Point de presse conjoint du Président de la République et du Roi de Jordanie.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République et de sa Majesté le Roi ABDALLAH II de Jordanie.


Palais de l'Elysée - Paris le lundi 20 mars 2006.


LE PRESIDENT - Je suis heureux de recevoir aujourd'hui le Roi ABDALLAH de Jordanie pour qui, comme tous les Français, j'ai beaucoup d'estime et beaucoup d'amitié. Nos relations sont anciennes et solides. Il existe entre nos deux pays une très importante coopération dans tous les domaines : politique, économique, culturel. D'où, au-delà du plaisir que j'ai à recevoir Sa Majesté, l'intérêt d'un renforcement permanent de cette relation et de cette coopération exemplaire entre le Royaume et la France.

Chacun comprendra que nous avons d'abord évoqué les problèmes internationaux et régionaux et ceci, dans un esprit qui est notre esprit commun, c'est-à-dire de privilégier la paix et la sécurité.

Nous avons évoqué le processus de paix israélo-palestinien. Nous avons exprimé une certaine préoccupation et espéré que la sagesse l'emporte et que le processus de paix puisse redémarrer.

Nous avons évoqué le dossier iranien en soulignant l'importance de ce problème pour la stabilité au Moyen-Orient. J'ai aussi indiqué à Sa Majesté que la France, l'Angleterre et l'Allemagne pratiquaient une politique de main tendue et avaient bien l'intention de poursuivre cette politique. Mais à condition qu'à un moment donné, il y ait une main qui se tende aussi du côté de l'Iran.

Nous avons évoqué les problèmes du Liban et de la Syrie, qui nous préoccupent tous les deux, pour nous réjouir du Dialogue national qui est un progrès indiscutable, pour nous réjouir du progrès de l'enquête de la Commission d'enquête internationale et du travail du juge BRAMMERTZ et puis, également, pour évoquer l'importance qu'il y a à respecter les résolutions des Nations Unies, y compris la résolution 1559, et créer les conditions d'une relation plus normale entre le Liban et la Syrie.

Nous avons évoqué l'Irak et c'était pour moi l'occasion d'entendre Sa Majesté dont la compétence dans ce domaine est reconnue.

Nous avons conclu sur la nécessité de renforcer la lutte contre la violence, contre le terrorisme et contre l'extrémisme d'où qu'il vienne. C'est un des problèmes majeurs de notre temps.

Nous avons rapidement abordé les relations bilatérales. Non pas qu'elles ne soient pas importantes, mais parce qu'elles ne posent pas beaucoup de problèmes. Nous avons, en particulier, évoqué les résultats de la récente Commission mixte jordano-française pour faire le point sur l'ensemble de nos actions de coopération marquées, notamment, par tout ce qui touche la modernisation de l'Etat. L'Etat jordanien faisant un effort considérable d'adaptation et de modernisation de ses structures, nous ne pouvons qu'admirer cet effort.

Dans le domaine de l'eau, de l'agriculture et du développement durable, notre coopération est également très importante, et je n'ai pas besoin de souligner l'importance qu'y attache Sa Majesté. Notre coopération universitaire est exemplaire et peut encore se développer. Je rappelle enfin que la France est le premier investisseur en Jordanie et que nous avons donc des liens qui sont, au-delà du cœur, ceux de l'intérêt.

Voilà ce que je voulais simplement dire pour rendre compte de ces entretiens auxquels, pour ma part, j'attachais la plus grande importance, avec Sa Majesté le Roi de Jordanie.

LE ROI ABDALLAH II - Merci, Monsieur le Président. Je suis très heureux de me retrouver aujourd'hui avec vous. J'ai été très touché par la chaleur de votre accueil, de votre hospitalité. Il existe entre la Jordanie et la France une relation privilégiée et très ancienne. Nous sommes toujours reconnaissants du soutien que la France nous a accordé tout au long de ces années.

Nous sommes à un moment où nous devons faire face à tant de défis dans la région du Proche et Moyen-Orient. Et devant ces défis, devant ces problèmes, l'ensemble des parties prenantes doivent absolument prendre leurs responsabilités et contribuer à créer un climat, une atmosphère permettant de créer deux Etats d'Israël et de Palestine, vivant côte à côte, en paix. La communauté internationale doit également alléger les souffrances du peuple palestinien, en tout cas, sur le plan humanitaire.

