Conférence de presse conjointe du Président de la République et du Président de la République arabe d'Egypte.

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC Président de la République et de M. Mohamed Hosni MOUBARAK Président de la République arabe d'Égypte

Palais de l'Élysée, le vendredi 5 mars 2004

LE PRESIDENT: – Mesdames, Messieurs, un mot d'abord pour dire ma joie de rencontrer une fois encore et d'accueillir à Paris le Président Hosni MOUBARAK. Nous sommes de vieux amis depuis bien longtemps mais c'est toujours pour moi un grand plaisir de le rencontrer.

Aujourd'hui, nous avons des raisons toutes particulières de nous concerter. On connaît le rôle très important que joue l'Egypte dans le monde et en particulier au Moyen-Orient. Il y a un certain nombre de défis qui nous sont lancés et qui sont difficiles à relever, qui exigent une véritable concertation entre nous pour aller dans le même sens. Ce défi c'est naturellement la situation en Iraq qui ne s'améliore pas, c'est le conflit israélo-palestinien qui ne trouve pas de solution pacifique. Et c'est la réflexion qui a été engagée récemment et qu'on appelle le "Greater Middle East", c'est-à-dire les modalités d'une concertation pour la modernisation des pays de cette région.

Sur le Proche-Orient, nous partageons le sentiment que seule une paix négociée peut conduire à l'apaisement et à la constitution d'un Etat palestinien viable. Nous partageons dans ce domaine la même analyse et nous souhaitons la mise en oeuvre de la Feuille de route. Sur l'Iraq, nous sommes inquiets et nous pensons qu'il est urgent de trouver le moyen de mettre en place un gouvernement réellement représentatif du peuple iraquien et capable d'assumer ses responsabilités.

Sur la réflexion sur la modernisation, nous sommes naturellement tout à fait favorables à la modernisation. Qui pourrait ne pas l'être ? Mais nous ne sommes pas favorables à l'ingérence. Chaque pays doit assumer sa culture, sa situation économique, politique, sociale. La concertation est positive, l'obligation serait sans aucun doute mal reçue et ne pourrait pas avoir de bons effets. Nous sommes donc, dans ce domaine, également sur la même longueur d'onde. Voilà ce que nous avons évoqué mais nous avons ensuite un dîner de travail, à l'occasion duquel nous parlerons d'un certain nombre d'autres problèmes. Je dis tout de suite que je n'ai pas évoqué les problèmes bilatéraux pour une raison tout à fait simple : c'est qu'il n'y en a pas.

LE PRESIDENT MOUBARAK: – J'ai été très heureux de rencontrer mon ami, le Président Jacques CHIRAC, aujourd'hui. Les entretiens que nous avons eus ont montré la concordance des points de vue autour d'un grand nombre de questions d'intérêt commun. Nous avons également parlé des derniers développements concernant le problème palestinien et les efforts que nous fournissons afin de commencer des négociations politiques directes entre Israël et l'Autorité palestinienne et d'en renforcer les chances de succès.

Nous sommes également d'accord pour dire que la rencontre entre les deux Premiers ministres israélien, M. SHARON, et palestinien, M. ABOU ALA une rencontre pour laquelle nous travaillons, devrait ouvrir la porte à des négociations de l'ensemble des sujets concernant la mise en oeuvre de la Feuille de route, afin de parvenir à la création d'un Etat palestinien indépendant.

Nous avons aussi affirmé la nécessité d'éviter de prendre des mesures unilatérales car cela ne peut qu'aggraver la violence et la violence de l'autre partie et également aggraver les souffrances des peuples palestinien et israélien.

Nous avons également examiné les efforts qui sont fournis afin que la situation en Iraq redevienne normale. Nous avons exprimé notre profonde inquiétude devant l'escalade des actes de violence et les implications et les conséquences négatives que cela a sur l'unité religieuse de l'Iraq. Nous devons sauvegarder l'unité religieuse de l'Iraq ainsi que l'unité territoriale et l'intégrité territoriale du pays.

