Conférence de presse du Président de la République, et du Président du gouvernement espagnol, lors du sommet franco-espagnol

Conférence de presse conjointe de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, et de M. José Luis ZAPATERO, Président du gouvernement espagnol, lors du sommet franco-espagnol.


Saragosse - Espagne - le mardi 17 décembre 2004.

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - Nous allons donc entamer cette conférence de presse, qui a pour objectif de vous informer sur le déroulement de ce Sommet bilatéral entre l'Espagne et la France qui a lieu ici, à Saragosse. Je voudrais tout particulièrement remercier la ville de Saragosse, la communauté autonome d'Aragon et leurs représentants pour leur hospitalité, pour leur accueil et pour l'amabilité avec laquelle ils nous ont reçus tout au long de ce sommet.

Comme vous le savez, c'est le premier sommet bilatéral entre l'Espagne et la France avec le gouvernement qui est sorti des urnes dans notre pays le 14 mars dernier. Nous pouvons dire que, lors de ce premier sommet bilatéral, alors que déjà au cours des derniers mois, nos deux gouvernements ont travaillé ensemble dans pratiquement tous les domaines, les relations entre la France et l'Espagne se trouvent dans une période excellente.

Ces relations sont positives, en effet, dans absolument tous les domaines. D'abord, en ce qui concerne la vision de la construction européenne : nous sommes en effet deux pays, deux gouvernements engagés en faveur de la ratification de la Constitution européenne. Nous sommes deux pays qui vont organiser des référendums. Nous sommes deux pays qui demandent à nos concitoyens de participer activement à ce processus de construction européenne.

La France et l'Espagne appellent de leurs voeux une Europe forte, une Europe unie. La France et l'Espagne veulent une Europe constitutionnelle, une Europe pour la sécurité et de la liberté, une Europe de la stabilité économique et de la solidarité pour l'Europe, mais aussi solidarité dans le monde et sur la scène internationale.

La France et l'Espagne considèrent qu'il est indispensable, pour un ordre international et pour un monde qui vit en paix et en équilibre, de donner des possibilités aux peuples qui sont les plus affaiblis grâce à une Europe pleine de conviction dans le rôle qu'elle doit jouer pour l'histoire du monde. La contribution de l'Espagne et de la France à ce processus européen, un processus de civilisation qui n'a pas de précédent dans l'histoire est quelque chose de véritablement indispensable.

Je sais que cette volonté va faire que nos deux gouvernements partagent les mêmes visions sur 90% des points qui figurent à l'agenda européen : le Pacte de stabilité, les perspectives financières, le nouvel élan économique à travers la connaissance, le savoir, l'innovation, la volonté d'ouverture de l'Union européenne, pilier de plus en plus solide en matière de justice, de liberté et de sécurité, la défense du multilatéralisme dans toutes les instances internationales, la défense et la promotion de l'Alliance contre la faim, pour atteindre véritablement les Objectifs du Millénaire, l'ouverture de nouvelles perspectives pour le développement, pour la coopération.

Voilà quelles sont les grandes valeurs que nous partageons. Les valeurs pour une société moderne et pour un monde juste.

En ce qui concerne nos relations bilatérales, nous avons concentré notre objectif commun sur les aspects suivants : tout d'abord, la lutte contre le terrorisme, contre le terrorisme de l'ETA et contre le terrorisme international. Je voudrais exprimer ici au nom du peuple espagnol, et je voudrais l'exprimer en toute solennité, la profonde reconnaissance qu'éprouve l'Espagne pour la France, pour son gouvernement, pour son Président, pour son ministre de l'Intérieur, pour cette coopération qui est extrêmement importante pour nous dans cette lutte contre le terrorisme de l'ETA.

Cette mission que nous nous sommes fixée de défaire les groupes terroristes et de mettre un terme à leurs activités serait impossible sans cette coopération active de la France. Les réussites, les succès que nous avons remportés dans la lutte anti-terroriste au cours des derniers mois sont, dans une grande mesure, le fruit de l'effort, de l'intérêt et des marques de solidarité de la France envers nous. Je voudrais que tous les Espagnols le sachent parce que je sais aussi que les Espagnols sont les premiers à éprouver cette profonde reconnaissance envers la France. Il n'y a rien de plus important que de se sentir profondément aidés, appuyés, lorsqu'il s'agit de défendre la vie et la liberté de nos concitoyens.

