Conférence de presse du Président de la République à l'occasion du Sommet de l'OTAN.

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'occasion du Sommet de l'OTAN.

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Istanbul, Turquie, le lundi 28 juin 2004

Bonjour Mesdames, Messieurs,

Je voudrais remercier les autorités turques qui nous reçoivent aujourd'hui, les journalistes turcs, les journalistes français qui ont fait le déplacement et les journalistes étrangers.

Vous me permettrez tout d'abord d'exprimer ma reconnaissance au Président SEZER, avec qui d'ailleurs je viens d'avoir un entretien bilatéral, et au Premier ministre ERDOGAN pour l'accueil que nous ont réservé les autorités turques à l'occasion d'une réunion qui, chacun s'en est rendu compte, était difficile à organiser et complexe, et qui l'a fort bien été. Je voudrais également dire à la population d'Istanbul, cette superbe et glorieuse cité d'Istanbul, toute notre reconnaissance et aussi nos excuses pour les perturbations apportées à leur vie quotidienne et les difficultés qu'elle a dû assumer de notre fait. J'ai demandé au Président SEZER de les transmettre de ma part.

J'ai également souhaité remercier le Secrétaire général de l'OTAN pour la façon dont il a organisé, préparé et présidé nos travaux.

Il y a deux ans, à Prague, vous vous en souvenez, l'Alliance Atlantique ouvrait une page nouvelle de son histoire, une page marquée par l'élargissement, par la mise en place d'outils militaires plus flexibles et plus efficaces et enfin par le renforcement de ses partenariats. C'est ce travail que nous avons poursuivi aujourd'hui.

Ce Sommet consacre tout d'abord le nouvel élargissement et j'ai été heureux d'être, ce matin, le porte-parole des chefs d'Etat et de gouvernement pour accueillir les sept nouveaux membres qui ont rejoint l'OTAN.

Nous avons également dressé un premier bilan des outils militaires de l'OTAN. Comme vous le savez, la France est pleinement partie prenante à cet effort militaire de la NRF, la Force de Réaction Rapide de l'OTAN, dont les moyens nationaux, je le rappelle, sont également disponibles pour ce qui concerne l'Union européenne. La France est aussi, j'ai eu l'occasion de le rappeler, notamment pour les nouveaux membres, pour ceux qui ne nous connaissent pas aussi bien, l'un des tout premiers contributeurs de force aux missions militaires de l'OTAN. Au deuxième trimestre de cette année, la France sera amenée à diriger les opérations conduites par l'OTAN au Kosovo. Elle sera également en Afghanistan à travers l'état-major du Corps européen dont l'engagement, je le note en passant, est l'un des symboles de l'Europe de la défense. Cet engagement montre de manière exemplaire qu'une Europe de la défense forte est non seulement compatible mais aussi nécessaire pour une organisation militaire de l'OTAN forte.

Nous avons également évoqué la Bosnie et la relève, à la fin de l'année dans le cadre des engagements que l'on appelle "Berlin plus", de la SFOR par une force de l'Union européenne. S'agissant du Kosovo qui nous préoccupe, vous le savez, j'ai relevé que la violence des récents affrontements devait nous inciter à ne pas baisser la garde et à maintenir une présence militaire forte et assurée.

En Afghanistan, nous avons le devoir de soutenir le processus politique et l'action conduite par le Président KARZAI. Une question a été posée à l'occasion du déjeuner par le Secrétaire général de l'OTAN sur le point de savoir s'il convenait, dans le cadre du prochain déroulement des élections, dont nous souhaitons naturellement qu'elles puissent se tenir de façon calme et démocratique, s'il était ou non opportun de mobiliser et de d'envoyer sur place en Afghanistan des unités de la nouvelle Force de Réaction Rapide de l'OTAN, la NRF. Certains de nos collègues étaient favorables à cette idée. J'ai fait remarquer que, d'abord, ce n'était pas la vocation de la NRF qui a vocation à agir lorsqu'il s'agit de crise avérée, ce qui n'est évidemment pas le cas en Afghanistan aujourd'hui. D'autre part, à la veille d'élections politiques, une présence de l'OTAN trop affirmée, trop nombreuse n'était peut-être pas politiquement ce qu'il y avait de plus sage et de plus raisonnable. J'ai donc proposé, si l'on avait des inquiétudes après avoir entendu le Président KARZAI demain, que le plus sage était de mettre les Forces de la NRF en alerte, pour le cas où, et deuxièmement, d'envoyer sur place une mission d'évaluation pour savoir quelle est la situation telle qu'on peut l'observer sur le terrain.

