Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord (Londres)

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. Tony BLAIR, Premier ministre du Royaume Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du nord.

Lancaster House - Londres, le jeudi 18 novembre 2004.


M. Tony BLAIR - Nous sommes ravis d'avoir parmi nous le Président CHIRAC au Royaume-Uni ainsi que ses collègues à l'occasion non seulement du sommet franco-britannique, mais également pour la célébration très importante du centenaire de l'entente cordiale. Nous avons mené plusieurs discussions bilatérales ce matin, qui ont été extrêmement fructueuses, et j'aimerais simplement vous passer en revue certaines des questions que nous avons discutées ensemble.

Tout d'abord, je commencerai par la question de l'Iraq. Les différences sur le conflit sont bien connues, mais nous travaillons tous sous l'auspice de la résolution 1546 des Nations-Unies. Nous voulons tous les deux un processus démocratique en Iraq et nous ferons de notre mieux pour faire en sorte que cela se produise. Certes, nous avons eu ce désaccord bien connu au moment du conflit. Mais j'aimerais vous indiquer, notamment à la lumière de la couverture médiatique que l'on a entendue sur toutes les questions de l'Iran, de l'Afghanistan, des Balkans, sur la question de l'Afrique, sur la question des changements climatiques, nous travaillons très étroitement ensemble ; sur la question de la défense européenne, au niveau de la défense et au niveau de l'industrie, nous travaillons main dans la main. Et il est important de mettre en exergue le fait que nos troupes, nos armées travaillent ensemble dans plusieurs parties du monde, en Bosnie, en Afghanistan, et plus récemment, même si cela s'est fait sur une base très spécifique, en Côte d'Ivoire. Et d'ailleurs, j'ai exprimé au Président CHIRAC mes remerciements pour l'assistance offerte par la France pour l'évacuation des citoyens Britanniques. Et je vais le remercier de son aide.

Voilà donc tous les domaines sur lesquels nous avons travaillé. Nous avons en outre discuté du processus de paix au Moyen-Orient. Là aussi, nous pensons qu'il est important que les élections se tiennent. Côté palestinien, nous faisons de notre mieux pour revitaliser, ré-énergiser ce processus au Moyen-Orient. Dans le cadre des discussions bilatérales entre nos différents ministres, toute une série de questions ont été abordées, de l'environnement à l'emploi, en passant par l'avenir de l'Europe. Et à nouveau sur ces questions, il y a un fort degré d'entente, et je n'ai aucun doute qu'il n'est pas possible pour l'un d'entre nous ou l'autre, de construire notre avenir si nous ne travaillons pas étroitement ensemble. Nous sommes engagés et cet engagement a été au coeur de nos débats d'aujourd'hui.

Donc, à nouveau, Jacques, c'est un plaisir que de vous avoir parmi nous avec vos collègues. Merci pour les discussions que nous avons eues ce matin. Nous avons parlé de toute une palette de sujets et nous souhaitons une étroite collaboration pour l'avenir.

LE PRÉSIDENT - Avant de commencer, je voudrais avoir une pensée pour Margaret HASSAN et dire l'horreur que nous a inspiré ce qu'elle a subi, et naturellement notre totale solidarité avec les Britanniques dans cette épreuve épouvantable.

Je veux aussi remercier le Premier ministre, Tony BLAIR, pour son accueil, à l'occasion de ce vingt-septième sommet franco-britannique, et souligner le fait qu'il s'est effectivement, comme il l'a dit à juste titre, placé sous le signe d'une amitié que rien ne peut aujourd'hui mettre en cause. Vous savez, nous sommes l'année du centenaire de l'entente cordiale. Et depuis cent ans, après nous être battus pendant cinq siècles, nous avons observé, compris et ressenti qu'en réalité, si nous pouvions avoir des divergences de vues sur tel ou tel point ou des divergences d'intérêts, ce qui est tout à fait légitime et normal, la vérité c'est que nous avons l'essentiel en commun pour aujourd'hui et pour demain. Et qu'en toute hypothèse, quand nous avions une divergence de vues, c'était dans un esprit de solidarité qu'il fallait la résoudre et certainement pas dans un esprit conflictuel.

