Discours du Président de la République à la mairie de Quimper.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à la mairie de Quimper.

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Quimper, Finistère le mercredi 29 mai 1996

Monsieur le Maire,

Monsieur le Président du Conseil Régional,

Monsieur le Préfet,

Messieurs les Parlementaires,

Mesdames et Messieurs les Conseillers Municipaux et les Adjoints,

Mesdames, Messieurs,

D'abord, merci de votre accueil, auquel je suis très sensible. J'aime la Bretagne. Je suis heureux de me trouver en Cornouailles, heureux de me trouver à Quimper pour un peu plus de 2 jours et d'être reçu dans cette mairie.

Lorsque j'arrivais à l'instant, avec Monsieur le Préfet, je longeais le Mont Frugy et je me souvenais du spectacle désolé que j'avais observé lorsque dans les premiers jours de novembre 1987, (j'étais alors Premier Ministre, j'étais venu après le désastre de Quimper), d'une région dévastée quelques jours auparavant par un ouragan, qui est resté, j'imagine dans les mémoires, et je voyais cette fois-ci, des arbres jeunes, mais bien vivants et je me disais, d'une certaine façon, c'est une illustration de cette aptitude que les bretons, par leurs origines, ont peut-être plus qu'ailleurs à se renouveler, à se remettre en cause, à se redresser quand il est nécessaire de le faire. C'est vraiment l'énergie bretonne à laquelle instantanément j'ai pensé en voyant cette situation.

Une capacité au fond à faire face à l'adversité, que le Général vous l'avez cité, avait bien détecté lorsqu'il avait imaginé, c'est vrai, que l'on pouvait organiser la résistance en France, et que si on le faisait en France cela ne pouvait être fait qu'en Bretagne. Cela, pas seulement pour des raisons d'ordre géographique mais aussi pour des raisons tenant au caractère de la population et notamment au tempérament finistérien, (le tempérament finistérien est sans aucun doute une réalité). D'ailleurs puisque vous avez évoqué le Général Monsieur le Maire, je voudrais rappeler qu'au lendemain de son appel du 18 Juin, le Général de Gaulle -on me le rappelait tout récemment à Londres- a fait le compte de ses partisans, (c'était le 19 ou le 20 juin on n'a pas pu me le préciser avec certitude) et il a constaté qu'un quart de ses partisans venait de l'Ile de Sein, c'est-à-dire du Finistère, la pointe extrême du département, et il a dit à l'époque, ici, parlant du Finistère, "on ne se résigne pas".

Vous l'avez évoqué, Monsieur le Maire, à la proue de l'Europe, à la tête du monde, un "pen ar bed" dit-on je crois en breton, le Finistère a été contraint, au long de son histoire de faire face -et peut-être est-ce cela qui l'a si fortement aguerri- à des handicaps liés à sa situation particulière, à sa situation géographique. Il a réussi à surmonter ses handicaps, grâce au caractère de ses hommes, grâce à leur dynamisme, grâce, tout simplement à leur esprit de conquête, même s'ils ont été, c'est vrai, aidés par les Corréziens à l'occasion. Vous avez cité deux grands exemples, l'un et l'autre étaient pour moi des amis.

Ce sont je crois, ses qualités qui ont fondé l'extraordinaire essor de l'agriculture et aussi de l'industrie agro-alimentaire ces 30 dernières années, qui ont profondément transformé cette région. Elles ont permis, en particulier, ses paysans, ses industriels, au Finistère de conserver sa population alors que bien des départements ruraux perdaient la leur, se désertifiaient.

J'ai été moi-même, très longtemps, l'élu d'un département rural également rude, mais qui lui, a perdu sa population et la Bretagne, notamment le Finistère aurait très bien pu suivre cet exemple. Son énergie lui a permis, (en réalité et notamment la capacité de ses paysans, puisqu'à l'origine ce sont eux) de surmonter les difficultés. Aujourd'hui, ici on sait identifier les défis nouveaux et y faire face, peut-être mieux qu'ailleurs. Le Finistère est un symbole de la capacité des Français à regarder avec lucidité les problèmes et à se donner les moyens de les résoudre. Ce n'est pas un hasard, vous l'avez dit aussi, Monsieur le Maire, mais c'est vrai, si la volonté de voir se réaliser l'Union européenne a été ici peut-être plus forte qu'ailleurs, c'est un signe. Car dans cette région bretonne on a toujours eu, -peut-être est-ce dû à la présence, l'omniprésence de la mer-, une vision lointaine, une perception des choses de l'avenir de ce qu'il fallait faire pour le préparer.

Ce n'est pas étonnant que je sois, pour la première fois, reçu dans une Mairie où l'on me montre un réseau Internet, et où l'on me fait passer, dans l'instantané, sur l'ensemble de ce réseau dans le monde, et probablement vu par un certain nombre de représentants de la grande diaspora bretonne.

Il y a, je crois qu'on peut le dire, le mot a été évoqué, mais c'est vrai, un modèle breton, et le Finistère incarne parfaitement ce nouveau modèle breton. Il puise dans l'histoire des 30 dernières années, les ressources nécessaires pour continuer à se transformer en fondant son action sur la recherche de voies imaginatives, sur l'innovation.