Cette coopération en matière de lutte contre le terrorisme va se renforcer encore à l'avenir et nous allons également l'étendre au domaine de la lutte contre le terrorisme international, avec la création d'équipes communes d´enquêtes. Mais nous allons aussi renforcer notre volonté de défendre la sécurité et la liberté face à ce que représente en particulier la criminalité organisée et le trafic de drogue. Là encore, il y aura des équipes communes d'enquêtes entre la France et l'Espagne qui, sans aucun doute, apporteront des résultats concrets et positifs à très court terme.

En outre, sur tous les aspects relatifs à la défense, nous avons une vision partagée qui consiste à donner un nouvel élan à la défense européenne. Plusieurs initiatives conjointes de caractère militaire ont été prises. Dans la construction de cet espace européen de défense, la France et l'Espagne participent à ces différentes activités et vont continuer à y participer. Nous constatons le renforcement qui sera encore plus fort, à l'avenir, des relations entre la France et l'Espagne en ce qui concerne les armements. Nous travaillons aussi au renforcement de la défense européenne et de l'industrie militaire européenne.

En ce qui concerne l'industrie et l'énergie, ce sont deux domaines qui ont eu une place très importante au cours de ce sommet. Nous avons exprimé notre volonté de relancer les interconnexions électriques et de travailler dans le domaine de l'industrie pour remettre en route une politique industrielle active, une politique partagée dans l'Union européenne, mais aussi une politique de coopération bilatérale. Les communications entre les deux côtés des Pyrénées ont eu une place centrale dans notre sommet car, comme vous le savez, le transport des personnes et des marchandises nécessite dans les connexions transpyrénéennes d'importants efforts en matière d'infrastructures, tant en ce qui concerne les chemins de fer que les routes. De manière complémentaire à cela, nous avons ouvert de nouvelles perspectives en matière de transport maritime.

Je dois vous dire que le sommet d'aujourd'hui marque une relance profonde de notre volonté en ce qui concerne les connexions prévues, déjà planifiées, certaines d'entre elles sont déjà en cours d'exécution, qu'il s'agisse des liaisons ferroviaires ou routières. Nous souhaitons donc que cela s'accélère. Nous avons la volonté de faire des choses au bénéfice de l'Espagne, mais également de la France dans le cadre de cet espace que sont les Pyrénées qui, jusqu'à maintenant, ont été une séparation, mais qui devraient être, au contraire, un trait d'union entre nos économies. Et pour nos deux pays, elles vont devenir un espace de continuité.

Nous avons donc décidé de créer un sommet spécifique des régions autonomes voisines de la France, et des entités territoriales du côté français. Ce sommet sera présidé par les deux Premiers Ministres des deux pays et par les représentants des différentes régions concernées. Ce sommet permettra de remettre à jour tout cet ordre du jour en ce qui concerne les liaisons par chemins de fer ou par la route. Mais cela permettra aussi d'ouvrir d'autres perspectives, c'est-à-dire de travailler ensemble à ouvrir des espaces industriels pour éviter les délocalisations, à relancer de nouvelles initiatives conjointes sous l'égide de la coopération. Ce sommet spécifique aura lieu au cours du premier semestre 2005 et je pense qu'il y aura très rapidement des invitations qui vont surgir pour que ce sommet ait lieu à tel ou tel endroit.

En conclusion, c'est un moment excellent dans les relations entre la France et l'Espagne. Je voudrais souligner que c'est là quelque chose d'extrêmement important pour l'Espagne, parce que la France est le premier client et le deuxième fournisseur de l'Espagne, et à son tour, l'Espagne est le deuxième client et le troisième fournisseur de la France. En outre, la France, après le Royaume-Uni et l'Allemagne, est notre troisième marché touristique et nous voulons, bien entendu, augmenter le nombre de touristes français qui viennent en Espagne. Nous voulons qu'entre les deux pays il y ait une plus grande intégration économique, une véritable dépendance économique, et le fait que la relation politique, la vision européenne et les questions bilatérales avancent aussi rapidement et en pleine harmonie est pour moi, non seulement une bonne nouvelle, mais surtout je voudrais en remercier le Président CHIRAC.

Je veux le remercier de sa volonté constructive, de sa volonté de coopération avec nous pour la construction européenne. Le Président CHIRAC est un véritable défenseur des principes européens, qui ont tant apporté en terme de progrès et de liberté à la société espagnole. Ces principes de l'Europe que je partage pleinement, et qui, je l'espère, seront ratifiés avec l'approbation de la Constitution européenne. Merci, Monsieur le Président CHIRAC, merci, Monsieur le Premier Ministre RAFFARIN, merci à toute la délégation française et merci tout particulièrement pour votre attitude dans la lutte contre le terrorisme qui est tellement importante pour notre pays.