Cela a été très clair au cours de nos entretiens. A l'instant, Tony BLAIR vient de rappeler tous les domaines immenses où nous travaillons la main dans la main. Sur le terrain ou dans les organisations politiques, internationales. C'est vrai. Sur le plan militaire, depuis l'Afghanistan jusqu'à l'Afrique. Je pense à l'Ituri, où malgré les problèmes, le Royaume-Uni nous a soutenu concrètement, et sur le terrain, en passant naturellement par les Balkans. C'est ensemble que nous avons fait la réforme permettant à l'Union européenne de prendre la succession de l'OTAN, d'ailleurs sous commandement britannique, très prochainement.

Je pourrais multiplier les exemples de cette nature. C'est vrai aussi dans l'élaboration en commun -et ce n'était pas si évident ni si facile- d'une stratégie commune sur le plan de la défense européenne. La défense européenne aujourd'hui, son moteur, et depuis déjà un certain temps est un moteur franco-britannique. Et je me souviens qu'au moment où notre divergence de vues, sur un point particulier était la plus forte dans notre appréciation sur l'Iraq, nous nous réunissions au Touquet pour un sommet franco-britannique au plus fort de notre divergence de vues. Et c'est au Touquet, que depuis Saint-Malo, nous avons décidé ensemble, malgré la conjoncture et en pensant à l'avenir, les pas décisifs pour le renforcement de la défense européenne, qui repose, je le répète, sur une coopération, une collaboration, un accord, une vision commune entre la Grande-Bretagne et la France.

Je disais tout à l'heure au Premier ministre, que la France soutiendra activement la Grande-Bretagne dans sa présidence européenne au deuxième semestre de l'année prochaine, mais je lui disais aussi que dès le début de cette année, nous serions la main dans la main parce que nous avons la même approche, la même vision des choses, les mêmes objectifs dans la présidence du G 8 qui sera également une présidence britannique et qui a retenu deux sujets principaux : l'Afrique et le développement d'une part, les problèmes liés au réchauffement climatique d'autre part. Ce sont deux préoccupations communes, et c'est bien là des sujets d'avenir fondamentaux. L'équilibre du monde est en partie mis en cause dans une Afrique dont on n'arriverait pas à maîtriser les problèmes de développement, et aussi par des imprudences sur le plan environnemental. Et c'est la main dans la main que nous allons soutenir exactement les mêmes thèses, les mêmes objectifs, à l'occasion de la présidence britannique du G8. C'est cela l'essentiel des choses.

Alors, nous avons aussi évoqué les sujets, je devrais dire le sujet, car il n'y en a qu'un, sur lequel nous avons eu une divergence de vues. On peut très bien la comprendre. C'est l'Iraq. Sur l'Iraq, nous avons fait une analyse différente, et nous en avons tiré des conclusions différentes. Qui avait tort ? Qui avait raison ? L'histoire le dira. Certainement pas nous, vous non plus. On le verra. L'histoire seule pourra en juger. Mais en réalité, ce qui est notre souci commun aujourd'hui, ce n'est pas d'analyser le passé, c'est de s'engager ensemble vers l'avenir. Et l'avenir, c'est bien entendu avec les difficultés que l'on imagine, un Iraq uni, indépendant, démocratique et pacifique. C'est bien notre objectif commun. Or, sur ce point, nous n'avons pas de divergences de vues. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que nous avons ensemble, et après analyse et réflexion, voté une résolution commune à l'organisation des Nations-Unies, c'est-à-dire la résolution 1546, et nous la mettons en oeuvre.

