Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la clôture du Mois de la qualité française.

Allocution de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion de la clôture du Mois de la qualité française.

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Palais de l'Elysée, le lundi 15 Janvier 1996

Messieurs les Ministres,

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs,

Je suis heureux d'accueillir à l'Elysée la cérémonie de clôture du premier Mois de la qualité française. C'est pour moi l'occasion de saluer et de féliciter chaleureusement les lauréats du prix de la qualité venus de toutes les régions de France. C'est aussi l'occasion de vous exprimer, Monsieur le Président, mes encouragements pour vos initiatives en faveur de la démarche qualité.

Je me suis aperçu que je connaissais mal ce mouvement, et j'ai donc tenté d'améliorer ma connaissance, pour mieux apprécier les choses, et je dois dire que j'ai été impressionné par les efforts entrepris, l'intelligence de la démarche, la qualité de celle-ci et quand je dis que tout doit être fait pour vous encourager, j'exprime là non pas un propos de circonstance, mais la conclusion à laquelle je suis tout naturellement arrivé, en regardant ce que vous faisiez et ce que vous aviez fait. Nous avons connu, il y a peu, une crise sociale qui a donné lieu à toutes sortes de commentaires, comme il se doit, à toutes sortes d'explications. Ce qui est sûr, c'est que, quelle que soit l'approche que l'on prenne, la France doit impérativement se réformer, pour s'adapter à notre temps.

Après des années de facilité, les désordres de nos finances publiques ont engendré des désordres dans notre économie. Après des années où l'on a renoncé à agir sur les choses, notre société s'est peu à peu découragée, un peu figée. Aujourd'hui, il faut que chacun prenne ses responsabilités. Il faut engager de profondes réformes. Dans quelle intention ? Dans l'intention, objectif essentiel, de vaincre le chômage. De reconstruire une France solidaire. De permettre à chacun de créer et de s'épanouir. De libérer les initiatives des petites et moyennes entreprises. De donner un avenir à nos enfants, de retrouver l'esprit de conquête qui nous permettra de rattraper le retard que nous avons pris, vous l'avez souligné à l'instant, Monsieur le Président, sur nos trois grands partenaires, Américains, Japonais et Allemands.

Et c'est la qualité qui, depuis toujours, a fait la différence entre les nations. C'est la qualité qui depuis des siècles a fait l'exception française. Déjà Saint-Louis, ai-je découvert, il y a plus de sept siècles, avait promulgué un "livre des mestiers" qui énonçait les obligations relatives à la qualité - nous l'avons dans nos archives - du travail des corporations de Paris et qui sanctionnait leurs défaillances, durement. Sous Louis XIV, Colbert généralisa, dans les manufactures, les contrôles de qualité qui nous firent gagner des batailles d'abord, et, plus tard, des marchés. C'est dire que la démarche qualité que nous célébrons, grâce à vous, à vous toutes et à vous tous aujourd'hui, rénovée, naturellement, par l'apport des grandes nations industrielles modernes, plonge ses racines dans notre histoire. Ce n'est pas une découverte, c'est une réhabilitation.

Ce qu'on appelle aujourd'hui la "qualité totale" rejoint chez nous une tradition très ancienne. Une tradition d'excellence et d'innovation qui a donné à notre pays parmi les meilleurs artisans et parmi les meilleurs produits, agricoles et industriels. Qui nous a laissé en héritage le goût du travail bien fait, accompli, comme disait Charles Péguy, "pour lui-même, en son être-même". Qui nous a donné notre place de quatrième exportateur mondial, ce qui après tout n'est pas si mal. Qui a fait de la France une nation industrielle de premier rang, qui doit jouer aujourd'hui avec beaucoup plus de détermination les atouts qui sont les siens, et qui sont considérables.

Il n'est pas, - je crois et il me semble vous l'avoir entendu dire, Monsieur le Président -, de qualité sans solidarité : solidarité à l'intérieur de l'entreprise, solidarité avec les fournisseurs, les sous-traitants, les clients, les services publics, solidarité tout simplement des hommes entre eux. Lauréats de la qualité française, vous le savez naturellement mieux que quiconque : la démarche qualité c'est d'abord et peut-être avant tout, une affaire de comportement. La qualité n'est pas une contrainte imposée de l'extérieur, cela ne peut être, en réalité, qu'une sorte d'élan, personnel et surtout collectif. C'est une démarche qui rapproche les personnes et qui suppose, en réalité, la mobilisation de tous.

La démarche qualité doit s'imposer dans les services comme dans l'industrie, dans les services publics, vous avez raison Monsieur le Président, autant que dans les services marchands. Elle doit être, pour l'Etat comme pour les entreprises, ce que le général de Gaulle appelait, une ardente obligation. Nous n'en sommes pas tout à fait là, il y a encore du progrès à faire.