LE PRESIDENT: - Mesdames, Messieurs, je voudrais d'abord exprimer mes remerciements très chaleureux au Président José Luis ZAPATERO à la fois pour l'accueil qu'il nous a réservé ici et pour sa disponibilité au dialogue et sa volonté de participer pleinement à la construction de l'Europe, la main tendue vers la France et les autres pays de l'Union européenne.

Je voudrais remercier les ministres qui l'accompagnaient, je voudrais remercier le Président de la communauté autonome d'Aragon, à la fois pour son accueil mais également pour l'analyse très intéressante, qu'au nom des autres présidents d'Autonomies proches de nous, il a fait, et qui ont été particulièrement appréciés par le gouvernement français et par le Premier Ministre.

Je voudrais également remercier la population de Saragosse parce qu'un sommet, quel qu'il soit, c'est toujours beaucoup d'ennuis pour les citoyens d'une ville, et nous avons néanmoins été reçus avec beaucoup de gentillesse. J'ai demandé au Maire, mais je demande également au Président de l'Autonomie, je demande au Premier ministre de bien vouloir transmettre à la population de Saragosse toute notre très chaleureuse estime et reconnaissance.

Ce sommet s'est effectivement déroulé dans un excellent climat. Monsieur ZAPATERO l'a dit à l'instant et c'est vrai : il s'inscrit dans une volonté commune d'agir ensemble dans tous les domaines, la main dans la main.

Tout à l'heure, Monsieur ZAPATERO a dit : "sur 90% des sujets nous sommes d'accord", j'ajouterai que sur les 10% qui restent, nous sommes déterminés à trouver aussi un accord. Cela nous permet, à nous Français, de nous réjouir de cette fraternité d'action qui a toujours été essentielle pour nous et qui est justifiée par la place éminente qui est celle de l'Espagne dans la construction européenne et dans l'Europe de demain. Alors je voudrais remercier chaleureusement le gouvernement espagnol pour cette disponibilité : elle sera, j'en suis sûr, très largement approuvée prochainement, puisque l'Espagne va être le premier pays, non pas à ratifier la Constitution, mais à ratifier la Constitution par un référendum. Ce sera extraordinairement symbolique et cela mettra l'Espagne tout à fait au premier rang de l'impulsion européenne. Je souhaite -je ne veux pas faire d'ingérence dans les affaires de l'Espagne, naturellement- que le peuple espagnol réponde massivement. Je ne doute pas qu'il répondra oui, mais je souhaite qu'il réponde massivement pour bien montrer la voie qui est celle de la confiance que l'on doit avoir dans l'Europe de demain.

Notre coopération dans tous les domaines a été évoquée par le Premier ministre, je n'y reviendrai pas. Sur la coopération policière et judiciaire, elle est tout à fait excellente, elle touche toutes les formes de criminalité, qu'il s'agisse de l'ETA ou qu'il s'agisse des autres formes de terrorisme pour lesquelles l'Espagne, le 11 mars dernier, a payé si cher. Nous nous sentons tout à fait à ses côtés. Il est évident que cette action de coopération sans réserve s'améliorant sans cesse sur le plan technique, elle sera poursuivie et intensifiée, chacun doit le savoir.

Sur les grands problèmes européens, nous avons d'abord constaté notre position commune s'agissant de la Turquie. Nous sommes tous les deux favorables à l'intégration de la Turquie, ou plus exactement à l'engagement d'un processus de négociation pour voir s'il est possible ou non d'intégrer la Turquie. Je souhaite, naturellement, nous souhaitons que cela soit possible, pour bien des raisons, et notamment parce qu'avec une Turquie adhérant sans réserve aux valeurs qui caractérisent l'Europe, l'Europe sera évidemment beaucoup plus forte, beaucoup plus puissante et comptera davantage dans le monde de demain sur tous les plans, politique, économique ou culturel.

J'ai indiqué que quand on engage une négociation, on ne peut jamais être certain qu'elle sera conduite à son terme, qu'il appartiendra évidemment à la Turquie d'examiner dans quelles conditions elle peut adhérer à l'ensemble des valeurs européennes et des valeurs d'économie de marché, comme à celles de la démocratie. Je le répète, je le souhaite ardemment, sinon il faudra trouver une solution qui permette de garder un contact très fort entre la Turquie et l'Europe.