Nous la mettons en oeuvre ensemble, d'ailleurs avec nos partenaires américains, européens, internationaux. Et nous sommes déterminés à le faire. Ce que nous souhaitons, c'est avoir un Iraq qui, après une réorganisation de ses structures politiques, puisse assumer pleinement sa liberté, son autonomie, dans un contexte pacifique et respectueux des droits de l'homme et de la démocratie. Et puis, enfin, nous avons sur le Moyen-Orient, pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, la même analyse et les mêmes objectifs. Nous pensons que dans le contexte actuel, et compte tenu de la décision prise par les autorités palestiniennes de faire des élections, des élections que nous souhaitons tous et qu'ils souhaitent démocratiques et libres, et bien, c'est ensemble que nous apporterons notre contribution avec; nous l'espérons, l'ensemble de la communauté internationale, et notamment l'Union européenne et les Etats-Unis pour permettre des élections libres. Ce ne sera peut-être pas facile, mais ce qui est sûr c'est que nous devons être totalement associés dans l'objectif commun d'avoir des structures politiques incontestables et incontestées dans la partie palestinienne.

Je n'en dirai pas beaucoup plus. Mais je suis toujours un peu étonné de voir parfois les commentaires en France. J'ai le privilège de ne pas lire l'anglais ! Et donc, je suis parfois un peu étonné de voir les commentaires en France qui me semblent quelquefois un peu superficiels. En tous les cas qui ne correspondent ni à ma conviction, ni sans aucun doute à la conviction du gouvernement britannique, ni à l'expérience telle que nous l'avons, une fois de plus, comme aujourd'hui à l'occasion de ce vingt septième sommet.

QUESTION - Je parle au nom de nombreux collègues, croyez-moi, Monsieur le Premier ministre. Je souhaite demander au Président, tout d'abord, pourquoi il estime que la guerre en Iraq n'a pas nécessairement rendu le monde plus sûr. C'est-à-dire que le départ de Saddam HUSSEIM ne fait pas du monde actuel un monde plus sûr ? Et puis, au Premier ministre, une question d'ordre national. Qu'en est-il du conflit entre les deux Charles ? Est-ce que vous appuyez le commentaire de votre collègue ministre sur ce qu'a été dit par le Prince Charles ?

LE PRÉSIDENT - Si vous observez l'évolution du monde, au regard de la sécurité et du développement du terrorisme, pas seulement au Moyen-Orient mais sur l'ensemble de la planète, y compris l'Asie, et notamment en Asie du Sud-Est, vous ne pouvez pas dire de façon crédible que cette situation s'est sensiblement améliorée, je le répète, au regard de la sécurité et du terrorisme. Cela n'a d'ailleurs pas à mon avis de lien direct avec la situation en Iraq, mais je constate cela.

M. Tony BLAIR - S'agissant de la question que vous m'avez posée, à moi, c'est peut-être pour vous une façon d'éviter le problème ou de répondre au problème, parce que je n'ai pas lu dans le détail ce que chacun des deux Charles a dit, mais, disons, j'estime que si tout ce que j'écris dans un moment d'exaspération devait apparaître dans les journaux, et bien, cela ferait la Une d'un bon nombre de journaux. Je crois qu'il faut analyser ce que chacun dit. On verra qu'il n'y a pas tant de divergences de vues qu'on veut bien le croire. Et je n'irai pas plus loin, croyez-moi. Je ne veux pas me mouiller là-dessus. Jacques, je crois que c'est un excellent moment pour demander à un journaliste français, par exemple, de poser une question.

QUESTION - Monsieur le Président, vous venez de dire qu'ensemble vous allez contribuer à des élections libres dans les territoires occupés. Que veut dire la contribution ? Est-ce que cela veut dire des pressions sur Israël de la part de la Grande-Bretagne et des Etats-Unis ? La position de la France est bien connue et est très équitable. La position britannique est moins bien perçue dans le monde arabe. Est-ce que vous pouvez nous dire un peu quels sont les projets ?

LE PRÉSIDENT - Je dirais simplement que Britanniques et Français considèrent qu'il y a une opportunité et une nécessité. L'opportunité, c'est d'avoir une organisation politique plus sûre et qu'il faut, par conséquent, tout faire pour lui permettre de s'exprimer. Nous sommes tous les deux de cet avis. Je comprends, à la suite des entretiens que le Premier Ministre britannique a eus avec le Président des Etats-Unis qu'il y a là une espèce de consensus actuel pour tout faire pour que les élections en Palestine soient possibles et que les Palestiniens puissent bien s'exprimer. Ce qui suppose que tout le monde fasse un effort et que personne ne fasse de provocation.

