Point de presse du Président de la République à l'issue de sa visite de travail à Alger.

Point de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l'issue de sa visite de travail à Alger.

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Alger, Algérie, le jeudi 15 avril 2004

LE PRÉSIDENT - Bonjour Mesdames et Messieurs. Je voudrais d'abord saluer et remercier les journalistes algériens, les journalistes français qui ont fait le voyage et les autres qui sont présents. Quelques mots pour faire le point sur ces entretiens que nous avons eus ce matin et je voudrais remercier chaleureusement le Président BOUTEFLIKA pour l'accueil qu'une fois de plus, il a bien voulu me réserver. Cet accueil était à la fois amical et chaleureux, des sentiments partagés.

Il y a un peu plus d'un an, à l'occasion de la visite d'Etat que j'avais faite en Algérie, une visite que j'ai gardé profondément ancrée dans mon coeur, nous avions fait ou réaffirmé clairement ensemble le choix d'une relation à la fois forte, ambitieuse et apaisée entre la France et l'Algérie. Nous avions voulu faire le pari de l'avenir et nous l'avions exprimé en signant une déclaration commune que nous avions appelée avec ambition : la "Déclaration d'Alger". Depuis lors, beaucoup a été réalisé avec l'instauration d'un dialogue politique très étroit, constant, au travers de notre diplomatie, de nos diplomates, de nos ministres qui ont fait de nombreux voyages et au travers de nos propres contacts directs ou par téléphone. Ceci s'est traduit par une forte relance de la coopération entre nos deux pays dans tous les domaines : le renforcement de la présence économique mutuelle et plus généralement le développement des échanges de toute nature entre les membres de la société civile algérienne et française. Il y a aussi eu une forte relance de notre coopération et le très très grand succès, je dirais presque inattendu par son ampleur, de l'année de l'Algérie en France qui a confirmé que tout ceci correspondait bien à quelque chose d'attendu par nos deux peuples.

Si j'ai tenu à venir en Algérie aujourd'hui, c'était naturellement pour saluer le Président BOUTEFLIKA, au lendemain de sa brillante réélection et lui adresser les chaleureuses et sincères félicitations à la fois du peuple français et les miennes. Mais c'était aussi pour redire mon attachement, ma détermination qui est également celle du Président algérien à ce que se renforce sans cesse entre nos deux pays un partenariat qui soit un partenariat d'exception, à la hauteur de ce que je sais être l'ambition de nos deux peuples et à la mesure des défis communs auxquels nous sommes confrontés.

Le peuple algérien a démontré, notamment à la faveur de la campagne électorale qui vient de se dérouler, sa volonté d'aller de l'avant sur le chemin qui lui était proposé, celui de la démocratie, de la justice sociale et de la modernisation économique. La France est plus que jamais aux côtés de l'Algérie dans son important effort de réforme politique, économique, sociale, et la France souhaite contribuer à la pleine intégration de l'Algérie dans l'espace euro-méditerranéen qui est un espace important pour nos deux pays, pour nos deux peuples et pour ceux qui les entourent dans la stratégie politique contemporaine. C'est cela que je suis venu dire au Président BOUTEFLIKA et nos entretiens ont porté sur la mise en oeuvre, la poursuite de la mise en oeuvre de cet élan, qu'ensemble nous avons souhaité donner à nos relations bilatérales. Vous aurez l'occasion de voir dans les mois qui viennent le témoignage de cette volonté confirmée, réaffirmée.

Nous avons également évoqué les questions internationales, comme vous l'imaginez, et en particulier les problèmes du Moyen-Orient. Pour être prévisible, la situation que nous voyons se développer en Iraq n'en est pas moins particulièrement préoccupante. Je voudrais dire d'abord que la France condamne sans réserve toute prise d'otages, que rien ne saurait excuser ou justifier et elle demande que soit immédiatement relâchées toutes les personnes étrangères en l'Iraq et actuellement retenues ou privées de leur liberté. A ce titre, j'ai tenu à exprimer ma sympathie, ma solidarité à l'Italie qui vient d'être durement éprouvée dans ce domaine.