Nous avons ensuite évoqué l'importance capitale de nos partenariats : partenariat avec la Russie d'abord, bien entendu, et qui se développe bien ; partenariat également avec l'Ukraine, nous aurons l'occasion demain d'en reparler ; partenariat avec les pays d'Asie centrale, du Caucase, mais aussi les pays du dialogue méditerranéen, tout cela restant dans nos priorités. Avec les autres pays de la région du Moyen-Orient, nous pouvons également encourager les échanges, les dialogues. Mais la France a beaucoup insisté -et d'ailleurs elle a été suivie- sur le fait qu'il appartient à ces pays de formuler leur demande et non pas à nous de la leur imposer. J'ai rappelé par ailleurs que le conflit israélo-palestinien était au coeur des problèmes et des difficultés que nous connaissons dans l'ensemble de la région et qu'il n'y aurait pas de solution tranquille dans cette région, de solution stable, sans une solution au problème israélo-palestinien. Ce qui, hélas, aujourd'hui n'est pas le cas.

Au cours du déjeuner, nous avons évoqué les questions internationales, essentiellement l'Afghanistan et l'Iraq, avec l'adoption de la résolution 1546 qui est désormais en place, le transfert de souveraineté est actuellement acquis. Nous avons, à l'occasion de ce déjeuner, un peu avant en réalité, appris par le Président des Etats-Unis la dissolution de l'autorité provisoire de la coalition. Nous nous en sommes naturellement réjouis. Elle intervient deux jours avant la date initialement prévue, et le gouvernement intérimaire iraqien entrera donc en fonction, par anticipation de quarante-huit heures, pour assumer la souveraineté de l'Iraq, conformément à cette résolution 1546. Vous le savez, le retour à la souveraineté de l'Iraq est, à mes yeux, une condition nécessaire, hélas pas suffisante, mais nécessaire au rétablissant de la paix, de la stabilité, de la démocratie et du progrès, et du développement dans ce pays. La France a renouvelé ses voeux de succès au Gouvernement intérimaire iraqien, l'a assuré de son soutien dans la reconstruction économique et politique de l'Iraq. Elle souhaite que le peuple iraqien puisse, sans délai, et en en ayant parfaitement conscience, reprendre en main le destin de son pays.

S'agissant du rôle de l'OTAN en Iraq, vous connaissez ma position : je ne crois pas qu'il soit dans la vocation de l'OTAN d'intervenir en Iraq et de surcroît, je suis persuadé que si l'OTAN intervenait en Iraq, les conséquences négatives seraient sans aucun doute très supérieures, notamment sur les plans psychologique et politique aux conséquences positives. Ce n'est pas opportun, ce ne serait pas compris. Ma conviction est que la seule voie de sortie, je le répète, c'est de donner vraiment conscience au peuple iraqien qu'il a repris en main ses destinées.

Alors, une des conditions nécessaires à la restauration rapide de la souveraineté iraqienne, c'est évidemment la capacité pour les autorités iraqiennes à disposer de forces militaires et policières sans lesquelles il n'y a pas de souveraineté dans un Etat moderne. Il faut donc que les autorités iraqiennes aient la possibilité de disposer et de commander une force militaire et une force de police. C'est l'un des points sur lesquels la France avait beaucoup insisté à l'occasion de l'élaboration, à New York, de la résolution 1546. La déclaration que nous avons adoptée et que vous avez vue reflète le consensus des Etats membres de l'OTAN sur le principe d'une réponse positive aux demandes iraqiennes en matière de formation.

Je vous rappelle, à cet égard, que la France a marqué de longue date son accord pour apporter une aide de formation à la gendarmerie iraqienne, en dehors de l'Iraq. Nous avons également eu un débat sur les modalités que devait prendre cette aide et conclu que le seul moyen de l'adapter à la situation actuelle c'était de faire en sorte que ce soit les Nations qui disposent des moyens, qui assurent la formation dans le cadre d'un accord avec le gouvernement iraqien. Soit les Nations de la coalition, sur place ou ailleurs, soit les Nations hors de la coalition, sur place ou ailleurs. S'agissant de la France, j'ai indiqué que la France, le cas échéant, participerait à cette formation, mais naturellement en dehors de l'Iraq.

