Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Sommet du G8.

Conférence de presse de Monsieur Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Sommet du G8.

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Saint Petersbourg - Russie, le lundi 17 juillet 2006


Mesdames et Messieurs, avant d'évoquer notre réunion d'aujourd'hui, je voudrais vous dire que j'ai décidé d'envoyer le Premier ministre, M. Dominique de VILLEPIN, à Beyrouth et de lui demander d'aller exprimer, en mon nom personnel mais aussi au nom de la France, au Premier ministre libanais, M. Fouad SINIORA, notre solidarité dans l'épreuve et notre soutien.

La France est aux côtés du gouvernement libanais pour appuyer son autorité, notamment pour l'indépendance, la stabilité et la souveraineté du Liban. Alors que les violences, hélas, se poursuivent, j'appelle une nouvelle fois, d'abord à l'arrêt des bombardements, à l'arrêt des tirs de roquette qui ont agressé Israël, à l'arrêt des attaques qui atteignent à la fois les populations qui connaissent aujourd'hui des morts et des blessés, une situation dramatique -mais aussi des équipements qui représentaient un effort considérable accepté, consenti et voulu par le Liban et sa population pour reconstruire ce pays et qui, d'un seul coup, sont, pour une partie importante, anéantis. Avec les conséquences que cela comporte en termes de routes, de ponts, de centrales électriques, en d'autres termes aussi, pour cette malheureuse population qui supporte les conséquences de ces comportements à la fois violents et aberrants.

J'appelle -j'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, notamment à nos partenaires, qui l'ont approuvé- à la libération des soldats israéliens qui ont été enlevés, soit par le Hamas, soit par le Hezbollah. J'ai indiqué, hier, à tous nos partenaires combien il était essentiel que la résolution 1559 du Conseil de sécurité qui a été, pour une large part, vous le savez, d'origine française et qui a été défendue, à l'époque, par la France, soit appliquée intégralement. Cette résolution 1559 et cette action de la France, à ce moment là, a eu pour résultat déjà -et c'était considérable pour le Liban- le départ des soldats syriens qui occupaient le Liban, c'est-à-dire environ 15 000 soldats qui se trouvaient au Liban depuis près de 30 ans. Il faut maintenant aller au terme de ce processus, reconnaître au Liban son autorité, son intégrité, sa souveraineté, son droit à gérer son peuple et son pays. Et pour cela, il faut l'application intégrale de la résolution 1559 qui prévoit notamment, mais c'est essentiel, le désarmement des milices. Car il n'est pas de pays indépendant qui ait une partie de son territoire sous l'autorité de milices incontrôlées et, par conséquent, pouvant obéir à des impulsions qui ne sont pas celles du peuple libanais.

J'ai également évoqué hier, et nous l'avons retenu, l'utilité qu'il y aurait à une initiative de l'ONU, -naturellement, à mettre au point- une force d'intervention internationale, au sud Liban, pour garantir la sécurité, ainsi d'ailleurs qu'un mécanisme de surveillance des frontières. Je n'entrerai pas dans le détail, il appartient à l'ONU d'en discuter, au Conseil de sécurité d'en définir les modalités. C'est le principe que j'ai tenu à faire affirmer. Vous avez vu que le Secrétaire général de l'ONU a bien voulu retenir l'ensemble de ces propositions, il l'a dit très clairement à l'occasion de nos réunions de ce matin en formation de G8 élargi. Et il appartient maintenant à l'ONU de prendre toutes ses responsabilités, je ne doute pas qu'elle les prenne, et qu'elle les prenne intelligemment.

Nous appuyons, vous le savez, sans réserve, la mission que l'ONU a envoyée au Liban. Il faut que toutes les parties comprennent bien que il n'y a pas d'alternative à un dialogue entre Israël et le Président Mahmoud ABBAS pour ce qui concerne les relations entre Israël et la Palestine et que, d'autre part, il n'y a pas de solution autrement que par un dialogue entre Israël et le gouvernement libanais, légitime et démocratiquement élu du Liban, pour trouver une issue à cette crise.

