Discours du Président de la République au KEIDANREN à Tokyo, Japon.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, au KEIDANREN à Tokyo.

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Tokyo, Japon, le mardi 19 novembre 1996

Monsieur le Président,

Messieurs les Ministres,

Mesdames, Messieurs,

Mes Chers amis,

C'est une grande joie pour moi de retrouver, ici au Keidanren parmi vous beaucoup de visages amis, que je connais depuis longtemps.

Monsieur le Président, il y a quelques semaines, j'avais le plaisir de vous accueillir à Paris, pour la troisième fois cette année. Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui et de me donner l'occasion de m'adresser aux forces vives de votre pays.

Hier, à l'Université Keio, j'évoquais devant la jeunesse japonaise mon admiration sincère pour le Japon. J'aimerais aujourd'hui vous faire partager ma passion pour la France.

La France d'aujourd'hui, dans toutes ses dimensions économique, commerciale, financière.

Au delà, Monsieur le Président, je souhaite vous parler de l'Europe qui se construit, de ce grand projet auquel mon pays, avec ses partenaires européen, consacre, depuis plusieurs décennies, tous ses efforts, toute son énergie.

J'aimerais enfin vous faire partager mon désir de renforcer les relations entre le Japon et la France. Le resserrement de nos liens sera demain, je le sais, facteur de croissance et source de prospérité pour nos deux pays.


Je sais que beaucoup d'entre vous connaissent, et connaissent même très bien l'Europe et la France. La France, pays de traditions et de culture, patrie d'un art de vivre renommé, fruit, comme le Japon, d'une civilisation ancienne et prestigieuse.

Mais la France pays aussi de savoir-faire et de compétence, désireux d'entrer de plain pied dans le XXIème siècle. Un pays qui s'est engagé avec résolution dans la voie des réformes nécessaires, comme le Japon. C'est de cette France là que je souhaite, Monsieur le Président, vous parler aujourd'hui.

La France, fidèle aux traditions de progrès social qui l'ont façonnée, n'en relève pas moins le défi inévitable de la mondialisation. Elle dispose d'un socle solide. La France vient au quatrième rang mondial par son P.I.B. Son effort d'investissement, gage d'innovation et de modernisation, est soutenu, même s'il doit encore s'amplifier.

La France dispose des atouts de la croissance : une démographie relativement favorable par rapport à celle de tous ses voisins, une inflation maîtrisée, une monnaie stable qui inspire confiance, des marchés financiers performants, une main d'oeuvre hautement qualifiée, des entreprises compétitives et innovantes, qui savent tirer tout le parti de la vitalité de notre recherche.

Les résultats de notre commerce extérieur, très largement excédentaire, sont le meilleur signe de la vigueur de la France. Quatrième importateur, la France est également le quatrième exportateur du monde, et le second pour les services et les produits agricoles. Ses exportations par habitant la placent au deuxième rang dans le monde, bien avant les Etats-Unis. Elles font travailler près d'un Français sur quatre. Elles sont une source privilégiée de croissance et d'emploi, ce qui est évidemment capital compte tenu de la crise que nous traversons.

La France a fait le choix de l'ouverture. Ses entreprises, ses sociétés de service, ses banques présentes partout, témoignent de son dynamisme. Sait- on par exemple que les banques françaises sont les banques étrangères les plus actives en Asie, après celles des Etats-Unis ? Ses réussites témoignent aussi de son savoir faire : le T.G.V., la fusée Ariane, Airbus sont connus dans le monde entier. Sa recherche figure parmi les plus performantes du monde. Son industrie spatiale a conquis une place de premier rang. Son agriculture et son industrie agro-alimentaire sont parmi les premières au monde. Son électricité, parce qu'elle est à 80 % d'origine nucléaire, est l'une des moins chères du monde. Oui, la France tient une place éminente dans la compétition internationale.

