Discours du Président de la République devant les parlementaires et sénateurs tchèques à Prague.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant les parlementaires et sénateurs tchèques.

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Prague, République Tchèque, le jeudi 3 avril 1997

Monsieur le Président de la République,

Monsieur le Président de la Chambre des députés,

Monsieur le Président du Sénat,

Monsieur le Premier Ministre,

Mesdames et Messieurs les députés et sénateurs,

Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,

Mesdames et Messieurs,

Mes chers amis,

Merci, merci beaucoup, Monsieur le Président de la République, pour vos paroles si chaleureuses, pleines d'amitié, de confiance et d'espérance partagée. Merci pour votre accueil, pour votre invitation à m'adresser aux représentants de la grande nation tchèque.

C'est, je crois, la première fois que les parlementaires de vos deux Chambres se réunissent à l'occasion de la visite d'un chef d'Etat dans votre pays. Cet honneur fait à la France, mes compatriotes et moi-même en garderons un souvenir très fort et aussi une grande reconnaissance.

A cet honneur, Mesdames et Messieurs, s'ajoute l'émotion de me trouver dans votre prestigieuse capitale, cette Prague légendaire qui nous parle tant à nous Français. L'émotion aussi de m'exprimer ici, dans cette enceinte où l'on couronna vos empereurs et vos rois et où votre Parlement élit désormais le Président de la République tchèque. Ce lieu magnifique où s'incarnent l'histoire de votre nation et aussi son rêve millénaire d'indépendance et de liberté. Cette salle où l'on mesure tout le chemin parcouru par votre pays depuis qu'il y a sept ans, il a recouvré ses institutions démocratiques et la libre disposition de son destin.

Nous Français, nous y sommes très sensibles. C'est que souvent, au long de l'histoire, le coeur de nos deux nations a battu à l'unisson.

Notre amitié est ancienne, très ancienne. Elle remonte au Moyen Age, à l'époque où Philippe Le Bel concluait une alliance avec le roi de Bohême Venceslas II. C'est en vertu de cette amitié que votre roi, Jean de Luxembourg, perdit la vie à la bataille de Crécy, en se battant aux côtés des chevaliers français et en portant secours à son fils et successeur, Charles IV. Ce dernier, couronné empereur dans ce palais, fit de Prague l'une des premières villes européennes et il y créa la première université de la région.

Depuis ces temps anciens, les pays tchèques et la France ont bâti entre eux une communauté de destin.

Une communauté d'esprit d'abord, à mesure que nos deux pays développaient leurs échanges dans les domaines de la pensée et de l'art. Notre vie culturelle et intellectuelle témoigne de la richesse de nos apports mutuels.

C'est ici, à Prague, que naquit le concept de liberté de conscience. C'est ici que l'on inventa, bien avant les Lumières, la tolérance religieuse. L'historien français Ernest DENIS, grand spécialiste des cultures et civilisations slaves et grand défenseur de votre nation, écrivait au siècle dernier : "La Bohême nous a appris qu'il n'est pas nécessaire de s'entre-tuer parce que les hommes ne traduisent pas tous, par les mêmes symboles, leurs angoisses communes et leurs désirs semblables". C'est dire ce que la France, l'Europe, et toute notre tradition intellectuelle doivent beaucoup aux Tchèques.

Et c'est en s'inspirant à leur tour des idéaux de liberté répandus en Europe par la Révolution française, que vos patriotes vont lutter pour l'indépendance.

Au long du temps, nos dirigeants politiques, nos journalistes, nos écrivains et nos créateurs vont tisser les liens d'une profonde amitié, d'une profonde intimité. Bientôt, Tchèques et Français se retrouvent en famille à Paris comme à Prague. Ce sont, au tournant du siècle, les artistes : MUCHA, HYNAIS, MAROLD, plus tard dans les années 20, les sculpteurs tchèques qui fréquentent à Paris RODIN et BOURDELLE, les peintres comme KOUPKA ou SIMA, les musiciens comme MARTINU, élève d'Albert ROUSSEL. Peu de pays peuvent se flatter, en Europe, d'avoir exploré autant d'avant-gardes et brillé d'un tel éclat.

