Point de presse conjoint du Président de la République et de la chancelière allemande.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République et de Mme Angela MERKEL, Chancelière de la République Fédérale d'Allemagne.

Palais de l'Elysée - Paris le mercredi 23 novembre 2005.

LE PRESIDENT - Je voudrais, tout d'abord, dire la joie qui est la mienne, la nôtre, d'accueillir aujourd'hui le nouveau Chancelier d'Allemagne, Madame Angela MERKEL. Ceci me permet de lui souhaiter, tout d'abord, la plus cordiale des bienvenues. Et si elle me permet de le dire, compte tenu de la nature des relations entre nos deux pays, la plus affectueuse des bienvenues. Je voudrais lui dire, aussi, combien nous avons été sensibles au fait qu'elle ait souhaité venir en France immédiatement après le vote du Bundestag ; je lui en suis très reconnaissant. Nous sommes sensibles à cette marque d'amitié, à cet honneur qu'elle nous fait aujourd'hui.

Nous avons commencé à évoquer les problèmes. Ce n'est pas notre premier entretien, nous nous sommes déjà entretenus de beaucoup de problèmes dans un proche passé. Mais j'ai tenu à redire à Mme MERKEL qu'à mes yeux, et, je le sais, aux siens aussi, la relation franco-allemande a quelque chose de particulier. D'abord, elle rapproche deux peuples qui ont aujourd'hui l'un pour l'autre des sentiments d'estime, de respect et d'amitié. Des sentiments qu'ils ont forgé au terme d'une histoire commune difficile et qui a connu bien des affrontements, dans lesquels la France et l'Allemagne trouvent aujourd'hui les racines de leur amitié et de leur solidarité.

Cela tient aussi à une longue expérience européenne, puisque nous sommes tous deux pays fondateurs de l'Union européenne et, qu'au fond, à l'origine, l'Union européenne a été conçue précisément pour rapprocher la France et l'Allemagne et effacer les séquelles du passé. Cette longue expérience nous a montré que l'Europe, dont les ambitions se sont développées, qui s'est élargie -nécessairement-, l'Europe porteuse de démocratie, porteuse de liberté et de paix, que cette Europe, pour bien fonctionner, doit comporter un axe franco-allemand réellement solide. Non pas que l'Allemagne ou la France veuillent imposer leurs points de vues aux autres Européens, ce n'est pas du tout l'esprit dans lequel se situe la coopération franco-allemande.

Mais, tout simplement, parce que l'expérience le prouve. Si nous ne nous entendons pas, le système se bloque et l'Europe est un peu comme une voiture dont une pièce serait défaillante, ou se casserait. Cela, c'est l'expérience qui nous l'a enseigné, et nous entendons bien respecter cette expérience. D'où l'importance que nous attachons, l'un et l'autre, l'Allemagne et la France, à ce que la relation entre nous soit une relation fondée sur le respect, l'amitié, la compréhension et l'intérêt partagé.

J'ajoute que nous avons de l'Europe une vision commune. Nous voulons, l'un et l'autre, une Europe politique et sociale, une Europe organisée, fondée sur la solidarité, les politiques communes et un effort permanent d'harmonisation de ces politiques communes. Voilà notre ambition au service d'une certaine idée de l'Europe, porteuse de paix et de démocratie pour l'avenir.

J'ai tenu à dire à Madame la Chancelière, à Madame MERKEL, que l'amitié franco-allemande, qui est aujourd'hui fondée autant sur le cœur que sur l'esprit, est en réalité au cœur même de la politique étrangère de la France.

MME ANGELA MERKEL - Merci beaucoup, Monsieur le Président, de cet accueil très chaleureux et d'avoir bien voulu me recevoir dès la formation d'un nouveau gouvernement en Allemagne. Il est, je crois, apparu très clairement -et je voudrais le répéter au nom de l'Allemagne- que cette visite n'a rien d'un rite, mais exprime la conviction profonde qu'une bonne relation franco-allemande, approfondie, amicale, est non seulement importante pour nos deux pays, mais aussi nécessaire et utile à l'Europe.

C'est bien dans un esprit de continuité des relations entre nos deux pays, après de longues années de relations de cet ordre, que nous avons discuté des grands problèmes européens. Nous avons parlé des questions qui intéressent nos pays, et je ne peux que souligner, Monsieur le Président, que vos propos reflètent ma profonde conviction. L'histoire de la France et de l'Allemagne fait que c'est un miracle et un très grand événement historique, que d'avoir pu abandonner les guerres de l'Histoire pour créer relations étroites, non seulement au niveau des responsables politiques, mais aussi entre nos peuples.