Voilà les principales questions qui ont été évoquées ce matin. Par ailleurs, je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai eu un entretien très chaleureux avec le Président SEZER. J'aurai demain des entretiens en marge de nos réunions avec plusieurs chefs d'Etat d'Asie centrale et du Caucase et notamment M. NAZARBAIEV, M. ALIEV et M. SAKACHVILI.

QUESTION - Monsieur le Président, vous venez de nous confirmer que vous souhaitiez que ce soit les Nations, celles qui disposent des moyens pour le faire, qui assurent la formation, que ce soit en dehors ou à l'intérieur de l'Iraq. Si je lis le communiqué, je vois : "Nous avons décidé d'offrir l'assistance de l'OTAN au gouvernement de l'Iraq, nous encourageons aussi les Nations de l'Alliance à contribuer à l'entraînement des forces iraqiennes". Cela a l'air de signifier que l'OTAN en tant que telle offre la formation ?

LE PRÉSIDENT - Je ne pense pas que ce soit ce que révèle cette lecture, mais néanmoins vous avez raison sur un point : l'OTAN ne dispose pas de moyens, ce sont les Nations qui ont les moyens nécessaires. Donc, la question est superflue. En revanche, l'OTAN a quelques moyens spécifiques, je prends comme exemple le collège militaire de Rome, qui est une excellente institution de formation des officiers. Il est évident que nous sommes favorables à ce que le collège, institution de l'OTAN, et donc d'une certaine façon l'OTAN, puisse accueillir des officiers iraqiens à ROME pour les former. Donc cette lecture peut également se comprendre, vous avez raison, de la façon que vous avez évoquée.

Mais je voudrais simplement vous dire que ce soutien relève essentiellement des efforts bilatéraux, je dirais, par définition. Ce sont les efforts des Etats-Unis, ce sont les efforts des pays de la coalition qui interviennent déjà d'ailleurs dans ce domaine. Ou ceux d'autres pays qui, comme la France ont manifesté leur disponibilité à contribuer à ces efforts bilatéraux, mais en dehors de l'Iraq et en réponse à des demandes spécifiques et clairement affirmées par les autorités iraqiennes. C'est donc essentiellement pour nous à travers un soutien de l'OTAN aux Nations engagées dans les activités de formation que pourra se matérialiser le concept de soutien de l'OTAN au gouvernement iraqien. Mais il y a également des moyens généraux, comme celui du collège de défense de Rome, qui peuvent être mis en oeuvre.

QUESTION - Monsieur le Président, je voudrais revenir sur la question de la formation. Le Conseil de l'OTAN à Bruxelles doit préciser les détails, les arrêter, si j'ai bien compris. Est-ce que cela veut dire que si le Conseil de l'OTAN décidait une installation de l'OTAN, du drapeau de l'OTAN à Bagdad, la France s'y opposerait ?

LE PRÉSIDENT - La France n'aura pas à s'y opposer car ceci n'est pas dans la mission confiée à l'OTAN, et donc cela ne se produira pas. Nous n'aurons pas l'occasion de nous y opposer, ce débat a eu lieu. Toute implantation de l'OTAN, toute trace, s'y j'ose dire, de l'OTAN sur le sol iraqien a été considérée comme inopportune et, à mon sens, à juste titre.

QUESTION - Vous avez parlé de l'importance de résoudre le conflit israélo-palestinien pour avoir une paix durable dans la région. Est-ce que vous croyez qu'il y a des avancées avec le Président BUSH sur cette question ? Et une deuxième question, pas sur l'OTAN : demain vous allez accepter M. DURAO BARROSO comme Président de la Commission, c'est une personne qui a organisé le Sommet des Açores et qui est anti-étatiste. Pourquoi est-ce que la France l'a accepté ?

LE PRÉSIDENT - Alors, premièrement, je persiste à penser -mais hélas, je n'ai pas de solution acceptable par tout le monde- que le conflit israélo-palestinien reste l'origine d'une grande partie des difficultés que nous connaissons dans cette région. Et que tant qu'il ne sera pas réglé, c'est-à-dire tant que l'on aura pas réussi à remettre les deux parties autour d'une même table pour trouver clairement, dans l'esprit de la Feuille de route, une solution permettant d'avoir deux Etats indépendants et respectueux l'un et l'autre de la sécurité de l'autre, on aura beaucoup de mal. Je déplore, pour ma part, que nous n'ayons pas mobilisé davantage d'énergie pour essayer de trouver une solution acceptable pour les deux parties dans ce conflit.

