Allocution du Président de la République lors de la réception de la communauté française à Tokyo, Japon.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcée lors de la réception de la communauté française établie au Japon.

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Tokyo, Japon, le dimanche 17 novembre 1996

Mes Chers Compatriotes,

Permettez-moi de vous dire d’abord ma joie de vous retrouver ici, juste à mon arrivée, parce que je suis arrivé ce matin, pour une visite d’Etat au Japon. J’ai tenu d’abord à saluer et à rendre hommage à celles et à ceux qui représentent avec dynamisme et conviction notre pays au Japon.

Je vous voudrais également remercier Monsieur l’Ambassadeur et Madame Ouvrieu qui nous reçoivent si gentiment, dans cette belle ambassade dont nous sommes fiers ; remercier nos Ministres, Monsieur Douste-Blazy, Monsieur Arthuis, Monsieur Fillion, notre ministre des affaires étrangères va arriver tout à l’heure.

Je voudrais saluer le Président du Gouvernement de la Polynésie française, Monsieur Gaston Flosse qui est venu avec une délégation de Polynésie pour présenter les avantages et les charmes de ce territoire d’outre-mer français, notamment dans le domaine du tourisme, de la perliculture (les perles noires de Tahiti que tout le monde connaît) et l’hôtellerie, ainsi d’ailleurs que d’autres activités.

Je voudrais saluer les Présidents des groupes d’amitiés franco-japonais au Sénat et à l’Assemblée Nationale, Monsieur Valade et Monsieur Rousset-Rouard, saluer les chefs d’entreprises, grandes, moyennes et petites qui ont bien voulu m’accompagner ici, parce qu’ils y travaillent, parce qu’ils entendent y développer leur action, parce qu’ils ont confiance dans ce que l’on peut faire ici au Japon et qu’ils représentent en quelque sorte l’avant-garde de ce que je souhaite être une action plus dynamique de développement des activités de la France au Japon.

Je voudrais aussi saluer mon ami Monsieur Alémany notre délégué au CSFE.

Je suis venu au Japon dans le cadre d’un effort que la France doit faire dans l’ensemble de l’Asie. L’Asie est un pays qui est en pleine croissance et notamment l’Asie orientale. L’Europe connaît une croissance difficile marquée, en conséquence par un chômage important, et si elle doit tout faire pour mettre de l’ordre dans ses affaires -ce qu’elle fait- pour mettre en oeuvre ses synergies, notamment dans le cadre de la construction européenne, elle doit, pour franchir le cap difficile qui se présente aujourd’hui, également aller chercher la croissance là où elle est pour améliorer, par ses exportations, sa production et donc la situation de son emploi.

On ne se rend pas compte, souvent, que l’exportation est pour un pays comme le nôtre tout à fait essentielle. Je dis souvent, mais je ne crains pas de me répéter, que la France est aujourd’hui le 2ème pays exportateur du monde par tête d’habitant, et le 4ème pays exportateur du monde en valeur absolue, ce qui veut dire qu’un Français sur quatre travaille pour l’exportation. C’est dire l’importance capitale de nos exportations dans notre travail et par conséquent dans notre emploi. On sait moins que 70 milliards d’exportation représentent un point de croissance et qu’un point de croissance c’est 250 000 emplois. La France en 1996 aura un excédent de son commerce extérieur, probablement, de l’ordre de 120 milliards peut être plus encore ; c’est-à-dire entre 1 point et demi et 2 points de croissance.

Tout cela pour dire que si l’on veut sortir notre pays de ses difficultés, certes il faut, je le répète, remettre de l’ordre à l’intérieur, mais il faut également jouer de façon dynamique, de façon systématique la carte de l’exportation, du développement de nos activités à l’étranger et surtout là où la croissance est importante, c’est-à-dire en Asie et en Amérique Latine, avant de le faire dans les pays de l’Est européen où elle va également venir.

