Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée nationale Tunisienne.

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, devant l'Assemblée nationale Tunisienne.

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Palais du Bardo, Tunis (Tunisie), le 6 octobre 1995


Monsieur le président,

Monsieur le président de l'Assemblée nationale française,

Mesdames et Messieurs les ministres,

Mesdames et Messieurs les députés,

et permettez-moi de le dire, notamment après l'accueil qui m'a été réservé hier et les entretiens si cordiaux que j'ai eus avec le président,

Mes chers amis,

Je suis très sensible, Monsieur le président, à l'honneur d'être reçu par l'Assemblée nationale tunisienne. Je suis heureux d'être invité à parler ici devant vous. Dans mon pays, la Constitution permet seulement au président de la République d'adresser au Parlement des messages qui sont lus, en son nom, par les présidents des Assemblées, c'est vous dire combien l'ancien parlementaire que j'ai été longtemps goûte ce plaisir devenu pour moi très rare être à la tribune d'une Assemblée nationale.

Mes premiers mots iront pour vous, Monsieur le président, vous, dont la réputation intellectuelle en culture vous a permis d'exercer avec talent pendant quatre ans la présidence de cette Chambre qui vient d'ailleurs de vous réélire à sa tête, et je vous remercie de m'accueillir dans ce tout nouvel et superbe hémicycle qui symbolise bien l'importance croissante du rôle de votre Parlement.

C'est le chef d'Etat d'un pays qui s'adresse à vous aujourd'hui. En répondant à l'invitation du président Ben Ali à me rendre en visite d'Etat en Tunisie, cinq mois seulement après mon élection, je voulais vous manifester l'estime, l'affection et le soutien de la France. Ma joie être à Tunis, parmi vous, est partagée par ma délégation, et peut-être surtout par un Français éminent, grand ami de la Tunisie, le président de notre Assemblée nationale, Philippe Séguin. Il a accepté être à mes côtés pour cette visite d'Etat dans son pays natal. Le déplacement simultané à l'étranger du chef de l'Etat et du président de l'Assemblée nationale avec un certain nombre de membres du gouvernement est, je crois, sans précédent, et il témoigne, à lui seul, l'importance de cette visite et aussi l'intensité de nos liens.

La France et la Tunisie sont de très anciennes amies et tout contribue à les rapprocher. Aucune difficulté majeure n'existe dans nos relations et nous pouvons aujourd'hui les approfondir encore comme il se doit dans une famille.

Le premier traité signé entre la France et un pays du Maghreb le fut ici, il y a sept cents ans. Il était conclu au nom de Philippe le Hardi, roi de France et de Abou Abdallah Mohamed, roi de Tunis. Notre consulat à Tunis fut fondé par Henri III, c'est dire que nos relations remontent loin dans le temps, quelles qu'aient pu être à certaines époques leurs vicissitudes ; jamais leur spécificité n'a été mise en cause, et votre indépendance a ouvert un nouveau chapitre de notre histoire et de notre destin commun.

En quarante années, nos relations ont beaucoup mûri, nous avons su tisser entre les deux rives de la Méditerranée des liens multiples, humains, culturels, économiques qui font un partenariat solide. Mes premiers entretiens avec le président Ben Ali ont montré combien nos positions sont proches sur toutes les grandes questions internationales, depuis le processus de paix au Proche-Orient jusqu'à la nécessité de prévenir la montée des intégrismes religieux dans le monde.

La Tunisie a toujours été au coeur des rapports entre la France et le Maghreb comme entre le Maghreb et l'Europe. Forte de réussite souvent exemplaire, elle a joué un rôle pionnier en matière de développement économique, d'échanges culturels mais également de recherche d'un équilibre dynamique entre francophonie et renaissance arabe. Sur ce socle, nous pouvons espérer construire un avenir commun. Il nous faudra pour cela combattre ensemble les forces de la régression, et tous ceux qui veulent s'opposer à un rapprochement des deux rives de la Méditerranée dans une modernité commune. C'est pour permettre ce rapprochement que la France a pris l'initiative de promouvoir le partenariat euro-méditerranée en liaison étroite avec le président Ben Ali. Elle a fait en sorte, au cours de sa présidence de l'Union, que la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone souhaitée par la Tunisie, se présente sous les meilleurs auspices. Je sais la volonté tunisienne de jouer tout son rôle, un grand rôle dans cette conférence.

La signature par la Tunisie, la première dès ce mois de juillet, d'un accord d'association de nouvelles générations avec l'Union européenne en est la preuve. Ce choix ambitieux pour votre pays lui assure le plein concours de l'Union et naturellement cela va de soi, celui de la France.