Par ailleurs, j'ai indiqué au Président qui partageait d'ailleurs tout à fait ce point de vue que les affrontements dans plusieurs villes d'Iraq affectent très durement la population civile. On le sait par tous les témoignages que nous avons et on le voit par les images, notamment produites par la télévision. Cette population doit être protégée et l'aide humanitaire doit pouvoir lui parvenir, c'est d'ailleurs une demande qui a été fermement exprimée par le CICR. Nous soutenons naturellement cette position et c'est une responsabilité qui incombe aux puissances occupantes.

Les événements qui se déroulent actuellement en Iraq démontrent qu'au-delà de la sécurité, la solution ne peut être en réalité qu'une solution de nature politique. Elle passe par un transfert rapide, complet, visible de la souveraineté aux Iraquiens eux-mêmes et par la mise en place d'institutions iraquiennes qui soient réellement représentatives, légitimes et pleinement responsables. Et toute option qui ne tiendrait pas compte de la volonté exprimée par le peuple iraquien de recouvrer au plus vite sa totale indépendance serait lourde de conséquences pour la stabilité du pays et d'ailleurs plus largement pour la stabilité de la région. La date du 30 juin doit donc marquer une véritable rupture. Plus que jamais, la France estime qu'une conférence réunissant l'ensemble des composantes de la société iraquienne permettrait peut-être de donner à la transition politique, en attendant des élections, toute la légitimité nécessaire. Nous avons pris note avec intérêt des premières déclarations qui ont été faites à Bagdad par M. BRAHIMI, l'envoyé spécial des Nations Unies. Nous avons confiance dans le jugement que porte M. BRAHIMI sur la situation et nous attendons les conclusions qu'il apportera au Conseil de sécurité des Nations Unies. La France attend donc son retour et examinera, en liaison avec ses partenaires du Conseil de sécurité, dont, vous le savez, l'Algérie fait aujourd'hui partie, le rôle que les Nations Unies pourraient jouer dans le processus de transition politique.

S'agissant du Proche-Orient, la France et l'Algérie partagent les mêmes convictions. Seul un accord négocié reposant sur les principes du droit international et ouvrant la voie à la création d'un Etat palestinien viable peut permettre aux peuples israélien et palestinien de vivre côte à côte dans la paix et dans la sécurité. Rien de durable ne se fera sans une négociation entre les parties. Nul ne peut, en effet, de notre point de vue, préempter les résultats d'une négociation nécessaire.

Les initiatives de retrait que l'on voit aujourd'hui doivent donc s'inscrire, selon nous, dans cette perspective, celle d'un Etat palestinien viable. Pour être durable, la paix doit être aussi globale, répondre aux aspirations légitimes de l'ensemble des peuples de la région et par conséquent concerner toutes les parties au conflit et non pas seulement Palestiniens et Israéliens, - je pense naturellement à la Syrie et au Liban.

Voilà ce que nous avons évoqué avec le Président BOUTEFLIKA. Je repartirai d'ici une fois de plus avec beaucoup de joie dans le coeur quant à la nature des relations qui se renforcent sans cesse entre nos deux pays et surtout entre nos deux peuples.

QUESTION - Vous venez d'évoquer la dernière élection présidentielle algérienne pendant votre intervention. Quel commentaire global avez-vous sur ce scrutin ? Ma seconde question est en relation avec la première. Le parti socialiste français a critiqué votre venue en Algérie en considérant ce déplacement comme une caution aux résultats de ce scrutin sur lequel le PS a émis des doutes. Que répondez-vous ?