J’avais exposé cette stratégie diplomatique concernant l’Asie, il y a quelques temps, il y a près d’un an, à Singapour, à l’occasion de la première réunion, -à l’initiative française- des Chefs d’Etat et de Gouvernement -première réunion historique- d’Asie et de l’Union Européenne qui s’est tenue à Bangkok, et à l’occasion de laquelle j’ai essayé de définir un objectif en demandant à nos entreprises d’avoir pour ambitions de tripler dans les 10 ans nos parts de marchés en Asie.

Alors bien entendu, cette ambition commence par le Japon, et c’est la raison pour laquelle je fais ma première visite d’Etat, ma première visite officielle en Asie, au Japon. Compte-tenu du fait qu’il s’agit là bien sûr de notre premier partenaire dans cette région du monde. Je souhaite aussi que là encore nous puissions atteindre le plus vite possible cet objectif consistant à tripler nos parts de marchés.

C’est donc dans cet esprit que je suis venu aujourd’hui. C’est tout de même la deuxième puissance économique du monde, le Japon, et la quatrième puissance économique du monde, la France, qui se rencontrent et qui doivent -et c’est tout l’esprit de ma visite et des contacts que j’aurai avec les autorités japonaises, ces trois jours qui viennent- renforcer leurs liens, c’est dans la nature des choses, c’est conforme à leurs intérêts, multiplier leurs échanges, multiplier leurs investissements réciproques.

Pour cela, il faut encourager les entreprises françaises à venir ici au Japon. Trop souvent, on s’abrite derrière des idées qui ne sont pas toujours justes, le Japon est impénétrable, il est protectionniste, c’est difficile de surmonter les barrières d’une culture dont l’identité est très forte, et, croit-on, éloignée de la nôtre. Tout cela n’est pas exact.

Tous les Chefs d’entreprises français qui ont fait l’effort de comprendre et de pénétrer au Japon, et ils sont tout de même maintenant nombreux, témoignent du fait que lorsqu’on le veut on le peut. La campagne qui a été lancée il y a 2 ou 3 ans sur le thème le Japon c’est possible, est une campagne qui est parfaitement légitime, parfaitement justifiée. Encourager les entreprises françaises bien sûr, mais encourager le Japon à poursuivre le processus d’ouverture qu’il a engagé, et l’action actuellement menée par les pouvoirs publics japonais en matière de déréglementation est sans aucun doute positive et j’ai l’intention, d’ailleurs, de m’en entretenir une fois de plus, notamment avec le Premier Ministre Monsieur Hashimoto qui est un homme parfaitement ouvert et conscient de la place croissante que le Japon prend dans le monde et de la conséquence inévitable que cela comporte en matière d’ouverture économique.

D’ailleurs le Japon c’est possible, vous en êtes le témoignage, toutes celles et tous ceux d’entre vous ici qui, à un titre ou à un autre, travaillent montrent qu’on peut ici amplifier l’économie, la vie, la culture de notre pays dans cette grande nation qu’est le Japon.

Mais développer nos échanges c'est une grande ambition qui ne peut être réellement assumer que si nous développons l'ensemble de nos contacts. L'économie c'est capital, mais ça ne se fait pas tout seul. Je le disais tout à l'heure, au Japon plus qu'ailleurs, il faut faire un effort pour se connaître, pour se comprendre. Et cela suppose des relations dans le domaine culturel, scientifique, politique, d'où l'ambition qui est la mienne d'améliorer les relations politiques entre la France et le Japon.

La France est une grande puissance, le Japon également, et l'une et l'autre ont à l'évidence un rôle important à jouer dans le monde d'aujourd'hui et se rôle il est dans la nature des choses que l'une en Europe et l'autre en Asie Orientale, ces deux puissances, se concertent et agissent ensemble.

Nous avons un certains nombre de points communs. Je les ai bien observés lors de la réunion du G7, vous savez que la France préside le groupe des pays les plus industrialisés pour l'année 1996 et nous avons donc eu une réunion à Lyon. Et j'ai été très frappé dans la préparation notamment avec le gouvernement Japonais puis dans le déroulement de cette réunion de Lyon. J'ai été très frappé par la convergence des convictions ou des ambitions du Japon et de la France. C'est vrai notamment dans un domaine essentiel qui touche à la fois à la politique, à la morale et à l'économie et qui est celui de l'aide au développement.