Nous évoquions tout à l'heure, -on devrait dire ici probablement le village de SCAER -un corrézien dirait plutôt une ville, parce que 2000 habitants pour moi c'est important- qui a su trouver des hommes, des femmes qui ont créé un habitat nouveau, une maison orientable et en permanence au soleil. Ce n'est pas étonnant que ce soit précisément en Bretagne que l'on ait découvert une technique de cette nature, et qui notamment grâce à Internet, se répand dans le monde entier, qui commence à être vendue un peu partout. Cela c'est très breton, c'est un modèle breton. C'est l'innovation, c'est la modernisation des structures, c'est le renouveau permanent des talents, c'est surtout peut-être visible dans tous les domaines, de l'industrie ou de l'agriculture, de la pêche, des services, c'est surtout l'exigence de qualité qu'on trouve ici.

D'ailleurs je ne vous cache pas, Monsieur le Maire, que c'est la raison pour laquelle je suis venu dans ce département, dont j'entends beaucoup parler par mes amis parlementaires, mais qui a toujours, dans mon esprit raisonné ou rimé avec le mot innovation.

Dans cette entreprise de rénovation qui se poursuit, le Finistère peut compter, je le sais, sur la solidarité régionale, qui a déjà été témoignée face aux problèmes dont vous m'aviez saisi, ainsi d'ailleurs que les parlementaires, qui est la relation en matière d'aide avec l'Europe. Il peut compter aussi sur la solidarité nationale. La politique d'aménagement du territoire est une priorité. La décentralisation a été une grande réforme et au moment du bilan on s'aperçoit qu'elle a eu deux faiblesses qu'il convient maintenant de corriger. La première, c'était l'insuffisance d'une volonté nationale d'aménagement du territoire, qui n'a pas permis d'harmoniser suffisamment les efforts, donc il faut une correction de ce point de vue en poursuivant naturellement cette décentralisation. Deuxièmement, c'est l'absence de déconcentration, non pas que les responsables politiques n'aient pas voulu le faire mais là, l'administration a été plus forte qu'eux. Il faudra néanmoins que cette déconcentration, c'est-à-dire le renvoi dans les services départementaux d'un certain nombre de décisions actuellement prises dans la capitale, complète l'effort heureux de décentralisation qui a été fait. Cet aménagement du territoire s'applique, naturellement particulièrement aux départements éloignés et dynamiques, à un département qui a un besoin impératif d'améliorer ses moyens de communications pour défendre ses chances en France et en Europe, et au delà, sans aucun doute, par l'exportation. Vous avez évoqué l'Asie, c'est le grand marché de demain et c'est d'ailleurs le grand problème politique également de demain, et c'est une raison supplémentaire d'unir tous les efforts européens en une synergie qui puisse répondre à l'élaboration en Asie, actuellement, d'un pôle de développement qui sera considérable. Mais si l'on peut craindre cette concurrence, on peut aussi l'utiliser pour dès maintenant nous mettre en situation d'y exporter à la fois nos produits, notre savoir-faire et la Bretagne doit tout naturellement, et elle le fait vous l'avez dit, se tourner également vers l'Asie.

L'Etat, Monsieur le Maire, Messieurs les Parlementaires, accompagnera je le sais les efforts en mobilisant tous les moyens nécessaires et j'aurais un mot particulier pour la Direction des Constructions Navales qui est confrontée au problème général de l'industrie d'armement, c'est-à-dire au "reformatage", si j'ose dire, de cette industrie, à la nécessité de la restructurer, industrie dont chacun sait qu'elle est une des raisons de fierté de notre pays. Elle est composée d'ouvriers, de techniciens, de cadres, d'ingénieurs qui sont parmi les meilleurs, à la fois de France et du Monde et qui doivent par conséquent être traités avec toute la considération qu'on leur doit, à la fois pour les services rendus mais aussi pour ceux qui seront à rendre dans le cadre d'une restructuration qui devra se faire en concertation étroite entre l'Etat, les partenaires sociaux etc. Je suivrais particulièrement et personnellement ce dossier.

Naturellement, l'Etat ne peut pas faire tout, et tout seul et ce n'est pas en Bretagne qu'on a besoin de souligner ce fait. Il faut que les initiatives locales, si riches ici, les initiatives si innovantes qu'on trouve dans cette région et plus particulièrement dans ce département puissent comme ils l'ont fait depuis 30 ans jouer cette carte de l'avenir, qui a été si bien jouée jusqu'ici et qui doit continuer en liaison avec l'Etat, en liaison avec la région. Il faut que les élus, notamment du Finistère comme ils l'ont si souvent fait dans le passé s'unissent pour mettre en oeuvre ses moyens nouveaux, et je puis vous assurer, Monsieur le Maire, qu'à Quimper, en Cornouailles, que dans le Finistère, l'Etat sera à leurs côtés pour les aider, une fois de plus, à mettre en exergue ce dynamisme, cette intelligence, cet esprit d'innovation et de conquête qui caractérise cette région et ce département.





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