Partant de là, nous demandons à nouveau que soient prises des mesures immédiates afin de garantir la non répétition de ces actes de violence et afin de garantir le respect du calendrier qui a été agréé pour le transfert du pouvoir au peuple iraquien et pour donner à la communauté internationale et aux Nations Unies la chance de pouvoir jouer le rôle qui est le leur pour aider le peuple iraquien à dépasser la crise actuelle.

Et puisque la France est toujours un pays en pointe dans le cadre du partenariat entre l'Egypte et l'Union européenne, nous avons également parlé des initiatives qui sont proposées actuellement concernant le progrès, la modernisation et les réformes au Proche-Orient. Nous sommes convenus de dire que tous les efforts dans ces domaines doivent venir des pays arabes et doivent prendre en considération les circonstances de chaque Etat : sa culture, la composition de sa population, la composition ethnique des Etats. Ils doivent également correspondre aux besoins des pays de la région et oeuvrer vers plus d'ouverture et de progrès dans tous les domaines.

Dans ce cadre, nous sommes d'accord pour dire qu'il est absolument nécessaire de trouver une solution juste et équitable au problème du Proche-Orient et au problème de l'Iraq et également de résoudre les problèmes des armes de destruction massive, en vertu de critères uniques et transparents. Cela aura pour effet de renforcer le soutien populaire aux efforts que nous fournissons pour la modernisation et la réforme. Cela aura aussi pour effet de supprimer le sentiment de désespoir et de découragement qui ne peut que conduire à la violence et au terrorisme et qui est un prétexte pris par certains contre ces initiatives.

J'ai également informé le Président CHIRAC des détails d'une initiative égyptienne que nous avons présentée afin de parvenir à adopter une décision lors du Sommet arabe de Tunis qui comprendra les détails d'une vision arabe globale pour la modernisation et le développement. Et nous attendons, nous espérons avoir le soutien du Sommet du G8, du Sommet euro-américain, et du Sommet de l'Union européenne à cette décision. Nous espérons également que nous aurons de l'aide pour la mettre en oeuvre dans un cadre de coopération qui respecte les intérêts mutuels de tous.

Je voudrais enfin remercier mon ami, le Président CHIRAC, pour la générosité de son accueil. Je voudrais lui redire combien nous serons heureux de l'accueillir au Caire le plus rapidement possible, en réponse à plusieurs invitations que je lui avais adressées par le passé, notamment pour inaugurer l'université française du Caire. Elle a en fait commencé à travailler et elle est un symbole de coopération exceptionnel, et des efforts que nous fournissons pour la modernisation et le progrès dans le domaine de l'enseignement et de la culture sur des bases d'amitié et de coopération.

QUESTION: – Je voudrais poser une question au Président CHIRAC. Monsieur le Président, vous avez dit que vous étiez tout à fait d'accord pour des initiatives pour instaurer des réformes qui viennent des pays eux-mêmes et cela s'accorde tout à fait avec l'initiative égyptienne. Est-ce que vous êtes d'accord ou pas avec toute initiative pour la réforme qui ne partirait pas, qui ne prendrait pas en considération la solution du problème du Proche-Orient également ?

LE PRESIDENT: – Nous pensons et c'est également le sentiment du Président MOUBARAK -nous sommes donc sur la même ligne-, nous pensons que toute évolution, toute modernisation dans cette région suppose d'abord de régler le problème de la paix entre le peuple palestinien et le peuple israélien parce que c'est le coeur de la difficulté. De même, nous pensons qu'il est urgent de trouver une solution aux problèmes de l'Iraq qui permette de rétablir la paix, la stabilité et en maintenant l'unité de l'Iraq. Ce sont des préalables. Pour le reste, nous sommes favorables à la modernisation, à la modernisation grâce à la concertation, à la coopération entre les Etats beaucoup peut être fait dans ce domaine. En revanche, nous pensons que rien ne peut être imposé, autrement dit modernisation oui, ingérence non. Les raisons qu'a développées tout à l'heure le Président MOUBARAK, c'est que chaque pays a sa propre structure, ses propres problèmes économiques, sociaux, ethniques, chaque pays a son propre niveau de culture et de développement, et que par conséquent il n'y a pas de solution toute faite.

QUESTION: – La question s'adresse au Président MOUBARAK. Monsieur le Président, lors de vos entretiens, est-ce que vous avez trouvé que les Européens sont prêts à écouter la voix des Arabes au lieu de se contenter d'en parler ?

