Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Premier ministre de la République de l'Inde.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République et de M. Manmohan SINGH, Premier ministre de la République de l'Inde.

New Delhi (Inde) - Lundi 20 février 2006.

M. MANMOHAN SINGH - Monsieur le Président CHIRAC, Mesdames et Messieurs les membres de la délégation, Mesdames et Messieurs, je suis très honoré aujourd'hui, et également mes collègues au sein du gouvernement indien, d'accueillir chaleureusement le Président CHIRAC en Inde. L'Inde et la France ont des relations stratégiques étroites et, si ces liens ont atteint le niveau qui est le leur aujourd'hui et s'ils se sont renforcés, c'est parce qu'il y a eu l'implication personnelle du Président CHIRAC.

Le Président CHIRAC est un homme d'Etat et un dirigeant mondial qui a beaucoup de sagesse, de connaissance et d'expérience. Pour nous, c'est un grand privilège de l'avoir parmi nous aujourd'hui. C'est un ami très cher de l'Inde.

Aujourd'hui, nous vivons un moment marquant dans le renforcement des relations entre les deux pays : neuf accords ou protocoles d'entente ont été signés dans des domaines divers tels que la coopération dans le secteur du nucléaire civil, en matière de défense, de coopération spatiale, d'enseignement mais aussi de la science et des technologies, tout comme en matière culturelle. Le processus qui a été entamé aujourd'hui va produire des résultats dans les années à venir. Ce seront des processus productifs qui seront bénéfiques aux deux pays.

Nous avons évoqué beaucoup de questions, la politique, l'économie dans le monde d'aujourd'hui et, sur la scène internationale, il y a également eu des discussions sur les questions régionales et bilatérales. Et je suis heureux de vous dire qu'il y a une convergence complète entre les deux pays.

Monsieur le Président, votre visite est très importante. Elle a lancé des coopérations dans divers domaines entre les deux pays. Je vous remercie profondément. Vous avez trouvé le temps, dans un emploi du temps très chargé, et je vous remercie.

LE PRESIDENT - Monsieur le Premier ministre, Mesdames, Messieurs, je voudrais, tout d'abord, remercier à nouveau le Premier ministre et les autorités indiennes pour l'accueil chaleureux qui nous a été réservé, auquel nous avons été particulièrement sensibles, ma délégation et moi et, notamment, l'accueil que le Premier ministre a bien voulu me réserver hier soir.

Nous sommes deux nations, deux pays qui ont bien des points communs. Nous sommes des pays de vieille culture, nous sommes des pays profondément attachés à notre indépendance nationale. Nous sommes des pays qui partagent le même idéal de démocratie, le même respect des droits de l'Homme ; des pays qui reconnaissent l'autorité de la loi internationale et la Charte des Nations Unies. Nous sommes des pays respectueux du principe de laïcité, soucieux d'une certaine cohérence dans les efforts qui sont nécessaires pour donner des moyens aux pays les plus pauvres. De ce point de vue, je tiens à souligner l'importance que la France attache au soutien de l'Inde en faveur des financements innovants qu'elle veut mettre en place, à l'occasion d'une toute prochaine conférence internationale à Paris, à laquelle l'Inde sera représentée au niveau ministériel. Nous avons donc beaucoup de points communs.

Nous avons évoqué un certain nombre de points avec le Premier ministre : nous avons, d'une part, examiné nos points de vues respectifs et qui sont, d'ailleurs, très largement concordants s'agissant de l'accès de l'Inde aux technologies nucléaires civiles, indispensables si l'on veut donner à l'Inde les moyens de son développement économique, sans perturber de façon considérable l'environnement, par des émissions excessives de gaz à effet de serre. Et nous comprenons parfaitement, dans ce domaine, la démarche du gouvernement indien, dans le respect, naturellement, de ses exigences économiques, de son indépendance nationale et des exigences de sa sécurité. C'est un point sur lequel nous n'avons pas de divergence de vues.