L'Irak est un sujet qui suscite beaucoup d'inquiétudes. Nous sommes déterminés à soutenir le peuple irakien pour construire un avenir démocratique, prospère, libre et indépendant. Pour réaliser cet objectif, la Jordanie a l'intention d'accueillir une rencontre entre les dirigeants religieux irakiens dans le mois qui vient.

Nous avons également abordé le problème libanais. La Jordanie soutient le Dialogue national libanais actuellement en cours. Evidemment, nous appelons au respect le plus total de la légitimité internationale et nous appelons également à coopérer totalement avec la Commission d'enquête internationale.

Comme l'a dit, le Président CHIRAC, il y a des relations très anciennes et privilégiées, très fortes entre nos deux pays. Le Président vient de le mentionner, nous avons également abordé les relations bilatérales : sur le plan économique, nous sommes tout à fait reconnaissants à la France du soutien qu'elle nous apporte en ces temps difficiles. Les entreprises françaises sont les premiers investisseurs en Jordanie. Nous souhaitons voir se renforcer ces liens entre les compagnies et les peuples des deux pays.

Encore une fois, je voudrais vous remercier pour votre hospitalité, Monsieur le Président, et j'espère que nous aurons l'honneur de vous accueillir en Jordanie bientôt afin de renforcer encore plus les relations entre les deux pays. Je vous remercie, Monsieur le Président.

QUESTION - Sa Majesté a lancé plusieurs fois un appel pour que soit apportée une aide immédiate au peuple palestinien. Quelles sont les mesures que va prendre l'Union européenne pour aider le peuple palestinien ? Deuxièmement, comment voyez-vous ce dialogue concernant l'Irak, et également, l'intervention iranienne et les encouragements à l'Iran de laisser tomber son programme nucléaire pour le moment ?

LE PRESIDENT - Courte question mais vaste programme ! Premièrement, s'agissant de l'aide européenne qui est la principale aide que reçoivent les Palestiniens, notre position est la suivante : d'une part, vous le savez, l'Europe a pris une position claire sur la nécessité pour tout gouvernement palestinien, y compris un gouvernement constitué par le Hamas -nous respectons parfaitement la sanction des urnes-, de répondre à trois obligations qui sont le rejet de la violence, la reconnaissance d'Israël et la reconnaissance des accords internationaux qui ont été signés entre Israël et l'Autorité palestinienne. Dans ce contexte, il y aurait une coopération qui implique notamment la poursuite des aides.

Si ce résultat n'est pas évident ou acquis immédiatement, nous pensons qu'en toute hypothèse, on ne doit pas sanctionner le peuple palestinien de façon économique, il a suffisamment de problèmes et difficultés. Donc, il faut trouver le moyen de poursuivre l'aide européenne au peuple palestinien. Je souhaite que l'on trouve les meilleures solutions, avec le Président de l'Autorité Palestinienne, le Président Mahmoud ABBAS, pour que cette aide puisse se poursuivre sans être envoyée là où elle ne devrait pas l'être, autrement dit sous l'autorité du Président palestinien.

Sur l'Iran, je vous ai dit que nous souhaitons que les négociations permettant de retrouver un peu de bon sens puissent se poursuivre. C'est ce à quoi tendent les trois Européens qui mènent ces conversations. C'est-à-dire que nous souhaitons que l'Iran veuille bien accepter, en échange d'une légitime satisfaction sur le développement de l'électronucléaire en Iran, de confirmer ses engagements antérieurs, c'est-à-dire de ne pas participer à une prolifération qui n'est dans l'intérêt de personne, notamment pas de la région.

QUESTION - Majesté, on a remarqué une certaine tension dernièrement, dans les relations entre Israël et la Jordanie, après certaines déclarations d'un général israélien. Où en est la relation entre la Jordanie et Israël aujourd'hui et est ce que le départ du général est une condition préalable à la poursuite de ces relations ?

LE ROI ABDALLAH II - Je crois que les tensions ont été aggravées à cause de certaines personnes qui ont monté cela en épingle dans la presse. La relation entre la Jordanie et Israël a toujours été bâtie sur la confiance. Et si nous devions, des deux côtés du Jourdain, nous inquiéter de ce que dirait telle ou telle personne, nous n'en finirions pas. Il y a d'autres problèmes que nous devons traiter et, en tout cas, j'ai oublié cette déclaration aussitôt après l'avoir entendue.

