Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, au Parlement européen (Strasbourg)

Discours de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, prononcé devant le Parlement européen à Strasbourg.

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Strasbourg - Bas-Rhin - Mardi 11 juillet 1995.

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Je tiens d'abord à vous remercier, Monsieur le président, de vos aimables paroles de bienvenue et à vous dire que c'est pour moi un honneur et un plaisir que d'intervenir aujourd'hui devant votre Assemblée, à Strasbourg, pour vous présenter le bilan de la présidence française du Conseil de l'Union européenne.

J'ai moi-même siégé au sein de votre Assemblée et je connais bien le dynamisme, la compétence et le sens des responsabilités des membres du Parlement européen.

Avant d'aborder l'objet même de mon intervention, je souhaiterais présenter tous mes voeux de succès au président du gouvernement espagnol, M. Felipe Gonzalez, qui exerce depuis dix jours les fonctions de président du Conseil européen. Je lui adresse mon salut amical et l'assure du plein soutien de la France dans sa mission.

La France a exercé la présidence du Conseil dans une période importante pour l'Union européenne. Celle-ci vient à peine de sortir d'un long cycle de négociations difficiles : le traité de Maastricht, la réforme de la politique agricole commune, le cycle de l'Uruguay, l'élargissement aux pays de l'AELE. Et, alors même que n'apparaissent pas encore toutes les conséquences de ces décisions, voici l'Europe déjà confrontée à de nouvelles échéances : la Conférence intergouvernementale de 1996, la monnaie unique, le futur élargissement.

Or, l'Europe aborde cette période à un moment où l'on constate un regain de scepticisme de nos peuples à l'égard de la construction européenne. En tant que représentants élus de ces peuples, vous êtes mieux placés que quiconque pour mesurer l'ampleur de ce phénomène qui se nourrit d'une double critique, maintes fois entendue : l'Europe serait trop éloignée des citoyens, elle serait impuissante face aux conflits qui déchirent notre continent.

L'ambition de la présidence française a été de montrer que ces affirmations étaient inexactes. C'est ainsi qu'avec l'appui de nos partenaires, de la Commission et de votre Assemblée, nous nous sommes efforcés de remplir trois objectifs essentiels :

- Faire progresser l'Europe en la préparant aux échéances futures,

- Rapprocher les politiques communes des préoccupations des citoyens,

- Renforcer l'action extérieure de l'Union européenne.

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I - FAIRE PROGRESSER L'EUROPE EN LA PREPARANT AUX ECHEANCES FUTURES.

Je veux parler du prochain élargissement, de la Conférence intergouvernementale de 1996 et de la troisième phase de l'Union économique et monétaire.

A - L'élargissement de notre Union à nos voisins d'Europe centrale et orientale, aux pays Baltes ainsi qu'à Chypre et Malte est un objectif que nous partageons tous aujourd'hui. Permettez-moi de rappeler que j'y suis favorable depuis six ans : j'ai toujours été convaincu, en effet, que les événements de 1989 nous offraient une chance historique, celle de réconcilier l'ensemble du continent européen.

Prenant le relais de la présidence allemande, nous avons durant six mois sérieusement préparé l'échéance de l'élargissement : la Commission a présenté son livre blanc sur le rapprochement des législations avec les PECO, de façon à faciliter leur préparation à l'adhésion. Les accords avec les trois pays Baltes ont été signés le 12 juin. Le "dialogue structuré" s'est animé au travers de 6 réunions ministérielles, quatre Conseils d'association et six commissions parlementaires.

Enfin, le Conseil européen de Cannes a été l'occasion, pour la première fois, d'une grande réunion de famille, celle de l'Europe unie qui sera notre réalité de demain. Les onze Etats ayant vocation à l'adhésion et les membres actuels, tous réunis autour d'une table pour travailler ensemble. Ce fut un moment fort d'émotion.

B - Deuxième grande échéance : la Conférence intergouvernementale de 1996. Chacun en mesure l'enjeu : réformer profondément les institutions de l'Union préalablement au prochain élargissement. Déjà, à Quinze, chacun s'accorde à reconnaître que leur fonctionnement n'est pas satisfaisant. Qu'en serait-il dans une Europe des Vingt-cinq ou des Trente ?

Le premier semestre de 1995 aura été pleinement utilisé. Tout d'abord, au cours de cette période, les trois principales institutions de l'Union - le Conseil, la Commission et votre Assemblée - ont présenté leurs rapports sur le fonctionnement des institutions. Il était en effet indispensable, un an et demi après l'entrée en vigueur du traité de Maastricht, qu'un premier bilan fût dressé.