L'Etat doit mener sa propre démarche qualité et pour cela mieux connaître ses clients. Les " clients " de l'Etat sont parfois faibles, parfois exclus : des formulaires compliqués ou abscons les déroutent, tout comme l'avalanche des procédures. Les services publics, qui disposent d'agents dont la conscience professionnelle est d'ailleurs reconnue, et n'est pas en cause, doivent s'adapter sans cesse, - ce qu'ils ne font pas toujours -, rechercher à tout niveau les moyens de se rapprocher des citoyens qu'ils ont pour mission de servir.

La réforme de l'Etat, si nécessaire, a tout à gagner à s'inspirer de la démarche qualité. Déjà, de nombreux services publics l'ont compris. La présence de certains d'entre eux, je crois, parmi vos lauréats en porte le témoignage.

Bientôt, le Gouvernement adoptera un plan triennal de réformes de l'Etat. Il s'agira de faire en sorte que l'Etat, dans la continuité de notre conception du service public, conception qui ne saurait en aucun cas être remise en cause, car elle correspond à nos traditions et à notre mode de vie, soit plus efficace, pour mieux servir les citoyens, mieux garantir l'intérêt général, contribuer davantage à la cohésion sociale, ce qui est l'un des problèmes majeurs de notre temps et aussi à la compétitivité globale de notre pays, tout cela étant des éléments qui sont tout à fait liés.

De la démarche qualité dépend la compétitivité, donc l'emploi.

L'emploi est évidemment l'objectif central d'une politique destinée à rendre à la France sa force et sa cohésion. Une force qu'elle ne peut réellement trouver que dans la cohésion sociale. Il s'agit d'abord de vaincre les déficits publics, qui tirent toute notre économie vers le bas, qui rendent l'argent plus cher, les prélèvements plus lourds, la nation moins solidaire. Mais il s'agit aussi de libérer les capacités d'initiative de chaque entreprise, à l'image du plan récemment élaboré en concertation étroite avec la confédération générale des petites et moyennes entreprises et présenté par le gouvernement en faveur des PME et de l'artisanat. L'allégement des formalités et des charges, l'accès au crédit et à l'innovation sont des domaines où la réforme s'impose et doit être, je dirais, pratiquement permanente.

Nous devons tous, Etat, services publics, entreprises, faire chaque jour le choix de l'emploi. Ce choix est cohérent avec celui de la qualité. Car la démarche qualité est toujours un pari fait sur l'homme. La démarche qualité, par sa nature même, est et doit être au service de la personne. Encore marquées par une conception trop taylorienne du travail, certaines entreprises ont tendance à préférer la machine à l'homme. Il y a très longtemps que je me suis battu pour cela, mon premier combat perdu naturellement quand j'ai quitté le gouvernement a été pour empêcher qu'on mette des systèmes de triage automatique dans le Métro. Dès que j'ai eu le dos tourné, on l'a fait, et quand on fait aujourd'hui le bilan, je ne suis pas sûr qu'il soit très positif. Je suis même pour tout dire, tant sur le plan humain, que sur le plan économique et financier, persuadé du contraire. Bien des choses naturellement incitent à cette tentation : les charges, sans doute, mais aussi une certaine culture. La pression des ingénieurs que je respecte et sans lesquels rien de bon ne serait fait, mais dont il faut savoir user, sans obligatoirement abuser. La machine ne parle pas. Elle ne proteste pas. On peut la mettre en équation. Ce qui représente des avantages considérables.

Et pourtant chacun sait que les investissements les plus élaborés, les calculs de rentabilité les plus sophistiqués peuvent être réduits à néant par le seul fait que les hommes, leur travail, leur savoir, leurs aspirations n'ont pas été pris en compte. Quand près de trois millions de nos compatriotes sont au chômage, entre deux solutions possibles, à compétitivité égale, il faut toujours donner la priorité à la solution qui crée le plus d'emplois.

La qualité n'a de sens et n'existe que si elle répond aux aspirations de chacun. Et la première aspiration des salariés, c'est évidemment l'avenir de leurs enfants. Nous devons, avec eux, remettre l'homme au centre de l'économie. Ce que vous faites dans vos entreprises ou dans vos administrations témoigne, Monsieur le Président, que c'est là votre choix, et le meilleur choix.


Chacun dans votre domaine, je parle des lauréats ici, a réussi. Le prix qu'ils ont reçu en témoigne. Et je voudrais les féliciter. Ils peuvent être fiers de votre réussite. Ils peuvent cultiver l'espérance ! Alors je leur dis continuez à porter le message de la qualité !

Avec vous, je souhaite que la France tout entière s'engage sur la voie de la responsabilité, de l'initiative et de la confiance, tout cela au service de la qualité.

Je vous remercie.





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