LE PRESIDENT MOUBARAK: – J'étais en Italie, je suis aujourd'hui en France. Nous avons parlé de tous ces sujets et j'ai trouvé une réelle compréhension mais bien évidemment, il faudra également en parler avec les Etats-Unis qui ont lancé cette initiative.

QUESTION: – Monsieur le Président, quelle est la position de la France vis-à-vis de l'initiative égyptienne et quelle est l'initiative française et européenne dans ce domaine de la modernisation du Moyen-Orient ?

LE PRESIDENT: – J'ai indiqué tout à l'heure la position de la France dans ce domaine. Sur l'initiative égyptienne, nous la soutenons.

QUESTION: – La question s'adresse au Président CHIRAC. Monsieur le Président, vous avez dit qu'il y avait eu une concordance des points de vue entre vous et l'Egypte sur beaucoup de problèmes. Je voudrais savoir les points où il y a accord entre vous et le Président MOUBARAK. Est-ce que vous acceptez la vision égyptienne et vous l'adoptez pour la défendre auprès des Européens et auprès des Américains et pour la soutenir, si vous en êtes convaincu ?

LE PRESIDENT: – Le Président MOUBARAK pourra vous confirmer que sur le thème qui est celui de l'Egypte et que je répète, c'est-à-dire concertation, modernisation, oui. Ingérence, obligation, non. Sur ces thèmes qui est la position de l'Egypte, la France est exactement sur la même ligne.

QUESTION: – Une question pour le Président MOUBARAK. Les tentatives pour une solution au Proche-Orient rencontrent beaucoup d'obstacles dont le plan de désengagement unilatéral qui est mis en oeuvre par le Premier ministre israélien SHARON. Je voudrais savoir : est-ce qu'il y a une initiative arabe ou européenne afin de revenir au processus de paix, surtout à cette période où l'on voit un désintérêt américain en cette période préélectorale ?

LE PRESIDENT MOUBARAK: – C'est vrai, vous avez parlé de mesures unilatérales. Nous ne sommes pas d'accord avec les mesures unilatérales mais si nous parlons ici du retrait de GAZA, celui-ci doit être préparé. S'il y a un retrait sans que l'on prenne en considération la sécurité et le retour de l'ordre, cela ne peut que conduire à l'anarchie et à plus d'actes de terrorisme. Il faut donc prendre des mesures lors du retrait de GAZA pour que l'Autorité palestinienne, avec notre aide et notre soutien, puisse prendre en main la sécurité avant le retrait.

QUESTION: – Messieurs les Présidents, nous savons à quel point Israël ne respecte pas les engagements, les conventions internationales. Est-ce que vous ne pensez pas que la paix est en danger, que la solution s'éloigne ? Et est-ce que vous ne pensez pas que la paix devrait commencer par l'élimination des armes de destruction massive israéliennes ?

LE PRESIDENT MOUBARAK: – Pour les armes de destruction massive, et l'élimination de ces armes de destruction massive, nous en avons parlé par le passé avec les Israéliens et il y a un gouvernement israélien précédent qui nous avait dit que nous en reparlerions lorsqu'il y aura la paix. Cependant, nous, pays arabes, nous ne pouvons pas supprimer ces armes de destruction massive, cela doit être le fruit des efforts des Etats-Unis et des pays arabes et je pense que lorsque la paix sera faite avec la Syrie, avec les Palestiniens, il n'y aura plus de place pour les armes de destruction massive.

LE PRESIDENT: – Ce qui est sûr, c'est qu'il n'y aura pas de paix sans dialogue, un dialogue sans arrière-pensées. Ce qui suppose que chacun fasse les efforts nécessaires pour se maîtriser et maîtriser en particulier les pulsions agressives. Ce dialogue, naturellement, suppose que les deux parties se parlent. Les initiatives unilatérales ne sont pas conformes à l'idée qu'on peut se faire du dialogue. Elles sont donc dangereuses. Si l'on reprend, et c'était l'ambition de la feuille de route, le chemin du dialogue, alors tout est encore permis. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'il faut d'urgence appliquer la Feuille de route.






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