Allocution de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'occasion du 50e anniversaire de la loi sur la départementalisation Outre-Mer.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcée à Saint-Denis de la Réunion, à l'occasion du 50e anniversaire de la loi sur la départementalisation Outre-Mer .

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Saint-Denis de la Réunion, mardi 19 mars 1996

Madame le Ministre, Président du Conseil régional,

Monsieur le Ministre de l'Outre-mer,

Monsieur le Président du Conseil général,

Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Élus, et représentants des Forces vives de la Réunion,

Mes Chers Compatriotes de la Réunion, mais aussi, comme le rappelait à l'instant à juste titre le Président du Conseil général, Mes chers compatriotes de Guadeloupe, de Guyane et de Martinique,

Le 19 mars 1946 était, on vient de le rappeler, promulguée la loi transformant la Réunion, la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique en départements.

C'est avec émotion que je m'adresse aujourd'hui, cinquante ans plus tard, devant vous, élus et responsables de la Réunion, à l'ensemble des habitants de ces quatre départements. Je leur adresse le salut amical et fraternel d'une France dont ils sont les enfants et les citoyens, d'une Nation au sein de laquelle ils ont une place éminente, et cette citoyenneté, cette place, j'en suis le garant.

Dans le grand élan de liberté, de fraternité, de courage, de dignité, qui a marqué la libération de notre pays, une libération à laquelle, les départements d'outre-mer ont pris toute leur part, et notamment nombre de leurs enfants, la représentation nationale unanime a pris acte de la communauté d'aspirations et de destins qui, par-delà les distances faisaient de vous une partie indissociable de la Nation.

Saluons avec respect ceux dont la lucidité et la hauteur de vue ont fait, en ce printemps de 1946, en quelque sorte basculer votre destin : Aimé CÉSAIRE, Léon de LEPERVANCHE ou Raymond VERGÈS, qui ont revendiqué cette formidable avancée, mais aussi le général de GAULLE qui avait bien perçu et bien compris ce que votre avenir recelait de particulier.

La départementalisation consacrait, selon la puissante formule des Constituants de la Révolution française, "l'unité de la République nonobstant l'étendue des mers". Elle reconnaissait ce principe d'égalité, dans le respect des différences et des traditions, qui est au coeur de notre République. Par la départementalisation, la France répondait à une attente. Elle vous offrait aussi une chance en vous ouvrant plus largement la voie du développement. Cette chance, vous avez su la saisir.


Choisir le statut de département, c'était, pour la France, prendre acte de plus de trois siècles d'histoire partagée et de fidélité réciproque.

C'est cette réalité que le général de GAULLE avait à l'esprit, en 1964, lorsqu'il remerciait les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens d'être venus nombreux à Basse-Terre manifester, disaient-ils, leur "volonté d'être Français et de le demeurer".

C'est au nom de cette règle, selon laquelle une seule et même loi doit s'appliquer sur tout le territoire, que la Révolution française vous avait permis d'expérimenter déjà l'institution départementale. C'est en application de ce principe que la monarchie de Juillet vous étendait le régime des municipalités et des conseils généraux élus. C'est parce que, je le cite, "la France, déclarait Victor SCHOELCHER, n'admet pas plus outre-mer que dans la métropole, de distinction entre ses enfants", que la Seconde République abolit définitivement l'esclavage.

C'est en vertu de ce principe d'égalité que la IIIe République a accueilli vos représentants au Parlement et vous a doté de conseils généraux et municipaux semblables à ceux de la métropole. Peu à peu, c'est l'ensemble des grandes lois métropolitaines qui s'appliqueront chez vous.

Enfin, dans la relation qui fait de nous un seul peuple, comment ne pas évoquer ceux des vôtres, certains au moins, qui ont marqué l'Histoire de France ?