M. TONY BLAIR - Ce que j'aimerais ajouter c'est ceci. La bonne nouvelle, c'est qu'il y a un véritable consensus de la part le monde quant à l'objectif que nous essayons d'atteindre, le résultat que nous essayons d'obtenir, c'est-à-dire une solution à deux Etats, une Israël confiante dans sa propre sécurité et un Etat palestinien viable. La mauvaise nouvelle, c'est que nous en sommes encore très loin. La question qu'on se pose, c'est comment y arriver ? Les cinq étapes, les cinq phases que le Président BUSH et moi-même avons énumérées vendredi dernier, je le pense, sont le seul moyen d'avancer pour l'instant. Je pense que moi-même et le Président CHIRAC, nous sommes tout à fait d'accord sur ces éléments. Tout d'abord il faut être clair sur la vision d'ensemble, à savoir la solution de deux Etats.

Deuxièmement, il faut être clair sur la nécessité de tenir des élections palestiniennes. Troisièmement, il nous faut construire auprès et avec les Palestiniens les institutions et structures nécessaires quelles soient politiques, économiques ou sécuritaires qui permettent à l'Etat palestinien de voir le jour et d'être viable.

Quatrièmement, il faut que le plan de désengagement et de retrait que le Premier Ministre SHARON a présenté soit mis en oeuvre. Et cinquièmement, il faut utiliser tout cela, si effectivement tout cela se fait, comme le moyen de reprendre la feuille de route et les négociations sur le statut final et définitif. Il n'y a aucune question qui au monde suscite autant d'intérêt et d'inquiétude. Mais au moins, nous sommes d'accord sur l'objectif à atteindre. Mais la mauvaise nouvelle, comme je vous le disais, c'est comment y arriver. Donc, il faut le temps qu'il faudra pour atteindre ces objectifs.

Il y a donc un certain nombre d'étapes qui permettront d'en arriver à la négociation sur le statut final et qui me semblent être la seule façon viable de faire avancer les choses à ce stade. Si effectivement nous voulons, nous souhaitons atteindre ces objectifs, l'Europe, les Nations Unies, les Etats-Unis, les pays du quartet, et individuellement chacun de nos pays feront tout ce qu'il est en son pouvoir de faire pour assister ce processus, pour lui permettre d'avancer.

QUESTION - J'aimerais poser au Président la question suivante. Est-ce que vous allez proposer à la lumière de l'interdiction de chasse à courre ici en Angleterre, vous allez inviter les chasseurs à courre britanniques à venir rejoindre leurs homologues français et à l'inverse, est-ce que vous allez peut-être envisager vous-même d'interdire la chasse à courre ?

LE PRÉSIDENT - Je ne pratique pas la chasse à courre. C'est d'ailleurs très peu pratiqué en France et je n'ai pas de jugement à porter sur les grandes traditions britanniques.

QUESTION - Que pensez-vous de l'émergence d'une diplomatie européenne actuellement, diplomatie commune.

M. Tony BLAIR - Le meilleur exemple de cette diplomatie européenne est de façon patente la coopération entre la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne sur la question de l'énergie atomique en Iran. Et le résultat de cette coopération est que nous avons avancé de manière significative et je souhaite le dire. Je pense que les divergences qu'il y a eu entre nous sur la question de l'Iraq, nous en avons parlé très ouvertement. Mais je dirais que sur toutes les autres questions, l'Iran, l'Afghanistan, nos troupes sont ensemble, les Balkans, nos troupes sont ensemble, les questions d'Afrique ou de changement climatique. Nous sommes main dans la main. Nous travaillons ensemble. Et je crois qu'il est important de se le rappeler, surtout si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en tant que pays et en tant que membre de l'Union européenne. Alors bien sûr que les pays à titre individuel auront leur propre politique étrangère. C'est vrai pour la Grande-Bretagne, c'est vrai pour la France. Mais nous l'avons démontré, en particulier par rapport à l'Iran, la coopération entre nous et à l'échelon européen, peut faire avancer la cause non seulement de l'Europe, mais de la communauté internationale dans son ensemble.

