Allocution du Président de la République lors de la réception de la communauté française à Brazzaville, Congo.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, lors de la réception de la communauté française à Brazzaville.

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Brazzaville, Congo, le mercredi 17 juillet 1996

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Mesdames, Messieurs,

Mes Chers Compatriotes,

D'abord merci d'être venus nombreux ce soir, j'y suis très sensible, de même que notre Ministre de la Coopération et notre Ministre de la Francophonie, M. Godfrain, et Mme Sudre, et je voudrais d'abord remercier M. l'Ambassadeur et son épouse qui ont organisé cette soirée et leur dire toute votre reconnaissance à tous.

Je suis souvent venu dans cette Case de Gaulle et toujours avec une certaine émotion vous l'imaginez. Vous la connaissez bien, vous y êtes chez vous. Cela n'a pas évidemment le même impact que sur celui qui y passe, sur le voyageur. Le sentiment d'être ici, dans ces endroits privilégiés, où la résistance française, la France libre, s'y sont exprimés, est important, important pour ceux qui ont vécu cette époque, important pour ceux qui suivent et qui ont vécu dans un climat de liberté grâce aux sacrifices des premiers.

C'est aussi le symbole cette Case de Gaulle de l'amitié, je dirais séculaire entre la France et l'Afrique, et c'est très important. Très important au moment où, me semble-t-il, après les difficultés que vous avez connues de tout ordre, de toute nature en Afrique. On a le sentiment que les choses sont en train de repartir du bon pied. Et c'est un peu un message de confiance et d'espérance que je voulais donner à tous nos compatriotes qui, ici, donnent le meilleur d'eux-mêmes, naturellement pour l'épanouissement légitime de leur vie personnelle, mais également, pour que la France soit présente sur cette partie de la terre d'Afrique.

Je dois donc saluer et remercier tout particulièrement l'ensemble d'entre vous qui, civils, militaires, religieux, coopérants, industriels, professionnels libéraux, artisans, commerçants, etc... sont la France, la France au Congo. Je sais la qualité qui est la vôtre, qui est reconnue et qui, aujourd'hui, représente pour les dirigeants de ce pays un véritable espoir. Vous assumez au-delà de vos responsabilités personnelles, une responsabilité réelle pour le développement, l'épanouissement, la liberté dans ce pays.

Je vous disais tout à l'heure que j'avais, aujourd'hui, l'impression que pour l'Afrique les choses allaient mieux. C'est en vérité plus qu'une impression, c'est une certitude. Tout à l'heure en fin de matinée, je m'exprimais à Franceville et je disais combien, aujourd'hui, les signes positifs améliorant fortement l'image de l'Afrique, étaient nombreux et forts. Pendant longtemps, l'Afrique a connu des troubles de toutes natures et de toutes difficultés. Aujourd'hui on sent que la croissance repart. On voit qu'un peu partout, et notamment au Congo, l'état de droit, la démocratie, est en train de prendre racine et de se développer. Or, il n'y a pas, le monde étant ce qu'il est aujourd'hui, de confiance s'il n'y a pas état de droit. Il n'y a pas de développement sans confiance, à l'intérieur comme à l'extérieur.

De la même façon, on voit les efforts considérables qui sont engagés en Afrique, en Afrique francophone, au Congo, pour libéraliser l'économie, sortir des structures paralysantes, qui, longtemps, ont caractérisé beaucoup de pays africains pour donner une nouvelle impulsion à l'initiative, pour gérer avec plus de soin, de sérieux et de transparence, les fonds publics. Et là encore, c'est un élément essentiel à l'établissement de la confiance, je le répète, confiance sans laquelle il n'y a pas de développement durable possible.

Certes, nous avançons petit à petit, et souvent on bute sur des obstacles. On connaît encore des problèmes, des crises, ici ou là, pas loin du Congo, dans cette Afrique. Mais là encore, on voit une diplomatie préventive qui commence à prendre corps et force. On voit des efforts de coordination régionale qui sont engagés et qui permettront une plus grande synergie de l'effort économique et donc du progrès.

Je le disais à Franceville tout à l'heure, il y a cinq ans, il y avait peine 20 pays qui, en Afrique, avaient une croissance positive par tête d'habitant. Il y en a 41 aujourd'hui en quelques années. Celles ou ceux qui sont afro pessimistes sont nombreux, notamment dans le reste du monde, (certains parce qu'ils sont tout simplement découragés, certains parce qu'ils sont ignorants ou veulent l'être de ce qui se passe ici, certains parce qu'ils veulent en fait se désengager de l'aide que le monde industrialisé doit au titre de la solidarité à l'Afrique en développement). Il y a une espèce de culte d'afro pessimisme, il faut aujourd'hui comprendre qu'il n'y a plus aucune raison de développer ce sentiment. Et que l'on peut aujourd'hui, raisonnablement, justement, être afro optimiste.

La croissance du Congo est de 6 %. J'imagine la satisfaction des Français s'ils faisaient la même performance, nous n'aurions plus aucun problème. Il faut encourager les Africains. On ne dit pas assez les efforts considérables, parfois avec des maladresses dues souvent à l'inexpérience, qu'ils ont fait pour redresser la situation. Il y a quelques années, seuls quelques pays avaient un accord avec les institutions internationales, aujourd'hui presque tous sont dans ce cas.

