Discours du Président de la République à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de Sa Majesté HASSAN II, Roi du Maroc.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du dîner d'État offert en l'honneur de Sa Majesté HASSAN II, Roi du Maroc.1

Palais de l'Elysée, le mardi 7 mai 1996

Sire,

En juillet dernier, mon premier voyage, je devrais dire en réalité mon premier mouvement, fut d'aller vers vous. Les marques d'amitié que le peuple du Maroc et son souverain m'ont alors manifestées resteront gravées dans ma mémoire. C'est avec la même émotion, Sire, que je vous accueille ce soir, pour votre quatrième visite d'Etat en France.

L'affection, je vous l'ai dit, et le respect que le peuple de France porte à votre peuple expliquent l'intérêt exceptionnel dont est entouré votre visite. Ce respect, le Général de Gaulle l'évoquait en vous accueillant ici même, il y a juste trente trois ans. Et vous me permettrez de le citer : " Les Français tiennent les Marocains pour un peuple que les conditions de l'histoire leur ont permis de connaître bien et d'estimer beaucoup. C'est pourquoi, ajoutait le Général, nous ressentons profondément l'honneur de recevoir le Maroc en la personne de son roi. Mais, combien cela est vrai surtout parce que ce roi, c'est Vous-même, autrement dit un chef d'Etat aux dons et aux actions de qui nous portons, dès le premier jour de son règne, une exceptionnelle considération ". Ainsi s'exprimait le Général de Gaulle.

Oui, Sire, vous demeurez ici, en France, un souverain connu, respecté, admiré et aimé.

Héritier, comme la France, d'un long et prestigieux passé, votre pays fut toujours, au fil des épreuves comme des pages heureuses de ce siècle, au premier rang de nos partenaires, au premier rang de nos amis.

En cette veille du 8 mai, date anniversaire de la paix en Europe, je suis heureux et fier de recevoir le fils d'un Compagnon de la Libération, feu Sa Majesté Mohamed V, que Dieu l'ait en Sa Sainte Garde, pour lequel le Général de Gaulle éprouvait une très profonde amitié. Permettez-moi, Sire, de saluer sa mémoire.

Cette amitié entre la France et le Maroc ne saurait être banale. Elle doit conserver une dimension exceptionnelle.

Sous votre haute direction, le Maroc s'affirme dans toute sa modernité et dans son ouverture au monde.

Vous avez décidé d'ouvrir un grand chantier qui ne laisse à l'écart aucun des secteurs de l'Etat et de la société. Qu'il s'agisse des institutions, de l'économie, des Droits de l'Homme, de l'éducation, de l'environnement, vous n'avez cessé de promouvoir des réformes qui vont dans le sens du progrès et de l'adaptation de votre pays aux nouvelles réalités du monde.

Vous faites du Maroc un véritable Etat de Droit. La réforme constitutionnelle en préparation et la modernisation engagée de la vie politique refléteront davantage, selon votre voeu, les réalités régionales et les forces politiques du pays.

Vous avez montré, Sire, votre attachement aux droits de l'Homme en instaurant des mécanismes juridiques protecteurs des droits fondamentaux. Parce que la garantie des libertés publiques exige une attention sans relâche, la France sera toujours à vos côtés sur ce chemin.

Vous avez entrepris de réformer l'économie marocaine. La réussite du vaste programme de privatisations en cours depuis deux ans, l'émergence de la Bourse de Casablanca, la stimulation des entreprises privées, le développement du tourisme et, enfin, des pluies d'hiver abondantes après tant d'années de sécheresse, permettent d'espérer, pour 1996, une croissance à deux chiffres. Nous nous en réjouissons, même si cela nous fait rêver.

Vous avez très tôt entamé la lutte contre la production et le trafic des stupéfiants. Dès 1992, vous alertiez l'opinion internationale sur l'urgence d'une coopération sans faille entre l'Union Européenne et votre pays. Une coopération associant action répressive et effort sans précédent de développement du Rif. La France, Sire, y investira 1,2 milliard de francs dans les trois ans à venir et j'appelle l'Europe à mobiliser ses moyens pour vous accompagner dans cette ambition majeure. La réunion que nos deux ministres de l'Intérieur viennent de tenir à Rabat, avec leurs collègues de la Méditerranée Occidentale, témoigne de notre détermination commune.

Vous avez enfin, Sire, fait le choix de l'Europe. Depuis ma visite en juillet 1995, que de progrès accomplis ! Votre ténacité et le talent de vos négociateurs ont scellé le rapprochement avec l'Union Européenne et permis au Maroc d'occuper toute sa place dans le concert méditerranéen.

Nos deux pays ont également beaucoup travaillé pour la paix.

Il y a dans la modération et dans l'équilibre de la diplomatie marocaine une constante qui fait sa force. Nous n'oublions pas que le Maroc n'a jamais été tenté par l'extrémisme. La voie du Maroc a toujours été spécifique. C'est l'une des raisons qui font de nos deux pays des partenaires naturels.

En Bosnie, votre action à la tête du groupe de contact de l'Organisation de la Conférence Islamique, a permis aux pays musulmans de jouer tout leur rôle dans la recherche du règlement de paix. Aujourd'hui, avec près de 1300 hommes, le contingent marocain, au sein de l'IFOR, est associé au détachement français. Je veux rendre hommage à nos hommes qui, côte à côte, travaillent à la réconciliation et à la paix en Bosnie. Cette nouvelle fraternité d'armes illustre, une fois de plus, nos liens privilégiés.