Le Japon est aujourd'hui, on ne le sait pas toujours, le premier pays donneur en ce qui concerne l'aide au développement avec plus de 14 milliards de dollars, et ce qu'on ne sait pas non plus toujours, c'est qu'en valeur absolue la France est le deuxième pays bailleur de fonds en ce qui concerne l'aide au développement. Loin devant l'Allemagne et les Etats-Unis, en valeur absolue. Ceci naturellement conduit à un comportement identique tant en ce qui concerne notre volonté, celle du gouvernement Japonais, celle du gouvernement Français, de maintenir et de sauvegarder de ne pas céder à la tentation du désengagement, de maintenir et de sauvegarder notre aide au développement.

Cela conduit également à avoir une action concertée, notamment pour ensemble dépenser plus efficacement les sommes que nous mettons à la disposition du développement des pays qui en ont le plus besoin et qui sont nécessaires bien sûr pour des raisons morales que chacun comprend dans un monde, qui se mondialise, rien ne serait plus scandaleux que de laisser des nations sur le bord de la route et qui s'enfermeraient dans une misère croissante. Ce qui serait le cas si on ne réagissait pas, mais rien ne serait également plus dangereux sur le plan politique, car il est bien évident que la stabilité mondiale suppose qu'il y ait une évolution je dirais de même nature dans le domaine du développement entre tous les pays du monde sinon cela risque fort de créer des fractures avec tout ce que cela comporte comme risque de toute nature.

Nous avons là avec le Japon une ambition commune dans bien d'autres domaines aussi. Je l'observais également au moment du G7 sur le plan de la stabilité monétaire internationale, des crises que l'on a pu connaître ici ou là en Amérique latine mais aussi de notre volonté d'exister notamment par rapport au dollar.

Tout cela fait que le Japon et la France, je le répète, je pourrais multiplier bien sûr les exemples, ont sur le plan politique des convergences qui doivent être assumées et exploitées. C'est la raison d'ailleurs, pour laquelle la France soutient activement la candidature du Japon à un poste de membre permanent du conseil de sécurité, c'est la raison pour laquelle, nous avons décidé de mettre en oeuvre tout un système de concertation permanente, politique, économique, culturelle entre nos deux pays.

Et c'est à cela d'ailleurs que répond le plan d'action que nous avons négocié, que je signerai avec le Premier Ministre Hashimoto, et qui s'appelle : "vingt actions pour l'an 2000" et qui nous permettra de renforcer en permanence la relation entre nos deux pays, sur le plan politique, sur le plan économique et sur le plan culturel, de même que sur le plan scientifique. Car une relation dense, une amélioration d'échanges suppose de discuter, de dialoguer dans tous les domaines.

Sur le plan scientifique, nous allons signer, demain ou après demain, et c'est ce qui explique la présence du Ministre de la Recherche Scientifique ici, M. Fillion,. un accord important entre le Centre National d'Etudes Spatiales Français et son homologue Japonais la NASDA, pour coopérer à long terme dans le domaine spatial, le Japon, petit à petit, est en train de se donner les moyens de devenir la deuxième puissance spatiale du monde et nous devons avoir pour ambition de travailler avec elle, et je dis nous, c'est la France, mais aussi l'Europe ; et de partager cette grande aventure qui conditionnera pour une large part notre vie, ou la vie plus exactement de nos enfants et de nos petits enfants.

Des relations scientifiques, mais aussi des relations culturelles, la France est tout de même un pays qui très tôt à compris, connu, apprécié, estimé le Japon son art, sa culture, sa civilisation. Ce n'est pas et je le dis souvent et je le dis ici devant Monsieur Jarrige, le directeur du Musée Guimet, qui a bien voulu venir avec nous, ce n'est pas par hasard si c'est un Français, M. Ellisseeff qui a été l'homme qui a relancé aux Etats-Unis la Japonologie avec beaucoup de qualité et de brillance. C'est une civilisation que les Français ont bien compris et connu.