Ceux qui se sont battus, notamment lors de la Libération, pour défendre notre pays et ses idéaux, et qui ont payé un lourd tribut. Ceux qui ont contribué au prestige et au rayonnement de la France : LECONTE DE LISLE, Roland GARROS, SAINT-JOHN PERSE, Joséphine de BEAUHARNAIS et plus récemment Félix ÉBOUÉ, l'un des premiers Compagnons du général de GAULLE, gouverneur du Tchad qu'il rallia à la France Libre.

Et depuis, combien de grands écrivains, Aimé CÉSAIRE, bien sûr, mais aussi Patrick CHAMOISEAU, Édouard GLISSANT, Léon DAMAS ; combien de champions, Marie-Josée PÉREC, Roger BAMBUCK, Surya BONALY, Jacobin YOMA, Bernard LAMA, Daniel SANGOUMA ou Jackson RICHARDSON ; combien de grands artistes, Christiane EDA-PIERRE, Henri SALVADOR, les groupes KASSAV' et MALAVOI, ou TI FOCK, et tant et tant d'autres qui, avec leurs homologues métropolitains, constituent la culture même de notre pays.

Je pense enfin aux quelques 300 000 Français d'outre-mer résidant en métropole. Ils nous apportent la richesse, la chaleur de leur personnalité, souvent le dynamisme de leur jeunesse, toujours leur dévouement dans bien des services publics et aussi leur contribution à la croissance nationale.

Oui, la départementalisation était l'aboutissement légitime de trois siècles d'enrichissement mutuel.

Mais il restait beaucoup à faire. La départementalisation était le préalable au nécessaire rattrapage économique, culturel et surtout social.

C'était le progrès sanitaire. C'était l'obligation scolaire, pour faire reculer l'illéttrisme. En 1946, mille Réunionnais seulement fréquentaient le lycée, pour 220 000 habitants. À la même époque, la Réunion ne comptait que 71 étudiants en université. C'est dire le chemin qui restait à parcourir pour que l'on puisse commencer à parler d'égalité des chances ! * * *

Le 19 mars 1946, les Antilles, la Guyane, la Réunion n'étaient plus possessions françaises, elles devenaient la France par-delà les mers. Avec le recul du temps, la réforme de 1946 s'est avérée positive pour tous. Certes légitime, cette réforme était audacieuse. Elle procédait d'un acte de foi. Elle supposait du courage et de la volonté. Elle revêtait un caractère exemplaire au moment où, partout ailleurs, s'effritaient les empires coloniaux. Elle a réussi parce qu'elle s'est faite dans le respect à la fois des particularismes régionaux et de l'unité nationale.

Il n'était pas question, pour les départements d'outre-mer, de se couler dans un moule uniforme et contraignant. La Guyane ou la Réunion ne sont pas la Corrèze ou la Dordogne. C'est pourquoi la loi de 1946 avait prévu des aménagements en faveur des départements d'outre-mer. Cette souplesse nécessaire, la Constitution de la Ve République l'a justement consacrée.

Ainsi, vos départements ont-ils bénéficié des lois de décentralisation avec cette particularité que vos conseils généraux doivent être consultés sur tout projet de loi ou de décret touchant à leur propre fonctionnement, ce qui est la sagesse même. De même ont-ils expérimenté, dès 1983, l'institution régionale.

Ils ont été dotés d'instruments financiers et fiscaux, adaptés à leurs besoins. C'est dans le même esprit que le Parlement a adopté en 1986, à mon initiative, une loi de défiscalisation qui constitue depuis lors l'un des moteurs de vos économies. Cet avantage est légitime parce qu'il compense des handicaps réels, et aussi parce qu'il a fait la preuve de son efficacité en particulier au service de l'emploi. Il sera donc maintenu.

La départementalisation aura également permis l'entrée de plain-pied des départements d'outre-mer dans l'Europe.

La construction européenne profite à vos départements sans porter atteinte à leur âme.

Sans doute certaines contraintes bureaucratiques sont-elles mal comprises outre-mer : sachez qu'elles le sont aussi en métropole. Mais ces humeurs occasionnelles ne doivent pas masquer l'essentiel : l'Union européenne a apporté, au cours des dernières années, une contribution importante au développement économique et au progrès social dans vos départements.