Nous avons bien sûr évoqué les perspectives financières. Là, nous savons très bien qu'il y a des divergences d'approche entre les différents pays européens. Nous savons très bien que chacun a ses préoccupations et toute notre énergie sera mobilisée pour réduire ces divergences et pour trouver la solution qui nous permettra d'avancer ensemble, la main dans la main, dans la construction européenne, en ayant par ailleurs réglé les problèmes budgétaires que cela comporte. Nous y sommes tout à fait décidés.

Nous avons également marqué notre convergence totale sur le plan des principaux problèmes internationaux, d'abord l'aide publique au développement, la lutte contre la pauvreté qui frappe le monde de façon si dramatique. Nous avons, avec Monsieur ZAPATERO, avec le Président LULA et le Président LAGOS, vous le savez, organisé une réunion à l'ONU il y a quelques semaines qui a été un grand succès. Une réunion qui nous permettait de préparer le sommet de 2005 sur la mise en oeuvre des engagements du Millénaire, en prévoyant en particulier la mise en oeuvre de moyens innovants permettant d'atteindre ces objectifs du Millénaire. Nous avons eu, je dois dire, la très grande satisfaction de voir nos propositions approuvées, la proposition des quatre que nous étions, par plus de 110 pays et approuvées par le Fonds Monétaire International et la Banque mondiale. C'était un succès que nous n'attendions pas et qui nous permettra d'aborder la préparation du sommet de l'ONU de 2005 avec beaucoup plus d'énergie et de volonté d'aboutir à une amélioration de la situation des plus pauvres dans le monde.

Nous avons évoqué, le Premier Ministre l'a dit, les problèmes du Moyen-Orient, israélo-palestiniens d'une part, iraquiens d'autre part et là, nous avons également la même approche et le même désir de voir le processus qui s'engage, de voir une amélioration de la situation se poursuivre. Nous apporterons une contribution aussi forte que possible sur le plan politique pour arriver à une amélioration de la situation.

Nous avons évoqué nos rapports avec le Maghreb : c'est un sujet de préoccupation commun et en particulier dans le cadre du processus euro-méditerranéen de Barcelone. Nous avons là aussi la même approche, les mêmes ambitions, les mêmes objectifs et nous les exprimerons très clairement dans une réunion convoquée par le Premier ministre espagnol qui aura lieu à Barcelone en 2005 pour le dixième anniversaire du lancement du processus de Barcelone, du partenariat euro-méditerranéen, une réunion qui aura lieu au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement.

Nous avons, enfin, d'une part affirmé nos convergences de vues totales et inquiètes sur les problèmes qui sont actuellement à l'ordre du jour de la conférence de Buenos Aires, sur les dangers qui guettent aujourd'hui la planète dans le domaine du climat, du réchauffement. Nous partageons tout à fait la même analyse pour essayer de prendre des mesures qui soient réellement efficaces, après l'approbation du protocole de Kyoto, pour protéger l'environnement de notre planète.

Nous avons enfin évoqué aujourd'hui, parce que c'est aujourd'hui que cela se passait, avec une amicale sympathie, l'investiture du nouveau Président de l'Afghanistan, le Président KARZAI. Nous avons également donné ensemble un coup de téléphone au Secrétaire Général des Nations Unies, Monsieur Kofi ANNAN, pour lui témoigner notre estime, notre amitié et notre solidarité. Voila les principaux points que nous avons évoqués.

QUESTION: - Je voudrais poser une question aux deux Présidents. Avez-vous évalué les derniers attentats terroristes de l'ETA qui se produisent, alors que l'organisation terroriste de l'ETA semblait être sur le point de s'effondrer ? Comment évaluez-vous ces attentats, quelle est l'évaluation politique que vous en avez : est-ce que vous pensez que ce sont des incidents inévitables ou est-ce qu'il y a eu un problème dans la coordination de la coopération entre les deux pays ? Par ailleurs, pour revenir aux grandes questions internationales : vous avez dit que vous aviez appelé Kofi ANNAN, que vous aviez un même point de vue sur sa situation. Est-ce que c'est la même chose en ce qui concerne la politique vis-à-vis de Cuba, où les initiatives espagnoles ont été extrêmement critiquées, récemment, par un haut fonctionnaire du département d'Etat américain ?

LE PRESIDENT: - Ne considérez pas que la vérité émane forcément de la bouche d'un haut fonctionnaire de tel ou tel département d'Etat. Moi, non seulement je n'ai pas critiqué, mais j'ai approuvé la démarche faite par l'Espagne à l'égard de Cuba. D'ailleurs, je constate qu'elle a eu des effets positifs au regard notamment de la libération de personnalités qui étaient en prison.