LE PRÉSIDENT - Comme vous le savez, l'Algérie a tenu à ce que des observateurs internationaux suivent le déroulement des procédures, comme cela se fait traditionnellement, à la demande des Etats concernés quand ils le souhaitent, par des spécialistes incontestés. Ces spécialistes, ces experts ont fait leur rapport et ont clairement indiqué comme vous avez pu l'entendre en écoutant la télévision ou le lire en regardant la presse, qu'en dehors des incidents normaux qui se passent en toute consultation électorale, cette consultation leur paraissait conforme aux règles de la démocratie. Alors, je ne vois pas au nom de quoi je pourrais me substituer à des experts responsables et mandatés et qui portent un jugement, pour porter un jugement moi-même qui ne pourrait être à ce moment-là que personnel et orienté. Donc je tiens pour acquis ce qui a été de plus une très large victoire qui aurait peut-être pu être contestée si cela avait été à 50/50 mais ce n'était pas le cas. Je ne vois pas, par conséquent, comment, de bonne foi, je peux contester cette élection.

QUESTION - Vous avez parlé de l'aide de la France au progrès social en Algérie. Vous avez récemment encouragé le Roi du Maroc à réformer le statut de la femme au Maroc, est-ce que vous avez également donné des encouragements dans le même sens au Président BOUTEFLIKA et avez-vous parlé du dossier du voile, du foulard islamique qui pourrait être un sujet de préoccupation entre les deux pays ?

LE PRÉSIDENT - Tout d'abord je n'ai pas encouragé le Roi du Maroc, j'ai simplement, le moment venu, approuvé les initiatives qu'il avait prises et je savais que c'était un sujet qui lui tenait à coeur et qu'il avait préparé de longue date car dès qu'on touche aux problèmes d'une société, il faut le faire avec prudence si l'on veut être efficace. C'est ce qu'a fait le Roi du Maroc, je l'ai donc félicité. Je n'ai pas encouragé le Président algérien dans ce domaine, notamment parce que je sais qu'il est aussi dans ses intentions de faire évoluer les choses dans une direction conforme aux aspirations du peuple algérien, en général, et des femmes algériennes en particulier.

Le voile c'est un problème strictement français que je n'ai pas évoqué et que le Président n'a pas évoqué. La loi qui a été votée par le parlement français, vous l'aurez observé d'ailleurs, à la quasi-unanimité, correspond à une conception française de la laïcité que je ne cherche pas à exporter mais qui est la nôtre. Par conséquent, je la défends au nom de la cohésion sociale et de l'unité nationale française et je ne pourrais pas accepter de critiques venant de l'extérieur sur un sujet typiquement français.

QUESTION - Ma question est la suivante : votre opposition à l'égard de James BAKER concernant le Sahara occidental n'est-elle pas hypothéquée par rapport aux relations algéro-françaises ?

LE PRÉSIDENT - Le problème que vous évoquez et qui est un problème qui doit trouver une solution, notamment dans le cadre de l'inévitable progrès vers l'intégration du Maghreb. Ce problème relève de l'appréciation entre les parties. Vous connaissez la position de la France, elle n'a pas changé. Je vous dis tout de suite qu'elle n'est pas de nature à poser la moindre difficulté dans les relations entre l'Algérie et la France.

QUESTION - Monsieur le Président, dans cette entente franco-algérienne, est-ce que l'on pourrait aller dans les prochains mois, encore un peu plus loin que la "Déclaration d'Alger" de l'année dernière ? J'ai une autre question dans un autre domaine, est-ce que vous avez évoqué avec le Président BOUTEFLIKA ce problème des Français qui demeurent encore ici, ceux qui sont encore résidents ici et qui ont des difficultés pour disposer de leur patrimoine ?

LE PRÉSIDENT - Pour le deuxième point, nous avons depuis un certain temps déjà, engagé une discussion qui se fait dans les meilleures conditions possibles et qui, j'espère, aboutira comme cela s'est passé d'ailleurs avec la Tunisie à des progrès significatifs et relativement rapides. Quant à la première question, nous avons évoqué ce problème avec le Président BOUTEFLIKA, compte tenu de la nature de nos relations et de leur évolution récente je pense qu'il serait aujourd'hui justifié de transformer la "Déclaration d'Alger" en un Traité d'Amitié, et je le souhaite pour ma part.