Je voudrais rassurer tout le monde et dire que les relations entre Israël et la Jordanie sont tout à fait normales. Nous ne devons pas accorder trop de crédit à des déclarations individuelles qui ne reflètent pas la force de nos relations.

LE PRESIDENT - La sagesse royale···

QUESTION – Monsieur le Président, vous avez souhaité vendredi que le dialogue avec les partenaires sociaux s'ouvre au plus vite. Les syndicats exigent comme préalable le retrait du CPE. Faites-vous toujours confiance au Premier ministre pour débloquer la situation rapidement ?

LE PRESIDENT - Je veux simplement dire qu'il est capital d'agir pour l'emploi des jeunes. Et le Contrat Première Embauche marque cette volonté déterminée du Gouvernement et du Parlement. Alors, des interrogations et des inquiétudes s'expriment, et c'est tout à fait légitime, notamment dans notre pays, mais elles ne doivent pas conduire à ne rien faire face au chômage des jeunes. Ce qui est un risque.

L'enjeu des jours qui viennent, c'est d'ouvrir, dans cet esprit, un dialogue constructif et confiant qui peut permettre d'améliorer le Contrat Première Embauche. Je sais que c'est la volonté du Premier ministre et du Gouvernement et je ne peux que l'approuver. Et je fais confiance à l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux et des représentants des jeunes pour s'engager sur cette voie qui est celle de l'efficacité et de la sagesse.

QUESTION – Majesté, après les derniers évènements à Jéricho, un grand nombre d'Arabes ont perdu confiance dans les partenaires internationaux qui étaient là pour superviser les accords de paix, en tous cas les Britanniques et les Américains. Est-ce que les pays arabes peuvent encore faire confiance à ces parties, ou doivent-ils se tourner vers d'autres ?

Deuxièmement, Monsieur le Président, allez-vous ouvrir un dialogue direct avec les Syriens sur l'assassinat du Premier ministre libanais, après le rapport encourageant qui indique que la Syrie est plus coopérative ?

LE ROI ABDALLAH II - Nous sommes dans une phase d'attente concernant le processus de paix. Les Palestiniens sont en train de former leur gouvernement, les élections israéliennes auront lieu dans une semaine. Mais je reste convaincu que le Quartet est le meilleur moyen pour aller de l'avant dans le processus de paix, avec la participation des Nations Unies.

Je suis certain que les dirigeants de ces pays sont tout à fait engagés et confiants dans la solution de deux pays vivant côte à côte dans la paix et la stabilité. Nous devons aujourd'hui attendre la formation du nouveau gouvernement palestinien et les résultats des élections israéliennes. Je sais que la communauté internationale a des responsabilités immenses pour que nous puissions parvenir, en fin de compte, à un Etat palestinien viable aux côtés de l'Etat d'Israël, dans des frontières sûres. J'espère que cela nous permettra d'aller de l'avant.

LE PRESIDENT - S'agissant du rapport BRAMMERTZ, je ne peux, tout d'abord, que saluer le travail qui a été fait, me réjouir que l'idée d'un tribunal international soit dorénavant admise, notamment par le Conseil de sécurité des Nations Unies et par les autorités libanaises. Je ne dirais pas absolument, comme vous, que ce rapport souligne la coopération de la Syrie. Je crois qu'il y a encore beaucoup à faire. Mais c'est absolument essentiel.

Il est fondamental que les relations entre la Syrie et le Liban puissent être normalisées le plus rapidement possible. Cela suppose qu'il y ait un minimum de confiance, que le gouvernement puisse réellement gouverner, que l'ingérence des services de sécurité syriens disparaisse, que les résolutions du Conseil de sécurité puissent être appliquées, notamment la résolution 1559. Sur tout ceci, nous sommes encore loin du résultat.

J'espère que le dialogue national qui, pour la première fois, a permis à des Libanais de se retrouver sans la présence d'une autorité de tutelle étrangère permettra, petit à petit, de refaire l'unité complète, y compris sur ces sujets essentiels, de tous les Libanais. En tous les cas, c'est notre vœu.
Je vous remercie.





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