Toast de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'occasion du déjeuner offert par M. le Vice-Président des Etats-Unis et Madame A. GORE.

Toast de M. Jacques CHIRAC Président de la République à l'occasion du déjeuner offert au département d'Etat par M. le Vice-Président des Etats-Unis et Madame Albert GORE.

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Washington, jeudi1er février 1996

Monsieur le Vice-Président,

Madame,

Monsieur le Secrétaire d'Etat,

Mesdames et Messieurs,

La chaleur de votre accueil et l'amabilité de vos propos me vont droit au coeur. A travers ma personne, ils s'adressent à mon pays qui s'honore d'être le plus ancien allié des Etats-Unis. Cette amitié, cette alliance ne se sont jamais démenties, non plus que notre fraternité d'armes forgée dans votre révolution, éprouvée depuis et par deux fois dans ce siècle. Frères d'armes, nous l'étions hier encore dans le Golfe. Nous le sommes aujourd'hui en Bosnie.

S'il est arrivé, Monsieur le Vice-Président, que nous ne soyons pas d'accord, toujours, dans les moments difficiles, la France et les Etats-Unis ont été côte à côte.

A votre Ambassadeur, venu remettre au général de Gaulle les photos prouvant l'installation de missiles à Cuba, le Général répondit : " Monsieur l'Ambassadeur, gardez-vos photos. Vous me dites que la sécurité de votre pays est en jeu. Je vous crois sur parole ".

Comme hier, la France est fidèle à son alliance, dans un monde aujourd'hui plus incertain et plus complexe. Les dangers qui se profilent, c'est ensemble, dès maintenant, que nous y répondons.

Nous sommes ensemble en Bosnie où nos soldats sont engagés pour rétablir la paix. Ce résultat est le fruit de nos efforts communs, au sein du groupe de contact, et de la fermeté dont nous avons su faire preuve sur le terrain, en créant la Force de réaction rapide puis en mobilisant l'OTAN.

Que notre engagement en Bosnie se fasse dans le cadre de l'Alliance atlantique, voilà qui doit nous encourager à poursuivre la réforme de nos institutions de défense communes.

Mais l'Alliance que nous avons connue, celle qui pendant un demi-siècle a été justifiée par la confrontation de deux blocs, cette Alliance-là doit être repensée.

Certes, l'Europe a plus que jamais besoin de cette solidarité transatlantique qu'incarne l'OTAN, mais pour d'autres missions, dans le cadre d'une architecture de sécurité nouvelle, à inventer ensemble. L'Alliance enfin doit incarner le lien puissant qui unit l'Amérique à l'Europe, à l'Europe tout entière, désormais réconciliée, ouverte aux nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.

Je souhaite que, dès cette année, nous avancions dans ce sens. La réflexion sur l'avenir de l'Alliance, l'effort d'adaptation qui doit l'accompagner, la France est bien décidée à en prendre toute sa part.

La France, comme je l'ai personnellement souhaité depuis quinze ans, se veut l'artisan de la construction de ce pilier européen qui doit demain, au sein de l'Alliance et avec l'Union de l'Europe occidentale, exprimer la volonté des Européens de mieux assumer leur défense et leur destin. L'Europe se construit. Avec elle, se dessine peu à peu l'un des pôles majeurs de stabilité et de prospérité dans le monde à venir. L'Alliance doit désormais refléter cette réalité nouvelle.

Comment ne pas voir combien une Europe unie, forte et prospère est une chance pour l'Amérique ? Dans cet esprit, j'ai suggéré devant le Congrès la conclusion d'une Charte transatlantique qui pourrait venir couronner nos efforts.

La paix, nous y travaillons ensemble au Moyen-Orient où il faut espérer qu'elle connaîtra, dans les mois à venir, de nouveaux développements. Déjà le calme et le succès des élections palestiniennes ont illustré l'ancrage de la paix dans cette région.

Mais la paix, c'est aussi la solidarité et le développement des pays les plus pauvres. Ne laissons pas nos difficultés nous distraire de nos responsabilités. Ne relâchons pas aujourd'hui nos efforts quand tant de pays du Sud se sont engagés avec courage sur la voie difficile des réformes économiques et de l'Etat de droit.

Observons les progrès accomplis par l'Afrique. Accompagnons ses efforts. Sachons ne pas être indifférents au destin de ces peuples que l'histoire a malmenés.

Au nom de nos valeurs partagées, répondons ensemble aux grands fléaux qui menacent notre planète. Sachons nous attaquer aux trafics de stupéfiants, aux atteintes inacceptables à notre environnement, à cette criminalité organisée qui ronge nos sociétés, à la prolifération nucléaire qui menace nos enfants.

Préservons et renforçons les institutions au sein desquelles nous pouvons agir ensemble et grâce auxquelles nous endiguerons ces fléaux. Je pense d'abord aux Nations Unies dont on oublie trop souvent les réussites, du Cambodge au Salvador, de Namibie en Haïti. Les Nations Unies que l'on blâme à tort pour des échecs qui sont en réalité les nôtres. Je pense aussi aux institutions multilatérales d'aide au développement et d'abord à l'Association internationale pour le développement de la Banque mondiale et à sa nécessaire reconstitution.

La tâche est immense. On le voit bien, le monde a besoin de notre engagement et de notre coopération. Ne cédons pas à la tentation du repli. Sachons être solidaires et efficaces. Conjuguons notre imagination, notre talent, notre générosité. Conjuguons la force de nos diplomaties. C'est ainsi que nous assurerons la paix et le développement pour les hommes de demain.

C'est fort de cette conviction, que je lève mon verre en l'honneur du Vice-Président Al GORE, en l'honneur de Mme GORE, en l'honneur de Monsieur Warren CHRISTOPHER, secrétaire d'Etat. Je bois au bonheur et à la prospérité du grand peuple américain et je bois à l'amitié entre nos deux peuples.

Vive les Etats-Unis d'Amérique !

Vive la France !

Vive l'amitié franco-américaine !





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