J'appelle, enfin, tous ceux qui sont tentés de soutenir les forces de déstabilisation, d'intervention, au Liban, à comprendre le risque qu'ils prennent et les dangers qu'une telle attitude peut comporter comme conséquences pour la population de Gaza ou du Liban. Voilà, ce que nous avons dit hier et aujourd'hui et dont les principes ont été retenus par le Secrétaire général des Nations Unies et dont l'action et les principes ont été approuvés aujourd'hui par le G8, élargi à ces principaux pays émergents qui nous avaient rejoints pour la journée d'aujourd'hui.

Voilà pour ce qui concerne le Liban et sachez que le Premier ministre français, qui est en train d'arriver au Liban, je crois, apporte véritablement à la fois des encouragements et je dirais du coeur de la France, au Premier ministre SINIORA, à son gouvernement, au peuple libanais et à la majorité qui a charge, démocratiquement, de diriger le Liban.

Pour ce qui concerne les autres sujets que nous avons évoqués aujourd'hui, je voudrais rappeler que le G8 n'est pas un directoire du monde, et que c'est un ensemble de pays qui assument, à des titres divers, des responsabilités particulièrement éminentes. C'est dans ce contexte que, au moment d'Evian, j'avais suggéré et proposé à plusieurs pays émergents importants, de se joindre à nous et d'avoir une discussion élargie, car on ne peut pas traiter aujourd'hui des grands problèmes du monde uniquement dans un cercle trop restreint. D'où l'élargissement de ce cercle qui était une nécessité, c'est ce qui a été refait aujourd'hui. Le Président POUTINE s'est rallié à ce point de vue et nous avons eu, aujourd'hui, les Présidents ou Premier ministre de la Chine, de l'Inde, du Brésil, du Mexique, de l'Afrique du Sud, ainsi que le Président Sassou N'GUESSO, Président du Congo, en sa qualité de Président actuel en exercice de l'Union africaine.

Nous avons rapproché nos positions, celles que nous avions arrêtées hier, en ce qui concerne les problèmes énergétiques. Nous n'avons pas eu beaucoup de mal à le faire, et je dois dire que la cohérence et la cohésion de notre réflexion s'est affirmée simplement. Nous aurons l'occasion d'en reparler très prochainement, au prochain Conseil européen ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle la présidence finlandaise, qui présidera ce Conseil, a eu l'heureuse initiative d'inviter le Président POUTINE pour une séance de travail en Finlande, là où nous nous réunirons, de façon à ce que nous puissions poursuivre la mise en œuvre d'un partenariat. C'est là l'essentiel, un partenariat entre la Russie d'une part, et l'Europe d'autre part, en ce qui concerne l'énergie.

D'autre part, nous avons évoqué longuement -et j'ai eu l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises sur ce point, parce qu'il me préoccupe beaucoup-, les problèmes cruciaux du changement climatique. L'avis exprimé par tous les savants, tous les scientifiques compétents du monde entier est unanime sur les dangers que nous courrons actuellement, en raison du développement de l'émission de gaz à effet de serre. J'ai clairement essayé d'obtenir le ralliement de chacun, d'une part sur les modalités de mise en œuvre de Kyoto, mais également sur l'amélioration de cette technique, c'est-à-dire une plus grande maîtrise de ces émissions de gaz à effet de serre ce que l'on appelle le régime « Kyoto après 2010-2012 » .

Nous avons également longuement évoqué les problèmes liés aux maladies infectieuses, d'abord entre nous, puis avec les principaux émergents, avec nos partenaires et, bien entendu, nous avons évoqué la lutte contre le sida. J'ai insisté sur le fait que la France faisait un effort particulier à cet égard, tant par la mise en œuvre d'un système de financements innovants, par une taxation des billets d'avion, que par sa contribution, 300 millions d'euros l'année prochaine au Fonds sida. Mais nous devrions collectivement faire un effort supplémentaire, notamment pour le Fonds, et également pour les financements innovants, si nous voulons mettre en œuvre une politique qui permette réellement d'avoir pour 2010, la généralisation de tous les moyens en médicaments nécessaires pour lutter contre le sida.

Nous avons évoqué la mise en place de Unitaid, c'est-à-dire ce système de financement innovant.

Nous avons également fait adopté, c'était une idée que j'avais beaucoup soutenue depuis un an, le principe d'une assurance-maladie des pays pauvres. J'ai rappelé qu'il y a cent ans, pratiquement, l'Europe était, en ce qui concerne la durée de vie, mais aussi en ce qui concerne les maladies, le système social à peu près au niveau où se trouvent actuellement un grand nombre de pays en développement. Cela ne nous a pas empêché, à l'époque, de concevoir un système d'assurance-maladie qui a été un élément décisif du progrès social pour notre pays et qui a été ensuite imité par les Européens pour l'ensemble de l'Europe.