Notre opinion s'enthousiasme pour votre pays et pour son devenir. La France va développer ici sa présence comme peut-être dans aucun autre pays européen à l'époque. C'est dire combien, au tournant de notre siècle, Tchèques et Français se sentent proches.

C'est la France qui, la première, a soutenu votre rêve d'indépendance ; notamment en recevant, dès 1915, à Paris, le Gouvernement en exil d'Eduard BENES et de Thomas MAZARYK ; en reconnaissant l'indépendance de votre pays ; en plaidant à Versailles et en obtenant la création de la République tchécoslovaque ; puis, dans l'entre-deux-guerres, en s'associant à la construction de votre jeune Etat.

C'est que la France, Mesdames et Messieurs, doit beaucoup à la République tchèque ! En 1870, les députés de la Diète de Bohême, vos prédécesseurs, furent les seuls en Europe à soutenir la France. Quarante-cinq ans plus tard, la fameuse légion tchèque s'engagera aux côtés des nôtres dans la Grande Guerre.

Nous n'avons pas oublié vos soldats et vos pilotes qui ont combattu en 1939 et 1940 avec l'armée française, j'ai été heureux de saluer hier avec respect certains d'entre eux.

Nous n'avons pas oublié les combattants tchèques qui, plus tard, tomberont avec leurs camarades de la Résistance et de la France libre pour la libération de l'Europe. Je tenais ici, devant les représentants de la nation tchèque, à rendre hommage et à dire ma reconnaissance à ces volontaires courageux qui ont offert leur vie pour que l'emportent, sur notre continent, la liberté, la dignité et la justice.

Nous n'oublions pas non plus ces heures terribles de votre histoire que nous, Français, avons intensément vécues. Ici à Prague, plus qu'ailleurs, le siècle qui s'achève aura été tragique. Quelques dates, que chacun garde en mémoire, symbolisent le terrible destin du peuple tchèque.

1938 : les accords de Munich. Pour toute une génération, la mienne, cette démission honteuse de la démocratie est considérée comme sa plus grande erreur. Elle devait précipiter l'Europe tout entière dans les ténèbres et dans les drames. Nous devons, pour l'Europe, en retenir la leçon.

1948 : votre pays retrouvant sa souveraineté, après la guerre et l'occupation, se propose de renouer avec la tradition démocratique de la Première République. Un coup de force, qui va retentir dans l'ensemble de notre continent, le soumet pour plus de quarante ans à une nouvelle oppression et l'interdit d'Europe.

1968 : c'est le Printemps de Prague, implacablement brisé par l'invasion du 21 août. Ces événements, les Français, comme l'ensemble des Européens, les ont douloureusement ressentis. Ils ont partagé votre détresse quand Jan PALACK et Jan ZAJIC se sont immolés par le feu, place Venceslas, pour protester contre l'entrée des chars soviétiques.

Mais les Français gardaient confiance et voulaient vous apporter leur soutien dans l'épreuve. Cette foi en votre avenir et en l'avenir de l'Europe tout entière, ils l'exprimaient par la voix du général de GAULLE : "Ce qui s'est passé en Tchécoslovaquie, déclarait-il en septembre 1968, l'élan de son peuple pour obtenir sa libération, sa cohésion morale vis-à-vis de l'occupant, son refus de l'asservissement, et la réprobation de l'Ouest de notre continent démontrent que la politique de la France est la bonne. Qu'elle est conforme aux profondes réalités européennes. Que cette évolution est inéluctable".

Vingt et un ans après, votre pays retrouvait enfin la liberté en accomplissant sa "Révolution de velours".

Aujourd'hui, en venant en République tchèque, je souhaite vous faire part de trois messages :

- mon admiration devant les magnifiques succès qui ont couronné vos efforts depuis 1989 ;

- ma détermination à développer une coopération exemplaire entre la République tchèque et la France ;

- ma volonté et celle de la France de préparer avec vous l'avenir de l'Europe.

