRAC, Maire de cette magnifique commune qu’est Collonges-la-Rouge, peut en témoigner.

Naturellement, tout ne s’est pas joué le 2 juillet 1996, avec l’adoption de la loi créant la Fondation du Patrimoine. Il restait beaucoup de chemin à parcourir, beaucoup de gens à convaincre, beaucoup d'habitudes à bousculer, beaucoup de combats à mener.

Auprès de l’opinion d'abord, pour faire connaître la Fondation et sa vocation particulière, pour amener les Français à prendre en main leur patrimoine, pour leur dire : "c’est à vous d’agir, et maintenant vous le pouvez !"

Auprès de l’administration, pour la convaincre de l’utilité de cette nouvelle structure. Pour lui faire comprendre aussi que votre logique ne peut pas être la même que celle de la puissance publique, que les concours financiers que vous mobilisez appellent aussi des contreparties pour vos partenaires.

Auprès des acteurs de la vie économique locale, les chefs d’entreprises, les organismes consulaires, pour les inviter à vous rejoindre. L’accueil qu’ils vous ont déjà réservé est particulièrement encourageant.

Dans ce combat, vous avez naturellement besoin de vous sentir soutenus. Vos objectifs sont ambitieux : rassembler d’ici l’an 2000, 300 000 adhérents. Objectifs à la mesure de l’immense chantier qui s’est ouvert dans notre pays, à la mesure de l’amour que les Français portent à leur patrimoine. Vous-même, Monsieur le Président, et tous ceux qui vous entourent, avez assez de combativité, de force de conviction, de volonté pour que la réussite soit au rendez-vous. Si j’ai répondu à votre invitation, c’est pour vous réaffirmer mon soutien.


D’autant que l’enjeu va bien au-delà du fait culturel, de la seule restauration patrimoniale.

Il est évident que la Fondation du Patrimoine a vocation à contribuer à l'aménagement de notre territoire, et notamment de notre territoire rural auquel les Français sont si attachés.

J'ai beaucoup regretté n'avoir pu visiter ce matin Saint-André-de-Vezines, avec ses vieilles maisons voûtées, protégées du vent, du froid comme de la chaleur par leurs toits de lauzes, ancrées dans le paysage aussi solidement que les rochers gris au Causse Noir.

Saint-André, qui comptait plus de 500 habitants au milieu du 19ème siècle, est le symbole de ces communes agricoles qui ont perdu, au fil des ans, bon nombre de leurs habitants, et qui ont inspiré au géographe Roger Beteille des réflexions inquiètes sur une "France du vide", une France en rupture d'équilibre et d'harmonie.

Mais Saint-André sous l'impulsion de son maire est aussi le symbole des actions qui peuvent être entreprises avec succès pour renverser le cours des choses. Initiatives individuelles ou stratégies collectives, toutes misent sur l'accueil, l'implantation d'activités différenciées, la réappropriation de l'espace et des bâtiments, inventant une ruralité nouvelle et moderne.

Il est essentiel que toutes les énergies et tous les moyens se mobilisent pour revitaliser nos campagnes. Le Parc Régional des Grandes Causses, et son dynamique Président, René Quatrefages, ont déjà beaucoup fait. La Fondation du Patrimoine, à son tour, va jouer un rôle important, car son objectif, au-delà de la sauvegarde du passé, c'est bien de faire vivre le présent.

C'est ce qu'elle va faire à Saint-André-de-Vezines, sur différents chantiers, avec l'ambition d'ajouter à la convivialité, valeur traditionnelle dans nos villages.

Voilà, Mesdames et Messieurs, une façon moderne et concrète de faire vivre notre pays et de donner une traduction simple à la démocratie culturelle que je souhaite voir mise en oeuvre partout.

La culture, c'est bien sûr protéger la création et les créateurs et favoriser le rayonnement de la France à l'extérieur de ses frontières. Mais c'est aussi et surtout permettre à chaque Français d'avoir accès à la vie culturelle, lui donner, ainsi que le disait André Malraux "les clés du trésor".

Cela passe par le développement des enseignements artistiques. Je sais que l'Aveyron conduit dans ce domaine une politique exemplaire et que la ville de Millau compte, depuis 1993, parmi les sites expérimentaux. Vous avez su, là encore en mettant en oeuvre un partenariat très large, permettre à des jeunes de plus en plus nombreux de s'épanouir dans des pratiques artistiques.

Mais cela passe aussi par la reconquête de son propre patrimoine, qui est une reconquête de ses racines et de son identité. C'est la plus haute mission que s'est fixée la Fondation : être un instrument efficace au service d'une vraie démocratie culturelle.


Oui, Mesdames et Messieurs, la Fondation du Patrimoine sera l'aventure de tous et de chacun. En faisant revivre une fontaine, un pont, une maison, la vieille manufacture où nos anciens ont travaillé, le lavoir où nos grands-mères ont peiné, elle nous raconte notre histoire. Mais en faisant connaître des sites méconnus, en les rendant attractifs, elle apporte de la vie. Elle rend espoir et courage à des femmes et des hommes qui parfois se sentent abandonnés. Parce qu'elle propose à l'enthousiasme des collectivités, des entreprises ou des simples citoyens des projets communs, elle conforte le sentiment d'appartenance à une même communauté. Elle affirme l’identité de la France.

Je lui souhaite succès et longue vie.





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