Je pense donc qu'il est temps de mettre en œuvre cette technique, pour les pays en développement, d'assurance-maladie et, en effet, d'en admettre le principe. Je considère que, pour ma part, c'est un progrès social important, et c'est l'OCDE qui s'est vu confier un rapport rapide et urgent sur le problème de la mise en œuvre de l'assurance-maladie sur les pays pauvres.

Nous avons également entendu avec intérêt tout ce que nous a dit le Président Sassou N'GUESSO, en ce qui concerne les pays en développement et leurs besoins, notamment en matière d'éducation et en matière de santé.

Nous avons enfin évoqué, à l'occasion du déjeuner, les perspectives de l'OMC. J'ai fait remarquer que ce n'était pas vraiment le lieu d'en parler, que l'on pouvait naturellement évoquer les choses, mais que nous n'étions pas en situation de prendre quelque décision ou initiative que ce soit puisque, vous le savez, en ce qui concerne l'OMC, c'est au Conseil européen, c'est-à-dire aux vingt-cinq, ensemble, qu'il appartient et à lui seul de faire, éventuellement, un pas supplémentaire dans les concessions qui ont déjà été très largement faites et qui, à mon avis, ne se justifient plus dans l'état actuel des choses. Sauf en contrepartie de concessions importantes de nos amis américains ou des pays émergents, sur le plan agricole ou sur le plan industriel. Il a donc simplement été indiqué que nous essaierions tous de voir les choses avec le maximum d'intelligence dans cette affaire.

J'ai fait remarquer, néanmoins, que si l'on prenait les derniers rapports qui sont sortis, notamment de la Banque mondiale et aussi de la Fondation CARNEGIE, qui est une Fondation qui fait des rapports très approfondis, très fouillés, très intéressants, on était bien obligé de constater que les pays pauvres qui n'étaient pas représentés ici, -il y avait les pays émergents, mais pas les pays pauvres, en dehors du Président de l'Union africaine qui les représentait tous mais il faut bien dire que les intérêts des pays pauvres ont été oubliés-, le rapport de la Banque mondiale, comme le rapport de la Fondation CARNEGIE, font clairement apparaître que, dans le processus actuel de mise en œuvre par les riches et les émergents, les propositions, en ce qui concerne l'OMC, font bien peu de cas et se font, en réalité, au détriment des pays les plus pauvres.

J'ai tenu à le souligner, notamment pour contester le fait qu'il n'y ait aucun pays pauvre qui puisse faire entendre sa voix dans notre enceinte, s'agissant des problèmes liés à l'OMC. Voilà ce qui a caractérisé la journée.

QUESTION - Je voulais vous dire qu'à l'occasion de ces sommets, ces G8, c'est le dixième auquel vous participez, -je ne vous poserais naturellement pas la question de savoir où vous serez l'année prochaine- je voudrais vous dire qu'à chacun de ces sommets ou quasiment, une crise internationale vient se rajouter. Est-ce qu'il vous paraît que ce soit l'effet du hasard ou est-ce qu'il y a, quelque part, un empêchement que se crée à l'ordre international ?

LE PRÉSIDENT – Vous savez, les hommes étant ce qu'ils sont, il y a toujours un empêchement à se créer un ordre international et il faut beaucoup d'imagination pour essayer de créer un lien entre une crise de quelque nature quelle soit et la réunion d'un sommet. Je crois donc qu'on peut éliminer cette explication qui me paraît un tout petit peu superficielle.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez parlé d'une force internationale et Monsieur BLAIR en a parlé, Monsieur ANNAN a parlé d'une force stabilisatrice pour le Liban. Est-ce que, selon vous, et selon les pays du G8, cette force devrait avoir pour mandat de faire appliquer la résolution 1559 et est-ce qu'on peut vraiment l'envoyer maintenant, alors que les choses vont très mal ? On vient d'apprendre qu'un avion israélien a été abattu et que deux pilotes ont été capturés. Alors, est-ce que vous pouvez nous dire, un peu, comment se fera cette force internationale, quelle est votre idée ?