En second lieu, le groupe des représentants personnels des ministres et du président de la Commission, présidé par le secrétaire d'Etat espagnol, M. Westendorp, a été installé à Messine, le 3 juin dernier et a, depuis, activement engagé ses travaux.

Deux membres de votre Assemblée, Mme Guigou et M. Brock, sont associés aux travaux de ce groupe, ce qui illustre notre volonté de travailler en étroite concertation avec le Parlement européen.

Enfin, le Conseil européen de Cannes a donné quelques grandes orientations à ce groupe : le renforcement de la politique étrangère et de sécurité commune ; la manière de mieux répondre aux exigences de notre temps dans les domaines de la justice et des affaires intérieures ; l'accroissement de l'efficacité, du caractère démocratique et de la transparence de nos institutions ; et enfin les moyens de raffermir le soutien des peuples européens et de mieux assurer la mise en oeuvre du principe de subsidiarité.

Les chefs d'Etat et de Gouvernement auront une première discussion sur ces questions lors d'une réunion informelle, les 22 et 23 septembre prochains. Puis, le groupe de travail remettra son rapport qui sera examiné en décembre lors du Conseil européen de Madrid.

C - Troisième grande échéance, la préparation de l'Union économique et monétaire.

J'ai souhaité qu'à Cannes les chefs d'Etat et de gouvernement en débattent, pour faire le point de l'acquis et tracer la voie pour l'avenir.

L'Union européenne a besoin de la monnaie unique. Et tous les efforts de convergence nécessaires doivent être menés, par tous. C'est l'intérêt de l'Europe. Il s'agit d'assurer nos emplois, nos investissements de demain, d'éliminer les turbulences monétaires qui peuvent affecter nos relations et de garantir la pérennité des acquis de la coopération économique.

C'est pourquoi la présidence a tenu à ne prendre aucun retard dans la préparation de la future monnaie. Les ministres de l'Economie et des Finances ont pris les premières décisions concrètes sur les futurs pièces et billets. La Commission a publié son livre vert sur le passage à la monnaie unique. Enfin, le Conseil européen a pris une décision capitale : il a demandé au Conseil d'élaborer pour la fin de l'année, avec la Commission et l'Institut monétaire européen, un scénario pour l'introduction de la monnaie unique, en indiquant qu'il se prononcera sur celui-ci lors de sa réunion à Madrid.

Ne nous dissimulons pas les difficultés qui sont devant nous. Le respect des critères de convergence crée de fortes contraintes pour les politiques économiques nationales. S'agissant de la France, vous connaissez ma ferme détermination et celle du gouvernement à réduire les déficits publics. Il faudra également réfléchir, dans le cadre de la troisième phase, aux relations entre les pays à monnaie unique et les autres Etats-membres : le Conseil européen de Cannes a eu le mérite, pour la première fois, d'identifier ce problème et de s'y attaquer.

II - RAPPROCHER LES POLITIQUES COMMUNES DES PREOCCUPATIONS DES CITOYENS.

Chacun le constate : dans tous nos pays, l'idée européenne, qui suscita tant d'espérances voici quarante ans, perd du terrain dans nos opinions publiques. Celles-ci ont l'impression que l'Europe est lointaine et ignore leurs préoccupations quotidiennes.

C'est pourquoi nous avons eu à coeur, durant ce semestre, de montrer que l'Europe pouvait répondre aux inquiétudes de ses citoyens.

A - La première et la principale concerne l'emploi. C'est malheureusement notre drame commun, puisque l'Europe des Quinze compte près de vingt millions de chômeurs.

La croissance retrouvée nous a permis d'améliorer quelque peu la situation de l'emploi, mais l'essentiel reste à faire.

Je retiens cependant quelques éléments encourageants de nos travaux récents.

Tout d'abord, le programme élaboré à Essen est en bonne voie. Le Conseil européen de Cannes a confirmé ses objectifs : lutte contre l'exclusion professionnelle des jeunes et des chômeurs de longue durée, abaissement des coûts indirects du travail, développement de la formation et de l'apprentissage, aménagement du temps de travail.

En outre, nous avons eu à Cannes un échange de vues fructueux au cours duquel chacun a évoqué son expérience nationale. Un tel dialogue est source d'enrichissement commun.