Pour ce qui concerne les attentats, je préfère laisser le soin au Président ZAPATERO de donner son point de vue auquel, à priori et d'avance, je souscris.

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - En ce qui concerne votre première question, les résultats des actions qui ont été menées au cours des derniers mois et des dernières semaines contre les terroristes de l'ETA, en collaboration avec la police française, ont été des actes d'une immense importance. Il est donc évident que cela a véritablement réduit la capacité opérationnelle de l'organisation terroriste qu'est l'ETA. Néanmoins, je veux rappeler que le ministre de l'Intérieur, comme tous les ministres de l'Intérieur d'ailleurs, a toujours souligné que ce groupement terroriste de l'ETA peut encore avoir la capacité de mener telle ou telle action violente à n'importe quel moment. C'est vrai, l'ETA est aujourd'hui très affaiblie mais elle a encore la capacité de faire mal.

Le message qu'il faut envoyer aux terroristes de l'ETA et à tous ceux qui ont gardé le silence face à la violence ou qui ont détourné le regard, c'est qu'il n'ont qu'une seule perspective, ils n'ont qu'un seul destin, c'est d'être complètement écrasés par la démocratie, parce que la démocratie est celle qui a la supériorité morale et parce que jamais, jamais la violence ne réussira à changer cette architecture politique. Bien entendu, je veux souligner l'importance de l'immense travail qui est réalisé par les forces de sécurité espagnoles de l'Etat espagnol qui ont été extrêmement efficaces, y compris quand il a fallu répondre face à des menaces d'attentats à la bombe pour faire en sorte que ces menaces n'aient pas de conséquences douloureuses.

En ce qui concerne votre question sur Cuba, je m'en remets à l´avis des personnes qui ont été libérées, à la vie en particulier de Raúl RIVERO, sur les effets de telle ou telle autre politique. Bien entendu, ni mon gouvernement, ni l'Espagne ne souhaitent que les résultats tout à fait évidents et probants qui ont été obtenus, puisqu'ils ont permis la libération de personnes à Cuba, ne soient attribués à tel ou tel en particulier. C'est finalement le résultat de l'effort de toutes les démocraties, de tous les démocrates. Certains démocrates ne peuvent pas s'attribuer le seul mérite de ces libérations. C'est une victoire de nous tous.

QUESTION: - Je voudrais vous demander, Messieurs CHIRAC et ZAPATERO : qu'est-ce qui vous a donné l'idée de parler à M. Kofi ANNAN ? Est-ce que vous pouvez nous dire quelques mots sur le contenu de la conversation que vous avez eue avec lui et est-ce que cette attitude peut être mal interprétée par certains à Washington qui, eux, cherchent d'une certaine façon à se débarrasser de M. ANNAN, en tout cas si j'en juge par les nouvelles que nous avons ?

Pour revenir à la question des financements communautaires, Monsieur CHIRAC, je voudrais savoir si, de façon générale, la France partage le souhait de l'Espagne d'une réduction graduelle de la contribution aux fonds, en ce qui concerne l'Espagne ?

LE PRESIDENT: - Sur le premier point, je dirais que nous avons tous en Europe, je parle des responsables politiques de l'Europe, beaucoup d'estime pour M. Kofi ANNAN et beaucoup de reconnaissance pour l'action qu´il a conduite sans relâche pour soutenir la paix et la démocratie. Et, au moment où quelques voix, dont on peut s'interroger sur les arrières-pensées qu'elles cachent, essayent de mettre en cause les mérites et les titres de M. Kofi ANNAN, nous avons tous en Europe, comme d'ailleurs en Afrique, et en Asie, considéré qu'il était légitime de témoigner de notre estime, de notre reconnaissance et de notre amitié au Secrétaire général des Nations Unies. C'est dans cet esprit, et dans aucun autre, qu'aujourd'hui, Monsieur ZAPATERO et moi, nous l'avons appelé.

Vous avez évoqué le financement de l'Union. Je vous l'ai dit tout à l'heure, nous avons là un problème qui doit être résolu. Alors, je comprends parfaitement la position de l'Allemagne qui est le plus important contributeur financier à l'Union et qui souhaite limiter les dépenses de façon à limiter sa propre contribution, notamment au moment où elle a des difficultés d'ordre budgétaire. C'est normal.

