Conférence de presse du Président de la République à l'issue du Conseil européen.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue du Conseil européen.

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Bruxelles, Belgique, le vendredi 26 mars 2004

Mesdames et Messieurs,

Avec une qualité de précision, la Présidence a cadré son exercice, de telle sorte que tous les horaires soient respectés. C'est pour moi l'occasion de lui rendre un hommage mérité pour cette précision, mais plus largement, pour le travail considérable qui a été réalisé par la présidence irlandaise. Elle a conduit ce débat, ces débats sur les différents sujets évoqués avec vraiment beaucoup, beaucoup, de qualité.

Hier, je n'y reviendrai pas puisque j'ai eu l'occasion de m'exprimer hier soir, nous avons évoqué les problèmes de la lutte contre le terrorisme et des différentes initiatives nécessaires, au niveau européen, et qui ont été décidées à l'occasion de ce Conseil pour renforcer nos moyens d'information, d'enquête et de réaction dans le domaine des risques en matière de terrorisme.

Hier soir, après cette réunion sur le terrorisme, nous avons eu, à l'occasion du dîner, un débat sur les institutions ou plus exactement, nous avons entendu le rapport que nous avions demandé au Président irlandais, le Premier ministre M. Ahern, sur sa vision des possibilités d'un accord aussi rapide que possible et aussi proche que possible des propositions de la Convention, ce qu'il a fait. J'ai le sentiment aujourd'hui que, conformément à ce que la présidence irlandaise a évoqué, il était à la fois nécessaire, mais cette fois-ci possible, d'arriver à un accord à l'occasion du prochain Conseil européen qui aura lieu, vous le savez, le 17 et le 18 juin prochain.

Voilà les perspectives, telles que les a dressées le Premier ministre irlandais. Je crois qu'il a raison et que nous pouvons relever ce défi. Si j'évoque le défi, c'est parce que la construction européenne, dans le monde d'aujourd'hui, est effectivement un grand défi. Nous voyons bien que l'évolution du monde conduit, de façon inévitable, à un renforcement de l'Union, de l'Europe et de sa présence dans le monde. C'est un élément essentiel de stabilité, de paix et aussi de promotion des droits de l'homme.

Je crois donc que nous devons, au-delà des petits soucis, inquiétudes que nous pouvons, à juste titre, exprimer, nous mobiliser tous comme, je dois le dire, l'ont fait les Chefs d'Etat et de gouvernement, à l'occasion de ce Conseil pour renforcer les chances d'une Europe forte et unie capable de jouer tout son rôle dans le monde de demain, en termes de stabilité et de paix, mais aussi capable de défendre et ça c'est essentiel, les intérêts des Européens face au monde que nous connaissons. Et quand je parle des intérêts, ce sont aussi bien ceux qui touchent à la paix, que ceux qui touchent à l'économie, à notre pacte social et à sa défense. C'est aujourd'hui la grande vocation et la grande mission des responsables européens, quelles que soient leurs origines que d'assumer ce renforcement. Dans cet esprit, je pense que nous irons vers une solution pour la réforme nécessaire de nos institutions avant le prochain Conseil européen.

Ce matin, nous avons évoqué la stratégie de Lisbonne. Je sais bien que le terme, quel que soit le charme de la ville de Lisbonne, ce terme n'est pas très évocateur d'une réalité, alors que la réalité existe. Il s'agit de nous mettre en situation, ensemble et en coordonnant nos efforts et nos énergies, de promouvoir un certain nombre d'actions permettant la recherche, le succès de la recherche, de l'innovation, de l'emploi, de la lutte contre la désindustrialisation, bref du soutien durable à la croissance.

Ce sont ces différents sujets touchant essentiellement la recherche, c'est-à-dire l'avenir, la croissance, c'est-à-dire l'emploi que nous avons évoqués ce matin en prenant dans l'esprit de ce que nous appelons la stratégie de Lisbonne, un certain nombre d'orientations et de décisions. Et là encore, j'ai été frappé par le caractère unique de la réflexion des uns et des autres. Tout le monde, en réalité, dans le monde tel qu'il est aujourd'hui, se rassemble, parce que c'est nécessaire, autour d'une certaine idée de cohérence et de dynamisme européen.