Je salue d'abord le profond enracinement de la démocratie dans votre pays.

Chacun sait, Monsieur le Président de la République, votre engagement personnel et celui de vos amis. Ce combat acharné que vous avez mené, et à quel prix, avec cette conviction que l'on doit, en politique, "vivre dans la vérité".

Vous avez célébré, dans vos écrits, l'exigence de tolérance et de dialogue, le souci de modération, la nécessaire ouverture à l'autre. C'est dans cet esprit que s'est déroulée votre Révolution. C'est dire combien elle fut exemplaire et combien, sept ans seulement après que les Tchèques ont restauré les libertés et l'Etat de droit, vos institutions, la sérénité et la dignité de votre vie publique, la vigueur de la démocratie tchèque nous impressionnent tous en Europe et dans le monde.

Au moment où nous venons de célébrer le XXe anniversaire de la Charte 77, et où, dans quelques jours, l'on évoquera, en présence de philosophes français, l'oeuvre et la mémoire de l'un de vos grands penseurs, Jan PATOCKA, mort à la suite de sévices policiers, je rends hommage à ces hommes et à ces femmes de conviction et de courage, qui ont donné leur liberté et parfois leur vie, pour que l'emporte une certaine idée de l'homme, et je rends hommage d'abord à vous, Monsieur le Président de la République, à qui votre pays doit tant.

Tournant résolument la page des années sombres, la République tchèque affirmait d'emblée sa vocation européenne. Son gouvernement, sous l'impulsion et la direction éminente du Premier ministre Vaclav KLAUS, que je salue ici, engageait sa modernisation et s'ouvrait à l'économie de marché et aux investissements étrangers, à la croissance et au développement.

Aujourd'hui, que de progrès accomplis ! C'est presque incroyable. En quelques années seulement, la République tchèque a su mener à bien un impressionnant programme de réformes, en réussissant à sauvegarder les grands équilibres, et, fait majeur, à éviter une détérioration de l'emploi.

L'économie tchèque est désormais en mesure d'adopter les règles de l'Union européenne et les disciplines qu'elle impose.

Votre entrée dans l'OCDE, la première d'un pays de la région, a consacré vos performances et a témoigné du respect et de la confiance que vous porte la communauté internationale.

A vos côtés dans cette grande entreprise, la France souhaite développer, avec votre pays, une coopération de plus en plus exemplaire.

Nos entreprises et nos hommes d'affaires ont accompagné votre ouverture économique. Ils l'ont fait en raison des formidables atouts dont bénéficie votre pays : ses traditions industrielles, la qualité et la formation de ses hommes et de ses femmes, sa situation géographique privilégiée, au carrefour des grandes voies de communication de notre continent, le courage enfin de vos dirigeants et leur détermination à mener à bien les réformes nécessaires.

Ces dernières années, nos relations commerciales n'ont cessé de croître. La France est désormais l'un des premiers investisseurs en République tchèque, avec 8 % des flux financiers à destination de votre pays. 220 sociétés françaises y sont installées aujourd'hui et participent à l'effort de privatisation de votre économie.

C'est bien, mais nous devons faire mieux encore, beaucoup mieux, je l'ai dit tout à l'heure aux hommes d'affaires tchèques et français que j'ai eu le privilège de rencontrer et que j'ai encouragé à se voir davantage, à se comprendre mieux, à entreprendre plus ensemble.

Au-delà, c'est à notre coopération tout entière qu'il nous faut donner un nouvel essor.

A nos relations politiques qui sont déjà confiantes et chaleureuses. Je suis heureux, Monsieur le Président de la République, que nous soyons convenus de nous rencontrer plus souvent et de nous concerter plus étroitement à l'approche d'échéances capitales pour votre pays et pour l'Europe tout entière, mais aussi sur toutes les grandes questions de notre temps.