Au Proche-Orient, les attentats terroristes, l'engrenage infernal de la violence et les drames qui viennent de frapper le Liban et Israël, doivent céder la place à la relance du processus de paix. Saluons ensemble le geste historique du Conseil National Palestinien qui vient solennellement de reconnaître et de consacrer le droit à l'existence d'Israël. Saluons la décision du parti travailliste israélien de reconnaître le droit des Palestiniens à disposer d'un Etat. Souhaitons que les hommes de paix l'emportent sur les tenants de la violence et de la haine. Côte à côte à Charm El Cheikh, nous avons soutenu, Sire, les bâtisseurs de la paix. Côte à côte aujourd'hui, nous réaffirmons notre foi en un Proche-Orient réconcilié.

Cette communauté de vues justifie que nous concertions davantage encore nos efforts diplomatiques et que nous multiplions nos initiatives conjointes.

J'ai dit au Caire qu'après avoir détruit un mur à l'Est, l'Europe devait désormais construire un pont au Sud. Il me semble naturel d'édifier sa première arche au-dessus du détroit de Gibraltar. Dans ce contexte, l'appui que la France n'a cessé de vous apporter tout au long de votre négociation avec l'Union Européenne, prend tout son sens. Ce partenariat que vous propose l'Europe, doit être une aventure commune. Construisons ensemble notre avenir.

C'est à Rabat que nous avons donné corps à une grande ambition : la politique méditerranéenne. J'ai évoqué au Maroc l'idée d'un " pacte de stabilité, de paix, de développement pour la Méditerranée ". Depuis, l'idée a fait son chemin. Sa mise en chantier a été décidée à la Conférence de Barcelone. La France souhaite que la prochaine Conférence euro-méditerranéenne se tienne au Maroc et au niveau des Chefs d'Etat et de Gouvernement.

Ce partenariat, nous devons l'affirmer aussi dans le domaine culturel. Favorisons le dialogue et l'échange entre nos peuples et, d'abord, entre nos jeunesses.

Notre ambition euro-méditerranéenne, Sire, doit s'inspirer de l'exemplaire coopération entre le Maroc et la France. Depuis ma visite à Rabat, nos décisions communes ont toutes été suivies d'effets : l'accord d'association a été conclu ; les échanges ministériels se sont multipliés ; les accords bilatéraux ont concrètement relancé la coopération ; le traitement de votre dette bilatérale a été géré avec imagination, grâce à vous.

Confiant dans l'avenir de votre économie, j'appelle nos investisseurs et nos entreprises, nombreuses ici et au-delà, à participer massivement aux privatisations en cours, mais aussi à vos projets de développement afin que la France reste votre premier fournisseur et votre premier client.

Notre coopération, Sire, doit également s'accentuer dans bien des domaines : développement du monde rural ; réforme de l'administration ; réforme du système de l'éducation.

Sire, je vous avais dit, à Rabat, que notre intimité passait aussi par une meilleure connaissance en France du Maroc, de son génie, de ses richesses. L'" année du Maroc en France " dont nous avons précisé les contours, sera l'occasion pour mes compatriotes de mieux connaître un très grand pays, résolument engagé sur la voie du progrès, mais riche aussi de son passé, de ses nobles et fières traditions, de son extraordinaire patrimoine.

Prolongeons ce dialogue culturel en nous appuyant sur l'Institut du Monde Arabe. J'entends, vous le savez, développer son audience et en faire l'instrument d'une politique plus audacieuse en Méditerranée. Sachons aussi faire vivre la francophonie au Maroc. Nous sommes heureux que votre pays accueille prochainement la conférence ministérielle des pays francophones. Nous sommes prêts, si vous le souhaitez, à vous accompagner et à faciliter la diffusion du français auprès du plus grand nombre, par l'éducation et par l'audiovisuel.

Enfin, la France ne peut qu'être un partenaire privilégié du Maroc dans la promotion d'un Islam ouvert et tolérant. Dans cet esprit, je souhaite, comme je l'avais fait à Rabat l'été dernier, saluer les nombreux Marocains qui vivent aujourd'hui en France, et dont j'ai déjà eu l'occasion de dire qu'ils étaient les hôtes bienvenus de la République. Celle-ci ne tolérera pas qu'il soit porté atteinte à leur sécurité ou à leur dignité.

Sire, il n'est pas de limite au champ du possible entre le Maroc et la France. J'ai foi en votre pays, en notre amitié, en notre capacité à construire ensemble l'avenir de nos enfants.

C'est fort de cette conviction que je vous invite maintenant, Sire, à lever votre verre.

Je porte un toast en l'honneur de Sa Majesté Hassan II, Roi du Maroc. Je lève mon verre au bonheur et à la réussite de tous les siens, en particulier de Son Altesse Royale le Prince Moulay Rachid, et de Son Altesse Royale la Princesse Lalla Meryem qui nous fait la grâce de sa présence. Je bois à la santé de Son Altesse Royale le Prince héritier Sidi Mohamed que j'ai eu plaisir, beaucoup de plaisir, à recevoir très récemment à Paris. Je bois, Sire, à la prospérité et au bonheur du peuple du Maroc, ami du peuple de France.

Vive le Maroc !

Vive la France !

Et surtout , vive l'amitié franco-marocaine !





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2005-01-25 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité