Allocution du Président de la République à l'occasion du déjeuner offert par le Lord maire de Londres.

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du déjeuner offert par le Lord Maire de Londres au Guildhall.

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Londres, Royaume -Uni, le mercredi 15 mai 1996

Lord Mayor,

Permettez-moi de vous remercier, Monsieur le Lord Mayor, pour vos paroles de bienvenue. J'ai toujours un très grand plaisir à venir à Londres. Chacune de mes visites m'a renforcé dans le sentiment qu'entre nos deux capitales, qu'entre Londres et Paris, se sont tissés des liens uniques. Sans doute le devons-nous à notre longue histoire partagée et aussi à notre attachement à tout ce qui fonde nos identités nationales.

Tant de choses nous sont communes en effet, y compris les victoires que nous avons remportées les uns sur les autres et les défaites que nous nous sommes mutuellement infligées. Je vois, Monsieur le Lord Mayor, que vous avez placé le Duc de WELLINGTON en face de moi, pour le cas probablement où je l'aurais oublié. Mais je reconnais volontiers que vous auriez eu du mal à le déplacer.

Les relations privilégiées entre nos capitales, les bienfaits qu'elles leur ont apportés, je m'en suis souvent félicité lorsque j'étais Maire de Paris. Le dialogue qui s'est noué entre les deux villes, et auquel vous faisiez allusion, est un élément fort de l'amitié qui unit les peuples britannique et français.

La Cité de Londres c'est vrai, réalise cette synthèse entre tradition et modernité, caractéristique de l'identité britannique. Ainsi, votre fonction dont l'origine remonte au haut Moyen-Age, les corporations dont vous êtes le représentant éminent et l'élu, ce lieu magnifique où vous nous recevez, la pompe et l'ordre parfait qui président à vos cérémonies, tout cela rappelle quel prestigieux passé est le vôtre. Je conçois que les Londoniens en soient fiers et qu'ils le perpétuent.

Car cette brillante tradition marchande et financière se poursuit aujourd'hui. Vous l'avez évoqué Monsieur le Lord Mayor, la Cité est le premier centre financier d'Europe. Plus de 600 000 personnes travaillent dans cet ensemble unique que constituent les banques, les sociétés d'assurance, les cabinets juridiques, les sociétés de consultants et d'experts-comptables regroupés au coeur de la ville. Comme hier, Londres tire sa puissance de cette exceptionnelle concentration des compétences et de leurs synergies.

Vous-même, Monsieur le Lord Mayor, incarnez à la fois cette fidélité aux traditions et le mouvement vers l'avenir. Chirurgien éminent, pionnier des traitements de pointe dans la lutte contre le cancer, vous êtes aussi, m'a-t-on dit, "Alderman of the Ward of Vintry". Vous voyez Monsieur le Lord Mayor, certains ont compris, bien que je me sois exprimé en anglais, et vous avez placé une coupe de vin dans vos armes, ce qui va droit au coeur du Français que je suis.

"Bonne santé pour la Cité et la Nation" est la devise de votre mandat. Permettez que je la reprenne à mon compte, en souhaitant que cette bonne santé se poursuive et se renforce grâce, notamment, au développement des relations économiques et commerciales entre nos deux pays.

Depuis l'entrée du Royaume-Uni dans le marché commun, nos échanges commerciaux et nos investissements croisés ont cru de façon extrêmement rapide. Entre 1973 et 1995, la valeur de nos échanges -importations et exportations confondues- a été multipliée par vingt.

Parallèlement à cette progression de notre commerce bilatéral, nos investissements croisés se sont développés à vive allure. Plus de mille deux cents filiales d'entreprises françaises sont présentes au Royaume-Uni et elles emploient 240 000 personnes. En sens inverse, plus de neuf cents filiales d'entreprises britanniques emploient en France 120 000 salariés. Le stock de nos investissements directs au Royaume-Uni s'établit aux alentours de 75 milliards de francs. Celui des investissements britanniques en France s'élève à environ 95 milliards de francs.