Le même dialogue doit s'instaurer, avec la même intensité, à tous les échelons de notre vie publique, gouvernementale, locale, et bien sûr parlementaire. J'ai demandé aux Présidents des groupes d'amitié de notre Sénat et de notre Assemblée nationale, qui m'accompagnent aujourd'hui, de bien vouloir envisager les moyens d'une coopération accrue avec leurs homologues tchèques.

Notre dialogue doit permettre de renforcer la collaboration de nos services en matière de sécurité intérieure. Déjà, chaque année, des experts tchèques et français échangent leurs informations et confrontent leurs expériences dans la lutte contre le crime organisé, le trafic de drogue, la contrefaçon, la violence, le terrorisme. Je me félicite de la signature, à l'occasion de cette visite, de deux importants accords dans ce domaine.

Resserrer les liens entre la République tchèque et la France, c'est tout naturellement aussi renforcer une coopération culturelle et scientifique déjà importante mais qui peut se développer encore. C'est renouer avec cette tradition séculaire en vertu de laquelle tous les grands noms de la littérature française ont fait jadis le voyage de Prague. C'est permettre à un nombre croissant de jeunes Français de marcher sur les traces d'un Paul CLAUDEL, d'un Guillaume APOLLINAIRE, et de tant d'autres qui ont passionnément aimé votre capitale, toujours tendue vers la réflexion et vers la création. C'est permettre aux jeunes Tchèques de venir visiter à leur tour la France qui leur tend les bras. C'est à nos jeunes qu'il appartient de construire l'Europe de demain. Je les invite aux grandes Assises européennes de la jeunesse qui se tiendront à Strasbourg l'an prochain.

Développer notre coopération culturelle, c'est disposer des lieux et des moyens permettant à nos cultures de se rencontrer. Telle est ici la mission du nouvel Institut Français de Prague.

C'est aussi aider à la formation des cadres, des administrateurs, des juristes, des gestionnaires, dont la République tchèque a besoin pour l'entrée dans l'Union européenne.

L'Institut franco-tchèque de gestion y contribue. La déclaration que nous avons adoptée hier sur le renforcement de notre coopération bilatérale manifeste notre volonté d'aller plus loin.

Cette amitié, cet élan nouveau nous permettront d'aborder ensemble l'avenir et de préparer, côte à côte, les grandes échéances européennes qui nous attendent.

En juillet, à Madrid, se tiendra un sommet très important de l'Alliance atlantique.

Ce Sommet doit rénover notre Alliance pour l'adapter aux impératifs actuels de la sécurité européenne et pour affirmer en son sein une identité européenne de défense dans laquelle la République tchèque devra jouer pleinement son rôle. L'Union de l'Europe occidentale prendra toute son importance comme composante de défense de l'Union et comme pilier européen de l'Alliance.

Ce Sommet doit aussi engager le processus d'élargissement de l'OTAN, en se prononçant sur la liste des candidats avec lesquels s'engageront les négociations. Je le dis à Prague comme je l'ai dit à Paris, à Washington et à Moscou : la République tchèque doit faire partie de ces pays et rejoindre l'Alliance, dès 1999. La France fera tout pour cela. Elle sera à vos côtés.

Mais il nous faut aller plus loin. Pour garantir à nos enfants le bien le plus précieux, la paix, il nous faut veiller à éteindre tous les foyers de haine, de tensions, de guerre dans une Europe qui fut, au long des siècles, en proie à tant de déchirements. Nos deux peuples le savent, eux que l'histoire a marqués de l'implacable sceau de la guerre.

Nous devons faire en sorte que les vieux contentieux qui ont miné l'Europe - conflits de frontières, haines ethniques, problèmes de minorités - soient définitivement apaisés. C'est pourquoi les soldats tchèques et français sont côte à côte parmi ceux qui contribuent au rétablissement de la paix dans l'ex-Yougoslavie.

C'est par le dialogue et par la négociation que vous avez décidé, en pleine souveraineté, d'établir avec la Slovaquie des relations pacifiques et amicales. Je salue aussi la récente déclaration germano-tchèque, signée par le Chancelier Helmut KOHL et le Premier ministre Vaclav KLAUS, et que vous avez ensuite adoptée. Ce texte, solennel et essentiel, scelle la réconciliation entre Allemands et Tchèques et contribue ainsi puissamment à la paix et à la stabilité en Europe.