Elle a su aussi séduire les investisseurs étrangers. Elle est désormais le deuxième pays d'accueil de l'Union européenne pour l'investissement direct, en particulier dans les secteurs à forte valeur ajoutée. Le tiers de sa production industrielle est aujourd'hui réalisé par des groupes à capital majoritairement étranger. Ces groupes, parmi lesquels figurent nombre de grandes sociétés japonaises sont attirés sans doute par la qualité des hommes, par la modernité des infrastructures, par la position de la France au carrefour du plus vaste marché du monde, le marché européen avec 350 millions de consommateurs.

Parce qu'elle a compris combien l'ouverture est vitale, la France a levé les ultimes barrières administratives et fiscales à l'investissement étranger. Ainsi, le régime de l'autorisation préalable vient-il d'être abandonné, exception faite du secteur de la défense nationale.

La France va poursuivre cet effort nécessaire d'adaptation au monde moderne.

Comme la plupart des économies européennes, elle est confrontée depuis plusieurs années à un chômage élevé, de l'ordre de 12% de la population active. C'est hélas un problème auquel tous les pays européens sont confrontés. Pour combattre ce fléau, source de découragement et d'inquiétude pour la population, nous devons faire en sorte qu'il y ait davantage de croissance, qu'elle soit créatrice de plus d'emplois et qu'elle permette de dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour assumer nos responsabilités sociales.

Il n'y a pas d'économie forte sans finances saines. C'est pourquoi la France, comme tous ses partenaires européens, remet actuellement en ordre ses finances publiques et entreprend les réformes structurelles nécessaires - difficiles mais nécessaires- pour libérer l'esprit d'entreprise.

Déjà, ces efforts portent leurs fruits. En deux ans, malgré une conjoncture économique difficile, nous avons réduit nos déficits publics de 6 % à 4 % du PIB et nous serons à 3 % l'année prochaine. Nous avons ainsi permis une baisse considérable des taux d'intérêts. Nous avons renforcé la solidité de notre monnaie et la confiance qu'elle inspire dans le monde.

Cette action, vous le savez, j'entends la poursuivre. Trop longtemps, en Europe, les déficits publics ont accru les prélèvements obligatoires, découragé l'initiative et finalement tiré toute l'économie vers le bas. Il était urgent de rompre ce cycle infernal, même si cela choque un certain nombre de conservatismes, de traditions ou d'habitudes.

La France s'est aussi engagée dans des réformes structurelles pour stimuler la création de richesse et accroître la part du secteur marchand dans son économie. Elle privatise les entreprises qui relèvent par nature du secteur concurrentiel. Elle modernise ses services publics dont l'excellence est reconnue. Elle ouvre ses marchés à la concurrence, là où c'est nécessaire pour le bénéfice des consommateurs. Elle réforme sa protection sociale pour la rendre plus efficace et pour assurer son avenir. Voilà bien des ambitions qui sont les nôtres et des objectifs que nous atteindrons.


Je suis frappé de voir que le Japon s'est, lui aussi, engagé dans cette voie. Vous avez compris tout le bénéfice que vous retirerez à terme de l'ouverture de votre économie. Comme la France, le Japon s'est lancé dans un ambitieux processus de déréglementation, processus que vous avez évoqué Monsieur le Président et qui est soutenu par le Keidanren. La voie suivie aujourd'hui par nos deux pays est une voie courageuse, qui exige d'importants efforts d'adaptation. Mais c'est la voie qui garantit le mieux à terme la compétitivité de nos économies. C'est même la seule voie possible dans ce domaine. C'est celle qui permet en définitive, de préserver les grands acquis de nos systèmes de protection sociale.


Ces réformes, la France les entreprend aussi parce qu'elle croit en l'Europe. Elle a fait depuis longtemps le choix politique et économique de la construction européenne. Une Europe qui sera dotée prochainement d'institutions plus efficaces au terme de la Conférence Intergouvernentae qui verra son achèvement au moi de juin prochain. Une Europe qui s'élargira ensuite à de nouveaux membres, jusqu'à rassembler l'ensemble de la famille européenne.

La France est, avec l'Allemagne, le pivot de ce projet majeur, l'Union Economique et Monétaire. Le 1er janvier 1999, l'Union européenne aura une monnaie unique, l'Euro. Une monnaie solide qui sera l'une des grandes monnaies du monde. Une monnaie qui facilitera le développement économique de notre pays, une monnaie inévitable qui est la conclusion naturelle de l'existence d'un marché unique européen.

Je suis confiant dans la réussite de cet ambitieux dessein auquel le Chancelier Helmut Kohl, qui vous l'a dit il y a quelques jours, comme moi-même, sommes fortement attachés. Oui, l'Allemagne et la France, d'autres aussi bien sûr, seront au rendez-vous de l'Euro.

Nous avons la volonté de bâtir une Europe de prospérité, d'emplois et de croissance. Une Europe qui défend une économie mondiale ouverte, favorable aux échanges, seuls créateurs de richesse. Une Europe désireuse de saisir la chance de la mondialisation et de l'émergence de nouvelles puissances économiques, notamment en Asie, en Amérique Latine, demain dans l'Europe centrale et orientale. Mais une Europe qui maîtrise les changements en cours, une Europe qui maintient son modèle social et entend ne laisser personne au bord du chemin.

Pour cela, il nous faut consolider le système multilatéral. Ce système garantit le respect par tous de règles du jeu fixées par tous. Il doit exclure toute tentation de mesures unilatérales ou de solutions bilatérales. La communauté internationale s'est dotée de l'Organisation Mondiale du Commerce. Il faut la conforter, dont la première grande réunion aura lieu à SIngapour dans les prochaines semaines, il faut conforter cette organisation. C'est tout l'enjeu de cette conférence de Singapour, il sera capital pour l'avenir.


Si le développement des échanges est un puissant moteur pour la croissance, il comporte aussi de nouveaux risques pour la stabilité du système monétaire et financier international.

C'est pourquoi la France attache la plus grande importance au renforcement de la coopération pour assurer la stabilité du système financier international.

Il ne s'agit pas de revenir aux mécanismes contraignants des années 60 ou 70. La liberté des mouvements de capitaux a changé radicalement la situation. Mais la globalisation des marchés financiers ne saurait être une excuse à l'inaction. Il nous faut veiller à la solidité de notre système financier international et prévenir ses désajustements. Je sais que le Japon et la France partagent les mêmes analyses sur ces sujets, ce sont les mêmes ambitions, et les mêmes objectifs que le Premier ministre Hashimoto et moi-même avons développés lors de la réunion du G7, à Lyon.




Notre communauté de vues doit nous inciter à construire une relation plus forte, plus dense. Et cela c'est aussi mon ambition.

Une ambition qui s'étend à l'Asie tout entière. Je l'ai souligné, le mois dernier, en recevant à Paris les hommes d'affaires participant au forum euro-asiatique, premier fruit du partenariat lancé à Bangkok dans le cadre de l'ASEM.

Une ambition qui passe d'abord par le Japon, notre premier partenaire économique en Asie et la deuxième puissance économique du monde.

Mais nos échanges ne sont pas encore à la hauteur du rôle que jouent nos deux pays dans l'économie mondiale. Deuxième puissance économique du monde, le Japon n'est encore que le neuvième de nos partenaires commerciaux, ce n'est pas normal. Quatrième puissance économique mondiale, la France n'est que le quatorzième fournisseur du Japon, ce n'est pas normal. Il nous reste beaucoup de chemin à parcourir.

Je souhaite donc que les entreprises françaises s'installent plus nombreuses dans votre pays. Je sais que des projets existent dans de nombreux domaines tels que le BTP, l'assurance et la finance, l'agro-alimentaire ou l'industrie. Le Japon et la France ensemble y gagneront en croissance et en prospérité. C'est le sens de la présence à mes cotés de chefs d'entreprises petites, moyennes et grandes françaises. Certaines ont déjà réussi et souvent brillamment dans votre pays. Elles ont ouvert la voie. D'autres nourrissent beaucoup d'espoirs. Je souhaite que le succès soit au rendez-vous et que leur exemple soit largement suivi en France. Elle montrent que, pour les Français, " le Japon, c'est possible " même s'il reste encore des obstacles à lever dans certains secteurs. Elles montrent que, au delà du possible, le Japon pour l'Europe et pour la France c'est nécessaire.

