Réponse de M. le président de la République au Maire de Saint-Denis de la Réunion

Réponse de M. Jacques Chirac, Président de la République, à M. Michel Tamaya, Maire de Saint-Denis de la Réunion.

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Saint-Denis de la Réunion, dimanche 17 mars 1996


Monsieur le Maire,

Monsieur le Ministre,

Madame le Ministre,

Mesdames et Messieurs les Elus de Saint-Denis

Je voudrais tout d'abord vous dire merci pour votre accueil, je sais que, ici à la Réunion, à Saint-Denis, on a ce sens chaleureux, fraternel de l'accueil, et chaque fois que je me suis rendu à la Réunion, j'en ai toujours été un peu ému et j'ai gardé un fort souvenir.

Saint-Denis est une ville superbe, chaleureuse, vivante, c'est vrai que c'est une magnifique porte d'entrée dans la Réunion, mais aussi dans l'océan Indien. C'est, je crois que vous l'avez souligné, Monsieur le Maire, la plus grande ville de l'outre-mer français, après Paris, je tiens à le souligner. C'est une ville qui ambitionne légitimement de devenir et d'être la capitale de la zone sud de l'océan Indien et qui a l'ambition de s'équiper en conséquence.

Mais vous l'avez dit, Monsieur le Maire, c'est une ville qui a ses problèmes. Les problèmes de toutes les grandes villes de France mais aussi du monde, accentués peut être, vous l'avez dit par la crise économique et sociale, le retard accumulé et la jeunesse de la population dus à la démographie qui la caractérise.

C'est une ville qui donc a plus qu'ailleurs à faire un effort, effort qui justifie une solidarité plus grande qu'ailleurs, en France de la part de la communauté nationale, je vous l'accorde bien volontiers. C'est une ville où vous faites le maximum, je le sais, pour lutter notamment contre le phénomène d'exclusion qui caractérise notre temps, hélas, pas uniquement chez vous, et qui est à la base, si j'ai bien compris, du contrat de ville que vous avez élaboré et qui repose sur trois priorités : l'activité, l'identité et la citoyenneté.

C'est une ville, vous avez évoqué sa forte organisation associative et c'est vrai, où se déroulent d'intéressantes expériences de démocratie, d'innovation, de participation avec notamment cette expérience des " maisons de la justice et du droit " que l'on ne retrouve pratiquement nulle part ailleurs, encore qu'elles commencent à essaimer et qui ont valu à Saint-Denis d'être choisie par les Nations Unies et le Conseil de l'Europe pour organiser le Forum international sur la sécurité, c'était en décembre dernier. La France s'est sentie honorée par ce choix.

C'est une ville dynamique, très touchée par le chômage - moins que le reste de l'île -, mais de façon, il faut bien le reconnaître, inacceptable. C'est une ville moderne, c'est une ville universitaire et qui, de ce point de vue, doit voir son rôle s'accroître. C'est une ville où l'on construit beaucoup, vous l'avez dit, mais insuffisamment. Et cette construction qui aurait pu la dénaturer a été faite de façon telle qu'elle a su néanmoins conserver son caractère créole, ce qui est aussi une des richesses de sa culture.

C'est une ville qui a donc beaucoup d'atouts pour un développement équilibré, mais qui a besoin à la fois des efforts déterminés de ses enfants et aussi naturellement de l'effort de solidarité de la nation. Nous avons la chance de vivre dans une démocratie, ce qui n'est pas le cas de tous les peuples du monde, ce qui nous permet d'avoir des approches qui peuvent être différentes, ou des jugements qui peuvent être différents sur les choses, mais il y a quelques réalités qui s'imposent et sur lesquelles il ne saurait y avoir de différences, c'est la nécessité de lutter contre les grands défis de notre temps qui s'expriment ici et ailleurs, ici peut-être un peu plus qu'ailleurs, ce sont les inégalités, c'est l'exclusion, c'est le chômage qui vous frappe, c'est bien entendu la drogue, l'insécurité, les grandes pandémies, voilà toute une série de préoccupations qui doivent mobiliser toutes nos énergies et notre solidarité.

Il faudra encore faire beaucoup d'efforts, vous l'avez évoqué. Je suis venu pour cela, Monsieur le Maire. La loi de 1946 et la départementalisation, c'était un choix, un choix pour l'outre-mer, un choix pour la métropole. Je suis convaincu pour ma part que ce fut pour tous un bon choix. Je pense que personne ne le conteste aujourd'hui. Mais cela exige une solidarité. On a parlé, et vous l'avez évoquée, l'égalité politique qui fut réglée en 46, il a fallu 50 ans pour arriver ou achever de mettre en place l'égalité sociale, c'est long et cela prouve à quel point les habitudes, les moeurs sont longs à évoluer. Il ne faudrait pas que l'on mette encore 50 ans pour qu'on ait, ici dans l'outre-mer français, l'égalité des chances.

Voilà ce qui doit aujourd'hui, je crois, être notre préoccupation et notre objectif essentiel : faire en sorte que sur toutes les terres de France chacun des enfants de notre pays puisse se dire qu'il a une chance égale d'arriver, d'être heureux de s'épanouir, de former un foyer, de travailler, d'améliorer sa situation, d'enrichir sa culture. C'est à cela aujourd'hui que nous devons nous consacrer, c'est votre sentiment, je sais que c'est celui de l'ensemble des élus de la ville et c'est sur ce point, Monsieur le Maire, que nous n'aurons, je le sais, aucune espèce de divergence de vues.

Alors, merci encore pour cet accueil auquel je suis profondément sensible et je voudrais dire à tous les élus mon encouragement le plus chaleureux, le plus sincère et ils peuvent être assurés, Monsieur le Maire, comme vous pouvez l'être aussi, du maximum que j'aurai à coeur de faire pour soutenir les efforts de votre municipalité et vos propres efforts.

Permettez-moi, Monsieur le Maire, selon la tradition républicaine, de vous remettre la médaille de la République.





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