Vous m'avez posé la question du Premier ministre portugais. Dans l'état actuel des choses, il y a effectivement une candidature qui, je pense, va être confirmée de la part de M. BARROSO. La France sera sans aucun doute favorable à cette candidature, elle a pour cela bien des raisons. D'abord, je trouve que le Portugal est bien placé. Le Portugal n'est pas un pays fondateur, mais il est un membre ancien, ce qui lui donne une vocation particulière. Sa situation géographique est incontestablement, du point de vue français, un avantage. Il y a, semble-t-il, un consensus général au Portugal, aussi bien dans la majorité que dans l'opposition pour soutenir cette candidature. Nous connaissons tous M. BARROSO et nous avons pour lui de l'estime et de l'amitié. Par conséquent, s'il confirme sa candidature et après les consultations d'usage, je ne verrai que des avantages à ce que sa candidature soit retenue pour être ensuite soumise à l'appréciation du Parlement européen, conformément aux nouvelles règles du jeu.

QUESTION - Monsieur le Président, au sujet de l'Iraq, de quelle manière la France compte-t-elle contribuer à la formation des forces de sécurité iraqiennes ? Est-ce que cela peut aller au-delà de la formation de gendarmes, et que se passera-t-il si le gouvernement intérimaire iraqien demande une formation sur le sol iraqien ?

LE PRÉSIDENT - Cher Monsieur, je crois l'avoir déjà dit deux fois, mais on ne dit jamais "deux sans trois", paraît-il. Par conséquent, je vous réponds bien volontiers que la France ne formera ni gendarmes, ni policiers, ni militaires sur le territoire de l'Iraq. Cela, c'est clair.

QUESTION - Monsieur le Président, le Président BUSH, ce matin, vous a annoncé ce transfert de souveraineté de façon un peu désinvolte, nous a-t-on dit, enfin, de façon totalement décontractée. Est-ce que cela ne vous a pas semblé un peu cavalier sur la forme ? Et puis, deuxième question : par rapport aux modalités qui restent à définir, est-ce que vous avez fixé un calendrier, est-ce que l'on sait quand cela va se passer, et quand on va avoir les résultats attendus ?

LE PRÉSIDENT - Les modalités ont été prévues depuis longtemps, c'est-à-dire ce sont celles qui figurent dans la résolution 1546 des Nations Unies. La seule différence, c'est que cela se fait deux jours plus tôt. Il n'y avait pas de date, donc par conséquent, le Président des Etats-Unis a annoncé cela, cela veut dire que tout le monde était très content sans que cela n'ait provoqué sur aucune des délégations des questions d'émotion particulière. Tout le monde a été très satisfait, cela se fait deux jours plus tôt que prévu, dans l'esprit de la résolution 1546 et c'est très bien. Pas de problème particulier.

QUESTION - Mais sur les modalités de formation, d'aide à la formation ?

LE PRÉSIDENT - Sur les modalités de formation, premièrement il y aura sans aucun doute un conseil donné par l'OTAN, si elles le demandent, aux Nations formatrices. Mais pour le reste, la formation, c'est de la responsabilité des Nations qui accepteront de former. Soit sur place, s'agissant des membres de la coalition ou d'autres, soit à l'extérieur, comme certains, notamment la France, l'Allemagne, ou l'Espagne, je crois.

QUESTION - Excusez-moi, mais j'ai quelque doute encore parce qu'une source officielle de l'OTAN vient de dire, ici même, qu'une présence de l'OTAN, une présence formelle de l'OTAN, est possible en Iraq. Quel est votre avis ?

LE PRÉSIDENT - Je ne sais pas quelle est la source à laquelle vous faites allusion, mais ce que je peux vous dire c'est que ce n'est pas conforme aux décisions qui ont été prises ce matin. Je ne peux pas vous en dire plus.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez dit tout à l'heure qu'il ne faut pas imposer aux pays d'adhérer à l'OTAN, mais au contraire, il faut que les pays le demandent volontairement. A votre connaissance, est-ce qu'un des pays d'Asie, de l'Asie centrale, a déjà exprimé son souhait d'adhérer à l'OTAN? Est-ce que vous croyez que cette orientation est une bonne chose ?