QUESTION - Après la réélection du Président BOUTEFLIKA, lors d'un scrutin jugé par les observateurs conforme aux standards européens, quel en serait l'impact sur la coopération économique et politique entre Alger et Paris d'entendre que votre déclaration vous parlait de nouvel élan ? Deuxième question, quelle sera la position française vis-à-vis du GMO américain ? Je vous remercie.

LE PRÉSIDENT - Ce nouvel élan n'est pas à proprement parler un nouvel élan, c'est la poursuite d'un élan. Et qui devrait se marquer dans les prochains mois par, d'une part, une multiplication des rencontres et des coopérations entre les ministères algériens et français et deuxièmement par une forte amplification de notre coopération sur le plan économique et financier, notamment dans des domaines qui intéressent l'Algérie et où la France peut apporter sa contribution. Le Président a lui-même cité les transports routiers, ferroviaires et aéronautiques, l'eau, la recherche spatiale et un certain nombre d'autres domaines. Vous allez donc sans aucun doute constater dans les mois qui viennent la poursuite, notamment des échanges entre les ministères concernés, dans tous ces domaines pour intensifier nos relations de nature économique mais aussi sociale et bien entendu culturelle.

Pour ce qui concerne l'initiative américaine sur le grand Moyen Orient, je crois que l'on va dire que nous sommes sur la même ligne que l'Algérie. D'une part, nous pensons que toute initiative devrait probablement, pour être efficace, préalablement permettre un progrès substantiel -ce qui n'est pas le cas aujourd'hui- de la paix au Proche-Orient et notamment dans le conflit entre Israël et la Palestine. Deuxièmement, nous considérons que toute impulsion donnée à la démocratie est tout à fait souhaitable, qu'elle ne peut être imposée, elle doit être concertée. Pour bien des raisons, d'abord, parce que l'on n'impose pas, mais au contraire on peut se concerter, dialoguer, coopérer, s'aider mutuellement. D'autre part, parce que les peuples et les pays concernés ont tous des situations et des caractéristiques tout à fait différentes les uns des autres. Il n'y a pas de rapport entre tel et tel pays et tel autre dans le grand Moyen-Orient, ils sont des pays différents et par conséquent ils ne relèvent pas d'une même vocation à appliquer telle ou telle méthode. Donc la méthode qui doit être utilisée c'est naturellement la coopération, le dialogue, la concertation et non pas l'obligation.

Dans cet esprit, nous souhaitons beaucoup que le sommet de Tunis -qui a été reporté, pour des raisons sur lesquelles je ne porte pas de jugement naturellement mais qui a été reporté-, puisse être tenu le plus vite possible. Pourquoi le plus vite possible ? Parce que, comme vous le savez, ce sujet du grand Moyen-Orient doit être mis à l'ordre du jour par les Américains au sommet du G8 qui se tiendra à Sea Island et qui devra en débattre. Il serait donc très important, notamment pour la partie européenne des participants au G8, que la partie arabe se soit préalablement prononcée et ait arrêté une position, si vous voulez, globale, sur laquelle l'Europe pourrait s'appuyer pour les négociations. Celles-ci auront lieu sur le plan politique et de l'impulsion à la démocratie au Sommet du G8 et aussi d'ailleurs sur le plan militaire au sommet d'Istanbul qui, quelques jours après le G8, se fera au sein de l'OTAN.