Nos entreprises doivent d'abord mieux se connaître et mieux connaître les marchés. Je salue les rencontres de cette semaine : le séminaire sur la coopération en pays tiers, la table ronde sur l'électronique et le multimédia ainsi que la manifestation exceptionnelle des industries du luxe français à Tokyo.

C'est pour favoriser ce nécessaire rapprochement que nos deux pays ont décidé l'organisation en 1997 d'une année du Japon en France et en 1998 d'une année de la France au Japon. Votre soutien actif et permettez-moi de le dire Monsieur le Président, généreux, assurera le succès de ces manifestations.

Désormais, des lieux permanents d'échanges existent où nos dirigeants économiques et nos chefs d'entreprise peuvent se rencontrer, discuter et développer des projets communs. Je pense au forum de dialogue que co-président MM. Nakasone et Barre. Je pense au club d'affaires franco-japonais. Il vous appartient par votre dynamisme et vos initiatives de leur donner toute leur ampleur.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, les conditions du renforcement de nos relations sont réunies. Je sais que ce renforcement répond à vos souhaits et à nos intérêts partagés. Industriels japonais et français, je vous invite à façonner ce nouveau partenariat nécessaire à notre prospérité commune et j'ai toute confiance dans le succès de cette ambition.

Je vous remercie.




Questions à l'issue du discours au KEIDANREN

QUESTION - je suis Monsieur SEKIMOTO. Je voudrais tout d'abord vous dire que c'est un grand privilège pour nous de vous avoir entendu, et nous aurions un certain nombre de questions à vous poser.

Je voudrais dire que nous aimons la France, nous aimons l'Europe et nous sommes attachés à l'amélioration des relations franco-japonaises, et c'est surtout cet enthousiasme de votre part pour la France, l'Europe et cette amélioration que nous voudrions saluer au nom de tous.

Je passe à ma question qui porte sur l'Union Européenne, l'intégration européenne. Lorsque je vous ai vu récemment, nous avons été en Espagne ensuite, nous avons rencontré le Premier ministre, nous avons aussi rencontré dans d'autres pays les Premiers ministres et là, nous avons pu vérifier de nos yeux l'enthousiasme très grand de chacun de ses partenaires pour l'intégration européenne. Quant à sa Majesté le Prince Albert de Belgique, il est venu en visite officielle au Japon et là, nous avons encore une fois ressenti ce grand enthousiasme pour l'intégration européenne.

Alors vous nous teniez des propos à l'instant, Monsieur le Président, qui n'étaient qu'une preuve supplémentaire de cet enthousiasme.

Jusqu'au 1er Janvier 1999, quelles sont les perspectives de cette intégration monétaire -alors là il y a peut-être des recoupements- mais j'aimerai que vous nous parliez de ces perspectives d'intégration monétaire replacées dans le contexte plus général du processus d'intégration européenne ?

LE PRÉSIDENT - Cher ami, je ne vous apprendrais pas grand chose, car vous connaissez parfaitement ces problèmes, mais je suis heureux d'en dire quelques mots devant l'ensemble des responsables économiques japonais.

Pourquoi fallait-il faire l'Euro ? Parce que nous sommes un marché unique, aujourd'hui à quinze, dans lequel il y a une liberté totale de circulation des hommes, des capitaux, des marchandises. Ce marché va s'élargir et se doter d'institutions politiques plus efficaces pour permettre justement cet élargissement.

On ne peut pas imaginer un marché unique et plusieurs monnaies, cela présente forcément de grands dangers. Si tel ou tel pays pour des raisons politiques est conduit, par exemple, à dévaluer unilatéralement, cela crée une situation extrêmement perturbante pour les autres. Un marché unique ne peut pas accepter le désordre monétaire.

C'est une première raison qui explique notre détermination à réussir. La deuxième raison, c'est que, il faut le dire franchement, nous avons souffert des variations du dollar, qui ne reflète pas toujours la réalité économique et nous avons besoin d'une monnaie qui soit une monnaie forte et puissante et qui nous permette de résister à ces fluctuations aberrantes du dollar. De ce point de vue nous avons un problème que le Japon connaît.

