Point de presse conjoint du Président de la République et du Premier ministre du Japon.

Point de presse conjoint de M. Jacques CHIRAC, Président de la République et de M. Junichiro KOIZUMI, Premier ministre du Japon.


Tokyo, Japon, le dimanche 27 mars 2005.

LE PREMIER MINISTRE KOIZUMI - J'ai eu le plaisir de m'entretenir avec le Président CHIRAC à différentes occasions au cours de ces quatre dernières années et Monsieur le Président lui-même aurait souhaité venir beaucoup plus tôt au Japon. Mais chaque fois que le projet de venir au Japon se présentait, il y a eu des inconvénients. Je crois savoir que c'est la cinquantième fois que le Président vient au Japon et je suis particulièrement heureux de l'accueillir dans mon pays.

Le Président CHIRAC est le premier chef d'Etat à se rendre à l'exposition d'Aichi 2005. C'est vraiment le premier chef d'Etat qui a visité cette manifestation universelle. Je voudrais aussi saisir cette occasion pour remercier la participation française à cette manifestation internationale.

Les relations franco-japonaises sont très bonnes. Pour renforcer encore cette bonne relation, nous avons adopté une "Déclaration pour un nouveau partenariat franco-japonais". C'est une orientation à moyen et à long terme qui nous permet de promouvoir la coopération entre nos deux pays. En nous basant sur cette déclaration pour le nouveau partenariat franco-japonais, je m'engage à renforcer davantage la coopération entre nos deux pays afin de confronter les divers enjeux internationaux.

Et je voudrais, pour terminer, remercier encore une fois Monsieur le Président de sa visite au Japon.

LE PRESIDENT - Je voudrais tout d'abord remercier chaleureusement le Premier Ministre pour son accueil auquel je suis particulièrement sensible. Je voudrais également remercier pour leur accueil chaleureux les habitants que nous avons vus aujourd'hui, hier, d'Osaka, de Nagoya, de Aichi et leur dire combien j'ai été sensible à cet accueil.

Les relations politiques, économiques, culturelles entre la France et le Japon sont tous égards excellentes, et elles se trouvent encore renforcées par la déclaration commune que le Premier Ministre KOIZUMI vient d'évoquer.

La France est le deuxième investisseur au Japon et je me réjouis qu'un accord de sécurité sociale ait pu être conclu entre nos deux pays, ce qui facilitera à la fois les investissements de part et d'autre et aussi la vie des cinq cents entreprises françaises qui sont installées au Japon ou des quatre cents entreprises japonaises qui sont installées en France.

J'ai naturellement félicité le Premier Ministre pour la remarquable réalisation de l'exposition universelle d'Aichi. Il est très significatif que cette première exposition universelle du siècle ait pour objectif la défense de l'environnement et le développement durable, et ait pour lieu le Japon.

J'aimerais également évoquer certains problèmes d'actualité. La réforme de l'ONU qui est actuellement en discussion et pour laquelle vous savez que la France soutient sans réserve la position du Japon.

Nous avons évoqué le problème de l'accord qui doit intervenir entre l'Europe et le Japon sur le projet ITER. J'ai indiqué au Premier Ministre que les propositions du Japon sur les pays hôtes et pays non hôtes me paraissaient de nature à permettre un accord entre l'Union européenne et le Japon. Et je le remerciais.

Ce soir, à l'occasion de notre dîner, nous évoquerons les problèmes du financement du développement dans le monde. C'est un domaine où le Japon et la France ont une démarche de même nature et nous allons discuter des moyens de faciliter le développement de cette démarche.

Nous avons également évoqué les problèmes des relations avec la Chine. Nous avons évoqué les problèmes de la Corée et nous évoquerons ce soir les problèmes de l'ensemble du Moyen Orient.

S'agissant du Moyen Orient, nous n'en avons pas encore parlé, mais ayant le privilège de m'adresser à la presse, je vous dirais ce que j'ai l'intention de souligner au Premier Ministre. Tout d'abord, vous le savez, la France a condamné l'odieux attentat qui a été commis au Liban contre l'ancien Premier Ministre, Monsieur HARIRI. Et elle dénoncera fermement tous ceux qui pourraient être tentés de déstabiliser le Liban dans cette période difficile. D'autre part, la France demande l'application intégrale de la résolution 1559, avec notamment le retrait total des forces et des services syriens du Liban. Nous souhaitons également la constitution rapide d'un gouvernement permettant de faire des élections internationalement contrôlées. Enfin, la France souhaite qu'une enquête internationale puisse être engagée immédiatement à la suite de l'attentat contre Monsieur HARIRI, conformément aux conclusions du rapport de Monsieur FITZGERALD.

Nous parlerons de tout cela ce soir. Nous aurons d'ailleurs sur ce point comme sur d'autres une déclaration commune.

QUESTION - Je voudrais adresser ma question au Président CHIRAC ainsi qu'au Premier Ministre Monsieur KOIZUMI.

Le Japon, tout comme les Etats-Unis, se préoccupent de la levée de l'embargo sur les exportations d'armement vers la Chine envisagée par l'Union européenne. Pourriez-vous nous faire part de votre sentiment sur cette question et comment pensez-vous que cette affaire va évoluer et comment allez-vous y faire face ?