J'ai eu l'occasion, au cours de ce débat, de souligner l'attachement de la France qui est d'ailleurs celui de l'Union européenne, à la mise en oeuvre du protocole de Kyoto. Nous sommes de plus en plus inquiets sur les perspectives de changement rapide du climat, en raison de l'effet des gaz à effet de serre et nous pensons que le protocole de Kyoto avec ses imperfections, ses insuffisances, est tout de même un pas décisif dans une meilleure maîtrise des causes d'une éventuelle dégradation de la situation climatique. Ce n'est pas tellement le fait que le climat change qui est grave, toute l'histoire de la planète est faite de changements climatiques. C'est le rythme de ce changement qui, aujourd'hui à l'évidence, s'accélère et qui est incompatible avec la stabilité du monde actuel.

J'ai également souligné l'unanimité et la cohérence de la position de l'Union européenne pour ce qui concerne le projet ITER et le site de Cadarache. Le soutien de l'ensemble de nos partenaires est sans réserve en ce qui concerne le projet ITER à Cadarache.

En fin de matinée et à l'occasion du déjeuner, nous avons évoqué les problèmes internationaux. Nous avons évoqué les problèmes de Chypre avec des rapports des principaux responsables concernés. Nous avons évoqué, bien entendu, les problèmes liés à la situation en Iraq, à la situation au Proche-Orient et notamment au rapport israélo-palestinien, au projet que l'on appelle du grand Moyen-Orient. Nous avons là, il faut bien le reconnaître, enregistré un certain malaise et une certaine inquiétude de la part de l'ensemble des représentants des 25 pays membres, ou qui vont l'être, de l'Union européenne.

Enfin, à la l'initiative de la France, et dans l'esprit que j'évoquais hier soir, en répondant à une question posée par l'un de vos collègues, le Conseil a adopté à l'unanimité une résolution sur la question de la Côte-d'Ivoire pour rappeler que nous soutenions, que nous étions unanimes à soutenir l'évidence que seule l'application complète et immédiate des accords de Marcoussis pouvaient conduire ce pays à plus de stabilité et surtout à une politique de réconciliation.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez rencontré ce matin le Premier Ministre turc, M. ERDOGAN. Est-ce que les efforts consentis par la Turquie pour satisfaire aux critères dits de Copenhague vous paraissent suffisants pour convaincre l'opinion française que les négociations d'adhésion doivent être ouvertes en décembre ?

LE PRÉSIDENT - Les efforts de la Turquie sont indiscutables, efforts en vue d'intégrer toutes les règles touchant à la démocratie, aux droits de l'Homme et à l'économie de marché. Ces efforts sont indiscutables et personne ne les conteste. Le problème est de savoir s'ils sont effectivement entrés dans les moeurs ou s'ils vont y entrer. Sur ce point, comme vous le savez, nous attendons le rapport de la Commission qui doit nous être donné, je crois, en octobre. Ce rapport de la Commission nous permettra de décider s'il y a lieu ou non d'engager les négociations qui, bien entendu, seront longues, avec la Turquie pour son adhésion. Je ne peux donc pas préjuger aujourd'hui, cela va de soi, des contenus et des conclusions du rapport de la Commission.

QUESTION - Je voudrais une précision de date : vous espérez obtenir un accord sur la Constitution européenne avant les élections européennes du mois de juin, ou seulement lors du Conseil des 17 et 18 juin ? Et deuxième question : à quoi attribuez-vous précisément le brutal déblocage des discussions sur la Constitution européenne qui paraissaient quand même sérieusement compromises en décembre dernier ?

LE PRÉSIDENT - Sur la deuxième question, je n'ai jamais, vous vous souviendrez peut-être de mes propos lors du dernier Conseil, je n'ai jamais souscrit à l'idée qui, je le reconnais, a été très largement répandue, selon laquelle ce blocage était très fort et quasiment insurmontable. J'ai effectivement remarqué que c'était le sentiment exprimé par un certain nombre d'observateurs, ce n'était pas le mien. Je l'avais dit à l'époque, alors, on a discuté.

La Présidence, je dois dire, a fait un très bon travail pour essayer de passer au-delà des principes et pour toucher aux réalités. Elle l'a fait avec un certain succès et tout ceci a conduit à ce que vous appelez peut-être un déblocage. Je ne sais pas si c'est tout à fait le mot qui convient, mais enfin c'est une situation où l'on peut effectivement et raisonnablement espérer un accord. Il n'est pas encore acquis. Dans la démocratie, tant que les choses ne sont pas décidées, elles ne sont pas arrêtées. Mais enfin, on peut l'espérer. C'est aujourd'hui, me semble-t-il, à la fois nécessaire et possible. Nécessaire parce que nous avons besoin, je le disais tout à l'heure, de relever le défi européen, c'est vital pour les Européens et notamment pour les Français, les autres aussi. Et je crois que c'est possible parce que je pense que la raison doit l'emporter et l'emportera.
Alors, la date, ça naturellement, je n'ai pas de précision à donner. Ce que j'ai dit c'est qu'il fallait que ce soit fait pour le Conseil européen. Si ça pouvait être fait avant tant mieux. Nous n'avons pas discuté de la date, bien entendu.