Nous avons donc décidé cette monnaie unique, elle comporte pour nous un troisième avantage et qui n'est pas le moindre. L'Europe est une vieille terre où, il faut le dire, des habitudes fâcheuses ont été prises, nous avons connu ce qu'on a appelé "les trente glorieuses", une époque de prospérité générale, où nous pouvions faire n'importe quoi, dépenser n'importe comment, tout cela a été effacé à la fois par la croissance et par l'inflation. C'était un système qui a généré une certaine irresponsabilité et qui a conduit à de mauvaises habitudes, tant en ce qui concerne la dépense, qu'en ce qui concerne l'absence de réformes, nous ne nous sommes pas adaptés.

Ensuite, la croissance a diminué mais l'inflation est restée et nous avons continué avec nos mauvaises habitudes. Parce que là encore les conséquences fâcheuses des excès de la dépense et du refus de réformes permettant de dépenser moins et mieux étaient effacées également par l'inflation. Et puis lorsque l'inflation à son tour a disparu, alors nous nous sommes trouvés avec nos mauvaises habitudes, les conservatismes qui s'opposent à tout changement, des déficits qui se sont mis à croître, engendrant une dette croissante, qui nous a obligé à augmenter chaque année les prélèvements obligatoires, les taxes, les cotisations sociales, les impôts, tout ceci naturellement a découragé ceux qui travaillent et ceux qui investissent, a tirer nos économies vers le bas (je dis nos parce que ce n'est pas vrai seulement pour la France, c'est pour toute l'Europe) et c'est ce qui est à l'origine du chômage croissant que nous connaissons aujourd'hui.

Il fallait donc rompre ce système pervers. C'est politiquement très difficile, car les opinions publiques, c'est vrai, en Europe comme au Japon préfèrent les réformes plus dans les discours que dans les réalités. Mais aujourd'hui, ces réformes sont inévitables, et lorsqu'on a décidé de faire l'Euro et qu'on a défini les critères techniques permettant de réaliser une monnaie commune, on a bien été obligé d'imposer à tous les Etats un certain sérieux dans la gestion de leurs affaires. Notamment en fixant les mesures de la dette ou des déficits raisonnables, et par conséquent cette obligation qui nous est faite de respecter ces critères, ce n'est pas seulement pour faire une monnaie unique, que c'est important, c'est surtout pour revenir à une gestion sérieuse et raisonnable de nos affaires sans laquelle il ne peut pas y avoir de croissance et notamment de politique de lutte efficace contre le chômage.

Voilà donc trois raisons, financières et commerciales dans le marché unique, puissance monétaire dans le monde et sérieux obligatoire dans la gestion de nos affaires qui explique la détermination qu'Helmut Kohl vous a indiqué il y a quelques jours, que je vous indique aujourd'hui, et qui explique que des pays dont la situation était plus détériorée que la nôtre, comme l'Espagne et l'Italie, que vous l'évoquiez tout à l'heure, cher ami, se soient également engagés dans un effort considérable et d'un coût politique lourd, sans aucun doute pour s'imposer également les mêmes disciplines et être prêts au même moment.

Dans quelques jours, va être arrêté définitivement le système permettant d'organiser les relations monétaires entre les pays qui entreront dès le 1er janvier 1999 dans la monnaie unique et ceux qui, dans l'Union Européenne, devront encore attendre un peu pour être en mesure d'y entrer et déjà une forte discipline permettant d'éviter les fluctuations monétaires aberrantes va être organiser ce qui est un premier pas très important et un préalable nécessaire pour la monnaie unique.

Voilà pourquoi les témoignages que l'on peut lire, ici où là notamment, dans la presse anglo-saxonne, je vous le dis, manifestent davantage, de la part de ces milieux, l'inquiétude que le scepticisme.