La France, quant à elle, a aussi des préoccupations qu'il s'agisse du financement de la politique agricole commune qui, pour nous, est un élément très important de l'équilibre européen, ou d'une politique régionale qui est également importante à nos yeux, dans certaines régions. La France expose ses préoccupations.

Quant à l'Espagne, il est tout à fait évident qu'il est légitime pour elle de dire : attention, notre niveau de vie a augmenté, les transferts ne peuvent plus être ceux qu'ils étaient mais on ne peut pas, dans un système économique, tout d'un coup, provoquer une rupture ou une cassure car cela aurait forcément des conséquences traumatisantes à la fois économiques et politiques. Donc, chacun a un point de vue qui s'explique parfaitement.

Alors, à partir du moment où nous avons des points de vue différents, il y a deux hypothèses. La première, c'est de se battre, ce qui conduit inévitablement à l'échec pour tout le monde. La deuxième, c'est de se comprendre et d'engager le dialogue nécessaire pour trouver une solution qui soit, au total, conforme à l'essentiel des intérêts de chacun. Il n'y a pas de problème qui n'ait pas de solution lorsqu'il y a une volonté politique de trouver une solution.

C'est dans cet esprit que nous abordons, aussi bien les Espagnols que les Allemands ou les Français, ce problème. Nous avons un an pour le résoudre et nous le résoudrons, vous pouvez en être absolument certains.

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - Simplement, pour répondre aussi à votre question. Le soutien que nous avons apporté personnellement à M. Kofi ANNAN, c'est aussi parce que nous avons voulu exprimer notre reconnaissance à M. Kofi ANNAN pour ce qu'il a fait, pour défendre les Nations Unies. En tant que Secrétaire général des Nations Unies, il a été un défenseur des valeurs et des principes sur lesquels reposent les Nations Unies. Il est donc naturel que, à l'instar d'autres gouvernements dans le monde entier, nous lui fassions part de notre appui. Nous l'avions fait d'ailleurs par un télégramme, tout récemment.

QUESTION: - Puisque l'Espagne sera le premier pays européen à organiser un référendum sur la Constitution, je voudrais savoir si vous avez invité les chefs d'Etat et de gouvernement à venir faire campagne pour le oui et si Jacques CHIRAC viendra ?

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - Je vous remercie de cette question. Alors, nous sommes face à un référendum qui aura lieu en Espagne, mais c'est un référendum pour l'Europe, vous avez raison. Par conséquent, le gouvernement espagnol souhaite vivement la participation des grands défenseurs de l'Europe, des grands leaders de la construction européenne. J'ai donc invité le Président CHIRAC et le Président CHIRAC a eu l'amabilité d'accepter cette invitation. Et, avec le Chancelier SCHROEDER, il sera présent le 11 février prochain à Barcelone pour défendre le oui à la constitution européenne. Il sera là, non seulement pour défendre le oui, mais aussi dans un exercice pédagogique pour expliquer la Constitution et le projet européen.

LE PRESIDENT: - Je crois que votre confrère souhaite avoir une inutile confirmation. Si le Président ZAPATERO vous le dit, c'est que c'est vrai : je serai à son invitation, avec Gerhard SCHROEDER, dans un exercice pédagogique qui n'a rien de politique, qui n'implique aucune ingérence dans les affaires intérieures d'aucun pays, et notamment pas de l'Espagne. Je serai donc à l'invitation de M. ZAPATERO avec Gerhard SCHROEDER à Barcelone, le 11 février.

QUESTION: - Je voudrais d'abord demander au Président de la République française puisque nous parlons de constitution européenne et du référendum qui aura lieu en Espagne ce que va signifier pour la France le oui qui a été donné par les socialistes français à la Constitution européenne. Et puis, Monsieur le Président CHIRAC, vous avez parlé de ces 10% de domaines sur lesquels vous n'êtes pas d'accord. Il y avait la question des financements. Est-ce que la Turquie est aussi une question sur laquelle vous n'êtes pas d'accord ?

LE PRESIDENT: - Chère Madame, je me suis permis tout à l'heure de dire, peut-être avec insuffisamment de clarté, que la Turquie était l'un des domaines où nous étions totalement d'accord. Alors, sauf si vous insistez particulièrement, je veux bien recommencer, ce qui me conduirait à répéter très exactement ce que j'ai dit tout à l'heure.