QUESTION - Vous qualifiez les relations algéro-françaises d'excellentes, en fait, elles ont toujours été qualifiées d'excellentes du moins depuis ces cinq dernières années. Force est de constater que sur le terrain, en fait, le partenariat ne traduit pas réellement la qualité de ces relations à un niveau diplomatique ou à un haut niveau. Je fais notamment référence à la COFACE qui continue de maintenir une situation de frilosité par rapport au marché algérien en maintenant le risque élevé. Je me réfère également à l'accord conclu à Paris lors de la première visite de notre président et qui porte sur la conversion d'une partie de la dette algérienne en investissement français. Contrairement aux Espagnols et aux Italiens qui ont donné des suites, les Français on en n'a pas vu et quatre années plus tard, il y a de quoi s'inquiéter quant à la traduction de ces relations excellentes sur le terrain. Je souhaiterais également savoir dans les entretiens que vous avez eus avec le Président BOUTEFLIKA si vous avez abordé la coopération dans le domaine sécuritaire à savoir la lutte anti-terroriste. En quoi l'expérience algérienne pourrait profiter à la France éventuellement ?

LE PRÉSIDENT - Sur la COFACE, c'est un organisme qui a des responsabilités internationales et sur lequel le gouvernement français n'a pas le pouvoir d'imposer une solution. Ce sont des critères purement financiers. En revanche, sur la conversion de la dette, votre information n'est pas tout à fait exacte, nous en avons d'ailleurs parlé avec le Président BOUTEFLIKA. Il y a déjà une part importante, plus de la moitié dont la conversion a été faite, je me tourne vers notre ambassadeur qui est ici, je crois que c'est déjà au niveau de 60 millions et la suite arrive.

Quant à la coopération sécuritaire, elle est très bonne entre nos deux pays et l'expérience algérienne dans ce domaine est extrêmement utile. Pour ce qui concerne l'ensemble de la lutte contre le terrorisme dans le monde, notamment dans cette partie du monde où se trouvent la France et l'Algérie et en particulier dans toute la partie sahélienne, notre coopération, je vous le dis, est très très bonne. Ce ne sont pas en général des coopérations que l'on étale naturellement en public, mais ce sont des coopérations efficaces.

QUESTION - Vous avez été avec le Président BOUTEFLIKA les premiers architectes de la refondation des relations algéro-françaises. Quels sont les dossiers qui sont encore à prospecter ou ceux qui sont restés en suspens ?

LE PRÉSIDENT - Je pense que l'Algérie souhaite -et je la comprends parfaitement, cela rejoint la question posée par votre prédécesseur-, que la France aille plus vite et plus loin dans le domaine de la reconversion de la dette et d'ailleurs, j'ai indiqué que le ministre français des Finances viendrait en parler ici rapidement avec son homologue algérien. Pour les autres dossiers, les choses se présentent assez bien en règle générale. Les projets sont importants et vous verrez que le dialogue va beaucoup s'intensifier dans les prochaines semaines et les prochains mois : Il y a forcément eu une période d'interruption dans le dialogue à cause de la campagne électorale qui a ralenti les échanges pour des raisons que chacun peut comprendre et nous sommes bien déterminés à reprendre avec beaucoup de détermination cette coopération.

QUESTION - Même si cela n'a pas un rapport direct avec les relations franco-algériennes, les deux peuples algérien et français sont très préoccupés, vous en avez parlé, par les questions de terrorisme. La chaîne Al Arabia vient de diffuser un enregistrement qui est attribué à Oussama BEN LADEN et qui semble authentifié par les Américains qui propose aux pays qui se retireraient des champs d'opération dans des pays musulmans une trêve des attentats pendant trois mois. Est-ce qu'il est possible d'avoir une réaction ou un commentaire là-dessus ?

LE PRÉSIDENT - Je vais vous dire : il n'y a pas de tractation possible avec des terroristes pour une raison simple. Le terrorisme est un acte barbare qui s'attaque à des innocents et qui donc ne peut être justifié par aucune raison ou aucune cause. On ne peut pas se fonder sur des revendications d'ordre politique, religieux, social, quelles qu'elles soient pour justifier des actes terroristes. Rien ne peut justifier un acte terroriste et à partir de là, rien ne peut permettre une discussion quelconque avec des terroristes.