Ainsi la Tunisie moderne devrait-elle entrer de plein pied dans le prochain millénaire. Déjà, sous la direction éclairée du président Habib Bourguiba, la Tunisie avait accompli un grand et remarquable bond en avant. Le combattant suprême aura le premier ouvert à son pays cette voie tunisienne, celle d'abord de l'indépendance et de la liberté, celle aussi de la raison et de la prospérité, cette voie singulière empreinte tout à la fois de sagesse et d'audace.

Le président s'y est à son tour et résolument engagé le 7 novembre 1987, lui donnant une ampleur nouvelle, menant son pays toujours plus loin sur le chemin de la modernisation, de la paix, notamment de la paix sociale, mais également de l'ouverture démocratique. Il faut saluer cette révolution douce de développement dans la stabilité, volontariste mais fidèle aux valeurs nationales, cette marche vers la modernité dans le respect des traditions, cette recherche incessante des équilibres. Vos choix rejoignent très souvent les nôtres : ni trop, ni trop peu, d'entreprises publiques, un développement harmonieux du territoire, la poursuite obstinée d'une nécessaire réduction des déficits.

Vous devinez combien nous, Français, sommes sensibles aux réformes entreprises ici en Tunisie, combien nous restons admiratifs devant les résultats obtenus, à commencer par la croissance que connaît votre pays, du fait notamment de ses exportations.

Inutile de vous dire que la France sera demain, comme aujourd'hui et comme hier, à vos côtés pour accompagner et soutenir vos efforts, comme vous accompagnez et soutenez les nôtres ; qu'elle continuera, ainsi que vous le souhaitez, d'appuyer vos réformes courageuses et souvent de s'en inspirer. Je pense, en particulier, aux marchés financiers, aux privatisations, au tourisme. Ces progrès économiques sont d'autant plus appréciables qu'ils interviennent et il faut le souligner dans le monde d'aujourd'hui, dans un climat social serein. Cette cohésion, cette confiance constituent pour l'avenir un atout majeur. J'y vois la marque d'une sagesse séculaire.

Votre peuple travailleur, attaché à ses traditions, fidèle à sa religion mais tolérant, tourné vers le futur, votre peuple, Mesdames et Messieurs les députés, est le premier artisan du miracle tunisien. Le miracle tunisien, c'est aussi l'émergence de cette classe moyenne, entreprenante et dynamique, qui confère aujourd'hui au développement de la Tunisie son équilibre et sa force.

Enfin, cette croissance économique, dont vous recueillez les fruits, s'est attachée à ne laisser personne au bord de la route. Elle a su ne pas oublier les plus démunis. La politique sociale cohérente menée sous la direction du président Ben Ali, avec le soutien de votre Assemblée, aura fait reculer la pauvreté et le mal-vivre. Le désenclavement des zones d'ombre, l'aide aux plus faibles, une analphabétisation répandue, une politique démographique contrôlée constituent autant de réussite dans cette marche vers le progrès et la construction d'un Etat de droit.

Votre Chambre, je le répète, a su jouer tout son rôle. C'est à une Assemblée moderne que je m'adresse aujourd'hui. Progressivement, les partis d'opposition ont pu y développer leur présence, participant toujours davantage aux travaux des commissions parlementaires, y faisant valoir leur sensibilité et par là même leur différence.

La démocratie est un combat qui n'est jamais gagné d'avance. Les avancées se font jour après jour. Il importe de les amplifier, de rendre les progrès irréversibles ; bref d'ancrer la démocratie et c'est bien ce qui se fait ici en Tunisie.

Nous-mêmes, en France, nous venons d'amender la constitution dans un sens qui renforce davantage encore le rôle du Parlement dans la vie politique nationale et son poids dans les décisions qui intéressent le pays. C'est dire que s'il n'existe aucune solution miracle ni universelle dans la délicate répartition des pouvoirs entre l'Exécutif et le Législatif, il nous appartient de rechercher constamment les ajustements et les améliorations qui nous en rapprochent.

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Vous le voyez, nos histoires, nos cultures, nos économies, nos ambitions même, témoignent de la solidarité de nos destins. J'ai évoqué hier soir la mémoire des valeureux combattants tunisiens qui, jadis, sur l'Argonne, et sur la Meuse, naguère, au Mont Cassin et en Alsace, ont consenti le sacrifice suprême pour notre liberté commune.

Aujourd'hui, sachons contribuer au renforcement de cette relation exemplaire ! Poursuivons notre dialogue si fécond ! Faisons triompher la tolérance sur le sectarisme, l'esprit d'ouverture sur les forces de la haine et de l'affrontement ! Construisons ensemble notre avenir commun !

Vive la Tunisie !

Et vive l'amitié franco-tunisienne !





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