QUESTION - Le Kosovo a été le théâtre de violences ethniques, sans précédent depuis la fin de la guerre, est-ce que vous considérez que l'établissement d'une société multi-éthnique au Kosovo et en Bosnie est encore possible ? Est-ce que la Communauté internationale et notamment l'Union européenne ne se sont pas un peu bercées d'illusion à cet égard ? Et enfin, est-ce que l'autonomie, voire l'indépendance du Kosovo, ne vous paraît pas inéluctable à terme ?

LE PRÉSIDENT - La situation au Kosovo, hélas, est ce qu'elle est et ce que chacun sait, c'est-à-dire, n'hésitons pas à employer le mot, dramatique. Je me permettrai de vous signaler que dans une telle circonstance, il convient d'apaiser et non pas de mettre de l’huile sur le feu. Toutes les grandes déclarations qui peuvent être faites par les uns ou par les autres et qui seraient fondées sur le principe du «il n’y a qu’à » me paraissent prohibées. Nous avons une situation, la première chose à faire c’est d’essayer de calmer les choses.

La communauté internationale a pris en main cette situation et cette nécessité de calmer les choses. La France y participe de façon non négligeable, par l’envoi de troupes supplémentaires. C’est le premier objectif. Ensuite, et sans passion, ou plus exactement avec le minimum de passion et en tous les cas sans passion importée, nous verrons ce qu’il y a lieu de faire. Je me garderai bien de porter un jugement sur ce point.

QUESTION - Concernant l’Iraq, Monsieur le Président, il y a cette date du 30 juin que tout le monde a en tête aujourd’hui, d’autant plus que les troupes espagnoles pourraient quitter l’Iraq le 30 juin. L’Europe, semble-t-il, souhaiterait une nouvelle résolution des Nations Unies. Quelle sorte de résolution, est-ce que c’est uniquement sur le rôle plus crucial, plus essentiel des Nations Unies, autrement dit, sur une force de maintien de la paix envoyée en Iraq ?

LE PRÉSIDENT - Je ne ferai pas de long commentaire sur ce qui se passe en Iraq et qui est effectivement très préoccupant. La position de la France reste ce qu’elle a toujours été. C’est-à-dire que seule l’institution le plus rapide possible, et c’est maintenant prévu pour le 30 juin, d’un gouvernement mais d’un gouvernement qui soit à la fois représentatif et qui ait le pouvoir, probablement avec l’encouragement actif de l’organisation des Nations Unies, peut permettre de redonner aux Iraquiens le sentiment d’être, je dirais, engagés dans un processus de réconciliation et de retour à la stabilité, à la paix et à la possibilité de reconstruire leur pays dévasté.

La position de la France dans ce domaine n’a donc absolument pas changé. Faut-il une résolution de l’ONU, je le pense. Cela serait utile pour bien marquer les choses. Vous dire que je suis à cet égard très optimiste serait excessif.

QUESTION - Je voulais revenir sur la Constitution, s’il vous plaît. On a entendu dire que la France, c’est-à-dire vous même en fait, auriez préféré un accord sur la Constitution après les élections européennes pour, soi disant, éviter un débat sur le sujet. Je voudrais savoir si vous pouvez confirmer cela et deuxièmement savoir si vous avez pris position sur la question d’un référendum. Est-ce que vous voulez en organiser un sur la Constitution ?

LE PRÉSIDENT - Premièrement, sur la date, ce bruit m’a été rapporté, effectivement. Je ne sais pas d’où il venait mais la France n’a exprimé sur ce point aucune prétention naturellement, ni aucune proposition. Les choses sont déjà assez compliquées. Nous avons dit à la Présidence que plus vite on pourra aller et plus on sera sûr d’avoir vraiment terminé pour le 17 et le 18 juin. Ce qui est pour nous l’essentiel. Alors après, que ce soit une semaine avant, deux semaines avant, trois semaines avant, nous n’avons pas posé de problème ou soulevé la question.