Quant à la campagne pour le référendum, elle est tout à fait essentielle pour l'avenir de l'Europe. Je souhaite que l'Espagne qui, je le répète, va donner l'exemple à l'ensemble de l'Europe et sera appelée à témoigner par référendum, le fasse en montrant la foi espagnole, l'enthousiasme espagnol. Et donc, largement, non seulement je le répète au niveau du nombre de oui, mais au niveau de la participation. La responsabilité de l'Espagne aujourd'hui est grande dans ce domaine, il est capital que les autres peuples qui vont suivre en matière de référendum, puissent être dynamisés par l'Espagne et la volonté exprimée par le peuple espagnol et sa confiance dans l'avenir de l'Europe. Ce dont je ne doute pas, d'ailleurs.

Pour ce qui concerne ma participation à une campagne, cette campagne pour l'Europe ne doit pas se tromper d'objet. Il s'agit de l'Europe et exclusivement de l'Europe. Est-ce que l'on veut une nouvelle constitution de nature à permettre une Europe plus efficace ou non ? C'est le seul sujet. C'est la question qui est posée au référendum. Cela doit être tout à fait déconnecté des préoccupations politiques intérieures des différents pays, des différentes démocraties qui composent l'Europe. Chacun a tout naturellement vocation à s'engager sur le plan politique d'une façon ou d'une autre. Mais là, on pose une question claire qui implique que la campagne soit une campagne claire qui ne soit, si j'ose dire, souillée par aucun élément de politique intérieure autre qu'une certaine vision de l'Europe.

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - En ce qui concerne ces 90% de points sur lesquels nous sommes d'accord, je crois que vous pouvez très bien le comprendre, il y a un point sur lequel nous ne sommes pas d'accord, c'est la candidature de la ville pour accueillir les Jeux olympiques en 2012. Même si, nous avons dit que ce serait un tournoi vraiment propre !

LE PRESIDENT: - Naturellement, je souscris à ce que vient de dire M. ZAPATERO. Mais je voudrais simplement dire à la journaliste qui vient de poser une question et qui semble ne pas avoir très bien compris ma réflexion qui devait être mal formulée : j'ai dit que nous avions peut-être 90% d'accords et 10% de sujets qui pourraient être des désaccords mais que nous sommes déterminés à transformer, quoi qu'il arrive, en sujets d'accord. Ce qui veut dire qu'en fait, nous sommes d'accord sur 100% des choses et c'est une volonté politique que nous avons clairement exprimée.

QUESTION: - Je voudrais que le Président ZAPATERO nous dise s'il est vrai que le gouvernement est en train de préparer le référendum pour le 20 février, sachant que l'attitude qui a été prise par les conservateurs espagnols, le parti d'opposition, le parti populaire espagnol dit oui du bout des lèvres, mais en réalité, il n'appuie pas le oui au référendum et il le ferait pour des raisons politiciennes pour attaquer le gouvernement espagnol.

Vous avez parlé de la défaite de l'ETA par ailleurs, est-ce que cela veut dire que vous pensez que BATASUNA va changer d'attitude ?

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - Je l'ai dit à plusieurs reprises, je me suis exprimé souvent sur cette question. L'ETA n'a qu'un seul destin, une seule issue, c'est de mettre fin à la violence et d'abandonner les armes. Pour cela, beaucoup ont fait énormément d'efforts, de nombreux responsables politiques, de nombreux citoyens, ce qui est le plus important, ont fait beaucoup d'efforts. Ceux qui ont gardé le silence, certaines organisations politiques ou certains mouvements politiques qui ont gardé le silence, eh bien, je ne puis que leur répéter ce que je leur ai déjà dit à plusieurs reprises. Pour jouer le jeu démocratique, pour faire partie des institutions démocratiques, il faut condamner la violence, réprouver la violence

Voilà, c'est la seule façon de pouvoir obtenir des responsabilités et c'est la seule façon de défendre ces idées de façon tolérable. On ne peut le faire que si l'on rejette, si l'on condamne la violence. Et mon souhait, comme celui de tous les Espagnols d'ailleurs, c'est de constater qu'un jour beaucoup de ceux qui, pour le moment, détournent leur regard, aient le courage, le courage politique, moral, civique, de dire non à la violence et de condamner les actions violentes de l'ETA. J'insiste, il faut qu'ils aient ce courage. Le courage, c'est la seule garantie de notre liberté.