À mon initiative, l'effort des fonds structurels européens vers les départements d'outre-mer a doublé depuis 1988, ce fut le grand débat de l'année 86 et 87. Un programme européen spécial, le POSEIDOM, apporte des réponses adaptées à vos handicaps économiques structurels. Aux problèmes de la banane, du sucre, du rhum, l'Europe a imaginé des solutions qui doivent être confortées, améliorées, mais qui vont dans le sens de vos intérêts. Il nous appartient de veiller ensemble à leur défense. Sachez que ma volonté, dans ces domaines, ne se relâchera pas.

Oui, l'Europe est un atout pour l'outre-mer français et nous devons le consolider. Cette consolidation suppose la pleine reconnaissance de la notion de région ultra périphérique par l'Union européenne. Elle fait partie des demandes de la France dans le cadre de la Conférence intergouvernementale qui va s'ouvrir dans quelques jours à Turin, qui durera probablement un an, et dont l'objet sera d'adapter les institutions de l'Union aux enjeux de l'an 2000 et aussi à son élargissement.

Ainsi, sera achevée la longue évolution engagée en 1946. Les départements d'outre-mer seront non seulement français à part entière, mais pleinement européens tout en ayant la garantie du respect de leur personnalité propre. Qu'il s'agisse de la France ou de l'Union européenne, le temps de l'assimilation est achevé. C'est à votre développement, au développement économique, actif, nécessaire, adapté, et à l'épanouissement de votre identité que nous devons désormais nous attacher.


C'est dans cette perspective que la métropole et les départements d'outre-mer doivent désormais envisager leur destin. Aujourd'hui votre appartenance à la France n'est plus contestée par qui que ce soit. Vos institutions départementales et régionales ont trouvé leur équilibre : elles ne constituent plus un enjeu. Ce qui est en cause, c'est votre développement, c'est votre avenir économique, c'est le rayonnement de notre pays. C'est l'idée de l'homme que la France défend depuis deux siècles. C'est aussi la sécurité et la paix.

La France a une image, un idéal. Elle est porteuse d'humanisme. Vous en êtes aussi les messagers. Par vous, la France fait entendre sa voix et agit au sein des grandes organisations régionales du monde d'aujourd'hui.

Par la Réunion, la France est membre de la Commission de l'océan Indien. Je souhaite qu'au terme des réformes qu'elle vient d'engager et auxquelles notre pays a contribué, cette organisation réponde maintenant aux besoins en matière d'enseignement, de tourisme ou de météorologie.

Dans les Antilles, la France est membre associé de la nouvelle Association des États-Caraïbes qui a récemment tenu ses premières réunions en vue d'une coopération qui s'annonce prometteuse.

À cet égard, je remercie vivement Lucette MICHAUX-CHEVRY, Président du Conseil régional de la Guadeloupe, pour l'action qu'elle conduit dans le cadre de la mission que je lui ai confiée, afin de promouvoir les relations économiques dans la zone Caraïbe.

D'une manière générale, les départements d'outre-mer doivent avoir l'ambition de constituer un exemple dans leur environnement international.

Les départements d'outre-mer, c'est l'état de droit, c'est l'enracinement de la démocratie, c'est la justice, c'est la paix dans des zones trop souvent troublées ou instables.

C'est une dynamique économique. C'est l'indispensable trait d'union entre l'Europe et de nouveaux marchés émergents à l'est. Ce sont des économies modernes et ouvertes pour autant qu'elles soient soutenues.

Dans un monde qui court aujourd'hui le risque de se déshumaniser au nom de la mondialisation ou de l'efficacité, la France doit rester une référence en matière de droits sociaux. Elle offre l'exemple d'une protection sociale de haut niveau, d'une médecine performante. Elle a l'expérience de la lutte contre les fléaux naturels. Elle peut là aussi, grâce à ses départements d'outre-mer, faire figure de pionnier, et être un moteur de coopération régionale.