J'ajoute que sur la base d'une communication de la Commission, le Conseil européen a souligné toute l'importance qui s'attache au rôle des petites et moyennes entreprises et de l'artisanat. Nous savons bien que ce sont eux qui offrent les meilleures chances de créer des emplois, à condition que leur environnement réglementaire, fiscal ou commercial s'y prête.

Nous nous sommes également attachés à favoriser le dialogue social. Ainsi, la Conférence sociale européenne réunie à Paris le 30 mars dernier a montré que les partenaires sociaux étaient prêts à assumer pleinement leurs responsabilités dans la mise en oeuvre des conclusions d'Essen en ce qui concerne les orientations structurelles de la politique de l'emploi.

De la même manière, le Conseil européen - pour la première fois à ma connaissance - a souligné que l'introduction de la concurrence devait être compatible avec les missions d'intérêt économique général, autrement dit avec l'existence des services publics, qui apportent, entre autres, une contribution très significative à l'emploi.

Par ailleurs, nous avons réussi à assurer le financement en 1995 et 1996 des quatorze grands projets d'infrastructures de transport. En effet, le Conseil européen a constaté qu'un montant de 500 millions d'écus était disponible sur le budget communautaire. Il a demandé à la Commission de présenter au plus tôt les projets éligibles, mais l'a également incitée à vérifier si une réduction des coûts des projets était envisageable. Je voudrais saluer l'action du Parlement européen sur ce sujet. Votre Assemblée et son président ont apporté un soutien actif aux initiatives de la présidence et ont contribué à leur succès.

Enfin, n'oublions pas la dimension internationale de l'emploi et la concurrence souvent déloyale de certains pays tiers. Le mémorandum de la présidence sur la dimension sociale du commerce international, qui a été débattu lors du Conseil des affaires sociales du 27 mars, a permis de faire progresser le consensus sur cette question au sein de l'Union.

B - Deuxième grande préoccupation des Européens : la sécurité intérieure et, plus généralement, le domaine des affaires intérieures et de justice.

L'approfondissement des coopérations policière et judiciaire, en particulier contre la criminalité organisée et le trafic des stupéfiants, est ressenti comme indispensable.

Vous le savez, il s'agit d'un domaine sensible, dans lequel il nous faut trouver des solutions efficaces. Entre ceux qui mettent en avant la liberté de circulation et ceux qui insistent sur les nécessaires contrôles. Entre, également, les Etats soucieux de leurs prérogatives en matière d'ordre public, et ceux qui prônent un développement des compétences communautaires.

Je voudrais rappeler les principaux résultats de la présidence française :

- L'élargissement des missions de l'Unité de drogue d'Europol et le renforcement de la coopération douanière représentent des progrès significatifs.

- Mais surtout, trois Conventions importantes ont pu être adoptées sous notre présidence : il s'agit de la Convention sur le Système d'information douanier - SID -, de la Convention sur la protection des intérêts financiers de la Communauté et enfin de la Convention instituant Europol.

S'agissant plus particulièrement d'Europol, il convient de rappeler l'importance des travaux qui ont été conduits sous la présidence française. Au mois de janvier dernier, seuls treize articles du projet de Convention, sur un total de quarante-trois, faisaient l'objet d'un accord. Un consensus sur l'ensemble de la Convention a été enregistré à Cannes.

Les questions essentielles qui demeuraient en suspens ont été réglées. Il s'agit aussi bien de l'architecture et de la structure informatique d'Europol, que du droit d'accès des personnes aux données les concernant ou de l'inclusion du terrorisme parmi les objectifs d'Europol.

La Convention pourra ainsi être formellement adoptée dans les délais les meilleurs et soumise aux Parlements nationaux dans le cadre des procédures de ratification. Il ne restera plus ensuite à résoudre que la question des compétences à attribuer à la Cour de justice des communautés. Elle devra être réglée au plus tard pour juin 1996.

Permettez-moi de m'éloigner un instant de ma fonction de président sortant et de dire un mot de la Convention de Schengen à laquelle le Parlement européen porte une attention particulière. Je voudrais que la position de la France soit bien comprise. Nous sommes pour l'application de la Convention. Mais nous constatons, au terme de la période probatoire, que des problèmes subsistent : ils concernent l'attribution des visas, le système informatique et les contrôles aux frontières. C'est pourquoi la France fait usage provisoirement de l'article 2 de la Convention. Nos partenaires le comprennent bien : ils reconnaissent qu'une grande vigilance doit être exercée. Je souhaite que la Convention puisse s'appliquer sans réserve dans quelques mois.