LE PRÉSIDENT – Premièrement, le comportement d'un certain nombre de gens est tout à fait inacceptable. J'ignorais qu'il y avait deux nouveaux Israéliens qui avaient été fait prisonniers parce que nous étions en réunion. Mais cela ne fait que me confirmer dans l'idée qu'il faut une sorte de cordon sanitaire. Alors, l'idée c'est à la fois d'avoir une force internationale et d'avoir également un cordon qui permette de surveiller, un cordon de surveillance.

Nous avons eu cela à un moment donné au Liban, vous vous en souvenez probablement et cela n'avait pas si mal réussi. Alors, je ne sais pas si le Secrétaire Général de l'ONU retiendra -il a dit qu'il le ferait- le principe de cette proposition, mais je crois qu'il faut vraiment le faire. On ne peut pas laisser les choses aller ainsi, il faut avoir un moyen de répression et, en tous les cas, de surveillance.

Quant à son mandat, je ne peux pas me substituer à l'ONU pour le déterminer, mais, dans mon esprit, l'application de la résolution 1559 est un élément vital. Je le répète, il n'est pas vrai que l'on puisse avoir un Etat indépendant et souverain, et notamment démocratique, ce que le Liban a vocation à être, qui voit une partie de son territoire contrôlée par des milices armées, ce n'est pas possible. La résolution 1559 qui prévoit le désarmement de l'ensemble des milices, d'une part et d'autre part, la mise en place de l'armée libanaise officielle jusqu'à la frontière est donc une exigence sans laquelle il n'y aura pas de Liban.

Et j'appelle tous les Libanais à comprendre cela, quelle que soit leur tendance, quelle que soit leur position, ils n'auront pas de pays stable et de pays indépendant, ils n'auront pas de démocratie s'ils ne comprennent pas qu'il est indispensable d'avoir un pays uni, sous l'autorité d'un gouvernement démocratiquement désigné.

QUESTION – On comprend bien qu'il y a toute une réflexion en cours au sujet de cette force internationale, mais cela paraît un peu confus pour l'instant. Ce matin, le Premier Ministre BLAIR a parlé d'une force internationale, il semblait en parler comme d'une force qui allait amener la paix dans la violence actuelle. Et on comprend, par ailleurs, que ce serait plutôt pour stabiliser la situation. D'autres développent un point de vue qui serait de stabiliser, une fois que les hostilités seront achevées. Est-ce que vous pouvez nous préciser à quoi servirait, et quand interviendrait cette force internationale ? Et je ne comprends pas non plus la distinction entre la force internationale et le cordon de surveillance ?

LE PRÉSIDENT – Nous avons une situation qui exige une intervention extérieure, de façon à essayer de garantir les frontières et d'éviter les agressions des uns contre les autres au travers des frontières. A partir de là, je ne vais pas préjuger ce que ce doit être. Seule l'Organisation des Nations Unies peut le déterminer.

Déjà, on m'a souvent reproché de forcer un peu la main aux Nations Unies, notamment il y a deux jours lorsque j'ai demandé avec beaucoup de fermeté au Secrétaire Général d'envoyer une mission immédiatement, le plus rapidement possible, dans l'ensemble des capitales concernées, Beyrouth, y compris naturellement, Ramallah, et de terminer par la Syrie, pour des raisons que chacun comprendra. On m'a reproché déjà de vouloir trop m'imposer dans cette affaire, donc je ne veux pas préjuger. Le Secrétaire Général a dit clairement qu'il était favorable à son principe, qu'il allait l'examiner et nous verrons ce qu'il proposera et, à ce moment là, nous verrons, si nous devons l'appuyer ou non, mais je ne doute pas que nous l'appuierons.

QUESTION – Monsieur le Président, vous avez, à plusieurs reprises, parlé de forces de déstabilisation qui agissent dans cette crise, au Liban. Est-ce que vous pensez outre la voie diplomatique qu'il faut peut-être aussi envisager d'autres moyens, des moyens de coercition à ces forces déstabilisatrices et si oui, lesquelles ?

LE PRESIDENT – L'application de la 1559, c'est l'élément essentiel, je vous l'ai dit, je vous ai dit pourquoi. C'est un élément essentiel et cela, ça demandera probablement quelques moyens de coercition.

Je vous remercie.





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