Je sais bien qu'il est de bon ton, je l'ai fait moi-même souvent, de critiquer des institutions internationales qui, depuis New York ou Washington, depuis les bureaux climatisés et qui sont là-bas à partir des ordinateurs qui s'y trouvent, imposent des règles, non seulement extrêmement difficiles à accepter dans les pays qui doivent faire un effort d'ajustement structurel, mais de plus, le font souvent dans des termes qui ne sont même pas compris, ici, là où leurs règles doivent s'appliquer.

Mais il faut dire aussi, que le temps passant, il y a une amélioration sensible de l'approche, de la vision portée par ces institutions sur l'Afrique. Une sorte d'humanisation indiscutable, et ce qui est indiscutable également, c'est que le résultat est incontestablement positif. Alors des progrès sont accomplis, il faut naturellement tout faire pour les développer.

La France, vous le savez, est très attachée à sa politique africaine. Elle l'est bien sûr en raison des liens très anciens qui nous unissent, l'Afrique ou une partie de l'Afrique et nous-mêmes. Elle l'est, je le dirais, par la reconnaissance du coeur pour ce que j'évoquais tout à l'heure au moment le plus difficile. C'est en Afrique qu'elle a puisé l'énergie, le courage, la détermination, le sang qui nous a permis de redresser notre situation si compromise.

Elle l'est parce qu'elle a bien conscience des torts que les pays occidentaux d'Europe ont porté à une Afrique qui, pendant plusieurs siècles, près de quatre siècles, a été victime d'une extraordinaire saignée par la traite et l'esclavage et l'on ne peut pas bien comprendre aujourd'hui ce qu'est l'Afrique, ses problèmes, ses réactions, si l'on n'a pas présent en mémoire ce qui lui est arrivé depuis si longtemps et qui exige par conséquent, je dirais, une sorte de réparation qui prend tout simplement la forme de la solidarité pour le développement.

Elle l'est aussi parce que c'est son intérêt politique. Nous le voyons bien. Nous entendons en permanence dans notre pays, dans les pays qui nous entourent par ailleurs (compte tenu des difficultés économiques ou sociales qui sont les nôtres, le chômage) que l'exclusion de plus en plus importante est elle-même fruit du chômage. Nous voyons bien qu'il y a une réaction qui peut être d'ailleurs très dangereuse, même si l'on peut la comprendre, à l'égard d'une immigration qui pourrait être ou devenir trop importante et qui viendrait notamment d'une Afrique désespérée.

Les Africains ne partent pas, ne quittent pas leur terre pour le plaisir, pour aller ailleurs. Chacun est attaché à l'endroit où il a ses racines. Si les gens partent, c'est simplement parce qu'ils ne peuvent plus vivre chez eux, et nous devons donc impérativement, si nous voulons avoir une politique de fermeté à l'égard notamment des migrations clandestines, tirer la conséquence qu'il est de notre devoir, pour les raisons que j'évoquais tout à l'heure, mais aussi pour celle-là, de permettre un développement qui autorise les africains à rester chez eux et à y trouver naturellement les possibilités de vivre normalement, décemment.

Vous voyez que toutes les raisons se conjuguent aujourd'hui, qu'elles soient morales, qu'elles soient politiques, qu'elles soient économiques, pour affirmer que la solidarité, c'est-à-dire l'aide au développement, doit être renforcée et que l'Afrique aujourd'hui a toutes ses chances.

Il y a eu, c'est, vrai, une décennie mauvaise, certains ont dit une décennie perdue, et bien, nous nous en sommes sortis, et donc maintenant nous devons faire un effort. C'est la thèse que nous avons plaidé devant nos partenaires des grandes nationales industrialisées à Lyon il y a peu de temps, et au total, nous avons convaincu et gagné, ce qui n'a pas manqué d'ailleurs je l'ai observé dans les milieux économiques français ou européens, d'être interprété comme un signal fort et positif en faveur d'une confiance en Afrique.

A partir du moment où nous avons réussi d'interrompre une procédure de désengagement de l'aide au développement qui caractérisaient ces dernières années, ou ces derniers mois, la confiance des investisseurs en même temps est revenue. Il faut donc poursuivre, poursuivre d'abord et avant tout, s'appuyer sur des artisans, s'appuyer sur nos représentants, car vous êtes toutes et tous ici, quelque soit votre modèle de travail, vous êtes toutes et tous des artisans de ce redressement de l'Afrique qui doit légitimement nous apporter satisfaction personnelle, bonheur, avantage, intérêt. Vous devez l'avoir quelque part dans votre coeur, et je sais que vous l'avez, parce qu'on ne vit pas en Afrique sans s'attacher profondément à cette terre, à ces hommes, à ces femmes, et donc vous devez l'exprimer, notamment au moment où les choses incontestablement s'améliorent.

Les Français ne sont jamais assez nombreux à l'extérieur, ni en Afrique, ni ailleurs. Mais ce sont généralement les meilleurs qui s'y trouvent. Et bien, je voudrais vous donner ce soir, c'est mon dernier mot, un message de confiance et d'espoir, d'encouragement aussi, et vous dire que la France est fière d'avoir ses meilleurs enfants sur cette terre d'Afrique, au Congo ou ailleurs, et vous dire que votre rôle est capital pour cette terre et aussi pour les valeurs, les valeurs morales qui sont les nôtres et que j'évoquais il y a un instant.

A toutes et à tous, je voudrais dire au mon de tous nos compatriotes, et en mon nom personnel, merci.





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