C - Troisième préoccupation de nos citoyens : l'aspiration à une identité culturelle.

Nous sommes entrés dans le temps de l'image, de communications sans cesse plus rapides. Notre devoir est d'y préparer l'Europe.

C'est pourquoi le thème de l'identité culturelle européenne a été l'une des priorités de la présidence française. Si l'Europe veut avoir un message, elle doit avoir une image. Dans le domaine éducatif également, elle doit, tout en respectant les diversités, susciter les échanges.

Je sais que, dans le domaine culturel, le Parlement européen est conscient des enjeux : je voudrais rapidement rappeler ce qui a été fait au cours de ces six derniers mois :

- Dans le domaine de l'audiovisuel, il y a eu un accord politique au conseil des ministres de la Culture sur le renouvellement pour 5 ans, avec un montant en forte augmentation, du programme MEDIA. Ce programme pourra développer les actions en faveur de la formation des professionnels de l'audiovisuel, le développement et la distribution des oeuvres européennes. Par ailleurs, le Conseil a engagé les travaux de révision de la directive "télévision sans frontière" sur proposition de la Commission.

- Dans les domaines de l'éducation, de la jeunesse et de la formation professionnelle, trois programmes communautaires pour la période 1995-1999 ont été mis en oeuvre avec le concours actif du Parlement européen. Il s'agit de Leonardo (formation professionnelle), de Socrates (enseignement scolaire et supérieur) et de Jeunesse pour l'Europe III (échanges de jeunes).

- Enfin, je rappellerai que le conseil des ministres de l'Education et celui des ministres des Affaires étrangères ont également adopté des conclusions, sur l'enseignement des langues et le respect du plurilinguisme. La diversité linguistique est un élément fort de l'identité culturelle européenne.

D - Je ne puis ici mentionner tous nos efforts pour aller à la rencontre des attentes de nos citoyens, notamment dans le domaine de la santé ou de l'environnement.

Il est cependant un domaine que je voudrais citer, car il est suivi de manière très attentive par ceux des Européens qui sont peut être les plus sensibles et les plus attentifs à notre action : je veux parler bien sûr de la politique agricole commune. Des résultats importants ont été enregistrés, puisque le Conseil de l'Agriculture du 22 juin a permis de parvenir à un accord sur les prix agricoles, d'apporter une solution au dossier agri monétaire et de débloquer la directive sur le transport des animaux vivants.

III - RENFORCER L'ACTION EXTERIEURE DE L'UNION EUROPEENNE

C'est le troisième grand thème de mon intervention. Ici, l'enjeu était de montrer que l'Europe pouvait avoir une action internationale cohérente et développer un projet extérieur.

Pour ce faire, nous avons agi dans trois directions :

- l'ouverture à nos voisins

- la contribution de l'Union européenne à la sécurité du continent

- la mise au point d'une politique ambitieuse de coopération avec les pays tiers.

A - L'ouverture à nos voisins

J'ai déjà mentionné, et je n'y reviendrai pas, nos relations avec les pays d'Europe centrale et orientale, les pays baltes ainsi que Chypre et Malte.

Je voudrais à présent évoquer notre action en direction de deux voisins immédiats : la Turquie et la Russie.

Après des années de négociation, l'Accord d'union douanière avec la Turquie a été signé lors du conseil d'association du 6 mars dernier. Cet accord est à présent soumis à l'approbation de votre Assemblée.

Vous prendrez votre décision. Permettez-moi cependant d'appeler votre attention sur un point : nous ne devons pas décourager l'aspiration de la Turquie à s'associer à l'Europe. Ce mouvement va de pair avec l'effort difficile engagé par le Premier Ministre turc vers plus de démocratie et une meilleure protection des droits de l'homme. Si nous rejetons cet appel, nous courons un double risque : renforcer, en Turquie, les partisans de l'intégrisme ; conduire ce grand voisin, s'il est déçu par l'Europe, à se tourner vers d'autres coopérations.

Ma conviction profonde est que l'Europe ne doit pas ménager son soutien et sa compréhension à un gouvernement turc qui souhaite progresser vers nos valeurs. Notre message sera écouté par les 60 millions de Turcs, mais également par les 240 millions de turcophones qui vivent dans la région. Evitons de faire le jeu des mouvements intégristes, qui s'efforcent de persuader le peuple turc que l'Europe le rejette en raison de son appartenance à la religion musulmane.