Je sais par ailleurs que certains pays sont d’un avis, d’autres de l’autre. Cela n’a pas été l’objet d’une position de la France. Quant aux modalités de ratification, c’est un problème strictement français et que nous examinerons le moment venu.

QUESTION - Je voulais savoir sur la question de la coordination dans la lutte contre le terrorisme, est-ce que vous avez discuté avec vos collègues de la question d’une campagne d’information ? Des informations de la part du gouvernement espagnol sortant sur les auteurs de cette attaque qui a eu lieu le 11 mars ? Il paraît que les services secrets allemands estiment qu’ils n’ont pas été correctement informés par le gouvernement espagnol sortant. Vous avez eu l’occasion de discuter sur cette question ?

LE PRÉSIDENT - Nous n’en avons pas parlé.

QUESTION - Un des grands absents dans ce sommet c’est M. José Luis RODRIGUEZ ZAPATERO. Je me demande si la position de la France va se rapprocher, à la demande des Espagnols, maintenant que ZAPATERO dit que lui il va se rapprocher de la France. Est-ce que la France est prête à augmenter le seuil de population nécessaire pour prendre des décisions ? Je voudrais aussi avoir une réflexion personnelle : les changements de personne, d’AZNAR à ZAPATERO, vont-ils changer la donne ?

LE PRÉSIDENT - Tout d’abord, vous me demandez mon analyse sur la gestion de M. AZNAR, c’est un peu indiscret. Ce que je peux vous dire c’est que je considère que M. AZNAR a assumé ses responsabilités pendant deux mandats dans des conditions qui ont permis indiscutablement un développement important de l’Espagne. Et je crois que personne ne peut le contester.
Vous m avez ensuite demandé si M. ZAPATERO était susceptible de rapprocher la France et l’Espagne. Tout ce qui rapproche l’Espagne de la France et aussi de l’Allemagne est nécessaire et positif. Et de ce point de vue, les premières déclarations de M. ZAPATERO me sont apparues comme très intéressantes et très ouvertes. Je souhaite que l’on puisse renforcer ces liens et que l’ Espagne trouve une place forte dans la construction européenne, notamment en renforçant ses liens avec l’ Allemagne, avec la France et avec d’autres.
Pour ce qui concerne les négociations, attendons que M. ZAPATERO ait pris la mesure du dossier, ses positions et puis nous verrons comment, à partir de là, les discussions pourront se développer, en tous les cas, dans un esprit très positif pour ce qui concerne le renforcement des liens entre l’ Espagne et la France et d’ailleurs l’ Allemagne.

QUESTION - Monsieur le Président, avez-vous évoqué l’ Entente cordiale avec Tony BLAIR et lui avez-vous parlé d’une entente cordiale qui risque d’être malmenée, demain soir, au Stade de France ?

LE PRÉSIDENT - Je ne me serais pas permis d’évoquer un sujet qui pouvait être pénible pour lui et par conséquent, je ne l’ ai pas fait ! Mais je ne vous cache pas que j’ai formulé des voeux très forts pour le succès que j’escompte de la partie française, dans ce débat-là.

QUESTION - Monsieur le Président, les conclusions du Conseil indiquent que la cohésion sociale doit être au centre des préoccupations. Pouvez-vous nous dire dans quelle mesure cette préoccupation va s’appliquer au gouvernement d’après les élections régionales ?

LE PRÉSIDENT - Le gouvernement, quel qu’il soit, qui sera en France au lendemain des régionales, car je peux vous assurer qu’il y en aura un, répondra à cette question.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit que vous avez parlé du Grand Moyen-Orient, est-ce que ce projet n’est pas mis en danger par l’assassinat du Cheikh YASSINE ?

LE PRÉSIDENT - En tous les cas il est bousculé. Cela ne fait aucun doute.

QUESTION - Monsieur le Président, pendant ce sommet, les Chefs d’Etat et de gouvernement n’ont pas parlé d’élargissement. Mais vous, Monsieur le Président, comment voyez-vous ce processus, après le premier mai, en ce qui concerne la Roumanie et la Bulgarie ?

LE PRÉSIDENT - Vous connaissez notre position. Elle n’a pas bougé. Nous souhaitons que la Bulgarie et la Roumanie, et puisque vous êtes roumaine je souligne les efforts qui ont été renforcés depuis quelque temps par la Roumanie, que ces efforts puissent conduire au respect des engagements qui ont été pris aux dates qui ont été prises. Nous le souhaitons et nous le voulons. j’en ai encore parlé ce matin avec les dirigeants roumains. Je suis, honnêtement, optimiste.

Je vous remercie.





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