Il faut que celles-ci soient constamment alimentées, nourries ; voila pourquoi je suis très heureuse que nous ayons tout de suite décidé de poursuivre le processus de Blaesheim. Et je suis heureuse de pouvoir vous inviter à Berlin début décembre, où nous allons nous retrouver, et continuer ces rencontres régulières, telles qu'elles ont eu lieu jusqu'à présent. Au printemps, nous aurons un Conseil des ministres franco-allemand, une fois que les différents ministres de nos gouvernements auront mieux fait connaissance.

Je crois que les défis de la mondialisation nous obligent à agir de concert en Europe. Les conceptions françaises et allemandes de l'économie sociale de marché, de la mondialisation, doivent être le moteur de ces réflexions. Avec la stratégie de Lisbonne, l'Union européenne a fait les bons choix, mais ces choix doivent être remplis de contenu, de substance. Il y a beaucoup à faire et si nous poursuivons la bonne coopération comme par le passé, nous serons capables de résoudre, en Europe, les problèmes qui doivent être résolus.

Lors de notre entretien, j'ai constaté que nous avions bien conscience de nos responsabilités communes à l'égard des nouveaux pays membres de l'Union européenne, pour leur donner quelque garantie, quelque certitude de pouvoir poursuivre leur développement en Europe. Les regards seront alors à nouveau dirigés vers la France et l'Allemagne, et notre capacité à faire avancer l'intégration européenne. Je suis confiante dans le fait que nous saurons réussir à poursuivre, à développer les relations franco-allemandes. Et je vous remercie une nouvelle fois chaleureusement de l'excellent accueil que vous avez prodigué à notre délégation aujourd'hui.

QUESTION - Madame la Chancelière, votre venue à Paris est historique. En quoi le fait d'être une femme et de venir de cette autre partie de l'Allemagne, va vous donner une forme et une force particulière pour avoir une autre politique, une politique différente ?

MME ANGELA MERKEL - Je ne voudrais pas que le fait d'être une femme et d'être issue de "l'ancienne autre partie" de l'Allemagne fasse que je ferais tout autrement, simplement pour faire autrement : ce qui est bon peut être conservé, développé et approfondi. Quant à l'esprit féminin dans les relations franco-allemandes, il vous appartiendra de former un jugement dans quelques mois. Attendons un peu. Je crois que nous avons eu un entretien très utile et fructueux et le fait d'être une femme n'a pas été un handicap, quoi qu'il en soit.

QUESTION - Vous voulez être au cœur de l'Europe, avec le couple franco-allemand et d'autres pays européens. Pensez-vous que l'Europe réussira à faire respecter les conditions qui ont été posées après le début des négociations d'adhésion avec la Turquie ?

MME ANGELA MERKEL - Il y a une règle internationale très simple : "pacta sunt servanda" et nous nous rallions aux décisions de l'Union européenne. Il y a nos conceptions, que nous avons mises sur le papier dans l'Accord de coalition, en Allemagne. Il y a un long processus devant nous, et il sera conduit, je l'ai dit d'ailleurs au ministre turc des Affaires étrangères, dans l'intérêt mutuel de nos pays et de l'Union européenne. Car il est important d'avoir un rattachement stratégique étroit de la Turquie à l'Europe. C'est ainsi que commenceront les négociations. C'est un long processus et il n'est pas utile de parler dans les toutes prochaines semaines de l'issue de ce processus.

LE PRESIDENT - Nous sommes tout à fait sur la même ligne.

QUESTION - Madame la Chancelière, Paris, Bruxelles, Londres, ce sont vos premiers voyages. Vous voyez-vous dans un rôle de médiateur entre Paris et Londres, pour essayer de redonner de la vigueur aux dossiers européens ?

MME ANGELA MERKEL - C'est aujourd'hui ma première journée dans mes nouvelles fonctions. Je dois tout d'abord défendre les intérêts allemands. Pour défendre les intérêts d'un pays, il y a, bien sûr, toujours un rôle de médiation, mais il y a également l'idée de montrer clairement nos propres positions à nos partenaires, et c'est ce que je compte faire.

Vous savez, l'action politique allemande vise toujours des résultats. Et c'est dans cet esprit que je vais conduire ces déplacements. Attendons donc de voir ce que cela va donner, mais je ne peux guère anticiper le résultat.

QUESTION - Monsieur le Président, Madame la Chancelière, avez-vous parlé des perspectives financières de l'Union dans votre entretien ? Y aura-t-il une proposition commune, concertée, face à une possible nouvelle proposition britannique ?

MME ANGELA MERKEL - Bien sûr, on ne peut pas ne pas parler des perspectives financières dans un tel entretien. Nous sommes actuellement sous Présidence britannique et nous allons attendre les propositions de la présidence britannique, nous allons en parler. Et il existe des propositions issues du précédent Conseil européen. Il serait, je crois, prématuré de se prononcer de façon définitive sur des propositions qui n'ont même pas encore été formulées par les Britanniques.

LE PRESIDENT - Merci.





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