QUESTION - Est-ce que vous avez évoqué avec M. BOUTEFLIKA la question des libertés, particulièrement celles concernant la presse qui est menacée alors que l'on vient d'apprendre ce matin l'arrestation d'un directeur de journal à Oran ?

LE PRÉSIDENT - Je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter, ne serait-ce que parce que j'ignorais cette question que vous venez d'évoquer. La France est très attachée à la liberté de la presse. La lecture de la presse algérienne qui est très nombreuse et très diverse ne me paraît pas relever d'une unanimité de point de vue particulière, c'est le moins que l'on puisse dire. Donc je ne veux pas porter de jugement, je souhaite simplement qu'ici comme ailleurs la liberté de la presse soit respectée.

QUESTION - Est-ce que vous avez évoqué avec le Président BOUTEFLIKA les victimes algériennes des essais nucléaires dans le Sahara et les gens qui sont encore victimes des mines antipersonnel dans le Sahara ?

LE PRÉSIDENT - Dans le Sahara ? Non, je dois dire que nous n'avons pas évoqué ces problèmes.

QUESTION - Quelle est la réaction de la France aux propos tenus hier par M. BUSH et M. SHARON sur le Proche-Orient ? Pensez-vous qu'ils ne mettent pas fin à la feuille de route ?

LE PRÉSIDENT - Nous n'étions pas du tous informés de ces discussions, mais j'ai écouté avec attention ce qui a été dit à la suite des entretiens entre le Président américain et le Premier ministre israélien. Je voudrais simplement dire que tout retrait des territoires occupés constituerait naturellement une mesure positive en soi et je dirais théoriquement.

Toutefois, comme d'ailleurs l'ont rappelé très clairement l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, le 25 mars dernier à Bruxelles, un tel retrait, premièrement, doit s'inscrire dans le cadre de la Feuille de route. Deuxièmement, il doit s'effectuer en concertation avec l'Autorité palestinienne, je vous rappelle la position de l'Europe à laquelle la France souscrit totalement. Troisièmement, ce retrait doit être une étape vers la création, aux cotés d'Israël, d'un Etat palestinien viable. Quatrièmement, ce retrait ne doit pas préjuger ce qu'il appartiendra aux parties de négocier et notamment en ce qui concerne les frontières. Enfin, nul ne peut préempter le résultat des négociations.

Voilà la position de l'Europe et celle de la France. Elle n'a pas été changée par les déclarations d'hier, nous ne pouvons que la confirmer.

QUESTION - Une voix autorisée de l'OTAN s'est exprimée sur les élections présidentielles en Algérie. Au-delà de cette réaction inédite, est-ce que l'OTAN envisage un élargissement vers le sud ? Deuxième question : les sept pays impliqués dans le dialogue OTAN/Méditerranée seront-ils invités au prochain sommet de l'OTAN à Istanbul ?

LE PRÉSIDENT - Premièrement, je ne sais pas qui, au nom de l'OTAN, a porté un jugement sur les élections algériennes. Je ne sais pas quel est ce jugement. Je ne pourrais donc pas apporter une appréciation. Deuxièmement, il n'est, pas de mon point de vue, à l'ordre du jour d'élargir l'OTAN vers le sud. Cela a été clairement indiqué, notamment par la France, à la dernière réunion de l'OTAN au niveau des ministres de la Défense. Ce qui a été décidé, c'est de donner une mission au Secrétaire général de l'OTAN pour consulter les pays concernés et leur demander leur avis. Naturellement, leur avis est à nos yeux déterminant. Nous verrons bien quel sera le rapport sur sa mission que nous fera le Secrétaire général de l'OTAN. Enfin, dernier point, je n'ai pas connaissance d'une invitation faite aux sept pays que vous évoquez à la prochaine réunion d'Istanbul.