LE PRESIDENT - Comme vous le savez, l'Union européenne a décidé, avant la fin de l'actuelle présidence luxembourgeoise, c'est-à-dire avant la fin du semestre, de lever l'embargo sur la Chine. Le Premier Ministre, bien entendu, m'a fait part de ses inquiétudes et m'a demandé des explications. Je lui ai indiqué que cette décision n'était pas de nature à changer les exportations d'armes ou de technologies sensibles à destination de la Chine dans la mesure où ces exportations ou ces technologies sont soumises, d'ores et déjà, notamment en Europe à des contraintes et des règles qui ne peuvent pas être enfreintes. Donc cette décision européenne n'est pas de nature à changer les choses sur le plan de l'armement. En revanche, c'est une décision, dans notre esprit, politique. Les conditions qui ont justifié, à l'époque, l'embargo ne sont plus les conditions d'aujourd'hui et nous estimons que, pour des raisons politiques cette levée est légitimement revendiquée par la Chine. Et c'est pourquoi nous avons pris cette décision.

LE PREMIER MINISTRE KOIZUMI - S'agissant de cette question, comme vient de l'évoquer le Président CHIRAC, j'ai également exprimé ma position : le Japon se préoccupe de la levée de l'embargo et nous sommes fortement opposés à cette décision européenne. Mais le Président CHIRAC vient de résumer le contenu de l'entretien que nous avons eu sur ce sujet.

Depuis plus de 10 ans, la Chine augmente régulièrement son budget militaire, d'un taux supérieur à 10% annuel, donc plus de 10% par an de budget militaire. En revanche, le Japon, depuis ces trois dernières années ne fait que diminuer ces dépenses militaires.

Le Japon ne considère pas le développement économique de la Chine comme une menace, nous considérons plutôt que c'est une nouvelle opportunité qui s'offre aux Japonais. Mais s'agissant de la question de la sécurité et le maintien de l'environnement au niveau de la sécurité, nous considérons qu'il est nécessaire de maintenir une situation de la paix avec Taïwan. J'ai souligné qu'il était nécessaire de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter toute tension en matière de sécurité dans cette région de l'Asie orientale.

QUESTION - Monsieur le Premier Ministre, l'Union européenne a décidé unilatéralement de lancer la construction du réacteur ITER à Cadarache, d'ici la fin de l'année. Etes-vous prêt à renoncer à la candidature de Rokkasho-Mura, et le cas échéant, à quelle condition ?

LE PREMIER MINISTRE KOIZUMI - Je n'ai nullement l'intention de renoncer à Rokkasho-Mura. Avec le Président CHIRAC nous sommes convenus de poursuivre nos pourparlers en la matière pour arriver à une solution qui soit acceptable pour les deux parties.

QUESTION - Vous avez évoqué tout à l'heure, Monsieur le Président, la position de la France pour apporter son soutien à la candidature du Japon pour devenir membre permanent au Conseil de Sécurité de l'ONU.

Quel genre de soutien pourriez-vous apporter au Japon pour que celui-ci soit admis au sein de ce conseil ? Pourriez-vous nous exposer d'une manière concrète les mesures de soutien que vous allez nous apporter et que pensez-vous du droit de veto que le Japon pourrait avoir au cas où celui-ci serait membre du Conseil en tant que membre permanent ?

LE PRESIDENT - Vous savez qu'il y a longtemps que la France a pris une position tout à fait claire, favorable à l'entrée du Japon et de l'Allemagne au Conseil de Sécurité des Nations Unies et naturellement d'y rentrer avec la totalité des droits et obligations des membres du Conseil de sécurité, en particulier, bien sûr, le droit de veto.

Aujourd'hui, le rapport du Secrétaire Général des Nations Unies est connu : les discussions vont s'ouvrir, d'abord au niveau de l'ensemble des pays membres et ensuite une décision interviendra à l'Assemblée générale. La France soutiendra concrètement la position du Japon, comme d'ailleurs la position de l'Allemagne dans cette affaire. Elle est favorable à un élargissement du Conseil de Sécurité pour que les principales nations responsables du monde d'aujourd'hui et de demain y soient présentes et avec la totalité de leurs droits.

QUESTION – Monsieur le Président, nombre de décisions se prennent désormais au niveau européen, c'est vrai pour ITER, c'est vrai pour l'embargo des ventes d'armes à la Chine. Or le non à la Constitution européenne ne cesse de monter en France. Etes-vous inquiet pour le référendum ?

LE PRESIDENT – Quelles que soient nos relations d'amitié anciennes et fortes avec le Japon, ce n'est pas ici que je vais commenter la situation politique intérieure de la France, qu'il s'agisse du référendum qui est prévu prochainement ou d'autres sujets de la même nature.

En revanche, vous avez raison de souligner que de plus en plus de décisions essentielles sont prises dans le cadre européen. Vous en avez cité deux, on aurait pu en citer bien d'autres. Le sort de la France, le sort des Français, comme le sort des Européens en général se joue de plus en plus au terme d'une discussion entre les dirigeants de ces différents pays. Et dans le cadre d'un système dont l'ambition fondamentale est d'enraciner la démocratie et la paix.

D'où l'importance capitale de la voix de la France et du poids que peut avoir la France, comme les autres pays européens, dans cette prise de décision pour demain en raison des conséquences que cela comporte sur le plan économique, social, culturel, politique dans tous les domaines. C'est la raison pour laquelle j'aurai l'occasion de dire aux Françaises et aux Français tout le sérieux avec lequel il faut réfléchir à cette question qui engagera très profondément, pour les décennies à venir, la France et les Français.





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