S'agissant de la Russie, notre objectif commun demeure d'établir avec elle une relation de partenariat et de coopération. Une réflexion s'est engagée, notamment lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères à Carcassonne en mars dernier, sur l'évolution possible de nos relations de sécurité avec la Russie. Celles-ci pourraient se traduire à terme par la conclusion d'un accord entre ce pays et l'Alliance atlantique, dans le prolongement du partenariat pour la paix.

Il est vrai que cette stratégie a été contrariée par la situation en Tchétchénie. Les Quinze ont eu l'occasion de condamner à maintes reprises l'intervention russe. Mais le Conseil européen de Cannes, constatant que des progrès avaient été accomplis, et comptant sur la confirmation de ces progrès, s'est prononcé pour la signature de l'accord intérimaire.

B - L'Union européenne contribue également à la sécurité du continent européen. J'en fournirai trois illustrations.

D'abord, l'ex-Yougoslavie : sur proposition de la présidence française, l'Union européenne a confié à son nouveau médiateur, M. Carl Bildt, une mission précise comprenant en premier lieu la levée du siège de Sarajevo, par l'établissement en particulier d'un corridor d'accès terrestre. C'est aujourd'hui notre toute première priorité. M. Bildt a été chargé également de renouer le dialogue avec toutes les parties bosniaques sur la base du plan de paix élaboré par le groupe de contact, de rétablir le dialogue entre le gouvernement croate et les Serbes des Krajinas, de reprendre la négociation sur la reconnaissance mutuelle de la République fédérale de Yougoslavie et de la Bosnie-Herzégovine, comme première étape vers une reconnaissance générale de tous les Etats issus de l'ancienne Yougoslavie, enfin d'obtenir le plus rapidement possible un moratoire sur toutes les opérations militaires en Bosnie. Ces objectifs sont pour nous des conditions indispensables vers un retour à la paix.

Un message fort a été envoyé, parallèlement à l'attitude de fermeté adoptée sur le terrain avec la mise en place de la Force de réaction rapide. M. Bildt doit rendre compte au conseil " affaires générales " du 17 juillet des résultats des nombreuses démarches qu'il a entreprises afin de progresser sur la voie des objectifs que je viens de rappeler.

L'Union a été active à l'égard de l'ensemble de l'ex-Yougoslavie. S'agissant de la Slovénie, le Conseil a adopté un mandat de négociation pour un accord d'association donnant vocation à l'adhésion tandis que pour la Croatie, a été adopté un mandat de négociation pour un accord de coopération. A relever enfin la mise en place des moyens financiers pour l'administration de la ville de Mostar en 1995.

Deuxième illustration : le Pacte de stabilité. Ce fut en 1993 l'une des premières actions au titre de la politique étrangère et de sécurité commune, la PESC. Cette action de diplomatie préventive visait à empêcher de nouveaux conflits de type yougoslave, en développant, entre pays d'Europe centrale et orientale, les accords de bon voisinage et en favorisant le règlement des contentieux frontaliers. Cette initiative a réussi : la Conférence de clôture des 20 et 21 mars à Paris a permis l'adoption d'une déclaration finale de grande portée et l'enregistrement de nombreux accords bilatéraux. En outre, l'Union européenne a prévu des mesures d'accompagnement destinées à financer des projets de coopération entrant dans le cadre des objectifs du Pacte.

Troisième illustration : l'Union peut jouer un rôle dans l'apaisement de certains conflits qui perdurent en Europe. Je pense à Chypre, qui a vocation à l'adhésion mais qui ne pourra rejoindre définitivement l'Union qu'une fois réglé le conflit entre les deux parties de l'île. Je pense aussi à l'ex-République yougoslave de Macédoine, l'un des Etats les plus déshérités de l'Europe ; nous devons tout mettre en œuvre pour favoriser le règlement du contentieux qui oppose ce pays à l'un de nos Etats membres.

Bien que cela ne se situe pas dans le cadre des activités de la présidence française, je n'aurai enfin garde d'omettre de mentionner le rôle éminent que nous assignons à l'Union de l'Europe occidentale. Je salue, à cet égard, l'action dynamique de la présidence portugaise au cours du premier semestre.

C - Enfin, l'Union européenne a défini de manière ambitieuse le cadre de ses relations avec les pays tiers.