QUESTION - A propos du retrait de Gaza, est-ce que ça veut dire que si le retrait de Gaza ne répondait pas à toutes les conditions que vous avez définies tout à l'heure, vous auriez préféré qu'il n'ait pas lieu ? Par ailleurs, hier, il y a eu une grande nouveauté sur la scène internationale qui est quand même que l'intangibilité de la frontière de 1949 a été pulvérisée par le Président des Etats-Unis. Est-ce que vous pouvez nous dire, sur cette frontière de 1949, si pour vous elle reste toujours celle qui doit être intangible ?

LE PRÉSIDENT - Ce qui était la question en réalité c'est la frontière de 1967, mais la question reste la même. Je voudrais d'abord dire que ce qui à mes yeux est fondamental, pour aboutir à la paix, c'est la négociation. Je ne crois pas que la paix s'impose, surtout lorsque cela concerne deux adversaires qui se sont longtemps, longuement combattus. Je ne crois pas que la paix s'impose : elle se négocie et il faut négocier avec un partenaire et non pas avec quelqu'un qu'on choisit, sinon généralement ce n'est pas durable. Alors, seules, je pense, les parties concernées, ensemble et sur la base d'un plan qu'elles ont agréé ensemble, pourront trouver un accord qui les engage et qui conduise à une paix véritable. Et je crains qu'on ne se soit pas engagé sur cette voie. Voilà sur la paix.

Sur les frontières, je considère qu'il y a un droit international et que ce droit international doit être respecté. Par conséquent, je suis réservé sur la remise en cause unilatérale ou bilatérale du droit international parce que je pense que c'est difficile à faire accepter à l'autre partie et ensuite parce que si l'on joue en fonction des circonstances ou des hommes sur la stabilité internationale et les règles de droit international, c'est un précédent fâcheux qui peut être, ensuite, revendiqué par d'autres et dans d'autres endroits, c'est dangereux.

QUESTION - C'est une question sur l'Iraq. Le Président BUSH a souhaité dans sa conférence de presse le vote d'une résolution qui permettrait à d'autres pays de prêter de main forte en Iraq. Je voulais savoir ce que vous en pensez. Est-ce que la France notamment serait prête dans les semaines à venir à participer à une force internationale de protection du personnel de l'ONU ?

LE PRÉSIDENT - La question n'est pas du tout à l'ordre du jour. Nous pensons, et je vous l'ai dit tout à l'heure, je ne vais pas me répéter, que le transfert de la responsabilité réelle et complète à l'ONU est une nécessité. Je veux dire, il y a d'abord le transfert à des autorités iraquiennes reconnues et ensuite pour la gestion de l'ensemble, une responsabilité de l'ONU. Pour le moment, nous sommes loin de cette situation. Dans ce contexte, il est tout à fait hors de question que la France puisse répondre de façon positive à une demande de présence militaire en Iraq.

QUESTION - Monsieur le Président, ne pensez-vous pas que l'initiative américaine, le grand Moyen-Orient, est venu beaucoup plus pour bousculer ou contrecarrer les ambitions de l'Union européenne, notamment celles de la France, de conquérir la rive sud de la Méditerranée ? J'en voudrais pour preuve la réunion de Stuttgart qui a réuni les Américains avec les chefs d'état major du Maghreb et des pays du Sahel. Ils viennent d'adopter le principe de la création d'une alliance stratégique de lutte antiterroriste. Est-ce que vous ne pensez pas que c'est un pas gigantesque que les Américains ont franchi dans ce sens ?

LE PRÉSIDENT - Je crois que tout ce qui permet de renforcer la lutte contre le terrorisme est positif et donc que les Américains soient soucieux notamment dans cette partie du monde, de renforcer la capacité de lutte contre le terrorisme me paraît tout à fait positif. Cela ne me semble pas créer de difficulté pour quiconque. En tous les cas, cela n'en crée pas pour la France. Je vous remercie.





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