On voit une Europe qui est en train de se redresser, qui construit son avenir, qui sera demain le pôle économique, probablement le plus important du monde, pour un certain temps et bien entendu cela peut inquiéter ici où là.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez pas fait preuve d'un enthousiasme extraordinaire dans votre description. Et j'ai relevé particulièrement l'accent que vous avez mis sur la nécessité d'avoir des finances publiques saines pour avoir une économie qui soit forte. Et vous nous avez parlé de la réforme financière et administrative et de la vigueur avec laquelle vous la poursuivez.

Vous avez parlé également de l'opinion publique, en disant quelle était la nécessité d'obtenir le soutien de la population pour montrer aux gens quels efforts on avait accomplis et quels efforts restaient à accomplir. Est-ce que peut-être vous pourriez nous dire qu'est-ce que vous allez dire à cette population ?

LE PRÉSIDENT - L'opinion publique en démocratie, n'aime pas beaucoup, c'est vrai, les réformes parce qu'elles obligent à changer certaines habitudes. Et puis une réforme on ne sait pas très bien ce que cela va donner et quand déjà on est dans une ambiance pessimiste alors on est plus sensible à la crainte que lorsqu'on est en plein développement.

Et c'est le problème aujourd'hui de l'Europe, qui, compte tenu des excès qu'elle a pratiqué dans le passé, se trouve dans une situation sociale et essentiellement en terme de chômage qui la rend inquiète et pessimiste. Et néanmoins il faut faire ces réformes, il faut les expliquer.

Vous me demandez quelles sont ces réformes ? Il faut d'abord et avant tout remettre de l'ordre dans les finances publiques. C'est vrai pour tout les pays européens. Cela suppose l'arrêt des déficits où plus exactement la réduction forte des déficits. Quand le gouvernement français actuel est arrivé, il a trouvé de ce point de vue, une situation très mauvaise. A cause des habitudes anciennes, depuis longtemps, pour stopper les déficits et donc les prélèvements obligatoires ultérieurs, il a dû commencer par augmenter les impôts. Oh, ce n'était pas de gaieté de coeur, mais il n'y avait pas d'autres moyens de freiner l'augmentation des déficits. L'année suivante il a stabilisé les impôts et indiqué qu'on n'augmenterait plus les impôts et il s'est attaqué fermement aux dépenses, avec une très grande détermination qui a été à l'origine d'un certains nombre de nuits blanches pour le Ministre des Finances, ici présent.

Et puis il va passer l'année prochaine, et c'est le sens du budget qui est en train d'être voté à l'Assemblée Nationale, à la troisième phase, c'est-à-dire la réduction des impôts et la poursuite de la maîtrise des dépenses de façon a nous engager sur un processus à long terme de réduction des prélèvements obligatoires, de réduction des impôts, des taxes, des cotisations afin de donner plus de chances au travail, à l'investissement, à l'initiative, libérer les énergies créatrices qui sont découragées lorsqu'il y a des charges excessives.

Cet effort budgétaire a été accompagné du même effort en matière de dépense sociale. Nous avons un système de dépenses sociales qui pendant très longtemps n'a pas bougé. Alors tous les ans il y avait des déficits mais il ne venait à l'idée de personne de s'interroger sur le bon fonctionnement du système. On se contentait de diminuer les prestations et d'augmenter les cotisations. Si bien que nous avions il y a quinze ans le système de protection sociale le plus performant d'Europe et même probablement du monde et qu'aujourd'hui, ce n'est hélas plus le cas. Nous sommes dans la deuxième moitié en terme de qualité de système de protection sociale européenne, notamment en matière de santé.

Nous sommes le deuxième pays du monde, pour ce qui concerne l'importance des dépenses de santé par tête d'habitants, après les Etats Unis mais pour les performances en tous les cas, si j'en juge par les critères de l'organisation mondiale de la santé, nous sommes quatrième, cinquième, sixième, cela dépend des critères.

Il y avait donc un grand gaspillage et il était nécessaire de faire une réforme si l'on voulait stopper cette dérive qui en permanence dégradait notre système de santé.