Je constate en outre, depuis deux ou trois ans, un important mouvement de fusions et d'acquisitions entre nos deux pays. Ces regroupements devraient permettre la naissance d'entreprises binationales puissantes, aptes à s'imposer face aux plus grands groupes internationaux.

L'énoncé de ces chiffres peut paraître un peu aride mais il dessine un horizon riche de promesses, de nouvelles solidarités, de nouveaux atouts sur la scène économique internationale.

Forte des relations que nous avons su nouer, de cette complémentarité de nos économies, l'amitié franco-britannique doit permettre demain l'affirmation dans le monde d'une nouvelle Europe, dynamique, ambitieuse, compétitive, riche de ses talents, de ses capacités d'innovation, de ses coopérations. Une Europe qui aura su valoriser ses atouts dans la compétition mondiale tout en préservant son modèle social.

Oui, je crois que l'avenir est à l'Europe, même si je sais que l'on en est pas ici persuadé, en France non plus d'ailleurs, et pourtant. Le Royaume-Uni réalisait, l'an passé, 60 % de son commerce avec les pays de l'Union Européenne, et la France 65 %. Le marché unique a constitué une chance extraordinaire pour nos économies. La réalisation de l'Union Economique et Monétaire et le passage à la monnaie unique devraient renforcer, je crois, cette situation. La monnaie unique sera source de croissance. Elle devrait stimuler les échanges. Elle devrait favoriser les créations d'emplois. Enfin, la monnaie unique, sera l'autre grande monnaie, qui permettra à notre Union de peser d'un poids nouveau et nécessaire dans le monde de demain. Comment imaginer que le Royaume-Uni ou la France puisse se tenir à l'écart de ce grand projet ?

Certains, je le sais, ne partagent pas mon optimisme. Pour eux, l'Europe serait dépassée, à la traîne des pôles de croissance que seraient l'Amérique du Nord et l'Asie émergente de façon spectaculaire. Je vous le dis : ceux-là ont tort car ils sous-estiment nos atouts.

L'Union Européenne, avec plus de 370 millions d'habitants, est le premier ensemble économique du monde.

Soyons conscients de notre puissance. Soyons plus sûrs de nous, plus conquérants, plus audacieux. Tels sont les objectifs que j'ai proposés aux entreprises françaises en les incitant à se tourner davantage vers les marchés extérieurs.

Dotons notre Union d'une politique commerciale plus dynamique. Affirmons davantage la présence de l'Europe sur tous les marchés. Certains présentent de formidables potentialités. D'importants besoins en équipements, en infrastructures se font jour un peu partout dans le monde.

Le récent sommet de Bangkok, qui a réuni l'Europe et l'Asie Orientale, offre l'exemple même de ce qui doit être entrepris. Nos deux pays, présents depuis des siècles sur tous les continents, et qui entretiennent avec tant d'Etats d'étroites relations de coopération et d'amitié, doivent être le fer de lance de cette nouvelle ambition.

Voilà, My Lord Mayor, Mesdames et Messieurs, le message d'ambition, de volonté, de confiance que je souhaitais porter aux responsables économiques de la Grande-Bretagne. C'est aussi un appel que je voulais vous lancer, un appel à coopérer davantage, à envisager l'avenir ensemble. L'expérience le montre : nos deux nations, quand elles s'engagent conjointement et travaillent la main dans la main, peuvent accomplir de s choses formidables.

C'est fort de cette foi en notre avenir partagé, confiant dans les atouts de nos deux pays et dans leur collaboration, que je vais maintenant My le Lord Mayor lever mon verre.

Je le lève, My Lord Mayor, en votre honneur. Je bois à votre santé. Je bois à celle de votre épouse qui nous reçoit si agréablement avec vous aujourd'hui, je bois au bonheur et à la prospérité de Londres, de ses habitants, du peuple britannique tout entier. Je bois à l'amitié qui unit la Grande-Bretagne et la France.

Vive la Grande-Bretagne !

Vive la France !

Vive l'amitié et la coopération franco-britanniques !





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