Discours du Président de la République devant les participants au Forum euro-asiatique d'hommes d'affaires.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant les participants au Forum euro-asiatique d'hommes d'affaires.

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Palais de l'Elysée, le lundi 14 octobre 1996

Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,

Messieurs les Parlementaires,

Messieurs les Présidents,

Mesdames, Messieurs,

En vous souhaitant la bienvenue, je voudrais partager avec vous un sentiment de très vive satisfaction : huit mois après la première rencontre des Chefs d'Etat et de Gouvernement d'Europe et d'Asie, le processus engagé à Bangkok porte ses premiers fruits, ici, à Paris. Et, je remercie tous ceux qui ont contribué à ce succès et tout particulièrement mon ami François-Xavier ORTOLI.

Vous savez que la France a, la première en Europe, soutenu avec enthousiasme l'initiative du gouvernement de Singapour. Elle n'a ménagé aucun effort pour en assurer le plus grand succès.

La création de ce Forum des hommes d'affaires d'Europe et d'Asie répond à l'appel que j'avais d'ailleurs lancé depuis Singapour, la veille même du Sommet de Bangkok.

Cette ambition d'un nouveau partenariat, d'une étroite coopération économique, commerciale et industrielle entre nos deux ensembles, je souhaite en rappeler ce soir devant vous les perspectives et les espoirs.




Le dialogue engagé à Bangkok relève avant tout d'un grand dessein politique : il doit être une contribution essentielle à l'émergence d'un monde multipolaire, fondé sur des relations équilibrées entre ses pôles principaux.

A l'évidence, le "grand triangle" de l'économie mondiale, formé par l'Asie orientale, l'Europe et l'Amérique du Nord, souffre des relations anormalement faibles entre ses pôles européen et asiatique. Le Sommet de Bangkok a permis d'engager ce nécessaire rééquilibrage. Si nous parvenons tous ensemble, dans la durée, à lui donner toute son ampleur, ce mouvement aura une réelle portée historique. Il aura des effets bénéfiques sur l'équilibre et donc sur la stabilité de l'ensemble du système international.

Nos deux ensembles ont choisi chacun un mode original de coopération régionale. Ils inventent aujourd'hui entre eux de nouvelles relations.

L'Europe occidentale a tiré les leçons de ses tragiques déchirements du passé. Elle construit une communauté de destin qui constitue le meilleur gage de la paix sur notre continent. Elle va se doter d'institutions plus efficaces, d'une politique étrangère et de sécurité commune. Elle va s'élargir vers l'Est. Le 1er janvier 1999, elle franchira une étape décisive avec la mise en place d'une monnaie européenne unique. Et la France sera naturellement à ce rendez-vous. Les gouvernements et les acteurs économiques en Asie doivent mesurer toute la signification de la création d'une monnaie, l'euro, qui sera l'autre grande monnaie du monde.

L'Asie, quant à elle, a choisi des formes d'organisation plus souples, que ce soit dans le cadre de l'ASEAN, pour l'Asie du Sud-Est, ou dans le cadre de l'APEC pour les échanges transpacifiques. Ces rapprochements vous ont permis d'affirmer votre identité régionale comme nous l'avons fait. C'est que l'Asie est devenue le pôle le plus dynamique de la croissance mondiale et aspire désormais à jouer tout son rôle. La France appuie pleinement cette ambition légitime.

Le temps est donc venu pour nos deux ensembles régionaux, tout en poursuivant leur propre organisation, de mettre en place un cadre de concertation correspondant à leur poids et à leurs complémentarités économiques. Un cadre qui leur permette non seulement de renforcer leurs relations économiques, en progression accélérée depuis quelques années, mais aussi de contribuer à la définition d'un environnement international plus stable et plus ouvert. C'est l'un des objectifs majeurs que nous nous sommes assignés à Bangkok.

En s'engageant dans ce partenariat global, l'Europe et l'Asie veulent mieux assumer ensemble leurs responsabilités internationales.

C'est vrai dans le domaine de la sécurité : le "Forum Régional de l'ASEAN" a permis d'ouvrir le dialogue sur les questions essentielles et il faut aller plus loin.

C'est vrai dans le domaine financier : la France se réjouit de la participation de plusieurs pays asiatiques au renforcement considérable des capacités du Fonds Monétaire International pour faire face aux crises financières et je salue également l'entrée de nouveaux pays asiatiques à la Banque des Règlements Internationaux.

C'est vrai encore de notre devoir de solidarité envers les pays les plus pauvres : l'Europe, qui contribue pour moitié à l'aide mondiale au développement, la France, deuxième donateur derrière le Japon, rendent hommage aux efforts de plusieurs pays émergents d'Asie en faveur des pays les moins avancés.

C'est vrai enfin de la défense de l'ordre multilatéral, incarné par l'ONU et l'Organisation Mondiale du Commerce : Européens et Asiatiques doivent s'engager ensemble face aux dérives protectionnistes comme face à la tentation de l'unilatéralisme. C'est dans cet esprit que nous devons préparer la première conférence ministérielle de l'OMC qui se réunira au mois de décembre à Singapour.

Vous le voyez, l'Europe et l'Asie ont un même intérêt à nourrir leur dialogue sur toutes les grandes questions internationales.

Les prochaines étapes, fixées à Bangkok, nous permettront de faire progresser tous les chantiers ambitieux que nous avons ouverts. La première échéance sera la réunion des Ministres des Affaires Etrangères, à Singapour, le 15 février prochain; puis le Japon accueillera, l'an prochain également, une réunion des Ministres de l'Economie. Enfin, les Chefs d'Etat et de Gouvernement se retrouveront à Londres, en 1998, puis à Séoul en l'an 2000.

Au-delà du dialogue politique, sur lequel la France a fait plusieurs propositions, ce sont des projets très concrets que nous devons réaliser.

Déjà, nos administrations travaillent à la libéralisation du commerce et de l'investissement entre l'Europe et l'Asie ; une coopération en matière douanière se met en place ; un plan d'action sur la promotion des investissements est actuellement élaboré par nos partenaires thaïlandais.

Mais nous devons aussi aider nos peuples à mieux se connaître. A l'initiative de Singapour, une Fondation Europe/Asie aura dès l'an prochain pour vocation d'organiser et de faciliter les échanges intellectuels. La France apportera un concours important à cette belle entreprise.




Les Chefs d'Etat et de gouvernement ont ouvert la voie. Les Ministres et les administrations travaillent activement. Il appartient aux forces vives que vous représentez d'aller de l'avant. Car c'est par la mobilisation de tous, et au premier chef, naturellement, des acteurs économiques, que nous pourrons atteindre nos objectifs.

C'est la raison de votre présence à Paris, dont je vous remercie : vous jouez et jouerez un rôle primordial dans ce processus de rapprochement dont le Sommet de Bangkok a jeté les bases.

Aujourd'hui, un double constat s'impose : trop d'entreprises européennes ignorent l'Asie ; de son côté, l'Asie sous-estime peut-être l'importance du marché européen, le plus grand du monde. Les lois de la géographie, des raisons historiques, le choix d'autres priorités ont souvent conduit les entreprises à privilégier d'autres régions du monde.

Et pourtant, les perspectives de coopération entre nos deux continents sont immenses. Elles sont à la mesure des besoins de l'Asie, que ce soit en matière d'infrastructures -transports, énergie, télécommunications, protection de l'environnement- ou dans le domaine des biens d'équipement. Elles sont aussi à la mesure du grand marché européen et de ses 350 millions de consommateurs. Autant de raisons de nouer des alliances stratégiques, et de mener des projets conjoints.

Les entreprises françaises, je le sais, y sont prêtes. Elles en ont la capacité. Elles disposent d'un haut niveau technologique, d'une main d'oeuvre qualifiée, de stratégies déjà fortement tournées vers l'extérieur. Par tête d'habitant, la France est le deuxième pays exportateur du monde. Un Français sur quatre travaille aujourd'hui pour l'exportation, c'est dire notre compétence dans ce domaine. On ne le sait pas toujours assez.

Et j'engage nos entreprises, notamment nos Petites et Moyennes Entreprises, à explorer davantage les marchés asiatiques et à tirer le meilleur parti du cadre qu'offre votre Forum. Vous êtes tous ici la preuve que : l'Asie, c'est possible.

Votre dialogue direct favorisera les coopérations industrielles. Mais votre réunion est aussi l'occasion de faire connaître aux gouvernements les mesures qui pourraient renforcer les échanges et les investissements entre nos deux régions. Car l'originalité de votre Forum est d'associer hommes d'entreprises et hauts responsables de l'administration.

Soyez assurés que je suivrai avec intérêt vos travaux. Vos propositions orienteront notre politique économique vers l'Asie.

La France, comme en témoigne notre rencontre, a fait de l'Asie une priorité. Elle est déterminée à utiliser pleinement ce nouveau cadre de concertation et de coopération. Elle mobilisera ses partenaires de l'Union européenne au service de cette grande ambition.




Le grand chantier ouvert à Bangkok est prometteur. Sa réussite dépend de chacune et de chacun d'entre vous. Nous devrons tous faire preuve de volonté, de constance, d'imagination et d'organisation. Un lien fort entre l'Asie et l'Europe est une nécessité pour notre prospérité et pour l'équilibre du monde.

Je vous remercie.





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