Pour être solide et durable, notre architecture de sécurité doit être véritablement paneuropéenne. Cela signifie que l'élargissement de l'Alliance ne doit pas laisser de côté d'autres candidats, qui ont accompli de remarquables efforts pour construire un Etat de droit et établir des relations pacifiques avec leurs voisins. Je pense en particulier à la Roumanie, dont la France souhaite qu'elle figure dans la première vague d'adhésion à l'OTAN.

Cela signifie également que notre Alliance doit établir des rapports amicaux et une coopération constructive avec ce grand pays qu'est la Russie et qui appartient aussi à notre continent. Une Charte entre l'OTAN et la Russie marquera une étape importante dans cette direction.

Cela signifie enfin que l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe doit jouer tout son rôle pour développer les règles et les principes de sécurité coopérative en Europe. Attachées à ce rôle, la République tchèque et la France doivent agir ensemble pour concrétiser les décisions du Sommet de Lisbonne.

La République tchèque a aussi vocation à adhérer à l'Union européenne.

Si, comme le souhaite la France, la Conférence intergouvernementale est conclue en juin, sous Présidence hollandaise, à Amsterdam, c'est dès le début de 1998 que s'engageront les négociations d'élargissement. Et la République tchèque, européenne, démocratique, dont les résultats économiques ont été si exemplaires et si positifs, fera naturellement partie du premier groupe d'adhérents. La France fera tout pour que vous puissiez, dès l'an 2000, nous rejoindre au sein de l'Union. C'est pourquoi je ne m'adresse pas ici à un pays candidat à une adhésion plus ou moins lointaine. Je veux m'adresser au peuple tchèque, qui, demain, sera notre partenaire dans la grande famille européenne.

C'est pourquoi je veux, dès aujourd'hui, parler avec vous de notre projet commun, comme je pourrais le faire à Bonn, à Bruxelles ou à Madrid.

Des institutions plus démocratiques et plus efficaces ; une monnaie unique qui sera l'autre grande monnaie du monde ; un modèle social qui doit être affirmé et développé ; une Europe-puissance qui tienne toute sa place dans le monde multipolaire de demain : telles sont les grandes lignes de ce projet.

La Conférence intergouvernementale qui s'achèvera à Amsterdam doit procéder à une réforme de grande ampleur de nos institutions de l'Union. Conçues pour une communauté à six, ces institutions sont inadaptées à quinze et ne résisteraient pas au futur élargissement. Restituer au Conseil des ministres sa place centrale dans l'édifice européen tout en facilitant son processus de décision ; conférer à la Commission plus de collégialité et d'efficacité, en limitant son effectif et en situant son action dans le cadre de mandats précis donnés par le Conseil ; mieux associer le Parlement européen et les parlements nationaux aux responsabilités ; permettre l'essor, dans le cadre de l'Union, de coopérations renforcées entre les Etats qui en ont la volonté et la capacité : voilà le minimum indispensable pour que l'Union élargie soit en état de fonctionner. C'est votre intérêt, comme c'est le nôtre.

La Conférence doit aussi approfondir notre Union en la dotant d'une véritable politique étrangère et de sécurité commune et des moyens de lutter efficacement contre ces fléaux qui menacent toutes nos sociétés : la toxicomanie, le terrorisme, la grande criminalité.

Au début de 1998, la liste des pays participant, dès 1999, à la monnaie unique doit être arrêtée. L'Union monétaire est le corollaire indispensable de l'Union économique et du grand marché. Elle doit donner à terme à l'euro un statut égal à celui du dollar et contribuer ainsi à la reconstruction d'un système monétaire international équilibré, ce qui est indispensable si nous voulons une croissance harmonieuse dans le monde.