En ce qui concerne le référendum, notre gouvernement a diffusé le texte de la Constitution à tous les Espagnols. Le gouvernement est tout à fait prêt à organiser des débats, à partager des initiatives avec toutes les forces politiques qui défendent le oui. Et, bien entendu, c'est le cas aussi du parti socialiste avec d'autres partis politiques. Etant donné l'importance de ce qu'est la Constitution européenne, tous nos partis politiques doivent prendre leurs responsabilités face à leurs électeurs et dans le cadre de leur projet politique. Moi, je dois expliquer la responsabilité du parti socialiste et je puis vous dire que le parti socialiste dira oui clairement et fermement. Ce sera un oui en plus argumenté. Ce sera un oui qui expliquera les bienfaits de cette Constitution pour l'avenir de chacun de nos concitoyens.

Et puis, à partir de là, je n'ai plus qu'à dire que je respecte les points de vue exprimés par d'autres forces politiques. Le gouvernement a décidé d'organiser ce référendum et les citoyens, je crois, voient positivement l'organisation de ce référendum. C'est à nous maintenant de leur expliquer le contenu de cette Constitution et je puis garantir à mes concitoyens que nous ferons tous les efforts nécessaires pour expliquer ce qu'est la signification de cette Europe constitutionnelle que nous voulons construire. Mais voilà, je m'en remets ensuite à la parole qui a été donnée par les dirigeants du parti populaire sur leur position en ce qui concerne le référendum sur la Constitution européenne. Et je n'ai aucune raison de douter de la parole donnée par ces dirigeants politiques du parti populaire.

QUESTION: - Monsieur le Président, vous serez donc à Barcelone le 11 février, est-ce que pour vous ce sera une façon de lancer le début de la campagne pour le référendum aussi en France et est-ce que cela veut dire que vous avez l'intention de le faire le plus vite possible ?

LE PRESIDENT: -Chère Madame, je vous répondrai le moment venu à cette question. Je suis dès maintenant engagé dans le soutien au oui. Le Président ZAPATERO me donne l'occasion de le dire en Espagne, j'y suis sensible, et c'est pourquoi j'ai accepté bien volontiers son invitation.

QUESTION: - Une question au Président CHIRAC, si vous le permettez : l'une des premières nouvelles qui soient sorties de ce Sommet, c'est la traversée centrale des Pyrénées dans les plans d'infrastructure de nos deux pays et l'engagement de commencer à étudier les tracés pour l'année prochaine. C'est un grand progrès pour ce projet qui fait partie des priorités de la politique de transport de l'Union européenne. Monsieur le Président, pouvez-vous nous donner d'autres détails, est-ce que vous pouvez nous garantir qu'il n'y aura pas d'entraves politiques, qu'il n'y aura pas de difficultés budgétaires vu que c'est quand même un projet à très long terme ?

LE PRESIDENT: -C'est une décision commune qui a été arrêtée, qui correspond à un vrai besoin. La traversée centrale des Pyrénées, nous nous engageons dans cette voie, et naturellement il faudra le temps de la préparer et de l'exécuter, mais la volonté y est. C'est d'ailleurs ce qu'ont déclaré les deux ministres, espagnol et français. Sur ce point, je vous propose de vous reporter à leur déclaration.

M. JOSE-LUIS ZAPATERO: - J'aimerais ajouter que c'est pour le gouvernement espagnol l'une de nos premières priorités pour notre politique de communications. La liaison centrale des Pyrénées est extrêmement importante pour le développement de la Communauté autonome de l'Aragon. Et comme l'a affirmé notre sommet d'aujourd'hui, ce projet recevra un soutien des deux gouvernements.

QUESTION: - Je pense Monsieur le Président CHIRAC qu'on vous a parlé de la candidature de Saragosse pour l'exposition universelle de 2008, est-ce que l'Espagne va pouvoir compter sur l'appui de la France en la matière, j'imagine que notre Maire vous a déjà posé la question ?

LE PRESIDENT: - Chère Madame, la première chose dont m'a parlé le Président ZAPATERO, avant même d'évoquer les grands problèmes bilatéraux ou internationaux, c'est la question que vous venez de me poser. Et, à peine étais-je arrivé à Saragosse qu'immédiatement le Président de la Communauté autonome d'Aragon me posait la même question, et dès que je suis arrivé à la Maire, avant même que j'ai franchi le pas de la porte, le Maire m'avait également expliqué tous les avantages indiscutables qu'il y avait à retenir, à la fois la candidature de Saragosse, et le programme prévu fondé essentiellement sur l'eau qui est un élément essentiel, chacun le comprend, de la vie de demain.

Alors je ne voudrais pas préjuger du résultat du vote qui interviendra la semaine prochaine, mais je suis tout à fait convaincu de la capacité de Saragosse à accueillir cette exposition en 2008, en rentrant chez moi à Paris ce soir.






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