LE PRÉSIDENT - Oui, j'ajoute que c'est évident que la diplomatie européenne progresse. D'abord c'est un fait. Est-ce que vous imaginez qu'aujourd'hui, sur une question importante, le ministre français des Affaires étrangères, décide quelque chose sans en avoir préalablement parlé avec son collège britannique ou allemand, ou un autre européen ? Une part essentielle du temps aujourd'hui que consacrent à leur travail les ministres des Affaires étrangères, consiste à se concerter. Et ceci n'était pas le cas, naturellement, il y a dix ans, il y a vingt ans. Donc, cette diplomatie commune n'évite pas certaines divergences de vues, mais elle en règle la plus grande partie.

Deuxièmement, la Constitution que nous venons de signer à Rome prévoit précisément un ministre des Affaires étrangères commun. Cela ne veut pas dire que chacune de nos nations va tout d'un coup se trouver privé de sa capacité d'initiative dans le domaine de la politique étrangère. Mais cela veut dire que ce mouvement d'harmonisation de nos comportements à l'égard de l'extérieur, est un mouvement qui va se développer encore. Autrement dit, qu'au lieu de s'affronter éventuellement dans les hémicycles ou éventuellement sur le terrain, aujourd'hui, nous réglons la plupart des problèmes par un accord, des entretiens et c'est cela la diplomatie commune. Elle se développe. Elle ne peut que se développer.

QUESTION - Est-ce que vous vous félicitez, Monsieur le Président, de l'idée de la Grande-Bretagne agissant comme pont entre l'Europe et les Etats-Unis. De quelle nature serait ce pont ?

Monsieur le Premier Ministre, j'aimerais revenir à cette histoire de chasse à courre. Est-ce que vous fêtez l'interdiction de chasse à courre ou est-ce que vous êtes un peu mal à l'aise que les activités d'une minorité aient été discréditées et en fait bannies du fait du point de vue de la majorité.

LE PRÉSIDENT - Il est évident, pour des raisons à la fois historiques, culturelles et notamment linguistiques qu'il y a entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne un lien je dirais de nature un peu familial et donc privilégié. C'est normal, c'est l'histoire qui a créé cela et, par conséquent, le fait que la Grande-Bretagne puisse être un "amiable compositeur" dans les relations entre le reste de l'Europe et les Etats-Unis est évidemment un plus pour l'Europe, accessoirement pour la Grande-Bretagne, mais c'est un plus pour l'Europe. Je ne peux que m'en réjouir. Ceci étant, je voudrais tout de même, nous en avons parlé tout à l'heure lors de notre déjeuner de travail, rappeler que les Etats-Unis et l'Europe ont une vocation naturelle à être ensemble face aux grandes évolutions du monde de demain. Pour une raison simple, c'est que face à ce monde que nous voyons, asiatique, sud américain, africain, etc., face à ce monde, l'Amérique du nord et l'Europe sont deux pays, qui, traditionnellement, historiquement partagent les mêmes valeurs et donc, ont vocation à mener les mêmes combats.

Et donc, le lien transatlantique, je l'évoquais tout à l'heure, est une réalité que rien ne peut mettre en cause. Alors ensuite, il y a la gestion quotidienne de ces choses, bien entendu, et là, certainement la Grande-Bretagne peut jouer un rôle important. Mais je dirais c'est tout de même relativement secondaire par rapport à l'essentiel, c'est-à-dire que le lien transatlantique est un lien incontournable, qui exige que chacun ait conscience du respect qu'il doit à l'autre. C'est vrai entre les deux bords de l'Atlantique, comme c'est vrai au sein de l'Union européenne entre chacun de nos pays.