Enfin, vous savez la place qu'occupe notre pays dans le grand combat de plus en plus nécessaire contre l'uniformisation culturelle. Les départements d'outre-mer doivent être les têtes de pont de la culture francophone dans leurs régions. Fiers de leurs cultures particulières, de leurs parlers et de leurs traditions, ils doivent être les ardents défenseurs et promoteurs du patrimoine culturel de la France et de tous ceux qui s'expriment dans notre langue. Et je voudrais ici rendre un hommage très chaleureux à Madame le ministre Margie SUDRE pour le travail remarquable qu'elle accomplit dans ce domaine au service de la France.

Je souhaite dans cet esprit que nos grands établissements universitaires et scientifiques d'outre-mer deviennent des pôles régionaux de formation attirant toujours davantage d'étudiants étrangers, les familiarisant avec notre langue, nos techniques, nos produits. Je pense en particulier à l'Université de la Réunion qui pourrait, dès maintenant, constituer le creuset d'une vaste université de l'océan Indien et devenir demain l'instrument privilégié de notre présence dans cette partie du monde. C'est la même ambition que l'Université des Antilles-Guyane porte pour l'ensemble de la Caraïbe.

Dans tous ces domaines, qui touchent à la souveraineté de la France, c'est d'abord à l'État d'agir. Il le fera en liaison étroite avec les élus, chaque fois que seront en jeu les relations des départements d'outre-mer avec leurs voisins. Qu'il me soit permis de remercier l'ensemble des élus d'outre-mer pour les initiatives qu'ils ont su prendre, pour les efforts qu'ils déploient, bref, pour leur rôle essentiel dans la coopération régionale.


Ce qui est désormais nécessaire aux départements d'outre-mer, c'est un élan nouveau donné à leur développement.

Il y a cinquante ans, le statut départemental leur faisait franchir une étape décisive sur la voie de l'égalité des droits, de la dignité et du progrès. Mais ce n'était qu'une étape.

L'an dernier, j'avais pris devant vous l'engagement de réaliser, d'achever l'égalité sociale. C'est aujourd'hui chose faite. Et c'est justice. Maintenant, il faut aller plus loin. Il faut passer d'une démarche de rattrapage à une logique de développement. À la lumière de ce qui s'est noué lors des récentes Assises du développement et de l'égalité sociale active, organisées par Jean-Jacques de PERETTI, qui, vous le savez, a été pour moi un proche collaborateur et qui a toute ma confiance, dessinons ensemble les contours d'un nouveau pacte. À conclure entre la métropole et les départements d'outre-mer. À conclure aussi et surtout au sein de chaque département.

Éloignés de la métropole, vos départements se doivent d'être toujours plus solidaires et plus conquérants.

La solidarité, c'est d'abord l'emploi. Dans les départements d'outre-mer, le taux de chômage, supérieur à 30 % des actifs, atteint un niveau évidemment insupportable. Pourtant vos entreprises font preuve de dynamisme en créant de nouveaux emplois à un rythme très supérieur à la moyenne nationale. Mais, compte tenu de la démographie, ce n'est pas assez.

Ici, comme en métropole, le gouvernement veut mettre tout en oeuvre pour aider les jeunes, qui sont durement frappés, pour aider les femmes, pour aider les chômeurs de longue durée, qui sont aux portes de l'exclusion. Des crédits spécifiques ont été alloués à l'outre-mer, compte tenu de la situation particulière dans ce domaine et naturellement toute nouvelle mesure prise en faveur de l'emploi s'appliquera automatiquement dans ces départements.

Mais au-delà des solutions traditionnelles qui ont montré leurs limites, au-delà des schémas métropolitains, il faut trouver pour vos départements les voies d'un développement économique original, adapté à leur savoir-faire, à leurs cultures, à leurs atouts. Ces solutions innovantes, exportatrices, porteuses d'activités et de croissance existent. J'ai pu le constater, hier encore dans le domaine de haute technologie de la bande dessinée, d'autres exemples de cette nature doivent pouvoir être développés ici.