Nous avons également signé, parmi les accords importants qui ont été évoqués tout à l'heure, un accord de défense qui nous permettra, là aussi, de renforcer notre solidarité dans le domaine de la défense et des équipements de défense.

Nous avons, bien entendu, évoqué les problèmes économiques. Ces problèmes, qui supposent, certainement, un plus fort engagement des deux parties. Je remercie l'ensemble des chefs d'entreprises, grandes, petites ou moyennes, qui ont bien voulu m'accompagner pour avoir les contacts indispensables avec leurs homologues indiens dans le cadre de la conférence économique que nous avons souhaitée le Premier ministre et moi. Elle doit normalement se traduire par une ambition de doublement de nos échanges commerciaux et de notre commerce extérieur, dans un délai de cinq ans. Tout ceci représente une forte densification des relations à la fois politiques et économiques entre l'Inde et la France.

Je tiens, une fois encore, à remercier le Premier ministre et les autorités indiennes pour leur accueil, pour leur ouverture d'esprit et leur coopération dans le cadre de ces discussions. Je tiens également à remercier le Président de la République de l'Inde, qui nous a reçu ce matin avec beaucoup de gentillesse. C'était, pour nous, un grand honneur et une grande satisfaction.

QUESTION - Monsieur MITTAL multiplie les interviews et les déclarations dans lesquelles il déplore le mauvais accueil qui lui a été fait en France. Il parle de procès d'intention. Il explique qu'on ne l'a pas écouté. Il parle même de " xénophobie possible ". Dans ce contexte un peu tendu, ne souhaitez-vous pas le rencontrer, de façon à lever le malentendu, si malentendu il y a ?

LE PRESIDENT - Je dois dire que j'ai du mal à comprendre cette polémique. Tout d'abord, qu'il soit clair qu'elle met en cause deux parties. D'une part, un citoyen britannique d'origine indienne qui a engagé une action entre une société hollandaise et une société luxembourgeoise. Cette action étant, dans l'état actuel des choses, une offre dite hostile, c'est-à-dire inamicale, purement financière, sans aucun projet industriel connu ou révélé et sans aucune concertation préalable, contrairement aux usages. C'est son droit. C'est, en réalité, le droit aussi des Européens d'être soucieux des problèmes d'emploi, des problèmes de technologies, dont ils sont comptables et qui, dans le cas particulier, pourraient être menacés.

Nous ne connaissons pas les projets, pour le moment, et nous attendons de les connaître, sans aucun préjugé particulier. C'est le message que les Européens vont adresser à leurs actionnaires pour qu'ils comprennent la position. Nous n'avons rien contre une opération menée par un groupe étranger à l'égard d'un groupe européen mais, simplement, nous voudrions savoir de quoi il s'agit, quel est le projet pour pouvoir avoir un sentiment sur ce point. Ceci n'implique aucune polémique et c'est une réaction naturelle et légitime.

QUESTION - Tout d'abord, vous avez dit tout à l'heure dans votre déclaration -et le confirmez-vous-, que cette offre n'est pas saine pour la compagnie en question. Est-ce que votre gouvernement prendra des actions directes ou indirectes pour que cette offre ne réussisse pas ?

LE PRESIDENT - Si vous avez compris cela, je me permets de vous dire que vous avez mal compris. Je le répète, nous n'avons pas à engager d'action contre telle ou telle compagnie, même contre telle ou telle procédure. Nous sommes en face d'une situation où une offre hostile, contrairement à tous les usages entre groupes importants, a été engagée, sans pour autant que nous ayons la moindre connaissance des raisons ou du programme proposé par l'actionnaire intéressé. Nous attendons, ce qui est normal, le projet tel qu'il sera présenté par la société Mittal et, à partir de là, nous jugerons, conformément aux traditions et aux lois et à l'indépendance du secteur économique.

M. MANMOHAN SINGH - Cette question a été évoquée pendant les discussions que j'ai eues avec le Président. Il m'a expliqué la position française en détail et j'espère tout simplement qu'une décision équitable sera prise et qu'elle le sera dans les intérêts de tous les actionnaires et de toutes les personnes intéressées dans cette affaire.