M. Tony BLAIR - S'agissant de la chasse courre, j'essayais de trouver un moyen de compromis, parce que les sentiments de part et d'autre sont très très virulents. J'ai une situation où nous avons essayé de nous pencher sur l'argumentaire, sur la cruauté tout en comprenant le sentiment de ceux qui estiment que cela va nuire à leur mode de vie. Difficile de trancher, donc il reviendra aux tribunaux de trancher. Mais il est clair, que c'est un débat très passionné et passionnel, que la vaste majorité, je crois, de la population britannique préférerait trouver un compromis.

QUESTION - J'aimerais poser une question au Président et au Premier Ministre. Vous parlez de la paix et de la sécurité qui sont fondamentaux au Moyen-Orient et je crois que ce message sera très apprécié partout parce que je pense que cela va nécessairement contribuer à la stabilité du monde entier. Mais vos efforts pour l'instant semblent se concentrer sur le conflit israélo-palestinien. Pour qu'il y ait une paix durable, est-ce qu'il ne faudrait pas qu'elle englobe d'autres régions du monde ou d'autres pays dont les terres sont occupées ?

M. TONY BLAIR - Oui, évidemment, vous n'aurez de solutions complètes que dans la mesure où vous allez résoudre tous les problèmes. Mais au coeur de tout ceci, il y a le différend, le conflit palestino-israélien. Il faut vraiment une mobilisation massive de la communauté internationale, une vraie détermination de part et d'autre pour résoudre ce problème, pour que ce problème soit résolu. Puisque quelque part cela nous touche tous, affecte notre sécurité à tous. Je l'ai dit partout et à tout moment, il me semble, je l'ai dit récemment encore, c'est le défi le plus urgent que nous devons relever et il faut vraiment que nous sachions le relever très vite.

Je crois que ce que disait le Président CHIRAC il y a quelques instants sur l'alliance transatlantique est très juste. En fin de compte, quelles que soient les différences et les divergences, cette alliance est d'une importance capitale, cruciale. Et dans des questions, par exemple, celle du processus de paix au Moyen Orient, bien évidemment les Américains prendront le pas sur la négociation un rôle primordial a échoué, néanmoins nous pouvons aider les autorités palestiniennes à créer un Etat viable. Et ce que nous ferons et contribuerons aura un impact considérable. Donc, je pense que la capacité ou notre capacité à faire avancer ce processus de paix est essentielle. Bien sûr, qu'il faut tenir compte des autres aspects du différend et du conflit. En fin de compte, un règlement final devra tenir compte de tous ces aspects multiples. Mais si nous n'avançons pas sur ce qui constitue le coeur du différend, c'est-à-dire le conflit palestino-israélien, nous n'arriverons pas à régler les autres aspects.

QUESTION - Récemment, des rapports sur les droits de l'Homme, ici en Angleterre et ailleurs, ont mis l'accent sur une spirale alarmante de violation de droit de l'Homme en Iran. En effet, les Nations Unies et l'Union européenne ont également condamné ces violations des droits de l'Homme. Et en dehors du fait que depuis vingt cinq ans l'Iran n'a pas respecté les pactes internationaux, les accords qu'elle avait signés, du fait qu'elle a atteint de nombreux objectifs en matière de politique étrangère par le truchement du terrorisme et à la lumière du fait que depuis vingt cinq ans, elle a continué à développer un programme nucléaire. Croyez-vous que les négociations actuelles aient une chance d'aboutir ? Qu'est-ce qui ferait qu'elles aboutiraient cette fois-ci, alors qu'elles ont échoué auparavant ?

Monsieur le Premier Ministre, vous avez dit qu'afin de combattre le fanatisme et le terrorisme, il fallait être soi-même être engagé envers la justice, la paix et la démocratie. Est-ce que vous avez des plans précis pour faire en sorte que l'Iran connaisse la paix, la justice et la démocratie ?