Mais l'Europe ne saurait progresser en ignorant les préoccupations des hommes et des femmes qui y vivent. Vous le savez, vous qui avez bâti en sept ans une société moderne. Une société qui se veut plus juste et plus solidaire. Une société qui lutte contre l'exclusion, qui conjugue efficacité économique et progrès social, et où le taux de chômage demeure parmi les plus bas d'Europe. Pour tirer le meilleur parti de la mondialisation des échanges et des technologies, affirmons ensemble le modèle social européen. Un modèle qui repose sur le dialogue social, la protection contre les aléas de l'existence, la responsabilité de l'Etat pour ce qui concerne la cohésion nationale. Pour être réellement acceptée par nos peuples, l'Europe doit avoir une âme.

Enfin, l'Europe doit constituer l'un des grands pôles, économique, politique, culturel, du monde de demain. Elle dispose d'une chance formidable : elle sera bientôt rassemblée. L'Union européenne, ce sera vingt sept Etats réunissant quatre cent cinquante millions d'âmes. Mais pour tirer profit de cette chance, l'Europe doit être vraiment unie.

Cette Europe-puissance, qui est déjà le premier ensemble économique du monde, doit renforcer sa politique commerciale commune. Elle doit préserver ce qui fait l'originalité et l'identité de ses peuples : leurs traditions de vieilles nations, la vivacité de leurs cultures, la pérennité de leurs langues. Elle doit s'ouvrir à la modernité tout en refusant l'uniformité.

Notre Union doit aussi jouer, dans le monde, un rôle politique beaucoup plus important. Elle le fera en tissant des liens étroits avec les autres grands ensembles régionaux du monde.

Elle le fera en étant plus présente dans le règlement des crises internationales, d'abord dans le règlement de celles qui menacent ou éclatent à nos portes. Elle le fera en maintenant son aide au développement qui la place, et de très loin, au premier rang dans le monde.

Monsieur le Président de la République, vous avez dit un jour que "nous n'étions pas préparés à une Europe aussi vaste". Je partage entièrement ce point de vue. Et j'ajoute aujourd'hui : préparons-nous sans tarder, préparons-nous ensemble.

Soutien à vos courageux efforts de modernisation et de réforme ; développement d'une coopération bilatérale exemplaire ; préparation commune des échéances européennes ; tels sont, Mesdames et Messieurs, les messages que j'ai tenu à vous exprimer, ici, aujourd'hui.

Oui, j'ai confiance, toute confiance, dans l'avenir de la République tchèque. Oui, je nourris pour nos deux pays une grande ambition. Oui, j'ai la volonté de construire entre nos deux peuples un partenariat privilégié, naturel et renouant avec nos traditions. Apprenons dès à présent à vivre et à travailler ensemble au sein de notre Europe.

Je me souviens, Monsieur le Président, d'une très remarquable intervention que vous avez prononcée à Paris, sous la coupole de l'Institut, en octobre 1992 et qui avait beaucoup impressionné l'opinion publique française et probablement internationale.

Vous y remarquiez que vous veniez "d'un pays plein d'impatients. Ils sont impatients, disiez-vous, parce qu'ils ont l'impression d'avoir si longtemps attendu et qu'ils sont maintenant arrivés".

Mais vous ajoutiez aussi : "Il y a plusieurs manières d'attendre. Il suffit de comprendre que notre attente n'est pas dénuée de sens".

Monsieur le Président, vous prononciez ces mots il y a moins de cinq ans. Qu'il s'agisse de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne, nous avons progressé et nous allons faire mouvement ensemble, comme l'histoire de nos deux pays et l'amitié ancienne de nos deux peuples nous y invitent naturellement.

Monsieur le Président de la République, Messieurs les Présidents, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, mes chers amis, c'est ce que je suis venu vous proposer aujourd'hui : une ambition commune pour nos deux peuples, depuis toujours si proches l'un de l'autre par l'esprit et par le coeur. Qu'ils lient à jamais leurs destins et qu'ils forgent ensemble un avenir de progrès et un avenir de paix.

Je vous remercie.





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