Le Gouvernement l'a fait avec beaucoup de courage parce que politiquement les choses sont toujours difficiles, et le plan qu'il a mis en oeuvre, qui est un plan de réforme consistant à dépenser mieux, à lutter contre les gaspillages, ce plan est en route. Il sera naturellement conduit à son terme et il nous permettra d'abord de restaurer l'équilibre de notre système social, sans plus mettre en cause les prestations ou les cotisations, et, je l'espère, ensuite, nous permettra de retrouver un système de protection sociale, dont je souhaite qu'il soit le plus performant du monde.

Les résultats sont déjà positifs. Nos déficits étaient à 6% du PIB, ils sont descendus à 5% en 1995, grâce à un effort draconien, à 4% en 1996, et nous serons à 3% en 1997. Tous ces chiffres, naturellement, sont contrôlés de très près, par les instances de l’Union Européenne. Ce ne sont pas seulement des chiffres nationaux, parce que l’Union Européenne travaille avec ses propres experts. Cela c’est pour ce qui concerne l’assainissement financier.

Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il est compris par l’opinion publique, il ne l’est pas et c’est normal. Cela provoque toutes sortes de réactions, et cela a pour le Gouvernement un coût politique fort, mais il n’y a pas d’autres solutions si l’on veut réellement servir notre pays et sortir de nos difficultés. Et par conséquent il faut assumer les réactions négatives de l’opinion publique, et probablement tenter de mieux expliquer. Il y a là certainement des progrès à faire, je ne le conteste pas.

Le deuxième aspect concerne la réforme de l’Etat. Nous avons, c’est le cas aussi au Japon, un Etat aujourd’hui inadapté pour ce qui concerne la France et conformément à une très vieille tradition historique française, nous avons un Etat beaucoup trop lourd, beaucoup trop omniprésent, beaucoup trop paralysant. Nous devons donc réexaminer l’ensemble de ces tâches et réformer ces habitudes, c’est très long et très difficile. Mais c’est indispensable, on imaginerait pas une grande entreprise qui gérerait aujourd’hui ses affaires comme elle les gérait il y a trente ans. D’ailleurs l’Etat encourage en permanence les entreprises à se moderniser, mais il n’en tire aucune conséquence pour ce qui le concerne lui-même, et lui continue à gérer ses affaires comme il les gérait il y a trente ans ou il y a cinquante ans.

D’où un coût beaucoup trop élevé, et des services qui se dégradent. Il y a donc une réforme complète de l’Etat, qui ne concerne pas que les privatisations.

On ne dira jamais le coût financier et social considérable que les nationalisations ont provoqué pour un pays comme le mien, cela a été dramatique. Toutes ces nationalisations ont engendré des déficits monstrueux qui finalement doivent être payés par le contribuable.

Alors il faut naturellement, changer à la fois ses habitudes d’intervention injustifiées et réformer une administration qui est trop lourde, qui est mal adaptée, et qui par conséquent n’est pas assez efficace. Le rapport coût-efficacité de l’Etat doit être entièrement revu. Cela aussi cela provoque des réactions dans l’opinion publique, les gens ont peur, ils se demandent ce qui va se passer, comment demain, les services qu’ils sont en droit d’exiger de l’Etat seront assurés.

Nous sommes un pays qui est extraordinairement attaché à sa notion de service public, c’est d’ailleurs pourquoi nous avons des difficultés avec l’Union Européenne, qui voudrait libéraliser les services publics, et la France elle, ne fera dans ce domaine, aucune concession elle est extrêmement attachée à la conception française du service public à savoir que chaque citoyen a les mêmes droits quel que soit l’endroit où il habite. C’est une tradition française, nous ne cherchons pas à l’imposer ailleurs, mais nous ne la mettrons pas en cause dans notre pays.

Alors nous avons là un ensemble d’efforts à faire, mais je vous le dis, nous ferons ces efforts et nous réussirons à adapter la France à l’époque moderne.

PERSONNALITÉ - Je suis sûr que nos amis ont encore beaucoup de questions mais étant donné les délais qui nous sont impartis nous allons maintenant terminer cette réunion.

Monsieur le Président nous voudrions vous remercier encore une fois du fond du coeur de votre présence parmi nous.





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