La solidarité c'est aussi le droit pour chacun de disposer d'un logement convenable et adapté.

Le logement est la réponse à une aspiration essentielle à la dignité. C'est la condition même de la liberté.

Mais je sais aussi que pour les familles et la jeunesse d'outre-mer, le logement est, non seulement, un lieu de vie où l'on se retrouve, mais aussi une sécurité surtout lorsqu'on cherche un emploi.

Il faut gagner la bataille du logement si nous voulons gagner celle du développement !

Pour cela il faut, bien sûr, poursuivre l'effort que j'avais engagé en 1986 lorsque j'avais doublé les crédits consacrés au logement outre-mer.

Il faut aussi que cette politique du logement s'adapte aux caractéristiques géographiques, sociales et familiales de vos départements. Et j'ai demandé au gouvernement d'y veiller.

La solidarité impose également de mieux utiliser nos dépenses sociales et de ne pas tomber dans le piège de l'assistance. C'est faire en sorte que chacun puisse assumer ses responsabilités. Plus qu'une politique de prestations sociales, c'est une véritable politique d'action sociale que nous devons bâtir ensemble, collectivités locales et État.

Nous y arriverons en faisant preuve d'ambition et de rigueur. À l'État de montrer l'exemple, de prouver qu'il peut être plus moderne, plus accessible, plus économe. Placés dans une position géographique particulière, les départements d'outre-mer ont besoin, de la part de l'État, de plus de cohérence dans ses interventions, de plus d'efficacité et parfois de plus de dynamisme.

Comment ne pas saluer ici, et chacun comprendra que je le fasse, l'oeuvre de Michel DEBRÉ, dont la vision politique et l'ardeur réformatrice étaient si pénétrées de cette exigence pour l'État, Michel DEBRÉ à qui l'outre-mer, et notamment la Réunion, doivent tant.

Dans la plus grande concertation avec les élus, des réformes seront engagées pour simplifier les démarches, pour alléger les procédures, pour rapprocher les administrations des citoyens. Ici, comme en métropole, ces réformes s'imposent pour réduire les dépenses inutiles et pour stimuler les initiatives, elles seront mises en oeuvre.

Cela passe, tout de suite, par le développement de nouveaux pôles administratifs dans le sud de la Réunion, à l'ouest de la Guyane, et par la mise en place de la nouvelle sous-préfecture de Saint-Pierre en Martinique. Cela passe peut-être par la création de nouvelles communes ou de nouveaux cantons. C'est possible enfin d'envisager et d'étudier la création d'un nouveau département, d'un deuxième département, à la Réunion. Il faut y réfléchir notamment à la lumière des perspectives démographiques de l'île.

L'État, dans les départements d'outre-mer, doit avoir une administration beaucoup déconcentrée, plus souple, plus proche des besoins, plus prompte à agir, mieux à même de prendre des initiatives. C'est une administration plus responsable, bénéficiant de règles de gestion assouplies et attentive aux problèmes spécifiques de l'outre-mer.

C'est au prix de cette solidarité, de cette exigence de dignité et de progrès, de cette responsabilité nouvelle de chacun des acteurs du développement, que les départements d'outre-mer participeront à cet esprit de conquête et d'ouverture qui doit animer aujourd'hui la France tout entière. C'est aussi à vous qu'il appartient de porter, dans les pays qui vous entourent, le meilleur de la France.

C'est sur les plus jeunes d'entre vous que repose cet espoir. Mais il faut pour cela que chacun trouve, sur place ou grâce à la mobilité nationale, régionale, internationale, les moyens de son épanouissement.

Le taux d'échec scolaire ne doit pas être plus élevé dans les départements d'outre-mer qu'en métropole. L'échec scolaire consacre une inégalité, il est un frein au développement économique. Il faut que notre jeunesse dispose des meilleures formations.