QUESTION - La France joue un rôle extrêmement actif pour permettre à l'Inde d'acquérir, un jour prochain, un statut qui l'autorise à engager une coopération nucléaire civile. Qu'est-ce qui vous permet de penser qu'une fois acquis le feu vert de la communauté internationale, ce seront les entreprises françaises qui emporteront les contrats et non leurs concurrentes américaines, par exemple ?

D'autre part, Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous dire aujourd'hui si l'Inde est prête à placer l'ensemble de ses installations nucléaires sous les contrôles et les garanties de l'AIEA, comme c'est mentionné dans la déclaration qui vient d'être signée ?

LE PRESIDENT - Je vous ai dit, tout à l'heure, que la position de la France qui est une position de soutien à l'Inde dans cette affaire, est fonction de deux principes : un principe, je dirais, moral qui est de permettre à l'Inde d'accomplir son développement économique sans être étranglée par un problème énergétique. Deuxièmement, un principe d'environnement qui est de permettre à l'Inde, qui est un pays responsable, de produire l'énergie dont elle a besoin sans émettre des pollutions qui seraient graves pour l'ensemble de la planète. Alors, nous soutenons donc cette position. Nous comprenons parfaitement qu'elle s'intègre dans un programme économique, qui doit être négocié par l'Inde. Et, je le répète, nous la soutenons.

Ceci étant, le problème d'une coopération dans ce domaine entre la France et l'Inde est un problème complètement différent. Pour ma part, je souhaite effectivement qu'il y ait une coopération entre les autorités compétentes indiennes et françaises, mais cela n'a rien à voir avec la position de principe que nous avons arrêtée et développée.

M. MANMOHAN SINGH - Je suis très reconnaissant du rôle joué par le Président CHIRAC et par le gouvernement français, pour la position de principe prise et aussi, pour la promotion des relations entre l'Inde et le Club de Londres, en ce qui concerne le domaine du nucléaire. L'Inde respectera, dans cet esprit, l'accord qui a été signé le 18 juillet 2005 et toutes les installations que l'Inde aura acquises dans l'avenir, à travers la coopération internationale, je le confirme, seront sous contrôle et sous garantie de l'AIEA.

QUESTION - Monsieur le Président, la France a entamé une relation stratégique avec l'Inde en 1998. A votre avis, comment cette coopération a-t-elle évolué au cours des huit dernières années ? L'accord qui a été signé aujourd'hui est-il la cerise sur le gâteau, dans ce domaine ?

LE PRESIDENT - La France a, effectivement, signé, en 1998, un accord stratégique avec l'Inde, fondé sur quelques principes que j'évoquais tout à l'heure, et qui nous sont communs, et sur un intérêt commun. Depuis 1998, je constate que notre relation s'est considérablement renforcée. Nos relations sont permanentes, dans tous les domaines. Nous avons pu le voir, notamment pour ce qui concerne le domaine international, avec la candidature de l'Inde au Conseil de sécurité des Nations Unies que nous soutenons, vous le savez, de façon très ferme ; avec, également la position de l'Inde en ce qui concerne les problèmes électronucléaires, -nous en avons déjà parlé-. Nos échanges, de surcroît, sur le plan politique, sont constants.
Nous partageons, après concertation, une analyse commune en ce qui concerne la plupart des problèmes qui se posent dans le monde d'aujourd'hui. Nos échanges économiques se sont développés et continuent de le faire et nous avons le souhait que, dans ce domaine également, les liens se renforcent. Par conséquent, je peux vous dire que oui, je considère que l'accord et la relation entre l'Inde et la France se développent bien. Et j'observe, aujourd'hui, que le Premier ministre me confirme que son intention est bien de poursuivre sur cette voie. Ce dont je me réjouis.

Je vous remercie.





.
dépêches AFPD3 rss bottomD4 | Dernière version de cette page : 2006-03-07 | Ecrire au webmestre | Informations légales et éditoriales | Accessibilité