Discours de M. Jacques Chirac Président de la République lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour des comptes.

Discours de M. Jacques Chirac Président de la République lors de la séance solennelle de rentrée de la Cour des comptes.

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mardi 16 janvier1996 A 15 H 30

Monsieur le premier président,

Madame le procureur général,

Messieurs les présidents,

Mesdames et Messieurs les magistrats,

Me trouvant aujourd'hui rue Cambon, je suis heureux d'être, vous l'avez souligné Monsieur le Premier président, le premier Président de la République à pouvoir m'adresser à vous en vous disant "mes chers collègues". Je me souviens, de cette maison dont j'ai toujours gardé le plus chaleureux souvenir, et j'ai été sensible à l'évocation par vous-même, Monsieur le Premier président, du jugement de M. MAY, Conseiller maître, qui avait bien voulu me faire bénéficier de son expérience et de son autorité, jugement néanmoins qui comporte une certaine ambiguïté dans la mesure où il ne souligne pas que, hélas, je n'ai jamais ici dépassé le grade de conseiller référendaire et de deuxième classe, ce à quoi je repense toujours avec une certaine tristesse.

Il y a plus de trente-cinq ans, j'ai prêté serment ici "de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations, et de me conduire en tout, en digne et loyal magistrat", comme vient de le faire votre Secrétaire général adjoint à l'instant. Il m'est arrivé depuis de méditer, chaque fois que je l'entendais, la portée de cette formule héritée de l'Ancien Régime, confirmée sous l'Empire et consolidée par la République. Elle affirme dans un double mouvement les exigences générales du service de l'Etat -le respect de la loi, le sens de la mission, l'exemplarité du comportement- et celles d'une justice impartiale- la rigueur de l'analyse, le secret de l'instruction, la collégialité des décisions-. Ces exigences sont autant de vertus qui constituent les fondations d'un Etat républicain. Elles sont aujourd'hui parfois oubliées, trop souvent oubliées. Il vous appartient de leur redonner sens, en les pratiquant vous-mêmes, ce que vous faites mais surtout en les rappelant à tous ceux qui servent l'Etat.

La Cour des Comptes n'est pas touchée par le discrédit qui atteint parfois l'Etat et certaines de ses institutions. Tout au contraire, nos concitoyens réclament pour elle plus de pouvoir pour agir et déplorent souvent que ses avertissements ne soient pas mieux entendus, et ils n'ont pas tort. Il n'est pas de démocratie sans transparence de l'action publique, sans exactitude des comptes publics, sans juste appréciation de l'emploi des deniers publics. Comme le rappelle l'une des devises de notre compagnie, la Cour des Comptes "rétablit l'ordre en faisant la lumière". Vos rapports ont pour première vertu, d'imposer aux responsables les mesures de redressement sans lesquelles la confiance des citoyens dans les institutions serait très rapidement minée. Car ce qu'on appelle l'Etat de droit ne recouvre pas uniquement le respect des règles constitutionnelles des libertés fondamentales, c'est aussi la clarté des comptes et la rigueur de la gestion publique. L'Etat doit à la Nation la transparence sur l'emploi des contributions qu'il lui impose et la Cour des Comptes est le garant de cette transparence.

Mais la Nation attend d'elle aujourd'hui, me semble-t-il, davantage. A l'heure où les prélèvements obligatoires, au-delà de la fiscalité pure de l'Etat, atteignent des niveaux sans précédent et où les déficits publics fragilisent notre pays, la Cour des Comptes doit être l'aiguillon d'un Etat moins dépensier et plus efficace. Les Ministres comme le Parlement ont besoin de son concours éclairé pour désigner l'absence d'objectifs clairs dans les politiques publiques, les défaillances observées dans les organisations et les procédures, ou les résultats par trop médiocres ou insuffisants.

Si la Cour des Comptes s'est imposée dans l'Etat, ce n'est pas seulement en raison des compétences qu'elle exerce depuis longtemps pour assurer la fidélité des comptes publics. C'est aussi parce que la Nation s'est habituée à ce qu'elle dénonce avec autorité tout ce qui est de nature à porter atteinte au bon emploi des contributions que l'Etat prélève pour le bien commun.

La Cour des Comptes n'a pas acquis cette autorité par hasard : si ses rapports publics suscitent l'intérêt et recueillent l'approbation, c'est en raison des précautions qui sont prises par la juridiction pour qu'ils soient incontestables. Cette irréprochabilité -qui garantit l'expression de la vérité- est le fruit de la rigueur de vos procédures et de la collégialité de vos décisions. Tout relâchement, notamment dans la nécessaire protection du secret de l'instruction, compromettrait inéluctablement cet acquis si précieux. C'est pourquoi, je vous invite, au nom de l'Etat, à respecter scrupuleusement ces règles qui font la force de votre compagnie.

Monsieur le Premier président, Madame le Procureur général, Mesdames et Messieurs les Magistrats, en participant à votre séance solennelle de rentrée, je n'ai pas voulu simplement honorer une tradition qui invite le chef de l'Etat nouvellement élu à vous témoigner de la confiance qu'il porte à une très grande institution de la République. J'ai tenu aussi à manifester ma reconnaissance personnelle à l'égard d'une maison qui m'a formé aux exigences du service de l'Etat. J'ai souhaité enfin vous inviter à répondre avec ardeur à l'attente de la Nation qui compte sur vous pour aider l'Etat à se réformer en permanence et en profondeur.

Je vous remercie





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