C'est pourquoi, j'ai demandé au Premier ministre que l'enseignement soit l'un des grands chantiers du Pacte de développement que vous propose le Gouvernement. Avec, notamment, des innovations pédagogiques telles que la réforme des rythmes scolaires et un nombre plus important d'enseignants pour faire face à l'évolution démographique constatée outre-mer, en particulier en Guyane et ici même à la Réunion.

L'esprit de conquête, c'est mettre à profit les atouts de chacun des départements d'outre-mer, c'est tisser des liens étroits, filière par filière, entreprise par entreprise, avec nos partenaires des régions voisines. C'est faire émerger de nouvelles solidarités, de nouveaux courants d'échanges, porteurs de progrès économiques et sociaux.

L'esprit de conquête, c'est enfin l'ambition de faire rayonner la France, sa culture, son savoir-faire, sa capacité à innover. Le général de GAULLE, en visite à la Réunion, avait parlé d'elle comme de "l'avant-garde australe de la France". Il avait évoqué la "position capitale" de cette île pour notre pays tout entier.

Je vous appelle aujourd'hui à être l'avant-garde de l'excellence française. Dans l'océan Indien pour la Réunion. Dans l'Atlantique et les Amériques pour la Martinique, la Guadeloupe et la Guyane. Je vous invite à vous impliquer toujours davantage au service de cette grande ambition.

Il n'existe pas de recette miracle. Il n'existe pas de modèle de développement préfabriqué. Permettez-moi de citer Aimé CÉSAIRE : "Aucune doctrine, dit-il, ne vaut que repensée par Nous, que repensée pour Nous, que convertie à Nous". Le succès ne viendra pas des seules réponses budgétaires aux difficultés de l'instant, même si elles sont nécessaires. C'est d'abord de vous qu'il viendra, de vos efforts, de votre courage, de votre combativité, de votre imagination. C'est vous qui ferez de l'outre-mer un exemple de développement économique, naturellement la solidarité nationale vous y aidera.


Mes chers compatriotes, l'ampleur du chemin parcouru au cours des cinquante dernières années nous donne la mesure de ce que doit être notre ambition commune pour le siècle prochain.

La tâche qui nous attend en cette fin de siècle consiste à diffuser plus justement et plus largement les bénéfices du progrès, à promouvoir l'égalité des chances entre tous les Français. Le dynamisme exceptionnel des départements d'outre-mer devra bénéficier du soutien sans faille de la collectivité nationale.

L'écrivain antillais Simone SCHWARTZ-BART proclamait que, je la cite, "le pays dépend bien souvent du coeur de l'homme : il est minuscule si le coeur est petit et immense si le coeur est grand".

Eh bien pour moi, la solidarité entre l'outre-mer et la métropole n'est pas justifiée par de seules exigences constitutionnelles ou économiques, voire politiques. Elle procède d'abord d'un élan du coeur. Les départements d'outre-mer occupent une place particulière au sein de la Nation, une place qui n'est pas tout à fait comme les autres. Ils nous différencient d'autres États de dimension comparable mais qui se trouvent confinés dans des espaces continentaux. Ils contribuent à la respiration de la France à sa présence dans le monde, à l'universalité de son message. C'est pourquoi notre pays en ce jour anniversaire, est fier de ses départements d'outre-mer. C'est pourquoi notre pays mesure tout ce qu'ils lui apportent. En son nom, j'exprime aux habitants de vos quatre départements le respect et la gratitude de la France.

En observant le monde tel qu'il est, notamment dans vos régions, les difficultés de beaucoup de vos voisins au cours des cinquante dernières années, je suis tenté de dire : quelle belle aventure, que celle des départements français d'outre-mer ! Et comme il a fallu du génie, aux uns et aux autres, pour réussir à l'époque un pari aussi audacieux ! Eh bien, le génie, nous n'en manquons pas : il est aujourd'hui une raison de légitime fierté, il sera pour demain le gage de nos ambitions et de notre espérance.

Vive les Français d'outre-mer ! Vive la République ! Vive la France !





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