M. Tony BLAIR - Eh bien, tout d'abord, je dirais que ce qui fait la différence à l'heure actuelle, s'agissant des obligations et des engagements nucléaires de l'Iran par rapport à l'Union européenne, c'est que nous avons travaillé de concert depuis le début. Alors est-ce que nous pensons que l'accord signé sera respecté ? Ecoutez, l'histoire le révélera. Bien sûr qu'il y a eu des difficultés part le passé. Nous le savons, nous le reconnaissons. Toutefois, notre préoccupation actuelle est de faire en sorte que ces accords là soient respectés.

Quant à la question des droits de l'Homme et de la démocratie, oui, moi je suis de l'avis qu'en fin de compte la sécurité ultime que nous nous garantirons sera fondée sur l'élargissement de la démocratie, des droits de l'Homme et de la paix. On ne peut pas l'imposer à tous les pays qui ne correspondent pas à nos critères. En tous les cas, notre position est très claire de soutenir ces principes et de soutenir les pays qui n'ont pas ces libertés fondamentales que nous avons en France et en Grande-Bretagne et qui souhaitent y accéder. Et parfois, il vaut mieux le faire par la voie du dialogue que par la voie de la pression.

Alors nous continuerons à oeuvrer dans ce sens. Vous savez, l'une des choses les plus étonnantes qui caractérise le monde aujourd'hui, c'est qu'à moins qu'on mette la lumière sur un certain nombre de violation des droits de l'Homme, les gens oublient qu'il y a ces violations. Mais il y a de nombreux pays où il y a des violations massives des droits de l'Homme, où les criminels restent impunis tout simplement parce qu'on n'en parle pas, parce que les médias ne font pas la lumière là-dessus. Je pense que le rapport des Nations Unies à très haut niveau va sortir plus tard cette année et, notamment va se pencher sur la question de savoir comment faire pression pour que les droits fondamentaux et démocratiques des citoyens dans tous les pays du monde puissent être respectés. C'est important, capital et primordial. Mais en attendant, je pense que nous devons oeuvrer dans le sens dans lequel nous oeuvrons d'ores et déjà et sur la base de la coopération franco-britannique et allemande qui a été tout à fait exemplaire.

LE PRÉSIDENT - Je partage tout à fait le sentiment du Premier Ministre. Je voudrais tout de même indiquer que nous avions tous des inquiétudes sur l'évolution de la recherche et des travaux en Iran pour ce qui concerne le nucléaire et notamment tout ce qui touche à l'enrichissement et au retraitement, et qu'il y a eu un témoignage exceptionnel de la capacité à régler les problèmes de la diplomatie européenne. Il y a eu un travail en commun fait par la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la France avec, il faut le dire, une très grande ténacité, une très grande capacité de conviction. Peu nombreux étaient à l'origine ceux qui pensaient que nous pourrions réussir. On a réussi la première étape, puisque maintenant il faut que ce que les Iraniens ont accepté soit d'abord corroboré par le conseil des gouverneurs de l'Agence Internationale pour l'Energie Atomique, dans quelques jours le 25 novembre. Et dans l'hypothèse où le Conseil confirmerait le bien-fondé de l'accord que nous avons finalement obtenu des autorités iraniennes, alors, il faudrait que, dans une deuxième étape, nous établissions le programme complet permettant notamment à la communauté internationale de s'assurer que ce qui a été prévu est bien tenu. Et donc de s'assurer qu'il n'y a pas de divergences et de tentatives d'utiliser le nucléaire en tant que moyen militaire et en contrepartie, naturellement donner aux populations iraniennes plus de bien-être grâce à l'utilisation des techniques nucléaires civiles pour la production d'énergie. Ceci doit naturellement être examiné en détail.

Il faudra, bien entendu que ce processus soit tout à fait approuvé, notamment par nos amis américains, mais également par un certain nombre de puissances qui, à un titre ou à un autre, ont un intérêt dans ce domaine, je pense notamment à la Russie où à la Chine. Et, à partir de là, on pourra dire qu'on a fait un vrai progrès important pour la planète.

M. Tony BLAIR - Merci beaucoup.





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