LE PRÉSIDENT - Pour le moment, l'OTAN vient de s'élargir. A ma connaissance, il n'y a pas de demande formelle de la part d'autres pays pour entrer dans l'OTAN en Asie centrale. Il y a un conseil de partenariat, vous le savez, de l'OTAN qui d'ailleurs se réunira demain, qui comprend quarante-six membres, avec une vingtaine de pays, notamment les pays d'Asie centrale et du Caucase, la Russie et l'Ukraine. Nous avons une très très bonne coopération, une très bonne relation. Pour le moment, les choses se passent bien comme cela. Moi, je ne suis hostile à rien de particulier.

QUESTION - Monsieur le Président, le Président BUSH a dit récemment qu'un certain nombre des problèmes du passé entre les Alliés sur la question iraqienne ont été réglés. Est-ce que vous avez, vous aussi, cette impression, est-ce que tout est calmé ?

LE PRÉSIDENT - Vous aurez observé que s'il y a eu des problèmes -je ne conteste pas qu'il y en ait eu-, ils n'ont pas provoqué de la part des autorités ou de la population française la moindre réaction d'agacement ou d'hostilité. Par conséquent, si le Président BUSH considère que ces problèmes, qui étaient des divergences de vues sur une affaire qui intéressait le monde, sont désormais réglés, je ne peux que m'en réjouir et naturellement, sur ce point, lui donner raison.

QUESTION - Monsieur le Président, vous avez eu un entretien avec le Président SEZER : pouvez-vous nous parler des sujets essentiels de l'entretien ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas pour vocation de commenter les propos du Président SEZER, mais nous avons évoqué d'une part, l'organisation de ce Sommet, deuxièmement les relations franco-turques, pour constater que dans les domaines politiques, économiques, culturels, elles sont excellentes. Troisièmement, nous avons évoqué la procédure d'examen de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. C'est un sujet qui préoccupe beaucoup les autorités turques et en particulier le Président SEZER. Je lui ai redit quelle était ma position dans ce domaine.

J'ai toujours pensé que l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne était souhaitable dès qu'elle serait possible, naturellement. D'abord parce que la Turquie a une vocation européenne, historique, très ancienne. Ensuite, parce que depuis plus de quarante ans maintenant, la Turquie s'est vue offrir la perspective d'entrer un jour dans l'Union européenne, ceci s'agissant de la France, par tous les chefs d'Etat et tous les chefs de gouvernement successifs depuis cette période. Cette perspective a été, je le rappelle, confirmée en 1999 lors du Sommet européen d'Helsinki avec la reconnaissance du statut de candidat, et la France était représentée au Sommet d'Helsinki à la fois par moi-même comme Président de la République, et par M. Lionel JOSPIN comme Premier ministre.

Ensuite, au-delà de ces problèmes de principe, je pense que cette vocation est justifiée parce que c'est de notre intérêt politique européen, de notre intérêt économique également, d'avoir une Turquie stable, démocratique, moderne, et qui a fait le choix de la laïcité depuis 1923. C'est de notre intérêt de l'avoir avec nous et non pas en dehors. Elle pourrait d'ailleurs, à ce titre, servir d'exemple à beaucoup de parties de la grande région dans laquelle elle se trouve. Alors avant de pouvoir rentrer, il faut comme toujours dans tous les clubs, si j'ose dire, respecter les règles. Les règles ce sont ce que nous appelons les critères de Copenhague, c'est-à-dire les règles relatives aux droits de l'homme, aux libertés et à l'économie de marché.

Chacun reconnaît que la Turquie a fait un effort considérable depuis ces dernières années, notamment sur le plan législatif et institutionnel pour assumer ces critères de Copenhague, sur ces sujets. Personne ne le conteste. Par conséquent, la Commission européenne va, au mois d'octobre, transmettre au Conseil européen un rapport dans lequel elle portera un jugement. Est-ce que la Turquie remplit la totalité des conditions, ou est-ce qu'elle n'est pas tout à fait prête à remplir ces conditions ? Est-ce que ces conditions, qui ont été incontestablement décidées au niveau législatif, constitutionnel, sont bien arrivées jusque sur le terrain ?

Il ne m'appartient pas de préjuger de ce que sera le rapport de la Commission, mais ce rapport, nous en prendrons connaissance. Et si la Commission dépose un rapport favorable, à ce moment-là, il appartiendra au Conseil européen, sur la base de ce rapport, de décider l'engagement des négociations d'adhésion dont il ne faut pas se faire d'illusions, elles seront longues et difficiles, aussi bien pour l'Europe que pour la Turquie. Car la mise en commun de nos forces vives dans tous les domaines, économique, politique, culturel, social, etc··· prendra du temps, mais enfin, on commencera. Si d'aventure la Commission estimait que la Turquie n'est pas encore prête, alors il faudrait différer de six mois, d'un an··· Nous verrons ce que proposera la Commission.

