Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue de la signature du Traité constitutionnel (Rome)

Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue de la signature du Traité constitutionnel.

Rome, Italie, le vendredi 29 octobre 2004.


LE PRÉSIDENT - Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord remercier chaleureusement nos hôtes italiens qui ont parfaitement organisé cette cérémonie de signature du traité constitutionnel européen, très exactement dans les mêmes conditions et au même endroit où fût signé, il y a près de cinquante ans, le traité fondateur de l'Europe.

Aujourd'hui, nous avons franchi une nouvelle étape importante, et c'est la raison pour laquelle j'ai tenu à signer moi-même ce traité. Ce traité constitutionnel est un texte d'une très grande portée. D'abord parce qu'il s'inscrit dans un processus que nous avons voulu, qui consistait à enraciner la paix et la démocratie sur notre continent. Pendant des siècles et des siècles, nous nous sommes battus et nous l'avons payé très cher en terme de larmes, en terme de sang, en terme de gaspillage des richesses produites par les hommes et les femmes d'Europe. Nous l'avons payé très très cher. Nous l'avons payé aussi en terme de liberté, à l'occasion d'un certain nombre d'évolutions historiques contestables.

Alors, l'ambition des pères fondateurs de l'Europe et ce que marque aujourd'hui ce traité constitutionnel, c'est l'enracinement de la démocratie et de la paix en Europe, c'est vingt-cinq États qui ont créé les conditions interdisant, à l'avenir, une remise en cause de la démocratie ou interdisant le recours à la guerre. C'est évidemment l'essentiel de ce que nous laisserons à nos successeurs.

Ce traité, de surcroît, est un grand pas à la fois pour l'Europe et pour la France, c'est un texte de liberté. Avec la Charte des droits fondamentaux, ce texte affirme clairement et sans qu'elles puissent être mises en cause, sur le plan européen, les valeurs qui nous sont communes, les droits de l'Homme, les libertés, le pacte républicain. C'est un texte de progrès démocratique. Les différentes institutions connaissent maintenant leur vocation, leur droit, leur limite. Le Parlement est renforcé, les parlements nationaux voient également leur autorité renforcée, la Commission, le Conseil sont clairement définis.

C'est un texte de progrès économique et social, c'est la première fois dans l'histoire constitutionnelle de l'Europe que le progrès social est déclaré comme indissociable du progrès économique, c'est la première fois. C'est également la première fois que l'on reconnaît le caractère irremplaçable des services publics et vous savez l'importance que la France attache à ce problème.

C'est un texte de sécurité, l'Europe se dote des moyens de garantir mieux ou plus efficacement la sécurité de ses citoyens, et également la sécurité des intérêts qui sont les siens, ici et dans le monde.

C'est un texte d'efficacité, dans la mesure où il adapte nos procédures pour qu'elles puissent être efficaces dans une Europe élargie. Et c'est également un texte d'efficacité dans la mesure où il permet, pour la première fois, à quelques pays qui auraient une vocation ou des intérêts particuliers à aller plus vite et plus loin ensemble, par exemple dans l'harmonisation fiscale ou autre chose, de le faire, ce qui est tout à fait essentiel.

Alors, nous entrons aujourd'hui dans une nouvelle phase qui est celle, après la signature, de la ratification de ce texte. Je saisis dès aujourd'hui le Conseil constitutionnel, conformément à l'article 54 de notre Constitution, pour qu'il se prononce sur la conformité du traité avec notre propre Constitution. Et si le Conseil constitutionnel l'estime nécessaire, bien entendu, le gouvernement présentera au Parlement, réuni en congrès, en début d'année prochaine, les modifications qui apparaîtraient nécessaires pour adapter le traité constitutionnel à notre propre constitution. Et puis, vous le savez, je n'y reviens pas, je proposerai ensuite aux Français, l'année prochaine, de porter leur jugement et de donner leur approbation, et je l'espère, à ce texte par la voie du référendum.

La France qui est à l'origine, avec cinq autres pays, de l'évolution européenne, de la construction de l'Europe, de la sauvegarde de la démocratie et de la paix, est aujourd'hui, en tous les cas j'en suis persuadé, fière et heureuse de ce qui s'est passé à Rome ce matin.