J'ai observé que contrairement que ce qu'avait craint certains, la toute récente, puisqu'elle est encore en place, exposition des trésors de Nara du Kofukugi à Paris, au Grand Palais, a connu un très grand succès. Dans le même esprit nous allons ensemble préparer deux grands évènements, l'année du Japon en France, en 1997, qui doit être une grande manifestation qui nous permettra non seulement sur le plan culturel, scientifique mais aussi naturellement sur le plan économique de mieux connaître et comprendre le Japon, de mieux faire comprendre aux Français l'intérêt qu'ils ont à venir ici et à travailler ici, à y développer nos exportations ; et l'année suivante en 1998 ce sera l'année de la France au Japon dont l'ambition est de faire mieux comprendre aux Japonais l'intérêt qu'il y a à connaître la France, à acheter français parce que notre pays dans les domaines de hautes technologies est un pays qui naturellement compte dans le monde et peut intéresser, beaucoup plus qu'il ne le fait aujourd'hui, les Japonais.

Je parle de problèmes culturels, j'en profite pour dire un mot parce que j'ai l'intention d'en parler demain au gouverneur de Tokyo, je sais les préoccupations qui sont celles de nos compatriotes résidents à Tokyo en ce qui concerne le Lycée. Nous avons beaucoup oeuvré pour que le Baccalauréat français puisse être reconnu ici au Japon ce qui permet à des étudiants de faire leurs études normalement en faculté, mais je sais aussi les problèmes auxquels vous êtes confrontés en raison de l'éparpillement des locaux et je pense, et je souhaite que nous puissions régler ce problème et regrouper les locaux de notre Lycée Français.

Je parlais de dialogue, c’est aussi dans cet esprit que j’avais proposé la création d’un forum de dialogue entre le Japon et la France, idée qui a été retenue, et c’est dans cet esprit qu’à été créé, en accord avec Monsieur Hashimito et moi une structure permettant en permanence de discuter de nos problèmes, notamment économiques et dans laquelle le Japon est représenté par Monsieur Nakasone, et la France par Monsieur Raymond Barre. J’ai observé que dès maintenant, la première réunion ayant été lancée, toutes sortes d’actions sont envisagées par ce forum pour améliorer nos relations dans beaucoup de domaines et notamment pour tout ce qui touche aux problèmes de société.

Alors, tout cela doit encourager davantage les français à venir au Japon, à venir pour y vendre, y travailler, y investir, à expliquer aux Japonais l’importance qu’il y a à investir en France, l’intérêt qu’il y a à acheter en France, bref c’est l’ambition qui est la mienne aujourd’hui, en vertu, je le répète, de ce principe simple c’est qu’ici, en Asie, se trouve la croissance, et qu’il faut aller la chercher là où elle est.

D’ailleurs c’est ce que vous avez fait, les uns et les autres ici quel que soit votre domaine de compétence. C’est ce que plus de 5000 de nos compatriotes font au Japon, première communauté française en Asie et une communauté particulièrement jeune, puisque 50% des français du Japon ont moins de 30 ans. Ce qui, -sans bien sûr être désobligeant pour ceux qui ont dépassé la trentaine- est tout de même un élément extrêmement positif pour la France, que d’avoir des gens, jeunes, actifs et dynamiques qui ont fait le pari du Japon.

Je ne peux, pour terminer, que vous exprimer ma reconnaissance et ma gratitude, vous demander tout autour de vous d’expliquer, ici ou en France, quand vous y revenez, quand vous avez des contacts avec vos compatriotes, que nous devons nous donner la peine de comprendre, de travailler, d’exporter au Japon. Pour tout cela je sais que je peux compter sur vous et je voulais simplement vous dire toute ma reconnaissance, toute mon estime et, bien entendu, tout mon amitié.





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