Mais si voulez mon sentiment, je crois qu'aujourd'hui, le mouvement conduisant à l'entrée de la Turquie, dans l'avenir, et dès qu'il sera possible, des deux parties, des deux côtés, ce mouvement est irréversible et au total souhaitable.

QUESTION - Monsieur le Président, la France a souhaité, pour l'Iraq, une rupture au moment du transfert. Est-ce que vous voyez la rupture actuellement ? La rupture par rapport à ce qui était avant ? Est-ce que l'Iraq s'oriente vers cette rupture, c'est-à-dire vers une souveraineté ou on en est vraiment loin ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, vous connaissez ma conviction. C'est que la condition nécessaire et, hélas, pas suffisante à la sortie de crise en Iraq, c'est l'assurance pour l'ensemble du peuple iraqien qu'il détient véritablement les clés de son destin, lui-même. Alors, on fait un pas important dans cette direction, dans l'esprit de la résolution 1546. Je vous ai dit que c'était nécessaire, je ne peux pas vous assurer que ce sera suffisant.

QUESTION - Monsieur le Président, j'aurais voulu revenir sur la question de la Turquie. Le Président BUSH a affirmé que l'Union européenne devrait ouvrir immédiatement des négociations afin de faire entrer pleinement la Turquie comme Etat membre de l'Union européenne. Vous semblez plaider un peu plus pour la lenteur. Est-ce que vous trouvez que le Président BUSH a été un peu trop loin ?

LE PRÉSIDENT - D'abord, je ne plaide pas pour la lenteur, je plaide pour la raison. Ensuite, si le Président BUSH a véritablement dit cela, tel que je l'ai lu, eh bien, non seulement il est allé trop loin mais il est allé sur un terrain qui n'était pas le sien. Et il n'avait aucune vocation à donner une indication ou une voie quelconque à l'Union européenne dans ce domaine. Un peu comme si j'expliquais aux Etats-Unis la façon dont ils doivent gérer leurs relations avec le Mexique.

QUESTION - Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, le Président BUSH a dit ce matin que les Etats-Unis espéraient changer la mission de l'OTAN, de sorte qu'elle puisse faire face aux menaces du XXIe siècle et une source de la Maison Blanche a dit que cette réunion pouvait être un pas crucial pour guider la mission de l'Alliance hors de ses voies anciennes défensives. Est-ce que vous pouvez nous dire comment vous voyez, vous, les missions à venir de l'Alliance ?

LE PRÉSIDENT - Je vais tout d'abord me permettre de vous donner, non pas un conseil, mais une petite réaction. L'expérience m'a prouvé qu'il fallait toujours se méfier énormément des sources sûres que l'on ne cite pas. Pour deux raisons : parce qu'il y a des risques importants soit d'intoxication si la source est intelligente, soit d'erreurs si elle ne l'est pas. Ce qui arrive très souvent. Donc, je me permets de vous mettre tout à fait en garde. N'ayant pas eu le privilège d'un contact avec cette source, je n'ai jamais entendu parler du transfert du caractère défensif en un caractère offensif, ou je ne sais quoi, de l'OTAN.

Pour le moment, l'OTAN est ce qu'il est. Il a, à Prague, assumé une transformation profonde que j'ai évoquée tout à l'heure, avec son élargissement. Je vous rappelle que bien avant Prague, la France avait plaidé pour l'élargissement et avait eu beaucoup de mal. A l'époque, nous étions pratiquement le seul pays à plaider pour l'élargissement. Je me souviens des combats que j'avais menés avec le Président CLINTON, à l'époque, au travers de la Roumanie notamment. Donc l'OTAN assume sa rénovation pas après pas, petit à petit, avec sérieux. Cela a été le cas à Prague, tant sur le plan de l'élargissement que sur le plan des nouveaux moyens et d'une plus grande flexibilité, mise en oeuvre avec la NRF, sur le plan aussi de nos partenariats. Par conséquent, je crois que l'OTAN est ce qu'il est, c'est-à-dire un élément qui conforte le nécessaire lien de solidarité entre les deux rives de l'Atlantique, et que c'est bien comme cela.

Je vous remercie.





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