Elle s'est d'abord engagée dans une stratégie de coopération avec les pays riverains de la Méditerranée, dans la perspective de la Conférence euroméditerranéenne de Barcelone les 27 et 28 novembre prochains, qui rassemblera les quinze pays de l'Union et leurs douze voisins méditerranéens. Le document adopté par le Conseil européen, qui va à présent être discuté avec les pays tiers, comporte un volet politique et de sécurité, un volet économique et financier, enfin un volet social et humain.

Chacun mesure la signification d'une telle politique, au moment où cette région fait l'objet de tant d'interrogations ! Je n'en mentionnerai que deux :

- l'avenir du processus de paix au Proche-Orient. Rappelons que l'Union européenne en est de loin le premier contributeur financier et qu'elle doit jouer dans cette région un rôle politique plus important. La mission de coordination de l'observation des élections palestiniennes confiée à l'Union par les deux parties souligne notre engagement.

- la situation en Algérie, qui reste une de nos préoccupations majeures. L'Union doit encourager l'évolution économique en Algérie et appeler à un règlement politique qui passe par un dialogue démocratique et un processus électoral. De manière plus générale, nous devons contribuer à la stabilité du Maghreb et répondre à sa volonté de rapprochement avec l'Europe. L'accord d'association signé avec la Tunisie sous notre présidence doit ouvrir la voie à d'autres accords ambitieux et d'abord avec le Maroc qui, le premier, a manifesté son souhait d'ancrage à l'Europe.

Cette politique méditerranéenne a été dotée de moyens financiers adéquats, puisqu'un accord a été possible à Cannes sur une enveloppe quinquennale de 4,6 milliards d'écus à comparer aux 6,6 prévus pour les pays de l'Est. Ainsi, nous rééquilibrons notre effort. La part consacrée à la Méditerranée, qui ne représentait que 40 % de celle des PECO, atteindra désormais 70 % des crédits alloués à ces derniers.

Je ne puis dresser un tableau exhaustif de nos relations avec les pays tiers. Je souhaite toutefois rappeler que le 30 juin, à quelques minutes de la fin de notre présidence, un accord est intervenu avec les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) sur la Convention de Lomé IV et le montant du VIIIe Fonds européen de développement (FED), à savoir 13,3 milliards d'écus sur 5 ans. Ce chiffre a fait l'objet d'un accord au Conseil européen de Cannes, après plusieurs mois de blocage.

La présidence française - et si vous me permettez de le dire, le président du Conseil européen lui-même - a consacré beaucoup d'efforts à cette question. Son souci était de démontrer que l'Union européenne ne se désengage pas de l'aide au développement et qu'au moins, elle maintient à Quinze, en termes réels, l'effort préalablement consenti par les Douze.

Monsieur le président,

Mesdames et Messieurs les députés,

Il est d'usage que la présidence sortante s'adresse à votre Assemblée pour présenter les résultats du semestre écoulé. Mais ce bilan, que j'estime positif, n'est pas seulement celui de la présidence. Nous avons bénéficié, dans le cadre d'une coordination étroite, de l'appui de l'Allemagne qui nous a précédés et de l'Espagne qui nous succède. Tous les Etats membres ont, je crois, compris nos objectifs et nous ont aidé à les réaliser. Je salue également la Commission, qui n'a pas ménagé son soutien. Je remercie enfin votre Assemblée, pour son action vigilante, parfois exigeante, qui nous a également apporté un concours actif.

Je souhaite, en conclusion, vous dire, en quelques mots, la vision qu'a la France de l'avenir de l'Europe.

La France est en faveur d'une grande Europe, qui rassemble enfin notre continent comme le souhaitait le Général de Gaulle. A Cannes, nous en avons eu une préfiguration hautement symbolique.

Nous voulons aussi des institutions efficaces, qui puissent bien fonctionner après l'élargissement, ce qui implique, selon nous, un renforcement de la capacité de décision du Conseil.

La France souhaite également une Union européenne plus démocratique. Cela suppose que votre Assemblée continue à jouer pleinement son rôle ; mais cela signifie aussi un renforcement du rôle des Parlements nationaux.

Enfin, nous voulons que l'Europe fasse entendre sa voix sur la scène internationale. Grâce à sa politique extérieure et de sécurité commune, grâce aussi au rôle de l'Union de l'Europe occidentale, un véritable pilier européen doit se développer au sein d'une Alliance atlantique rénovée et rééquilibrée.

C'est ainsi que notre Union européenne, renforcée et élargie, pourra enfin affirmer son identité dans le monde.





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