Allocution duPrésident de la République devant la communauté française au foyer du Théâtre national (Varsovie)

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant la communauté française au foyer du Théâtre national (Varsovie)

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Varsovie (Pologne), le 11 septembre 1996

Mes chers compatriotes,

D'abord un mot d'excuses, mais d'excuses sans tristesse. D'excuses pour vous avoir fait attendre et sans tristesse, car c'est un témoignage de la chaleur des relations qui existent entre nos deux pays et qui nous ont conduit, les deux délégations, à aller plus loin que nous le pensions et donc à parler plus longtemps dans une ambiance, dans un climat exceptionnel, vraiment exceptionnel, d'amitié, de solidarité et de compréhension réciproque.

Je vous le dis parce que naturellement cela témoigne d'une volonté politique commune, notamment de renforcer très considérablement dans le cadre d'une vision politique de l'Europe de demain, les relations entre les deux grandes puissances que sont la Pologne et la France dans le contexte économique et de sécurité que représentent l'Union européenne et l'OTAN, mais c'est aussi la traduction des liens très forts traditionnels qui existent entre nos deux pays et c'est enfin pour une part importante, sans aucun doute, le fruit de votre propre engagement, de votre propre travail.

J'ai été frappé des jugements portés par les autorités polonaises sur la qualité des Français vivant dans le pays et apportant le meilleur d'eux-mêmes dans des secteurs très divers et variés, économiques, socio-culturels, militaires, diplomatiques et rarement je n'ai observé à l'étranger un témoignage aussi spontané et naturel d'amitié à l'égard de nos compatriotes qu'aujourd'hui.

Vous êtes la première communauté française dans l'Europe centrale et orientale en nombre. Vous êtes quelques 4 000 Français ici et je voudrais d'abord dire que le premier, ou l'un de mes premiers sentiments, en discutant avec le Président de la République de Pologne a été d'être fier du jugement qui a été porté sur nos compatriotes.

Je voudrais d'abord vous en exprimer toute ma reconnaissance. On dit souvent, et c'est vrai, que les Français qui se sont expatriés sont en général les meilleurs, ceux qui sont animés de l'esprit de conquête le plus affirmé. C'est devenu un peu un poncif. Je crois que s'agissant de la communauté française en Pologne on peut le dire en le pensant fortement.

Ce voyage s'intègre naturellement dans les voyages officiels diplomatiques et il a pour moi et pour les autorités françaises une signification qui dépasse ce contexte. Nous avons engagé depuis la réconciliation franco-allemande, qui était le premier pas d'un grand mouvement, sous l'impulsion du Général de Gaulle et du Chancelier Adenauer, un processus avec pour objectif essentiel d'assurer la paix sur un continent qui pendant des siècles a été déchiré par des guerres souvent aussi cruelles qu'inutiles même si nous sommes fiers des exploits qui ont été accomplis dans ces affrontements.

Ceci nous a conduit petit à petit à concevoir également que le développement économique et donc que le progrès social exigeaient d'unir nos efforts et en particulier que dans un monde ou de plus en plus s'affirment les puissances régionales américaines, asiatiques. L'Europe ne resterait pas forte de ses valeurs, de sa culture, de son économie si elle n'était pas organisée, unifiée. L'Union européenne s'est ainsi développée par élargissements successifs. Nous arrivons aujourd'hui au moment où cet élargissement doit atteindre sa plénitude, c'est-à-dire s'étendre à l'ensemble des nations de l'Europe centrale et orientale et ce sera la tâche des dix prochaines années.

Il va de soi que dans ce contexte la Pologne a une place à part, parce que c'est une grande puissance, parce qu'aussi à la fois son économie mais aussi les progrès qu'elle a réalisés depuis plusieurs années lui permettent d'y prétendre. Elle sera sans aucun doute l'un des tous premiers ou le premier des pays de l'Europe centrale et orientale à entrer dans l'Union européenne, elle le veut et nous le souhaitons. Ce sera un changement. C'est une nouvelle grande puissance qui entrera dans l'Europe

De même que le lien franco-allemand a été un élément essentiel de la construction de l'Union européenne actuelle, l'élargissement suppose pour des raisons d'équilibre politique naturel un lien très fort entre la France et la Pologne. Lien qui doit exister aussi fort entre la Pologne et l'Allemagne. C'est un des éléments de la structure de l'Europe de demain, de l'Union élargie.

Cette vision d'une Europe élargie, d'une Union élargie, qui dans le respect de l'identité bien entendu et de l'indépendance de chacun des peuples qui la compose, nous obligera à accepter les disciplines communes pour éradiquer tous les ferments de guerre et aussi pour donner les impulsions économiques et donc sociales. Tout cela repose sur une vision de cette Europe, je le répète qui donne une priorité à ce qu'on appelle le "Triangle de Weimar", c'est-à-dire aux relations entre la Pologne, l'Allemagne et la France.

Je le répète, j'ai été heureux de voir que c'était la conception du Président Kwasniewski, c'est aussi la nôtre et c'est sur cette voie que nous avons bien l'intention de continuer avec détermination notre chemin.

Bien entendu, cette Union européenne ne se conçoit pas sans une garantie de sécurité et là encore j'ai observé que notre vision était la même que celle des autorités polonaises, c'est-à-dire la conscience que nous devions d'abord réorganiser l'OTAN pour créer un véritable pilier de défense européenne, ensuite élargir cette organisation notamment aux pays de l'Europe centrale et orientale, qui le souhaitent tous, et au premier rang la Pologne et enfin le faire dans le cadre d'une négociation globale avec la Russie et la C.E.I., car il est hors de question d'avoir une politique qui pourrait être considérée comme agressive ou humiliante pour une grande nation qu'est la Russie et là encore nous partageons les mêmes sentiments.

Ma conviction est déjà forte ,après nos premiers entretiens, de la complémentarité de notre action, de la solidarité de cette action et de notre volonté commune de marcher la main dans la main.

Bien entendu, tout ceci suppose encore votre propre engagement. La France est aujourd'hui plus présente qu'hier en Pologne. Elle ne l'est pas encore assez au niveau de ses grandes entreprises, au niveau des petites et moyennes entreprises qui créent les liens indispensables, si nous voulons voir une véritable solidarité au niveau; cela va de soi, de toutes les associations culturelles et sociales qui permettent de renforcer aussi ces liens.

Je pense que beaucoup de Français comprennent l'intérêt qu'il y a à venir investir ou travailler en Pologne et c'est un peu votre exemple qui pourra leur servir de modèle.

J'aurais donc terminé, en vous exprimant à la fois ma confiance pour l'avenir, en tous les cas pour l'avenir des relations franco-polonaises, pour l'avenir de la construction européenne. Je voudrais aussi vous dire ma reconnaissance pour ce que vous faites, quotidiennement, pour que cette solidarité se renforce sans cesse et vous dire à la fois cette gratitude et aussi mon amitié.





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