QUESTION - On a parlé d'avancer éventuellement le référendum au premier semestre 2005 en France, est-ce que vous y êtes favorable ? D'autre part, l'exécutif européen n'a pas pu entrer en fonction comme prévu, est-ce que vous considérez qu'un certain nombre de commissaires ne devrait pas être reconduits dans la Commission BARROSO, par exemple Monsieur Rocco BUTTIGLIONE pour ne citer que lui ?

LE PRÉSIDENT - Sur la date du référendum, que j'ai annoncé par ailleurs, vous me permettrez d'attendre l'achèvement des procédures avant d'arrêter définitivement la date. Et je vous en ferai part, naturellement, le moment venu.

S'agissant de la crise de la Commission que je déplore, parce que l'Europe n'a pas besoin aujourd'hui d'une crise au sein des ses institutions, elle a besoin d'une Commission forte, indépendante et capable de travailler dès que possible pour faire face aux problèmes auxquels l'Union européenne est confrontée.

Et s'agissant de la solution de cette crise, je crois que Monsieur BARROSO a eu raison de reporter la présentation de la nouvelle Commission devant le parlement. Je souhaite que Monsieur BARROSO prenne les décisions appropriées pour constituer son collège. Et je souhaite que chacun prenne ses responsabilités pour qu'une solution rapide puisse être trouvée. Je n'ai pas l'intention de faire d'ingérence dans les rapports entre la Commission et le parlement, vous l'imaginez bien.

QUESTION - Monsieur le Président, Yasser ARAFAT arrive à Paris. Est-ce que vous avez une idée de son état de santé ? Et pourquoi la France l'accueille ?

LE PRÉSIDENT - Monsieur ARAFAT et ses plus proches ont demandé à la France d'accueillir le Président de l'Autorité palestinienne pour des examens généraux face à une situation semble-t-il difficile sur le plan de sa santé, sur laquelle je n'ai aucune information et aucun jugement, naturellement. Il allait de soi que la France, terre d'accueil, ne mettrait pas en cause le droit du Président de l'Autorité palestinienne de venir se faire soigner dans notre pays. Nous l'accueillons et tout ce que je peux faire aujourd'hui, c'est de former des voeux pour qu'il retrouve sa santé le plus rapidement possible.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que la France a reçu, à cette occasion, une assurance du gouvernement israélien que Yasser ARAFAT pourrait rentrer à Ramallah ?

LE PRÉSIDENT - C'est ce qui a été déclaré, je crois, officiellement par le gouvernement israélien. Je n'ai donc aucune raison de ne pas le croire.

QUESTION - Monsieur le Président, est-ce que la France aurait retiré son soutien à une Commission européenne qui aurait été élue grâce à l'appui des voix de l'extrême droite au Parlement européen ?

LE PRÉSIDENT - Je ne peux même pas imaginer qu'une telle situation ait pu se produire. En tous les cas, la France, effectivement, et probablement beaucoup d'autres avec elle, ne l'aurait pas acceptée.

QUESTION - Avez-vous un commentaire sur Monsieur BUTTIGLIONE ?

LE PRÉSIDENT - Vous me demandez de faire un commentaire sur une personnalité de la Commission. Je n'en fais pas, ce n'est pas mon rôle de le faire.

QUESTION - Est-ce que vous verriez d'un bon oeil que Monsieur Jacques BARROT change de portefeuille dans la nouvelle Commission que prépare Monsieur BARROSO ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, le portefeuille de Jacques BARROT est un portefeuille très important. Tout ce qui touche au transport est essentiel à tous égards. C'est d'ailleurs ce qui m'a conduit à être étonné, je n'ai pas fait de commentaires, mais à être étonné de la réaction que j'ai pu lire ici où là, chez les commentateurs français ou étrangers. Et donc, je crois que Monsieur BARROT n'a aucune intention, c'est le deuxième point, de changer de portefeuille et il lui appartiendra de discuter, j'imagine, avec le Président de la Commission. Troisièmement, c'est au Président de la Commission de choisir, pas à moi. C'est au Président de la Commission de choisir les portefeuilles qu'il donne à ses commissaires. Par conséquent, je n'ai pas de commentaires ni de voeux à exprimer sur ce point.

Je vous remercie.





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